Une étourvol dans une cage dorée.

Chapitre 7 : Libérateur

4838 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:10

Trois jours plus tard, à l'heure du déjeuner, quelqu'un vint frapper à la porte de l'office de Jean-François De Richemensueur.

« Entrez. »

François ouvrit la porte et pénétra dans la pièce. Le patriarche se trouvait assis à son bureau, l'air excessivement sérieux et concentré, il était plongé dans la lecture des bilans financiers de ses usines à Hoenn. Il ne prit pas la peine de relever la tête.

« Tu voulais me voir François ?

- Oui père, répondit le jeune homme en verrouillant la porte derrière lui. L'aristocrate s'avança dans la pièce. Il s'arrêta devant le secrétaire de son paternel et alla droit au but.

- Père je m'inquiète pour Marguerite. Je la soupçonne d'avoir un amant. »

Cette fois, Jean-François s'arrêta de travailler. Il leva très lentement les yeux vers son fils.

« Tu l'as surprise ? Demanda le père d'une voix lente et rauque.

- Non mais je la vois souvent tourner autour du cabanon.

Monsieur De Richemensueur se massa les tempes, il semblait fatigué et irrité.

- Je ne te le demanderai qu'une seule fois François et après nous n'en reparlerons plus. Nous comprenons nous ?

- Oui père.

- Que s'est-il ENCORE passé dans ce cabanon pour que tu accuses ta sœur de ce genre de chose ?

- J'étais déjà dans le cabanon, en agréable compagnie, avoua François sans la moindre gêne. Mais Marguerite est entrée, très joyeuse et lorsqu'elle m'a vu elle n'a eu l'air ni choquée ni offusquée, juste déçue qu'il ne s'agisse que de moi... Elle s'attendait à trouver quelqu'un d'autre dans cette cabane, j'en suis persuadé. »

Le père se leva de son bureau et alla méditer à sa fenêtre. Il lança au passage quelques regards assassins au cabanon de jardin. Si seulement cette masure ne pouvait être qu'un simple local pour les outils de ce jardinier fainéant... Le raser définitivement serait aussi une solution.

Tandis que le père se murait dans le silence, François tenta une relance.

« J'ai voulu questionner Marguerite mais elle m'a tenu tête. Père, elle cache quelque chose, je ne la reconnais plus. J'ai peur qu'elle finisse par faire une bêtise.

- Pour l'amour du ciel François, la seule chose qui te préoccupe c'est ton propre destin alors tais-toi et laisse-moi réfléchir.

- Bien Père. Je peux disposer ?

- A ton avis ? »

François ne perdit pas une seconde de plus et fila à l'anglaise, il avait rarement vu son père aussi énervé, il ne valait mieux pas rester dans les parages sinon Marguerite ne serait pas la seule à subir son courroux.

Aussitôt que François eut fermé la porte du bureau, Jean-François tira sur un gros cordon rouge qui pendait à côté de son secrétaire. Moins de vingt secondes plus tard, un serviteur pénétra dans la pièce.

« Monsieur a besoin de quelque chose ?

- Vas me chercher Madame Piafabec sur le champ.

- Tout de suite Monsieur. »

La porte à nouveau close, le patriarche se replongea dans ses pensées, le regard figé sur le cabanon en contrebas. Il ne fit pas attention au temps qui s'écoulait, seule la voix sèche de Madame Piafabec qui se trouvait désormais derrière lui le sortit de ses réflexions.

« Vous m'avez fait mander Monsieur ? Demanda la vieille femme, non sans une certaine angoisse dans la voix.

- Où se trouve ma fille en ce moment ?

- Dans la bibliothèque Monsieur. Elle étudie la botanique aujourd'hui.

- Très bien. Donnez-lui suffisamment de travail pour plusieurs heures, qu'elle ne sorte sous aucun prétexte. Pendant ce temps, prenez l'une des femmes de chambre de mon épouse avec vous et allez fouiller les appartements de Marguerite.

- Oui, euh... Que dois-je chercher Monsieur ?

- Tout ce qui vous paraîtra suspect. » Répondit l'homme sans plus de détails, mais Madame Piafabec connaissait son travail.

« Bien Monsieur. »

La gouvernante s'inclina et s'empressa de quitter la pièce, elle aussi avait senti la tension qui régnait dans le bureau et dans l'esprit du patriarche.

 

Madame Piafabec et Suzon, une domestique, fouillaient tour à tour les armoires, les commodes, les étagères et tous les recoins de la chambre de Marguerite. Il n'y avait rien d'inhabituel aux yeux de la vieille gouvernante, elle connaissait la pièce par coeur. Elle connaissait même le cabinet de toilettes par coeur. Elle n'attendait jamais les ordres du Maître pour fouiner dans les affaires de la cadette et vérifier qu'elle n'était pas pervertie par quoi que ce soit. Mais une fois de plus il n'y avait rien de rien.

Madame Piafabec passait en revue tous les livres de l'étagère, elle en ouvrait quelques uns, espérant trouver à l'intérieur des lettres d'Amour secrètes mais il n'y avait rien. Une chose cependant attira son attention. Enfilée entre deux ouvrages, une longue plume grise dépassait de quelques millimètres. La gouvernante extirpa l'un des livres pour prendre la plume entre ses doigts. Elle était douce et soyeuse, Marguerite en avait pris grand soin. Ce n'était qu'une plume bien sûr, mais elle intriguait Madame Piafabec. La gouvernante fut perturbée dans ses cogitations par un grand fracas derrière elle. Elle se retourna d'un geste vif et vit la lampe de bureau brisée sur le sol, Suzon, les pommettes rougies, debout à côté d'elle. Madame Piafabec sortit de ses gonds.

« Mais quelle maladroite ! Décidément vous n'êtes bonne à rien ma fille !

- Pa... Pardon Madame… Balbutia la jeune fille en fixant ses pieds.

- Ramassez donc vos bêtises ! Cracha la gouvernante. Grâce à vous, Mademoiselle comprendra que l'on a fouillé sa chambre ! Elle va encore bouder pendant des jours ! Ah ! »

La gouvernante se tourna à nouveau vers la bibliothèque et Suzon, tremblante et rouge de honte, se jeta aussitôt par terre pour nettoyer les déblais mais elle s'arrêta.

« Ma... Madame. » Appela-t'elle d'une voix mal assurée.

Madame Piafabec se retourna et posa sur la femme de chambre des yeux perçants dignes d'un vrai piafabec. La jeune femme tendit un bras hésitant vers la gouvernante, elle tenait quelque chose dans la main.

« Je... Je viens de trouver cela Madame. Elle devait être cachée dans le socle de la lampe. »

Madame Piafabec vint se saisir de l'objet et le regarda attentivement.

« C'est une pokéball Madame ?

- Oui... Mais une pokéball particulière. »

Madame Piafabec était très instruite, elle connaissait les pokéballs de Johto et reconnut immédiatement une loveball. Elle l'ouvrit, la capsule était vide. Madame Piafabec connaissait les us et coutumes des dresseurs... Et les loveballs avaient une signification bien précise au-delà de leur simple usage lié à la capture. Elle se retourna et regarda à nouveau la plume toujours posée sur l'étagère. Une plume d'étourvol évidemment, comment avait-elle pu ne pas l'identifier au premier coup d'œil ? Madame Piafabec serra les poings. Cette enfant ne lui aura rien épargné. Désormais, elle devait faire son rapport à Monsieur De Richemensueur...

Madame Piafabec passait une mauvaise journée.

 

Marguerite sursauta lorsque le vieux rapasdepic comme ils l'appelaient entre frères et soeurs débarqua dans la bibliothèque en ouvrant la porte à la volée.

« Marguerite ! Votre père vous attend dans son bureau ! »

Marguerite se leva, tendue, pourquoi cette vieille folle était-elle encore furieuse ? Qu'avait-elle encore fait de mal ?

« Ne traînez pas ! »

La gouvernante lui harponna le bras. Ses mains étaient pires que des serres de guériaigle.

« Vous me faites mal Madame !

- Ne traînez pas vous dis-je ! Restez assis Pierre-Antoine ! »

Le frère de Marguerite, qui étudiait lui aussi dans la bibliothèque était prêt à se lever pour intervenir. C'était un réflexe idiot il le savait, même majeur Madame Piafabec avait autorité sur eux, il ne pouvait rien faire.

Durant tout le trajet entre la bibliothèque et le bureau de Jean-François, Marguerite se tortura l'esprit, que lui voulait-il ? Elle n'osait rien demander à Madame Piafabec, surtout que la gouvernante avait la mine encore plus sinistre que d'habitude, ça n'avait vraiment rien d'engageant. Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte du bureau, la gouvernante ne prit pas la peine de frapper, ce qui inquiéta doublement Marguerite. Elle se contenta d'ouvrir la porte et poussa Marguerite à l'intérieur.

« La voilà Monsieur.

- Merci Sibylle. Laissez-nous maintenant. »

La gouvernante ressortit vite de la pièce, sans un mot et sans un regard pour la jeune Marguerite. Jean-François se tenait debout près de la vitre, toujours en train de contempler son domaine. Un silence pesant régnait désormais entre les quatre murs austères. Marguerite posa les yeux sur le bureau de son père, bien en évidence sur le rebord du meuble juste devant elle, étaient posés la plume de Tornade et la loveball de Natu. Marguerite pâlit tellement que sa peau devint plus blanche que celle d’un lamantine.

Jean-François De Richemensueur se tourna vers sa fille, le visage grave, le regard glacé et sa voix plus hautaine que jamais.

« Madame Piafabec a trouvé ceci dans ta chambre. »

Piafabec ! Encore et toujours cette vieille folle, méchante, malsaine, sadique… Rumina Marguerite.

« Quelle explication as-tu à me donner… Marguerite ? »

La jeune femme fixait ses chaussures, elle avait du mal à ne pas trembler. Son père s’avança vers le bureau et regarda les deux objets tandis que Marguerite se murait dans le silence.

« Une loveball et une plume d’étourvol… Le seul étourvol qu’il n’y ait jamais eu ici est celui de Jonathan Mells. Madame Piafabec ne comprenait pas comment tu faisais pour sortir du cabinet de pénitence, elle soupçonnait Pierre-Antoine de te venir en aide. Il est évident aujourd’hui que ton frère n’y est pour rien, c’est Jonathan qui te faisait sortir n’est ce pas ? »

Non ce n’était pas lui, c’était natu. Marguerite réfléchissait du mieux qu’elle pouvait vu les circonstances et son stress qui ne faisait qu'augmenter. Elle pouvait démentir les propos de son père, mais ce serait pour révéler l’existence de natu qui était un cadeau de Jonathan, le problème restait le même et le plus grave, c'était qu’on risquait de lui confisquer son pokémon. Alors Marguerite acquiesça.

« Oui père… » Murmura la jeune femme d’une voix à peine audible, ses yeux toujours rivés sur le sol. Jean-François grogna de mécontentement, il haussa le ton, son sang froid légendaire commençait à chauffer.

« Nom d’un caninos Marguerite ! Es-tu devenue folle ? Les frasques de tes frères sont déjà bien assez difficiles à gérer mais toi ! TOI ! De ta part c’est inexcusable !

- Père, Jonathan et moi sommes amis c’est tout… »

VLAM !

La gifle vola sans que Marguerite ne s’y attende. Jamais son père n’avait levé la main sur elle, ni sur aucun autre de ses enfants, c’était la toute première fois. Marguerite, sous le choc, se massa la joue en regardant son père de ses yeux écarquillés, brillants de larmes. Sous son crâne, résonna comme un écho lointain le cri de son natu.

« Tais-toi ! S’il y a une chose que je déteste encore plus que le mensonge, c’est qu’on me prenne pour un imbécile. Une loveball… Tu crois que je ne sais pas ce que signifie ce présent ? Lorsqu’un dresseur offre une loveball à une femme ? »

Désormais, Marguerite n’arrivait plus à détourner son regard de son père, elle ne l’avait jamais vu dans une telle fureur. Elle-même se sentait peu à peu envahie par la colère et la rancœur. C’était la vérité : elle et John n’étaient que des amis, certes elle aurait souhaité davantage, certes elle était éperdument amoureuse de lui et elle savait aussi ce qu’était une loveball, ce qu’elle pouvait signifier pour certains. Mais la réalité était plus sobre, plus banale et même pathétique… Jonathan était parti depuis plus des mois sans donner de nouvelle, la plongeant dans le désarroi. Elle et lui ne s’étaient jamais embrassés, alors ils n’avaient certainement pas fait de "frasque" comme le disait son père. Inutile d’en parler, le patriarche ne la croirait pas de toute façon.

« Est-ce que tu te rends compte de ce qui arriverait si cette histoire s’ébruitait ? Voilà des mois que j’essaye de convaincre Lilian Sylphe de fiancer son fils avec toi. L’héritier de la Sylph Sarl Marguerite : la plus grosse entreprise pokémon de Kanto et Johto ! Que se passerait-il s’il apprenait que ma fille couche avec mon ancien jardinier ?!?

- Pierre-Edouard et François n’ont eu aucun problème pour se marier alors que la moitié des filles de Parmanie sont passées entre leurs reins ! S’emporta Marguerite. Pourquoi suis je toujours traitée différemment d’eux ? Pourquoi ?!?

- Parce que ce sont des hommes, petite sotte ! Ils pourraient engendrer des bâtards par dizaine qu'ils nieraient tout en bloc ! Je nierai tout en bloc ! » Hurla Jean-François De Richemensueur après sa fille véritablement choquée.

« Mais toi Marguerite tu es une femme ! Si tu tombais enceinte ce serait une catastrophe ! Y as-tu seulement songé ?

- Et s’il était déjà trop tard ? Le provoqua Marguerite.

- Non… Non ce n’est pas… Possible… »

La voix caverneuse du père semblait traverser une muraille de ténèbres. Attiré par les cris de Jean-François et par les sentiments d’angoisse et de tristesse de sa dresseuse qu’il ressentait depuis l’autre bout du parc, Natu vint à tire d’aile se poser sur le balcon du patriarche.

Jean-François était sidéré, plongé dans un abîme de colère et de consternation. Son unique fille le décevait, le trahissait… 

« Ca suffit… Cette fois s’en est trop. Dès demain tu pars à Hoenn. Puisque même cloîtrée dans ce manoir tu arrives à me faire honte, tu passeras le reste de ta jeunesse au couvent, enfermée chez les sœurs tarsal et sous leur surveillance. Elles seront pour toi comme une armée de Madame Piafabec... Pas de larme d’escrococ ! Elles ne te serviront plus à rien, ni avec moi, ni avec ta mère, ni avec ce venipatte de Jonathan Mells ! Ton bébé nous te l’arracherons de force et tu resteras dans l’ombre et le silence jusqu’à ce que je te trouve un mari convenable !

- Vous… Vous n’avez pas le droit… 

- Le droit ? LE DROIT ? Je suis ton père ! J’ai tous les droits ! Je ne laisserai pas une enfant stupide ruiner notre famille ! Tu étais mon plus grand espoir, tu aurais pu devenir plus riche et plus influente que tes trois frères réunis ! Mais bien sûr il a fallu que toi aussi tu ailles t’enticher d’un gueux ! D’un de ses maudits vagabonds, un minable dresseur de pokémon !

- Natu ! N’tu n’tu !

- Tu me fais honte Marguerite !

- C’est vous qui me faites honte ! Vous et toute notre famille !!! »

La jeune fille éclata en sanglots, son père leva le bras pour la frapper une nouvelle fois quant brusquement la vitre du balcon éclata en un millier d’éclats. L’homme se retourna en se protégeant le visage, il eut le temps d’apercevoir une lumière rose scintillante avant d’être frappé de plein fouet par une vague psychique qui le propulsa plusieurs mètres plus loin. Sonné par l’attaque psy, Jean-François s’écroula sur le sol au milieu des débris. Marguerite était paralysée, rien ne l’avait touché, absolument rien, elle avait été protégée des pointes de verre par une sorte de bouclier psychique. Derrière le bureau saccagé, sur le balcon, elle aperçut son petit natu qui rayonnait encore d’une lueur rose diffuse mais menaçante. L’oiseau paraissait essoufflé, en colère mais il fut partiellement rassuré de voir sa dresseuse saine et sauve.

« Na… Natu c’est toi qui…

- N’tu natouuuu ! »

L’oiseau s’envola brusquement et vint se blottir contre sa maîtresse. La jeune femme, encore sous le choc, le réceptionna entre ses bras, le pokémon frotta son bec contre sa poitrine avec affection et soulagement. Alors que Marguerite caressait la tête de son pokémon, elle réalisa ce qui venait de se passer. Elle se précipita vers la porte du bureau et tourna la clef dans la serrure. Elle entendait des gens courir dans le couloir. Elle se retourna et regarda son père, étendu à plat ventre sur le sol, inconscient, les mains coupées par des éclats de verre.

Elle le contourna et se précipita sur son bureau, pour ramasser la loveball de natu et la plume. Elle offrit un sourire ému à son pokémon et murmura "merci" avant de le rappeler dans sa ball. On tambourina à la porte, Marguerite regarda frénétiquement de tous les côtés comme un vivaldaim affolé. C'était inutile, de ce qu'elle savait du bureau de son père, il n'y avait qu'une seule porte, une seule issue, elle était coincée. Derrière la porte on cognait, on criait, Marguerite courut jusqu'au balcon. Il était si haut... Elle entendit à nouveau le cri télékinésique de son natu dans son esprit.

« Natu ? Natu ? »

Marguerite verrouilla la loveball pour éviter qu'il ne s'échappe et tente d'intervenir, elle était perdue de toute façon...

« Natu !!! » Hurla le pokémon terrifié depuis sa ball.

Marguerite grimpa debout sur la rambarde, des larmes se déversant par flots le long de ses joues. Elle ferma les yeux. Pourvu que la chute soit mortelle...

 

Marguerite ne sentit pas le choc. Par contre, elle reçut un coup de fouet dans les reins, puis sentit une brusque pression au niveau des hanches. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, ses jambes pendaient dans le vide et deux grosses lianes la ligotaient à la taille.

Les yeux écarquillés, la respiration haletante et le coeur battant la chamade, elle fut doucement ramenée vers le sol. Elle aperçut dans sa descente le gros empiflor caché dans l'arbre qui l'avait secouru. Elle n'en croyait pas ses yeux.

« Flo... Florie ?

- Empiflow... »

Le pokémon la libéra et la fit tomber dans les bras de son maître qui la regarda en souriant.

« Jonathan ! » Hurla la jeune femme en s'agrippant plus fort à son cou qu'un kokiyas à la queue de son ramoloss.

« Je t'avais dit que je n'étais jamais bien loin. »

Marguerite fondit à nouveau en larmes, mais cette fois elle pleurait de joie. Toujours pendu à son cou, elle regarda Jonathan droit dans les yeux.

« Je t'aime ! »

John eut un sourire un peu surpris, puis il l'embrassa avec bonheur. Elle le serrait si fort lorsqu'ils détachèrent leurs lèvres l'un de l'autre qu'il commençait à avoir des fourmis dans la nuque.

« Je vais te poser par terre maintenant, dit-il doucement. Marguerite hocha positivement la tête et il la laissa glisser jusqu'au sol. Elle enleva les mains de son cou pour se saisir de ses poignets. Les yeux brillants d'espoir, elle lui demanda :

- Je peux toujours partir avec toi ?

John éclata de rire et haussa les épaules.

- Ah ah ! Bien sûr ! Quand tu veux.

- Maintenant !!! Hurla Marguerite au bord de l'hystérie.

- Tes désirs sont des ordres Princesse. » Répondit John, perplexe mais toujours souriant. Le jeune homme leva les yeux vers le ciel, porta ses doigts à sa bouche et siffla bruyamment. Aussitôt, un bruit sourd de battements d'ailes lourdes raisonna au milieu des arbres. Une ombre gigantesque leur cacha le soleil et Marguerite eut du mal à reconnaître la silhouette imposante qui atterrit auprès d'eux.

« T... Tornade ? Demanda Marguerite, incrédule.

- Ekkoouuuuu ! »

Une grande étouraptor se tenait devant elle. Son regard étincelait tout autant que lorsqu'elle n'était qu'un étourvol, il n'y avait pas de doute possible : c'était bien Tornade. Marguerite qui s'attendait tous les matins à revoir l'étourvol de son amoureux sur son rebord de fenêtre pouvait toujours attendre. L'oiseau devait s'être transformé depuis un certain temps et il était bien plus grand que la moyenne de son espèce. Jonathan avait déjà rappelé son Empiflor, il s'inclina devant Marguerite avec un sourire malin et présenta son Etouraptor.

« Le carrosse de Madame. »

Il aida Marguerite à se hisser sur le pokémon puis monta devant elle pour pouvoir diriger Tornade. Des grognements et des aboiements de malosses résonnèrent dans le parc, les deux jeunes gens échangèrent un regard.

« Tu veux dire au revoir aux toutous de papa ?

- Avec un fusil pourquoi pas, répondit Marguerite pleine de rancoeur. John sourit.

- Je crois qu'on peut trouver une alternative. Accroche-toi bien par contre, ça va secouer. »

Tornade agita ses grandes ailes et prit son envol mais resta en rase-mottes. Les malosses du manoir surgirent devant eux en quelques secondes. L'étouraptor leur lança un regard perçant et John, les sourcils froncés mais le ton assuré, ordonna :

« Tornade attaque cyclone !

- Etttouuurrr !

- Kyaah ! »

Marguerite remuée se mit à crier, Jonathan l'avait pourtant prévenu. Tornade battait frénétiquement des ailes, créant un vent d'une force terrifiante qui déracina plusieurs buissons et surtout expédia au loin la première vague de malosses enragés. Marguerite se cramponnait fermement aux reins de Jonathan pour ne pas tomber. Le jeune homme ne se laissa pas déconcentré pour autant, surtout que d'autres malosses arrivaient vers eux.

« Marguerite tiens-toi bien, Tornade close-combat !

- Ekouuu ! »

L'oiseau fila comme l'éclair les ailes déployées, raides et dures comme des planches de bois. L'air siffla dans les oreilles de John et Marguerite à cause de la vitesse. Tornade heurta violemment deux malosses, un sous chaque aile, les ténébreux canidés furent mis KO en une fois avec cette technique combat. Etouraptor opéra un virage à 90 degrés. Secouée, Marguerite prenait pourtant un immense plaisir à voir les deux malosses évanouis sur le sol.

« Et maintenant on décolle avant que les autres reviennent à la charge ! Go Tornade !

Ekou rou rou ! »

Le pokémon battit de ses grandes ailes grises et blanches et prit rapidement de l'altitude. Marguerite sentait son coeur s'accélérer, cette sensation de s'élever dans les airs était extraordinaire. Elle se sentait vivante et surtout libre. Tandis qu'elle regardait en contrebas le manoir rapetisser, sans éprouver le moindre vertige, elle réalisa qu'elle entendait toujours dans son esprit les cris de son natu. Elle ferma les yeux et sourit, toujours fermement accrochée à Jonathan et répondit mentalement à son pokémon : « Tout va bien Natu... »

 

Jonathan regarda en bas à son tour : le manoir n'était plus qu'un point minuscule loin derrière eux.

« On est parti vite, tu es sûre que tu n'avais pas besoin de prendre quelques affaires ?

- Certaine ! Répondit Marguerite qui jubilait.

- Sinon on peut y retourner cette nuit et j'envoie Fantom récupérer deux ou trois bricoles.

- Ne t'inquiète pas, dit Marguerite avec un grand sourire. J'ai pris l'essentiel ! »

Elle passa sa main sur le côté et montra à Jonathan le seul contenu de ses poches : la plume d'étourvol et la loveball de natu. John éclata de rire.

« Ah ah ah ! Bien vu Princesse ! »

La jeune fille, heureuse, remit les objets dans sa poche de jupe et se blottit un peu plus contre le dos de son sauveur.

Quand il eut calmé son fou rire, John reprit :

« Justement... »

Jonathan farfouilla dans sa poche de veste et en sortit une copainball recroquevillée. Il la présenta à Marguerite par dessus son épaule.

« Tiens, je t'avais promis un autre pokémon.

- Oh... Merci. Répondit Marguerite, à la fois surprise et touchée, en se saisissant prudemment de la ball tandis qu'ils survolaient la forêt de Parmanie.

- C'est à cause de lui que j'ai mis du temps à revenir. Tu voulais un pokémon discret, plus discret que celui là tu meurs. Dommage, tu n'auras pas l'occasion de t'amuser avec lui dans le manoir.

- Ce n'est pas grave... Murmura Marguerite en regardant la copainball, le sourire aux lèvres et les joues rosies par le plaisir.

- Au fait, il s’est passé quoi dans le bureau de ton père pour que natu explose la vitre et que tu veuilles partir aussi brutalement ?

- Oh ça ? Commença Marguerite sur un ton désinvolte. Père a découvert que j'étais enceinte de toi.

- Q…Quoi ?!? » S'exclama Jonathan qui eut du mal à ne pas lâcher sa prise autour du cou de sa monture pokémon.

« Marguerite... Tu sais que c'est techniquement impossible que...

- Moi je le sais, mieux que toi d'ailleurs, mais Père non. Il s'est imaginé des choses et... »

Elle étouffa un petit rire.

« Disons que je n'ai pas voulu le contredire ! »

Il y eut un moment de silence. John regardait droit devant lui, les yeux écarquillés, sidéré tandis que sa compagne gloussait de malice derrière son dos. Il finit par sourire en levant les yeux.

« Tu es folle... Totalement irresponsable.

- Je sais, je parle et je réfléchis après, la vieille rapasdepic me l'a toujours dit. Elle est peut être moche et méchante mais elle a souvent raison. »

Rien ne semblait pouvoir entamer la joie de Marguerite, elle goûtait enfin à la liberté. Jonathan ne pouvait pas la voir mais il la sentait tout contre lui, elle lui réchauffait le dos mais aussi le coeur. Il sourit un peu plus tout en regardant l'horizon.

« Alors Princesse, où veux-tu aller ?

- N'importe où pourvu que tu y sois... »

Elle se frotta un peu plus amoureusement contre lui et John, amusé et surtout ému, tenta malgré tout de prendre une voix sérieuse.

« Ah non ça ne marche pas comme ça.

- Euh... »

Marguerite semblait perplexe et John reprit :

« Moi je connais le pays comme ma poche, je suis allé partout ou presque. Toi tu n'es jamais sortie de ton manoir alors c'est à toi de décider où on va aller. Il y a bien un endroit que tu voudrais absolument voir non ?

- Ah, euh... Et bien...

Marguerite réfléchit sérieusement à la question. Elle mit un certain temps avant de répondre à Jonathan.

- J'ai toujours rêvé de voir les falaises de Nénucrique...

- Ok. Alors on va...

- Et puis la plage de Poivressel aussi, il paraît que c'est l'une des plus belles du pays. Oh et je veux faire une croisière dans l'Archipel Orange, sur le dos de ton Laggron s'il le faut ! Et je veux voir les ruines Alpha, la tour Ferrailles... Ah et les temples du désert aussi ! Celui d'Hoenn et celui d'Unys ! Je veux voir un match de la Ligue Indigo en vrai ! Et je veux aussi participer à un concours de pokémon maintenant que j'ai Natu avec moi ! Un concours de beauté et un d'intelligence, il sera parfait ! Et après j'aimerais voir un de ces nouveaux spectacles à Unys, les comédies musicales et après...

- Eh eh ! Oui promis on verra tout ça ! Déclara John, attendri par la jeune femme. Mais si ça ne te dérange pas, on va peut être le faire dans le désordre.

- Oh non pas du tout ! On fera comme tu voudras Jonathan ! »

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