Ranger à Alola

Chapitre 15 : Une mission sûre : Jour 1

2947 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/12/2023 20:47

Une mission sûre : Jour 1

 

« Motisma est un Pokémon qui a un corps constitué de plasma et dont la forme générale s’approche d'un paratonnerre. L'invention d'un jeune génie de Kalos a permis de mettre à profit les compétences de ce Pokémon et de créer le Motisma-dex. En effet, grâce à ses types Spectre et Electrique, Motisma peut hanter et contrôler les appareils électriques, son jeu favori. »

Pokédex d’Alola

 

J’arrivais au point de rendez-vous au jardin de Malié trente minutes en avance, le soleil n’avait pas tout à fait fini de se lever, et j’espérais en profiter pour visiter le parc. C’est alors que j’aperçus Moon qui y était déjà, attendant à l’entrée, jouant avec une Coxyclaque à se taper dans les mains.

Bon sang ! Eh bien je pouvais oublier ma petite visite touristique.

Que faire ? Moon devait être arrivée encore plus tôt que moi et semblait bien installée à jouer avec les petits Pokémon insectes autour d’elle. Avais-je le courage d’aller la voir pour tenter une conversation, la remercier et lui tendre la main une fois encore ? On avait déjà pourtant vécu quelques aventures, si ça n’avait pas fonctionné ensemble durant nos péripéties volcaniques, pourquoi ferait-elle soudain un effort ?

D’un autre côté, si j’étais amené à la côtoyer pendant un temps encore indéfini, autant essayer de s’entendre, je n’avais rien à perdre.

Je m’approchai donc doucement d’elle pour ne pas effrayer les insectes butineurs qui jouaient autour d’elle. J’étais encore à quelques pas de Moon quand elle prit aux bras un petit Pokémon arachnoïde disposant d’une bulle d’eau tout autour de sa tête. Il avait l’air de bien s’amuser et c’est alors que je vis pour la première fois son sourire.

Moon souriait. Un sourire simple et innocent qui s’agrandit en voyant Candine qui avait quitté le sac dans lequel je l’avais transportée pour courir vers son amie dresseuse. Un sourire qui s’estompa quand elle s’aperçut que j’étais là aussi, et qui se changea en une moue gênée, le visage penaud d’une enfant prise en train de jouer à un moment inapproprié.

Sentant venir un lourd malaise je suggérai :

— On peut se rapprocher de la navette puisqu’on est déjà là. Tu m’y emmènes ? J’ai pas mal de matos à transporter alors autant s’y prendre dès maintenant…

Je désignai la dizaine de sacs à quelques mètres de là sous la bonne garde de Mangriff. Je vis dans ses yeux qu’elle était clairement dubitative de l’utilité de tout ceci. Elle ne dit cependant rien et m’emmena jusqu’au bus dont le chauffeur nous aida à charger le véhicule pour que l’on parte au plus tôt.

***

Une fois sortis à l’air libre, dans le vent fort et glacé de la montagne, il fallait vider le coffre de la navette de toutes mes affaires. Effectivement, nous ne semblions pas partis pour une excursion en pleine nature comme la première fois, mais plutôt pour passer un sympathique séjour haut-de-gamme dans un observatoire et laboratoire scientifique.

Mais bon ! Mieux valait prévoir que de se retrouver contraints à rentrer.

Molène le responsable et notre guide nous aida à transporter tout mon matos à l’intérieur là où l’on passerait, nous dit-il, deux jours et deux nuits. Mais comment pouvait-il savoir à l’avance combien de temps prendrait la résolution de son problème de Pokémon enfermés ? Le pire était encore la petite pièce servant de chambre commune pour Moon et moi. Nous avions certes déjà partagé une tente, mais là c’était différent.

Si la première fois les conditions étaient spartiates car il s’agissait d’une mission dangereuse, cette fois-ci Moon avait apporté sa petite valise et avec trousse de toilette et pyjama pour passer quelques jours en vacances à la montagne. Il n’était visiblement pas question pour elle de dormir avec les vêtements de la journée passée. Certes, elle aurait eu tort de se vêtir de haillons (surtout par le froid mordant qui régnait même à l’intérieur et faisait déjà blanchir mes doigts), cela dit cette nouvelle cohabitation, cette proximité forcée, n’était pas très à mon goût.

Je revins à la réalité quand notre visite arriva à son terme, devant cette énorme porte blindée pleine de bidules électriques qui me laissait de marbre quand Molène en semblait si fier. Moi j’aimais être en extérieur à travailler au contact des Pokémon sauvages, et j’avais toujours eu du mal avec les machines électriques modernes.

— C’est cette porte qui cause tous nos ennuis, commença notre guide. Nos Chrisapiles qui jouent d’habitude le rôle de batterie sont enfermés depuis cinq jours sans que l’on ait pu rentrer une seule fois.

Molène était un type aussi malingre que calvitié, à l’âge incertain entre le quadragénaire négligé qui se laisse aller et le jeune sexagénaire figé dans le temps par ses recherches pour lesquelles il semble vivre. Il se grattait tantôt ses éparses cheveux gris, tantôt son inégale barbe indisciplinée, semblant ne pas vraiment s’inquiéter outre mesure de ses propres mots.

— Je ne comprends pas, repris-je, c’est grave ? Ne pouvez-vous pas simplement couper le courant et ouvrir la porte manuellement pour récupérer vos Pokémon ?

— Bah c’est-à-dire… Oui c’est un peu grave. Si un Chrisa se met à fatiguer plus vite que les autres, ses compagnons vont compenser et ils risquent tous la surcharge, d’autres vont tomber K.O. à leur tour et ne plus pouvoir contenir l’électricité qu’ils ont eux-mêmes créé. Finalement, c’est le système électrique entier qui sera en surcharge, et à ce moment tout l’observatoire pourrait exploser.

Même à ce moment, il avait toujours l’air plutôt détendu en expliquant son scénario catastrophe. Drôle de bonhomme.

— Je vois, fis-je soudain un peu affolé, je comprends les risques, mais vous n’avez pas répondu, pourquoi ne pas juste couper le courant ?

— Eh bien, oui, ce serait le mieux… dit-il en se grattant encore sa tête quasi chauve et repositionnant ses petites lunettes. En fait, ce sont aussi les Chrisapiles qui apportent l’électricité à l’observatoire en cette saison quand le soleil se fait timide et le vent trop fort. On ne sait pas vraiment ce qui a causé leur sursaut d’activité pour qu’il se mettent à générer du courant en plus, surtout que normalement, le verrou est sur un circuit indépendant, mais depuis ce jour-là ils se sont mis en court-circuit avec la porte.

— Vous voulez dire qu’ils sont en train de cuir là-dedans en supportant un court-circuit ?! C’est une blague !?

— C’est que ce n’est pas censé arriver, ils se sont eux-mêmes branchés avec la porte, c’est vraiment étonnant qu’ils soient devenus fous comme ça… Mais pas d’inquiétude, hein ! Ces Pokémon peuvent supporter une forte intensité et un effet joule important. Moon, ton Motisma-dex peut nous en dire en peu plus sur les chiffres ?

Je l’avais oubliée celle-là, si silencieuse, si effacée… Quand il n’y avait pas d’action ou de combat, elle semblait tout à coup moins utile.

« La résistivité d’un Chrisapile augmente avec son Niveau et sa taille de façon linéaire ! Heureusement leur capacité à résister l’échauffement aussi ! Mais plus ils sont grands, plus il est difficile pour eux de dissiper cette chaleur à cause de l’écart grandissant entre la surface qui évolue en ordre 2 et le volume qui évolue avec un ordre 3 en fonction de la taille ! »

— D’accord… Et en termes compréhensible par le commun des mortels ? Viens-en aux faits Motis-truc !

« Leur niveau et donc leur taille doivent être équivalents pour travailler ensemble il n’y aura donc pas de maillon faible ! D’après mes données ils sont tout au plus 11 Chrisapiles à l’intérieur ! Pour des niveaux 20 leur survie sous une intensité maximale créée par 11 Chrisapiles est de 5 jours, pour des niveaux 45 leur survie est estimée à 11.25 jours. »

— Nom d’un chromatique ! Tout ça pour ça ! C’était long ! Puisqu’on a un peu de temps, on va pouvoir réfléchir à une solution, et non dangereuse si possible… Molène, y a-t-il un moyen depuis l’intérieur de forcer l’ouverture de la porte ?

— Oui, bien sûr.

Il se tourna aussi vers Moon et continua :

— Il existe une ouverture de secours en effet, car si on venait à être coincé à l’intérieur avec les portes verrouillés par sécurité, il faudrait quand même pouvoir sortir. C’est un petit appareil à moteur à l’alimentation indépendante, il suffira qu’il soit en fonctionnement durant un moment et il enclenchera l’ouverture de la porte blindée.

À ces paroles, la Maître d’habitude impassible et imperturbable avait l’air soucieuse, inquiète même ? Ce plan était-il trop risqué ?

Elle rangea en vitesse son Pokédex dans son sac à main tandis que Molène enchaîna à mon intention :

— Catherine… Nous savons maintenant que nous avons du temps. Prenons du recul pour analyser la situation. Un scientifique ne donne jamais d’avis sans avoir exploré l’ensemble l’espace des solutions. Allons, venez déjeuner avec nous ! Vous devez être affamé. Je suis sûr que vous n’avez rien avalé depuis votre départ !

J’acceptai et acquiesçai, peu d’autres possibilités s’offraient à moi s’il ne voulait pas investiguer plus. Je le suivi à travers un nouveau dédale de couloirs, et finalement nous débouchâmes sur une immense cantine, une pièce vide si ce n’était toutes les chaises rangées sur les nombreuses tables qui occupaient un peu l’espace.

— Il n’y a pas grand monde, fis-je remarquer.

— C’est vrai que ces dernières années on est de moins en moins nombreux à travailler à l’observatoire. Il faut dire que la plupart des chercheurs et ingénieurs sont partis travailler à Paradis. Les opportunités et financements ne manquent pas là-bas. Forcément ça fait vide ici. Et triste…

— Oh, je vois. J’en suis désolé mais c’est vrai que le Paradis Æther a de quoi attirer les regards.

On s’assit à une grande table déserte après avoir pris le plateau-repas du jour.

— Heureusement on peut continuer à faire quelques études pour le Centre de Recherche Inter-dimensionnel avec Professeur Pimprenelle principalement. Les UC sont loin d’avoir livrés tous leurs secrets.

— Hum, pardonnez ma question mais… Qu’est-ce que vous faites au juste ?

— Ah, c’est très simple ! s’exclama-t-il. On observe les régions ultra-denses de l’Univers à la recherche de singularités gravitationnelles négatives – qui expulseraient de la matière donc – et alors on essaie d’établir une connexion entre le trou blanc et un trou noir aux paramètres opposés ailleurs dans le cosmos. Ce qui serait bien sûr signe d’un trou de vers, une faille spatio-temporelle si vous préférez.

Hum, très simple qu’il avait dit, en effet. Je ne cherchais même pas le lien avec les Ultra-Chimères dont je ne connaissais d’ailleurs rien.

Ce n’est qu’alors que je remarquais l’absence de Moon à nos côtés.

— Oh, ne vous en faites pas pour elle, c’est une solitaire après tout notre chère Moon ! Et puis elle connaît les lieux comme sa poche !

En même temps qu’il mangeait il était constamment en plein calcul sur feuille de papier déjà pleine de symboles indéchiffrables et posée juste à côté de son repas.

— Ce n’est pas que je m’inquiète pour elle, continuai-je, c’est seulement que je pensais que l’on resterait ensemble… Enfin, à quoi bon, elle n’aurait pas beaucoup apporté à la conversation.

Nous finîmes de déjeuner et Molène m’entraîna avec lui pour me montrer sur quoi il travaillait, courant d’un bout à l’autre du site, me laissant peu l’occasion d’admirer la vue à mon grand regret.

J’y avais peu prêté attention jusqu’ici, d’abord soulagé de retrouver la terre ferme après tant virages, et puis Molène nous avait embarqué immédiatement. Pourtant le décor sublime valait bien qu’on si attarde.

Deuxième point le plus haut de la région, le mont Hokulani offrait un panorama entier sur l’archipel avec en prime le sommet majestueux d’Alola, Lanakila, où se tenait la ligue Pokémon fierté des habitants.

À l’horizon, tout autour de moi, où que je regarde, l’océan infini miroitait de mille éclats même sous la couverture nuages qui se formait au-dessus et qui ne le rendait que plus magistral. Sur le sommet érodé du Mont avait été bâti l’observatoire, mais autour les parois du python rocheux étaient abruptes et à l’exception du col duquel nous étions venus, ces falaises offraient une vue directe sur l’île et les habitations en contre-bas.

La météo encore clémente, laissait le soleil me réchauffer un peu malgré le vent qui hurlait, faisant bourdonner mes oreilles et traversant mes couches de vêtements aussi facilement qu’un simple pull de laine.

La montagne était chauve et à cette altitude seuls quelques rares amas de hautes herbes prospéraient dans les creux côté Ouest à l’abri du vent du large, laissant la neige et la roche maîtresses de toutes les surfaces. Avec de telles rafales par temps ensoleillé, lorsque le blizzard sévissait ici, le Mont Hokulani ne devait avoir beaucoup à envier au Mont Couronné de Sinnoh largement réputé pour son climat extrême : survivre à de telles conditions relèverait du miracle. C’est ce que j’aimais dans la haute montagne et qui manquait à Hoenn, le risque omniprésent, le danger forçant à la prudence à chaque instant…

— Catherine ! Vous venez ?! Je vais vous montrer la coupole de l’observatoire.

— C’est gentil mais je dois rentrer, la petite Candine m’attend et elle s’inquiète quand elle ne me voit pas pendant trop longtemps.

Je ne laissais pas à Molène le temps de répondre et de me retenir encore et je filais dans la chambre.

J’y trouvais Moon et son Motisma-dex qui jouait avec Candine. Je fus surpris de la voir déjà en tenue de nuit alors qu’il n’était que 18 heures 30.

— Je suppose que tu n’iras pas au repas de ce soir ?

— …

— Bien, comme tu veux.

Je caressais les délicats calices de Candine et sortis prendre l’air. J’étais quand même surpris de voir que Moon ne portait pas de pyjama Rondoudou, Togepi, ou je ne sais quel mignon petit Pokémon. J’avais peut-être tort de la voir comme une enfant, après tout, elle devait avoir près de 20 ans si son départ pour le Tour des Iles remontait à huit ans !

Le repas du soir, étonnamment délicieux me sortit la jeune fille de la tête et je réussi même à éviter Molène qui m’aurait sans doute encore assommé de ses théories scientifiques incompréhensibles.

Deux heures après l’avoir quitté j’étais de retour dans la chambre qui ressemblait à s’y méprendre à un congélateur. Moon, imperturbable assise sur le bord du lit superposé face au mien, jouait à je ne sais quoi avec l’écran de son Pokémon-appareil et c’est pour ça que je fus très surpris quand je m’assis sur mon lit et sentis de la chaleur sous les couvertures. Moon y avait déposé une Pierre Feu pour tenir au chaud le petit Pokémon Plante et tout mon lit par la même occasion.

— Merci Moon, dis-je tandis que je m’asseyais à côté de Candine.

Je remarquai alors qu’elle avait détaché ses longs cheveux châtains pour la première fois.

— Ça te va bien tu sais, les cheveux libres. Tu fais un peu plus femme comme ça.

En guise de réponse, elle se précipita dans son lit et rabattit la couverture sur elle en me tournant le dos.

Quoi encore ? J’avais essayé de lui faire un compliment, ça ne lui plaisait pas ? Je croyais pourtant que les femmes aimaient les compliments… Pourquoi étaient-elles si compliquées ? Et elle en particulier ? J’abandonnais l’idée de la comprendre.

 

Après toutes ces frustrations, je ne tardais pas à m’endormir dans mon lit juste assez réchauffé par la Pierre Feu. Le lendemain serait une journée grave pour l’observatoire mais aussi pour Alola tout entière, il était primordial de prendre un maximum de repos.

 


 


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