Pokémon - Le secret des cinq Orbes

Chapitre 1 : La rencontre

2958 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 26/05/2017 20:54

-"Hé, vieux crouton !"


Le vieux caratroc se retourna. Aussitôt, il sut que sa dernière heure était venue. Deux azumarill le toisaient d'un air méprisant.

Outre le fait que ces Pokémon ne vivaient pas naturellement dans le Mt Ardent, où vivait le caratroc depuis sa plus tendre enfance, ceux-ci portaient chacun un foulard. Les bandeaux étaient à première vue semblables à ceux des équipes de secours, sauf qu'ils se teignaient d'une malsaine couleur de sang séché. Ils présentaient un symbole noir représentant un Rouage du Temps, ces mystérieux artefacts qui maintenaient l'écoulement du Temps dans le monde, brisé en deux par une violente fissure. De plus, le regard cynique et antipathique des deux azumarill prouvait clairement qu'ils n'étaient pas venus partager des baies Oran...



L'armée. Ce groupe de Pokémon qui inspirait tant de crainte, de désespoir, de colère pour certains, sentiment qui n'aboutissait à rien car la rébellion s'avérait très peu aisée. On ne l'appelait plus que "l'armée". Plus personne ne se souvenait, ou ne voulait se souvenir, du nom de cette ténébreuse organisation, tant il terrorisait les habitants des donjons.

Les créatures habitant le Mt Ardent ne pouvaient qu'être écrasées sous le poids de leur joug. Trop de fois ils avaient répandu le sang parmi la lave bouillonnante du volcan, avaient de leur cruauté souillé la cohésion entre les autochtones. Ces derniers étaient devenus égoïstes, ne s'entraidaient plus. Lorsque les envahisseurs s'apprêtaient à faire une nouvelle victime, la foule fuyait, abandonnant le malheureux à son triste sort. Les ennemis étaient si nombreux qu'en dépit de la colonisation de donjons extérieurs au Mt Ardent, le camp de base implanté dans le volcan semblait vomir d'inépuisables quantités de sous-fifres. Ceux-ci vouaient une obéissance désordonnée aux ordres d'un chef, un chef caché dans l'ombre du vice, un chef qu'aucune de leurs victimes n'avait jamais vu de ses propres yeux, mais que tous craignaient.


Le vieux caratroc avait réussi à leur échapper trop longtemps. Les arrestations, voire exécutions arbitraires, parfaites pour faire régner la toute-puissance d'une terreur malsaine si délicieuse pour eux, étaient leur credo. Le Pokémon avait un physique disgracieux ? Arrestation. Le Pokémon était chromatique ? Arrestation. Le Pokémon était trop faible ? Arrestation. Le Pokémon était jugé trop fort et donc dangereux pour l'ordre établi ? Arrestation. Le Pokémon était trop vieux ?


-"Arrestation !"


Les deux azumarill empoignèrent simultanément le vieux Pokémon avec un sourire carnassier effrayant.


"-Ne le touchez pas !"


Les deux azumarill cessèrent un instant leurs rêves de gloire et de mégalomanie, et se tournèrent vers la source de la voix qui avait contrarié leurs sinistres projets.


À peine eurent-ils le temps de la distinguer qu'une masse enflammée les percuta de plein fouet. Sonnés, ils se relevèrent et allaient se ressaisir du caratroc quand ils s'aperçurent qu'un galopa les surplombait. À en croire son regard rempli de haine et de colère, lui non-plus n'était pas venu partager des baies Oran. Pas avec les deux bourreaux du vieux Pokémon en tout cas, qu'il regardait d'un air menaçant.


-" S'en prendre à plus faible que vous ! Quelle belle preuve de faiblesse ! Venez vous en prendre à moi si vous n'êtes pas trop couards !"


Les deux azumarill se regardèrent un court instant, sûrement parce qu'ils ne connaissaient pas la signification du dernier mot employé par le Pokémon de type Feu, mais ils en conclurent qu'il s'agissait là d'une provocation. Ils se jetèrent avec rage sur le galopa. L'un d'eux poussa un horrible cri qui vrilla les oreilles de tous les Pokémon se trouvant à proximité, et qui attira deux gravalanch, sbires de l'armée.


Le galopa se jeta avec fureur dans la bataille. Faisant fi des affinités de type qui ne tournaient pas en son avantage, il tenta de brûler un azumarill vomissant un puissant jet d'eau qui se mêlait aux cendres. Celles-ci, emplissant l'air, constituaient pour le rebelle des alliées. En effet, les agresseurs du caratroc les supportaient mal et devaient se protéger de leur foulard pour minimiser leur respiration. De plus, les poussières leur piquaient les yeux, réduisant leur visibilité. Il fut donc plutôt aisé au galopa d'esquiver le liquide. Il misait sur la précision et l'esquive pour l'emporter. Il se réussit à se soustraire à deux, trois, quatre assauts, avant de retomber de tout son poids sur l'un des azumarill. Celui-ci croassa et ne se releva plus. Galvanisé, le fier combattant ne s'arrêta pas. Le feu de sa crinière doubla d'intensité et il décocha à un gravalanch une ruade si puissante qu'elle l'éroda. Le Pokémon de type Roche se ressaisit rapidement et invoqua des rochers qui s'abattirent tels la fatalité sur l'insurgé. Celui-ci tenta tant bien que mal de se dégager mais fut arrosé par l'azumarill restant. Les trois assujettis à l'armée fondirent d'un mouvement sur le galopa muré dans les rocs. Le blessé succomba aux attaques qui le mirent K.O. Malheureusement pour lui son agonie ne s'arrêta pas là. Les attaques de ses ennemis continuèrent jusqu'à l'emmener au Royaume d'Yveltal.


Satisfaits, les gravalanch se retirèrent et l'azumarill restant reprenant sa besogne, entraîna le malheureux caratroc vers une mort certaine.


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Ce fût-là la première fois que mon destin et celui de l'armée se croisèrent. Ils avaient tué ma mère. Ils doivent payer. Mais que pouvais-je faire à l'époque à part pleurer ? Je n'étais qu'une petite ponyta. Je me revois, étendue sur le cadavre de ma défunte mère. Mon père m'avait quittée de la même manière... J'étais seule au monde. Longtemps après lorsque mon chagrin fut à peine étouffé, je repartis vers cette grotte que j'allais désormais occuper seule. Enfin, quand je dis grotte, c'est plutôt une minuscule caverne dans laquelle on peine à faire rentrer deux galopa et un ponyta. Mais, avec la présence de l'armée, un abri, aussi confiné soit-il, c'est déjà presque un luxe. L'armée monopolise tout dans le Mt Ardent. Allez donc savoir pour quelle obscure raison, je n'en ai pas la moindre idée.

C'est dans cette ambiance là que j'ai grandi jusqu'à l'évolution.


Cependant, il y a une chose pour laquelle je peux leur être redevable. C'est en quittant le donjon que j'ai rencontré mon meilleur ami. Il dort déjà, à côté de moi... Je peine à trouver le sommeil. J'admire le ciel en me remémorant ma journée... Que c'est beau, les étoiles ! Je n'avais jamais eu l'occasion de contempler ces diamants célestes, enfermée comme je l'étais... Mon unique ciel était la roche, mon seul soleil le magma bouillonnant...


Comment suis-je donc arrivée dans l'immensité de l'extérieur ? En prenant la décision sans doute la plus importante de toute ma vie : fuir. Aller chercher de l'aide à l'extérieur. Et mon petit sabot me dit que je vais bientôt la trouver... Laissez-moi donc vous conter l'épopée du jour.


Oh, au fait, je ne me suis pas présentée. Mon nom est Eluhn.


J'ai quitté le Mt Ardent alors que le soleil pointait à peine son auréole dorée dans les cieux. Déjà, rien que cette évasion je peux en être fière. Quand je pense à ce qui aurait pu m'arriver si un sbire de l'armée m'avait surprise... C'est simple : après avoir hurlé pour alerter d'autres raclures (réveillant tout le donjon au passage, enfin ceux qui arrivaient à dormir dans la situation actuelle), j'aurais été traînée de force dans un cachot voire directement tuée sur place. Ça ne m'aide pas à dormir tout ça.


Après ma fructueuse tentative d'évasion, j'ai enfin pu voir à quoi ressemblait l'extérieur. D'autres montagnes s'étalaient à perte de vue. La plus proche avait le sommet emprisonné par la vigueur des attaques de type Electrik qui fourmillaient. Je ne savais pas quel Pokémon attaquait la montagne, ni pour quelle raison. Sûrement une entité venue du ciel. Je suis donc descendue sur le sentier, en évitant soigneusement les donjons. Je n'avais aucune envie de retomber sur l'armée. Près de moi, une attaque de type Eau coulait. Sûrement une autre entité qui en avait après le sol. Toujours était-il que c'était beau. Je sais, il n'y avait rien d'extraordinaire. Mais, croyez-moi, quand on a passé toute sa jeunesse enfermé dans un volcan, on le sent passer. Peut-être ce long emprisonnement me permet de mieux apprécier le monde qui m'entoure désormais.


Je ne saurais dire combien de temps je cheminai. Ici, le temps semblait avoir un cours guidé par la Nature.


Enfin, j'arrivai dans un village. Il aurait pu me sembler austère, si cette sombre partie de mon passé n'avait pas été étouffée par le joug de l'armée. Les maisons étaient érigées à partir d'une pierre grise, rien à voir avec la roche rougeâtre dans laquelle le Créateur avait taillé le Mt Ardent. Les allées étaient tracées avec la même pierre. La ville était dominée par un pic rocheux dénudé de toute végétation. Enfin, je pense que c'est surtout l'absence d'âmes dans les rues qui rendait ce village triste. Pourtant, au mur de chaque maison, à côté de la porte de bois sombre, brillait une torche. Ces petites lucioles égayaient le bourg, et étaient surtout la preuve qu'il était habité. Je m'approchai et lus sur la pancarte qui trônait à l'entrée : "Andésia".


Curieuse de rencontrer quelqu'un où de faire une nouvelle découverte, je m'aventurai donc dans les rues d'Andésia. Au moment où je commençai à me résoudre à ne voir personne, j'entendis un cri :


"Au voleur ! On me dévalise !"


Le cri provenait d'un magasin tenu par un kecleon que je n'avais pas remarqué jusqu'à présent. Aussitôt, un golemastoc, que je savais employé pour la protection du village, surgit au même moment où un pachirisu prenait la fuite en se glissant entre l'étalage et le golemastoc, qui ne sembla pas l'apercevoir. À la place, il se saisit d'un autre Pokémon, qui avait été soustrait à ma vue jusqu'à ce moment. Celui-ci se débattit en clamant son innocence. Je ne pouvais donc l'apercevoir.


"Mais d'où sort-il, celui-là ?" me demandai-je alors que le garde apostrophait sa capture.


"-Comment ça, innocent ? Ne mens pas ! Tout le monde sait que tu es un filou, comme tous ceux de ta région ! Tu t'expliqueras devant le village !"


Alors ça, ça ne plaît pas. Pas du tout. Non mais ho, depuis quand la justice est-elle faite en fonction des origines ? Et le pire, c'est que le Kecleon n'a pas l'air choqué. Juste intéressé par sa marchandise, je suppose.


Cette saleté de golemastoc commença à emporter le mystérieux Pokémon je ne sais où, quand un scalproie débarqua de je ne sais où avec le pachirisu qu'il avait intercepté je ne sais où. D'où sortait-il, je n'en sais rien, toujours était-il qu'il avait une chance de faire délivrer un innocent. Il amena en effet le petit voleur au golemastoc sans prononcer un mot. Celui-ci se retourna et aperçu le petit rongeur électrique qui tenait toujours son butin-une baie- entre ses pattes.


"-C'est ma baie, je la reconnais !" beugla le kecleon en désignant le fruit-une baie parmi tant d'autres.


Le golemastoc se retourna et fixa longuement le scalproie et sa capture. Puis, avec un contrecœur indiscret, lâcha le faux larron pour s'emparer du vrai larron. Le garde et le chapardeur s'en furent dans les rues, le scalproie disparut, le marchand, vexé, retourna dans sa boutique en croassant que c'était fermé et le faux voleur se retrouva seul dans la rue- sans compter ma présence. Je décidai donc de m'approcher de lui pour enfin l'apercevoir.


C'était un Pokémon bipède, dont le corps semblait encastré dans deux rochers. Il possédait quatre bras, chacun se terminant par une main griffue affublée d'un œil. Sa tête en elle-même ressemblait à une main crispée. Je n'avais jamais vu un tel Pokémon, mais il semblait avoir mon âge. Je lui adressai la parole, afin de vérifier s'il n'était pas blessé. J'obtins un grognement pour toute réponse, avant qu'il ne se relevât. Il s'exprima enfin de manière compréhensible:


"-Ça va. J'ai été pris pour un voleur à la place d'un autre."


Ça, je l'avais bien remarqué. Je le questionnai donc sur son identité, évoquant l'étrange réaction du golemastoc. Celle de l'inconnu le fut cependant aussi. Je remarquai au passage qu'il s'exprimait avec un fort accent étranger.


"- Je ne veux plus entendre parler de ce golemastoc ! Sous prétexte que je viens d'une autre région, toutes les raisons lui sont bonnes pour m'arrêter !"


La colère faisait étinceler ses yeux, mais il se contenait. Il inspira pour se calmer.


"-Je m'appelle Tuhgval, et toi, qui est-tu et d'où viens-tu ?"


J'expliquai alors mon calvaire depuis que l'armée avait colonisé le Mt Ardent, la mort de mes parents, le vieux caratroc, ma vie sous l'oppression, mon envie de me révolter et finalement ma fuite.


"-Je vois, l'injustice est décidément partout, fit- en frémissant. En effet, ce village aussi vit dans la peur constante que l'armée s'empare un jour du territoire. Dans ce cas, j'aurais un énorme service à te demander. Vois-tu, je projette de partir depuis quelques temps, mais cet événement est la goutte d'eau, je ne peux plus attendre. Je connais un endroit, la guilde de Jabeorn, où nous pourrions nous entraîner pour nous battre contre l'injustice, accepterais-tu donc de venir avec moi ?"


Cette proposition qu'il me fit était pour le moins inattendue. Il fallait que je réfléchisse. Tuhgval était un inconnu. Il ne faut pas suivre un inconnu. Je suis bien placée pour le savoir, Maman me le rabâchait sans cesse... Mais il s'agissait d'un conseil vital dans la misère ou nous nous trouvions. De toute façon, ces "inconnus" du Mt Ardent, il ne nous demandaient pas si on voulait les suivre où pas... On y était forcé. Si on n'avait pas la chance d'être tué sur place.

Mais Tuhgval... Il n'avait pas l'air d'une raclure servile à un tyran... Il ne portait par ailleurs pas de foulard rouge sang... Et puis, cet endroit dont il parlait, cette guilde... N'était-ce pas un endroit pour s'entraîner, se fortifier, s'unir face au chaos ? De plus, j'avais certes fui... Mais, en y regardant de plus près, j'allais aller où, moi ? Et comment comptais-je mettre seule toute une armée en déroute ?


On m'offrait là une solution. Je pris donc ma décision :


C'est d'accord, je te suis"


Une simple phrase, la réponse à une question, certes, mais une parole qui allait peut-être changer le monde !


Ce fut donc ainsi que la grande aventure commença. Une certaine distance nous séparant de l'endroit, nous nous mîmes en route sans tarder. En chemin, Tuhgval me décrivit la guilde aussi précisément qu'il le put.


Ne le lui répétez pas, mais en réalité, j'étais trop absorbée par mes espoirs pour l'écouter convenablement. Je retins juste que cette fameuse guilde avait pour maître un mastouffe nommé Jabeorn.

Golgopathe n'étant tout de même pas incollable sur la guilde, il me laissa le soin de me la représenter. Je me vis un instant triomphant d'un sbire de l'armée grâce à l'entraînement dûment suivi. Perdue dans mes rêveries, je ne vis ni le temps passé sur la route ni la fatigue qui m'accablait.


Ce fut donc éclairés par l'or du soir que nous nous installâmes pour la nuit et après avoir grignoté quelques baies, sombrâmes dans le sommeil.


Durant la nuit, je rêvai que mon nouveau partenaire et moi secourions un caratroc sur le point d'être tué par l'armée. Mais le sauvetage tourna mal et nous subîmes de lourds dégâts. Nous fîmes ensuite enchaînés et forcés de déambuler dans des couloirs poussiéreux et aux murs souillés d'hémoglobine, fermement escortés par des sbires de l'armée.

Derrière nous, une ombre imposante, dont l'aura semblait nous engloutir tout entiers. Le chef de l'armée, peut-être ? L'entité ricanait malsainement et une sensation de froid prenait ses droits à son passage. Dès qu'elle se déplaçait, un raclement sourd emplissait l'air, de même manière que si elle subissait l'entrave d'une chaîne. Elle donna un ordre à ses sous-fifres dans une langue inconnue, avec une voix chuchotante, froide et désagréable. Les larbins acquiescèrent, un sourire de mauvais augure se dessinant sur leur visage. Ils nous saisirent brutalement. Nos liens nous lacérèrent dans une douleur écrasante, et nous fûmes jetés dans un trou noir dans lequel résonnaient des rires carnassiers et des cris de souffrance.


Ce fut à cet instant que je me réveillai en sursaut, secouée de tremblements incontrôlables. Une sueur glacée inondait tout mon corps. Fixant le ciel étoilé, je m'efforçai de calmer ma respiration.


Mal à l'aise, je ne dormis plus que d'un œil.

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