Entre infini et au-delà

Chapitre 109 : We are the storm

2096 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/07/2018 22:05

Cassy massa ses poignets endoloris, pendant que des morceaux de cordelette tombaient sur le matelas. Sven l'avait détachée avant de regagner le coin de la pièce où il se tenait à son réveil. L'adolescente fit basculer ses jambes hors du lit pour s'asseoir, sans le lâcher des yeux. En sa présence, il valait mieux ne pas baisser sa garde.

- Tu ne m'as pas répondu, souligna-t-elle. Et je doute que le fait que tu m'aies libérée signifie que je puisse partir tranquillement d'ici.

- Non, en effet. Surtout que tu n'irais pas loin sans tes pokémon.

Pour la première fois, Cassy réalisa qu'elle n'avait plus ses pokéball. Ni celles de Dracolosse, Dracoli et Draby, ni les trois vides des dragons restés au Pokéathlon. D'instinct, elle balaya la pièce du regard, s'attendant à repérer les sphères rouge et noire.

- Dans le tiroir de la table de chevet, indiqua Sven. Mais ne les touche pas. Nous n'en avons pas terminé, toi et moi.

Cassy, qui avait déjà esquissé un geste en direction du meuble, ramena le bras le long de son corps. Le fils d'Hélio ne la menaçait pas et, le temps qu'il réagisse, elle aurait pu s'emparer de l'une des ball. En dépit de cela, elle ne tenait pas à lui désobéir, du moins dans l'immédiat. Elle préférait entendre ce qu'il avait encore à lui dire.

- Il faut que tu reviennes, annonça Sven avec le plus grand sérieux.

- Je te demande pardon ?

- Tu dois faire amende honorable et regagner les rangs de la Team Galaxie de ton plein gré dans les plus brefs délais.

- Si je suis partie, Sven, ce n'est certainement pas pour revenir, répliqua Cassy. Je ne servirai pas ton père, et encore moins mon frère, et je ne les laisserai pas relâcher des Dragons aussi fous furieux qu'eux dans ce monde.

- Tu n'as pas le choix. Tu n'as aucune idée du sort qu'Hélio te réserve.

- Quoi ? Il compte me tuer ? Et la Confrérie, il n'y tient plus tant que ça ?

- Au contraire... Il est prêt à tout pour réunir les glyphes. Absolument à tout, et ce qu'il a prévu pour toi est nettement pire que la mort.

Cassy se mordit la lèvre. Si Sven interprétait la situation avec une telle gravité, lui qui avait plutôt tendance à se réjouir de la souffrance d'autrui, il y avait réellement de quoi s'inquiéter. Avec un trémolo dans la voix, elle s'enquit :

- Quoi ?

- Créhelf. La légende veut que son regard ait le don d'effacer intégralement les mémoires. Hélio veut faire de toi une coquille vide, un pantin sans souvenir, qu'il pourra manipuler à sa guise. Une fois débarrassée de tout ce qui fait de toi ce que tu es, tu lui appartiendras corps et âme.

Le souffle manqua à Cassy. Elle se doutait que le chef de la Team Galaxie n'avait pas pour projet de l'éliminer, mais Sven avait raison. Ce qu'il comptait faire d'elle était plus ignoble encore.

- Vous n'avez pas Créhelf, tenta-t-elle. Vous...

- Ce n'est qu'une question de temps. Ton crétin de frère a achevé la confection des gants de combat, après quoi il a commencé à donner un coup de main à l'équipe en charge du contrôle des légendaires. Ils avancent à pas de géants. Ils pourront très bientôt maîtriser les Cré's, et ils n'auront plus qu'à perfectionner la technologie pour les Dragons.

- Les Dragons ne se laisseront pas soumettre par des bidules électroniques ! L'intelligence d'Éric a beau être ce qu'elle est, elle ne pourra jamais rivaliser avec la puissance de divinités primaires. Tout ce que vous allez faire, c'est libérer des monstres qui détruiront ce monde, sans vous en bâtir un nouveau pour autant. C'est ça que vous voulez ? Il y a tout à perdre et rien à gagner.

Sven abandonna le fauteuil sur lequel il était affalé pour se mettre à arpenter la pièce, les mains dans les poches. Cassy le suivit du regard, jusqu'à ce qu'il finisse par s'arrêter pour s'appuyer contre le mur, juste en face d'elle.

- Et toi ? lâcha-t-il alors. Qu'est-ce que tu veux ? Et qu'est-ce que tu espères retirer de tout ça ?

- Comment ça ?

- Tu viens de m'assurer que tu étais toute seule, Cassy, et malgré ça, tu as vraiment l'intention de te dresser en travers de notre chemin ? Si nous ne te tuons pas et que tu as raison pour les Dragons, ce sont eux qui le feront. Qu'est-ce que ça t'apportera ? Et même si tu réussis, par je ne sais quel miracle, qu'est-ce que ça changera ?

- L'humanité survivra.

- Et après ? Tes parents seront toujours des traîtres qui t'ont volé ta vie. Ton frère sera toujours un cinglé de première catégorie. Sylvain sera toujours ton cousin.

- Une minute... coupa Cassy. Qui t'a dit que...

- Je suis un espion, rappela Sven. Bien plus qu'un tueur. C'est mon rôle de savoir absolument tout, même si, entre nous, je ne comprends pas ce que tu peux trouver à une chiffe molle pareille.

Cassy garda le silence. Penser à sa famille éveillait encore en elle des sentiments paradoxaux. Si son affection pour Sylvain demeurait la même, la haine que lui inspirait Éric et la rancœur qu'elle éprouvait à l'égard de ses parents ne cesseraient jamais de grandir.

- On ne gagne rien à se battre du côté de la lumière, poursuivit Sven, parce qu'on ne vit pas dans un monde manichéen. Arceus ne récompense pas les bons, et il ne châtie pas les mauvais. Il ne fait rien du tout. Et nous quoi ? On devrait l'imiter ? Rester là, sagement à notre place ?

- Et si c'était justement ça, notre rôle ? répliqua Cassy en revenant à la réalité. Quand Éric m'a raconté l'histoire de la Confrérie, il m'a expliqué qu'elle était destinée à ramener l'équilibre. Tu crois vraiment que c'est en livrant ce monde au chaos que...

- Ce monde n'a aucune valeur. Il a été créé par Arceus, et Arceus était loin d'être lui-même quelqu'un d'équilibré. Il a banni Lilith et persécuté ses amis pour un crime qui n'en était pas un. Réponds-moi franchement, Cassy. Pourquoi est-ce que tu n'es pas avec Sylvain, puisqu'il est évident que vos sentiments sont réciproques ?

- Parce que nous sommes cousins.

- Et qui a décrété que c'était mal ? La morale. Cette même morale au nom de laquelle Arceus a interdit à Lilith et Giratina de s'aimer. Imagine-toi un autre monde où nous serions libres de faire absolument tout ce que nous voulons, où...

- Ce serait un désastre aussi. Même au sein de la Team Galaxie, vous n'êtes pas capables de vous supporter. Éric, toi, les Commandants... Vous vous haïssez. Je peux te retourner la question, Sven. Toi qui as le meurtre facile, pourquoi est-ce que tu ne t'es pas encore débarrassé d'eux ? Oh, c'est vrai... Parce que ça ne plairait pas à Papa. Comme quoi, on a tous une ligne de conduite à ne pas dépasser. Pas besoin d'Arceus pour ça.

Cassy devina à l'expression de Sven qu'elle avait marqué un point. Lui d'ordinaire si éloquent, il semblait ne savoir que répondre. Plutôt que de perdre l'avantage, la jeune fille en profita pour enfoncer le clou :

- Je ne suis pas sûre de très bien te connaître, Sven, mais j'ai l'impression que tout ça ne te ressemble pas. Cet univers utopique dont rêve ton père... Tu t'imagines réellement vivre comme ça ? Toi qui abhorres les règles et les ordres ? Toi qui passes ton temps à ignorer la hiérarchie et à n'en faire qu'à ta tête ? Qu'est-ce qui arrivera, une fois que tu seras là-bas ? Tu t'ennuieras à mourir.

- C'est l'une des raisons pour lesquelles j'essaye de te convaincre de revenir. Tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez, ange noir. Pense à ce que nous pourrions faire, toi, le dragon, et moi, le fils d'Hélio. Ensemble, nous deviendrions les maîtres absolus de ce nouveau monde. Mon père a toujours été prêt à s'incliner devant la meneuse de la Confrérie, et même Éric n'aurait pas d'autre choix que de courber l'échine devant nous.

- Le pouvoir ne m'intéresse pas, répliqua Cassy.

- Et la vengeance ?

Bien que la jeune fille ait entrouvert la bouche pour rétorquer, aucun son n'en sortit. Comprenant qu'il avait repris l'ascendant, Sven continua :

- Quelle plus belle revanche pourrais-tu prendre que celle qui te mènera au sommet ? Éric en crèverait de jalousie, et je sais que rien ne te ferait plus plaisir. Sans parler de Jupiter... J'ai cru comprendre qu'elle avait abattu l'un de tes pokémon, et pas n'importe lequel. Ton fidèle Galopa, que j'ai moi-même connu à l'époque où il n'était encore qu'un petit Ponyta. Tu pourrais lui rendre la pareille, évidemment, mais ce ne serait pas un peu trop facile ? Pourquoi se contenter de tuer quelqu'un quand on peut le regarder souffrir mille morts ?

Cassy ne releva pas, tentant de refouler la bouffée de haine qui l'avait assaillie au souvenir de son cheval de feu étendu sur le sol dans une flaque de sang, le corps perforé les balles du Commandant. Ses poings se contractèrent instinctivement, un détail qui n'échappa pas à Sven.

- Et surtout, conclut-il avec un sourire goguenard, ce serait une sorte de triomphe sur Arceus.

- Arceus ? répéta Cassy dans un murmure.

- Éric a toujours prétendu qu'enfant, tu étais très pieuse, mais lorsque je te vois maintenant, je ne peux pas croire que ce soit encore le cas. Il n'y a aucune déférence, aucune crainte respectueuse dans ton regard lorsque j'évoque le nom de l'Alpha. Seulement une rage plus farouche que celle qui t'anime quand tu penses à ton frère, et il y a de quoi. Dans ta vision où les Dragons sèment la destruction sur leur passage... Où est Arceus ? Que fait-il pour les arrêter ? Laisse-moi deviner... Rien, n'est-ce pas ? Alors pourquoi est-ce que ce serait à toi de te sacrifier pour un monde dont même son créateur n'a que faire ?

Cassy songea aux mises en garde de Lilith. La Première avait d'abord cru qu'Arceus tuerait tous ceux qui tenteraient de s'approcher des Cré's, avant de comprendre qu'il laissait la Team Galaxie agir à sa guise dans le seul but de voir Palkia et Dialga être libérés, deux alliés de poids dans sa lutte contre elle et Giratina. Il se moquait bien des conséquences, en particulier pour l'humanité. Tout ce qui comptait, à ses yeux, était son propre combat. Le reste ne serait que des dommages collatéraux.

- Aurais-je touché la corde sensible ? susurra Sven en prenant le menton de Cassy entre ses doigts.

Elle ne chercha pas à se dégager, pas plus qu'au moment où il l'embrassa. En réalité, elle était perdue dans ses pensées. Le discours de Sven avait eu son petit effet sur elle. Il n'était pas le fils d'Hélio pour rien : son charisme et son éloquence n'avaient rien à envier à son père.

- Il n'est pas trop tard, murmura-t-il à son oreille. Tu peux encore prendre conscience de ton erreur et accepter l'immense destin qui s'offre à toi.

Sa bouche glissa le long de la mâchoire de Cassy jusqu'à sa gorge, qu'il embrassa fiévreusement avant de déboutonner un par un les boutons de son chemisier, sans qu'elle ne lui oppose la moindre résistance. Quand Sven s'apprêta à la débarrasser de son haut, cependant, elle le retint par les poignets.

Elle se mit alors debout, prenant le jeune homme par surprise, et le fit basculer à sa place, sur le lit. Elle lui retira le T-shirt noir qu'il portait, révélant la musculature parfaite de son torse, et s'assit à califourchon sur ses genoux, tout en passant ses bras autour de son cou.

- Je sais exactement ce que j'ai à faire, déclara-t-elle avant de l'embrasser.

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