Zenitia, ou l'île de la consécration (Arc 2)

Chapitre 4 : Chapitre 23 : P'tit John

4936 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 24/09/2017 20:56

Chapitre 23 : "P'tit John"


Précédemment : Au lendemain d'une dispute mouvementée, Sacha décide de prendre l'air au dehors, seul, afin de refixer ses idées. Le soir même, il se rend en compagnie de Cassandra à un banquet organisé par le maire. Cependant, les dresseurs s'apercevront bientôt à leur grand dam qu'ils ne sont pas là pour manger. Le maire, M. Markowski a beaucoup de choses à leur dire....


— Et moi j'ai quoi à faire là-dedans ? s'enquit sèchement Cassandra en croisant les bras.

— Attends deux secondes, répliqua sèchement Sacha à son encontre. Pikachu reste avec moi, et ce quoiqu'il arrive !

— En fait, vous n'avez pas vraiment le choix... C'est une question de sécurité qui s'applique à tout Zenitia. Qui sait ce qui pourrait arriver ensuite ? Et s'il y a des morts... !

— Il n'y en aura pas !

— Pouvez-vous l'affirmer à cent pour cent ? insista M. Markowski.

— Les seuls que je n'hésiterai pas à tuer, ce sont les gens qui essayeront de me séparer de mon Pikachu, rétorqua le dresseur à voix basse.


La tension monta d'un cran entre les deux hommes. Cassandra les regarda tout à tour, soudain alarmée. Sacha venait de menacer le maire de mort. Indirectement certes, mais cela n'enlevait rien à la gravité de l'affirmation. Cependant, Markowski, pédagogue, eut un nouveau sourire avant de dire :


— Allons, M. Ketchum, nous n'en sommes pas encore là, n'est-ce-pas ?

— Je peux m'en aller ? demanda Cassandra, affalée sur son fauteuil.

— Non. Si je vous ai invitée, c'est pour vous parler de quelque chose. Plus précisément, votre situation et celle de votre amie.

— Ellie et moi ? Mais... Pourquoi ne pas l'avoir invitée dans ce cas ?

— Vous allez vite comprendre pourquoi, répondit-il en prenant une gorgée de vin rouge. Mais premièrement : comment êtes-vous venues sur cette île ? Nous n'avons aucune trace de votre présence sur Zenitia.


Sacha tourna le regard vers elle et la vit déglutir difficilement.


— Etrange, n'est-ce-pas ? continua le maire, penché sur son bureau.

— Très, affirma Cassie. D'autant plus que je ne vois pas la raison de cette absence d'informations. Nous sommes venus par paquebot cet été comme nos deux autres amis pour... pour relever le défi de l'île de Zenitia.

— Vous n'avez pas été en mesure de nous procurer une pièce d'identité la semaine passée, et vos parents non plus d'ailleurs. Eh bien devinez quoi : mes équipes les ont miraculeusement retrouvés dans les débris de Pokémon Care.


Encore une fois, Cassandra resta muette. Sacha aurait bien voulu l'aider, mais l'inconvénient de garder ses secrets pour soi, c'est qu'on était seul dans le pétrin au moment où ils étaient découverts (et ils l'étaient toujours).


— Ah, c'est pour ça que nous ne les retrouvions pas... finit-elle par soupirer. Ellie et moi, on se disait bien qu'on avait été volées... !

— Étrange, répéta le maire d'une voix de plus en plus basse. Comment voler quelque chose qui n'existe pas ?

— C'est-à-dire ?

— Pour entrer sur le paquebot qui amène ici, il faut entre autres photocopier sa photo d'identité pour l'envoyer à Saint-Trompette. Or, nous n'avons rien. Et pourtant, M. Xenos arrive à vous les voler, comme ça !

— Ce doit être une erreur... !

— Ou une carte magique ? proposa le maire, tout sourire. Ça expliquerait l'engouement de M. Xenos envers cette chose si spéciale, n'est-ce-pas ?


Les deux dresseurs restèrent silencieux sous le regard faussement amusé du maire. Il pourrait s'énerver à tout moment, et eux pourraient balancer une information qu'ils auraient aimé garder secrète par inadvertance, donc ils usèrent de leur droit au silence. Légèrement excédé, le maire se pencha de nouveau sur son bureau et leur parla d'une voix douce qui ne cachait pas sa colère.


— Depuis deux jours, nos hommes enquêtent sur vos dépositions. Celles que vous avez faites en jurant sur l'honneur, vous vous rappelez ?


Il se gratta nerveusement la barbe, le regard dans le vide.


— Chaque seconde, je me dis : et si vous aviez menti ? Et si vous étiez moins victimes que vous n'essayiez de le faire croire ?

— Comment... comment faire pour que vous nous fassiez confiance ?

— Donnez-moi votre Pikachu, répondit le maire d'un bloc. Quant à vous, livrez-moi votre amie. Je sais bien qu'elle n'est pas toute blanche dans cette affaire.

— Ridicule ! s’écria Cassandra en se levant.


Après avoir jeté un regard froid au maire, elle se leva dans un mouvement théâtral et dirigea vers la porte.


— Vous n'avez pas envie de faire ça... ! prévint le maire d'un ton menaçant.


Manifestement si, étant donné qu'elle continua de se diriger vers la porte sans broncher. A ce moment-là, Markowski se saisit d'une télécommande dans la poche de sa veste et appuya sur un bouton, tout en dirigeant l'objet vers la porte. Sacha entendit alors un mécanisme. En se retournant, il vit la jeune fille essayer de bouger le battant en vain : le maire venait de les enfermer.



*****


Au moment où les deux dresseurs étaient partis de la salle des fêtes, Mlle Cathy s'approchait d'un jeune homme au costume bleu foncé. Il avait coupé à une longueur plus raisonnable ses cheveux bruns mais semblait toujours plus jeune qu'il n'en avait l'air. Ils avaient eu le temps de se connaître dans les derniers jours, lorsqu'elle travaillait sur le cas de ces quatre dresseurs dans la tourmente. Quant à l'inspectrice Jenny, ça faisait maintenant des années qu'elle la connaissait... ! Lorsque l'avocate croisa le regard de l'agent de police, son regard s'adoucit immédiatement et naquit un sourire pourtant rare sur son visage.


— Bonjour, p'tit John ! la salua l'avocate en l'interpellant par le surnom qu'elle lui avait trouvé.

— Oh, bonjour maître... ! Vous êtes ravissante dans cette tenue !

— Charmeur ! s’exclama-t-elle aussitôt avec un sourire. Bon, ce sera sûrement le premier et dernier compliment de la soirée, alors je le prends.

— Je ne parierais pas là-dessus maître, sourit l'agent

— Oh que si, je peux te l'assurer, et ce d'expérience... affirma-t-elle en hochant gravement la tête. Que gagneraient ces hommes à flatter une avocate ? Rien, je reste impartiale malgré les avances ! En plus, mon caractère autoritaire en rebutera plus d'un. Et puis, les femmes de pouvoir sont en général boudées par ces messieurs qui préfèrent...


A ce moment, elle perdit son regard au loin, sur un homme entouré de charmantes et jeunes demoiselles.


— …les jeunes filles écervelées prêtes à tout leur donner... !

— Ils ratent quelque chose !

— Tu es bien gentil, lui dit-elle affectueusement. Alors, comment se sont passés ces derniers jours ? Tu as eu le temps de voir ta famille ?

— Pas beaucoup, soupira-t-il. Mon père m'en veut de ne pas souvent être là, même si c'est lui qui m'a encouragé à faire ça. Mais ma mère continue de me soutenir. Et ma petite sœur me boude.

— Travaille encore plus dur p'tit John, l'encouragea-t-elle. Qui sait peut-être que Jenny t'offrira plus de temps libre en voyant que tu te tues à la tâche.

— Pas tout de suite en tout cas ! s’exclama une voix rieuse derrière elle. J'ai trop besoin de lui en ce moment !


Mlle Cathy se retourna et vit l'agent Jenny qui revenait, après avoir déposé Satoshi et Cassandra devant la porte du maire. Elle semblait heureuse. Les cernes étaient encore là, comme pour elle, mais les lendemains s'annonçaient meilleurs.


— Waouh... toi, en robe ! s'exclama l'avocate avec un grand sourire.

— Enlève ce regard moqueur de ma belle robe, répliqua Jenny avec un sourire. Je la porte très bien, je trouve... !

— On ne s'est pas vues souvent ces derniers jours... soupira Mlle Cathy. Comment vas-tu ? Qu'as-tu fait ?

— Hé bien j'ai enquêté, enquêté et encore enquêté mais rien... Toujours pas de Xenos. Je vais te dire un truc, je vis la nuit. Ce ne serait pas un problème si je dormais le jour, mais...

— Pareil... heureusement que je n'ai pas de proches, ce serait l'apocalypse... ! Dis-moi... tu as les informations que je t'avais demandées la semaine dernière... ?


L'inspectrice fronça un moment le regard, puis perdit ce dernier dans le vide.


— Heu... les infos de... balbutia Jenny. Je ne me rappelle pas... !

— Tu n'as pas pu oublier Jenny, répondit Mlle Cathy avec un sourire. D'autant plus que ça concerne cette affaire finalement... !

— Euh... non, vraiment, je ne vois pas... désolé !


Mlle Cathy resta bouche bée pendant dix secondes, le regard fixé sur Jenny. Puis ses sourcils se froncèrent et elle agita la tête, comme pour chasser une mouche.


— Non, ce... ce doit être moi qui délire... soupira l'avocate avec un sourire rassurant. Oui absolument, oublie ça !

— Ah ok, souffla l'inspectrice soulagée, quoiqu'un peu perdue. Bon, je vais chercher un peu à manger. Restez-là, d'accord !

— Ok Jay, on t'attend !


Mlle Cathy fixa Jenny un moment, sous le regard perplexe de John. Soudain, avec une force qu'il ne soupçonnait pas, l'avocate se saisit de son bras et planta son regard dans le sien.


— John, va chercher Cassandra et Sacha tout de suite ! Et emmène-les à cette adresse !


L'agent de police se raidit sous la surprise. C'est la première fois qu'elle ne l'appelait pas par le prénom amical qu'elle lui avait trouvé. Mlle Cathy fouilla prestement dans son sac pour en sortir un papier froissé et un stylo.


— Qu'est-ce que... ?!

— Tiens, voilà ! murmura nerveusement l'avocate en écrasant le papier dans la paume de sa main. Prend ça, file les chercher et mets-les à l'abri, vite !


Mlle Cathy jetait des regards nerveux vers Jenny, qui avait entamé une petite discussion avec un officier de police de Saint-Trompette.


— Ah oui, prends aussi ça ! lui dit-elle en mettant dans sa main une multitude de petites boules grises. Tu en auras besoin... Et utilise-les une à la fois !

— Mais enfin, maître, je ne comprends pas... ! Que sont ces boules... Que s'est-il passé ?


Dans sa tête, il repassait en boucle et à la vitesse d'un bolide la discussion entre l'avocate et l'inspectrice. Forcément quelque chose s'y était passé qui avait fait réagir Mlle Cathy comme cela, étant donné qu'elle était parfaitement normale avant. Son cœur se mettait à battre, ses mains se faisaient moites autour du papier. Il était de plus en plus tendu, et le pire, c'est qu'il ne savait pas pourquoi ! Quant à elle, malgré sa nervosité, elle gardait un certain sang-froid qui l'impressionnait.


— Le destin de ces deux dresseurs repose sur toi ! s'exclama-t-elle dans un souffle. De tous en fait ! Et désormais, fais attention à Jenny...

— L'inspectrice... ! Mais pourquoi ?!

— Ne pose pas plus de questions ! lui ordonna-t-elle. Je te recontacterai. Allez, file ! Et sois prudent... !


L'agent de police était au bord de la crise de nerfs. Il ne savait pas ce qu'il se passait, mais il savait reconnaître la peur dans le regard. Et de le voir dans celui d'une femme aussi hermétique que Catherine Devaux en disait long. Il hocha légèrement la tête et trottina en dehors de la salle.


Plus loin, Jenny était en train de remplir ses mains de mets délicieux. Alors qu'il n'était pas dans ses habitudes de s'empiffrer, on pouvait la voir gober chaque petit apéritif avec un soin relatif. Des miettes en tombaient sur sa robe tant elle se pressait. Lorsqu'elle se fut suffisamment rempli la panse, elle se retourna pour apporter le dixième de ce qu'elle avait elle-même mangé à l'avocate. En son for intérieur, elle ruminait : "Cette pute de Devaux sait probablement quelque chose maintenant... Il faut que je l'enlève de mon chemin... !"


C'est alors que son regard croisa celui d'un serveur. Il avait de longs cheveux noirs lisses et plaqués, à la façon des mafieux, avec une barbe de trois jours et des yeux fatigués. Elle le connaissait parfaitement. C'était l'un des hommes de mains de Robert, le maire de Grupala. Il se faisait appeler X, si elle ne se trompait pas. Lorsqu'il passa devant lui comme un fantôme, elle l'attrapa par le col avec un sourire et approcha sa bouche de son oreille, si près que les premières paroles lui provoquèrent des frissons.


— Tu cherches Xenos, n'est-ce-pas mon beau ? devina-t-elle. Tu es là en mission, hein ?

X tourna la tête vers elle, plongeant son regard dans le sien. Jenny quant à elle montra du menton une dame derrière lui, aux lunettes rectangulaires. Il se retourna donc et vit l'avocate.

— Elle, elle le sait... ! Tu n'as qu'à lui demander gentiment... !


Et elle disparut dans la foule qui s'était attroupée autour de la table remplie de plats, aussi mystérieusement qu'elle s'était introduite à X. Ce dernier jeta un regard vers l'avocate, puis sourit. Il porta une montre à sa bouche dans laquelle il chuchota :


— Xenos ne se cache pas ici, mais j'ai peut-être trouvé une personne qui saurait où elle se trouve.


Après tout, il n'avait aucune raison de ne pas croire la célèbre inspectrice Jenny. Il ne savait pas pourquoi elle l'aidait, mais c'était tout bénéf’ pour lui. Avec un sourire malsain, il s'approcha alors de Mlle Cathy... !

 


*****


— Ouvrez immédiatement la porte... gronda Cassandra

— Sinon quoi ? répliqua le maire d'un ton moqueur.


Désormais, ce dernier s'était levé et faisait les cent pas derrière Sacha tandis que la jeune dresseuse essayait d'ouvrir la porte. Il était de plus en plus préoccupé par la tournure que prenait la discussion. Il avait pris ces deux jeunes pour des raisons évidentes de simplicité : ils étaient plus jeunes, donc plus influençables, plus malléables. Sacha devait lui donner son Pikachu, sans broncher, trop occupé à manger, alors que Cassandra, effrayée par les découvertes du maire, s'empresserait de dénoncer son amie. Mais non, rien ne se passait comme prévu, et il en était très embêté, car c'était un homme de plan bien faits, et respectés à la lettre.


— Vous pouvez marcher encore longtemps, on n'aura pas changé d'avis d'ici là ! s’exclama Cassandra, impatiente.

— Nous n'avons pourtant pas fini de discuter !

— De négocier plutôt, rectifia-t-elle d'un ton catégorique... Je ne vendrai pas Ellie !

— Il ne s'agit pas de la vendre, souffla le maire, exaspéré. Enfin si, mais... donnez-nous un élément contre elle qui nous permettrait de l'interroger à nouveau ! S'il elle s'en sort, alors elle sera libre !

— Elle ne s'en sortira pas...

— Et comment tu peux le savoir, petite sotte !


Il se surprit lui-même à la tutoyer. Au vu des regards outrés de ses deux invités, il avait dépassé les bornes.


— Veuillez m'excuser... Reprenons depuis le début.

— Pas la peine, c'est tout vu, trancha durement la jeune dresseuse.

— Et je ne souhaite pas vous donner mon Pikachu ! s'exclama son compagnon par-dessus le maire. Qu'il ait été ou non à l'origine de cette attaque ne justifie pas que vous deviez le prendre ! Le seul à qui je le donnerais avec confiance, c'est le professeur Chen !

— Soit, nous pouvons le faire venir par paquebot ! trancha Markowski, claquant nerveusement ses doigts sur son bureau.


Sacha ouvrit la bouche, mais ne trouva finalement rien à répliquer.


— On dirait qu'on est tombés sur un accord ! Laissez votre Pikachu sur la table, mes hommes prendront soin de lui.

— Ah non, rétorqua immédiatement Sacha. J'attends le professeur Chen, du coup.


Markowski se surprit à se mordre frénétiquement les lèvres. Il était de plus en plus nerveux. Le maire de Saint-Trompette n'avait pas l'habitude qu'on lui tienne tête.


— S'il est capable de faire des attaques de ce type, c'est plus une arme de destruction massive type Pokémon légendaire qu'autre chose... Entre de mauvaises mains... !

— Ça fait huit ans qu'il est entre mes mains, rétorqua Sacha en enserrant un peu plus l'intéressé qui s'était endormi dans ses bras. Et c'est parti pour durer encore longtemps... !

— Enfin comprenez-moi ! On vous a appelés « terroristes » pendant des semaines ! Imaginez que ce Pikachu, qui n'était pas en votre possession au moment de l'attaque, la fasse de nouveau ! Et imaginez qu'il y ait des morts cette fois. L'opinion aura un discours que je vois d'ici : « Les terroristes étaient les vrais coupables, et en les laissant en vie, le maire de Saint-Trompette a tué sa population encore un peu plus ! »

— Si je comprends bien, c'est l'avis de l'opinion qui compte pour vous ? s’enquit Sacha d'un ton froid. En fait, votre réputation vous tient à cœur plus que tout !

— Que ce soit cette raison ou autre chose, des morts potentiels n'existeront plus avec ce Pokémon entre nos mains ! répondit le maire en balayant l'accusation du dresseur.

— Qu'est-ce que vous pouvez en savoir ?! rétorqua Cassandra en croisant les bras.

— Très bien !


Les joues du maire commençaient à dangereusement s'empourprer. Il reprit place à son siège et vida dans son verre le fond d'une bouteille de vin qu'il but cul sec. Ensuite, il ouvrit un tiroir et sembla manipuler un mécanisme de ces doigts. Les lumières s'éteignirent soudainement, et le maire s'écarta tandis qu'un écran blanc apparaissait sur le mur derrière lui. Se lança alors une vidéo. Une vidéo venant d'une caméra de surveillance d'après la qualité. On y voyait un vendeur de tabac somnolant sur son comptoir.


C'est alors qu'une fille armée apparut dans leur champ de vision. Elle était de dos, mais Sacha vit qu'elle avait les mêmes cheveux qu'Ellie... ! Elle braqua le marchand et lui donna un sac pour qu'il y vide sa caisse.


— On ne voit pas qui c'est, elle est de dos ! murmura la dresseuse en haussant mollement les épaules.


Comme pour lui répondre, la jeune fille se retourna et le maire mit la vidéo se mit sur pause. Puis, toujours en manipulant son mécanisme, il zooma sur le visage de la braqueuse.


— Alors ? s’enquit ironiquement le maire, un sourire déplaisant sur le visage.


Les deux dresseurs étaient scotchés sur l'image. Un braquage armé, c'était quelque chose quand même... Mais de la part d'Elizabeth, leur amie ? Sacha comprenait la peur de Mickaël, quand il insistait sur le fait qu'ils ne se connaissaient pas... !


— Il y a une mauvaise qualité... bougonna Cassie tandis que M. Markowski rallumait les lumières.

— Arrêtons la mauvaise foi et discutons sérieusement, se contenta-t-il de répondre en se levant. Quelle est votre décision à tous les deux ?


Tandis qu'il commençait à faire les cent pas derrière les dresseurs, ces derniers réfléchissaient. Avec le recul, Sacha pouvait comprendre la peur d'un maire de savoir qu'un dresseur avait avec lui un Pokémon capable de produire des attaques plus que dévastatrices. Quant à Cassandra, la vidéo l'avait fait elle aussi hésiter. Elle n'avait jamais vu cela, et Ellie ne lui en avait jamais parlé. Elle lui avait toujours juré être clean avant qu'elle ne soit enrôlée de force dans les rangs de Xenos.


Sacha tourna la tête vers elle. La jeune fille avait le regard plongé dans le tapis, perdue dans ses pensées... Il ne fallait surtout pas qu'elle vende son amie en pensant faire le bon choix !


— C'est non ! s’exclama alors Sacha. Pour nous deux !

— Bon, au moins aurai-je essayé de discuter... répliqua immédiatement le maire avec un sourire nettement plus crispé.


Et il éteignit de nouveau la lumière grâce au mécanisme dans son tiroir. Cette fois, la lumière du projecteur n'était pas là pour leur apporter une lueur réconfortante. Il faisait noir comme dans un four. Sacha eut à peine le temps de se demander comment réagir qu'il se prit soudain un coup de poing en plein milieu du visage, qui le fit tomber à la renverse.


En même temps, derrière lui, il entendait les cris de douleur de son amie. Elle était toujours à ôté du battant lorsque les lumières s'étaient éteintes... Peut-être fallait-il... !


— Pikachu, attaque Charge sur la porte !

— Pika ! répondit son compagnon d'un hochement de tête qu'il n'aperçut pas.


Le Pokémon Souris s'exécuta, et quelques secondes plus tard, son dresseur entendit le fracas distinctif auquel il s'attendait. C'est alors que ce dernier sentit une grosse masse l'écraser à terre et commencer à le frapper rudement et précisément, comme si ladite personne n'était pas aveugle comme lui. Derrière lui, il entendait aussi des bruits de luttes intenses, de cris, et même ce qui ressemblait à un crachat.


— Cassandra ! s’écria Sacha. Frapper une jeune fille... !


Il se prit un autre coup de poing dans la mâchoire qui le fit taire. Lui aussi agitait ses poings en l'air devant lui, essayant désespérément toucher quelque chose, mais rien n'y faisait.


— Pikachu... ! appela faiblement le dresseur.


De nouveau, il se prit un coup, dans le ventre cette fois, suivit d'un autre coup au visage. Au coin de ses lèvres filtrait un filet de sang qui devait partir de son front ouvert. Sa tête lui faisait atrocement mal, mais le plus frustrant était de se battre contre un ennemi dont on sentait qu'il avait un atout en plus dans sa poche.


Les bruits de combat derrière lui s'étaient déplacés autour de lui, jusqu'à ce qu'il entende un bruit sec, comme si on avait frappé une noix de coco contre la table. Ou une tête. Il l'entendit de nouveau, une dizaine de fois, ponctué par les gémissements de douleur de Cassandra qui essayait désespérément de se sortir de l'emprise de son agresseur. Dans sa lutte, elle faisait tomber les verres, les assiettes remplis de mets dans des bris de cassures caractéristiques.


— Sacha... ! souffla-t-elle faiblement, la voix plus aigüe que d'habitude.

— Cassandra ! répondit immédiatement le dresseur en essayant de se lever. Attends... !


C'était la première fois qu'elle l'appelait comme cela. Généralement, elle le nommait Satoshi comme pour garder une distance entre eux. Sacha sentit une nouvelle force en lui. Il ne pouvait rester là à rien faire. Elle avait besoin de lui. Et même si ce n'était pas vrai, même si son appel voulait dire autre chose, il avait un effet positif sur lui, et c'était déjà largement suffisant.


Au prix d'un effort dont il était difficilement capable après son passage à tabac, il attrapa le poing de l'homme, ou de la femme, qui le frappait, et y planta des ongles jusqu'au sang. Il sentait que son assaillant assis vers son bas-ventre, eut un mouvement de recul dont le dresseur profita. Il se redressa en position assise et balança violemment son poing devant lui, à l'aveugle. Il sentit que ce dernier vint s'écraser sur un nez en le brisant, exactement comme le sien. A nouveau, il frappa, encore et encore, prenant le début sur son adversaire. Une nouvelle fois, il entendit Cassandra l'appeler, d'une voix étouffée qui ne pouvait signifier qu'une chose : elle se faisait étrangler.


— Cassandra !


Le dresseur se leva avec une rage incommensurable écrasant du pied le visage de son assaillant sans même s'en rendre compte, guidée par les petits coups donnés contre la table. Ses deux mains tendues se cognèrent contre un dos large qu'il enserra et envoya voler en arrière. Au moment même où il jeta la grosse masse au sol, il entendit une grosse inspiration d'air aigue.


— Cassandra... Où tu es... ?


Il frôla sans faire exprès sa chevelure des doigts, puis posa sa main sur son épaule. A son tour, il sentit une petite main se coller aveuglément contre sa poitrine, puis tâtonner maladroitement son visage.


— Sacha... ! Merci...

— Cassie, tu vas bien !


Il voulut l'enserrer dans ses bras dans un élan de soulagement. Mais il fut brutalement attrapé au col et jeté en arrière tellement violemment qu'il crut mourir sur le coup. Sa respiration resta coupée un peu trop longtemps à son goût. Et tout d'un coup, la douleur qu'il avait oubliée pour sauver son amie revint au centuple. Il était sacrément amoché.


— Reste à ta place, jeune homme, grogna une voix.


Sacha reconnut cette dernière et n'en crut pas ses yeux. N'était-ce pas le maire qui venait de parler, à l'instant ? Le dresseur voulut se relever, avec l'envie d'hurler sa rage à la lune comme un loup sauvage, de sauter au cou du maire et lui faire comprendre qu'il n'aurait pas dû les attaquer. Mais ses bras n'arrivaient même pas à le faire se redresser. N'y avait-il plus aucun espoir... ?


— PIKACHUUUU !!!


A peine Sacha entendit-il son compagnon hurler de rage qu'il passa à côté de lui, tel un véritable éclair, filant vers son adversaire. Grâce à une attaque Elektacle qui illumina la pièce d'un jaune inquiétant, Pikachu s'écrasa avec une violence inouïe contre le dos désormais courbé du maire, déchargeant toute son électricité sur ce dernier.


M. Markowski fit un vol plané et alla se cogner contre le mur derrière son bureau. Dans le noir, Pikachu attaqua encore deux personnes avec une attaque Queue de Fer qui les assomma.


— Pikachu, tu es revenu... ! s'exclama Sacha.

— Bien joué Pikachu, s'écria une autre voix derrière le dresseur, que ce dernier pensait déjà avoir entendue. Venez maintenant !


Il vit sa fine silhouette passer au-dessus de lui, une lampe torche entre les dents et une caméra dans la main. L'espace d'un instant, Sacha put voir à quel point son amie était amochée. Puis l'homme vint vers lui et le releva un peu brusquement, comme s'il était pressé.


— Sacha, comment tu te sens... ? lui demanda-t-il.


Le jeune homme avait tellement mal qu'il en oublia de répondre. Mais maintenant, il savait qui était celui qui venait les sauver. Ils descendirent les escaliers quatre à quatre après être sortis du bureau du maire et déboulèrent dans le corridor qui menait à la salle des fêtes. Dix mètres plus loin, on pouvait voir les gardes du corps qui surveillaient toujours l'entrée de la pièce où se déroulait le banquet. S'ils voulaient passer devant, il fallait le faire sans se faire remarquer.


L'agent de police John qui venait de sauver les deux dresseurs, puisque c'était de lui dont il s'agissait, lança une des boules que lui avait données Mlle Cathy. Aussitôt, un nuage de fumée s'échappa à toute vitesse dans le couloir, mais aussi dans la salle des fêtes, si épais que le policier eu peur de ne pas se retrouver.

Il attrapa la main de Sacha et Cassandra avant que la fumée ne les engloutisse et ils foncèrent droit devant. Ils heurtèrent violemment les gardes et continuèrent leur chemin jusqu'à ce que John se cogne brusquement contre quelque chose.


— L'ascenseur... ! murmura-t-il en se massant le nez.


A tâtons, il chercha et trouva les boutons qui l'ouvraient avant d'y entrer en trombe.


— Pikachu, toujours là ? s'enquit John en choisissant "Rez-de-chaussée".

— Pikapika !

— Super... On va avoir besoin de toi mon grand... !


L'absence de miroir était un détail qui lui plaisait. Cassandra et Sacha ne s'étaient pas encore vus, et tant mieux parce que ça les déconcentrerait. Quoiqu'ils ne l'étaient peut-être pas en ce moment... Peut-être le suivait-il comme leur sauveur, le cerveau vide à cause du passage à tabac, tel des zombis, inconscient du danger de la situation.

*Ding* "Vous êtes arrivé à destination !"

La porte s'ouvrit sur le hall de la mairie : une grande salle remplie d'une bonne vingtaine d'hommes de main, armes à feux à la main.


— Pikachu, à toi de jouer !


Les éclairs partirent des joues du petit Pokémon avant même que John ne finisse sa phrase. Pendant quelques secondes, la salle fut illuminée d'une telle force que John mit autant de temps à se réhabituer. Tous les gardes étaient au sol, leurs habits encore fumants et leurs cheveux crépus.


— Parfait mon gars, parfait !


Ils sortirent au pas de course, traversèrent la cour vide de monde, et remontèrent la rue vers l’artère principale, dans l’attente d’une porte de sortie quelconque.


— Taxi !!! beugla John en agitant en l'air son badge policier, dans le but de se donner un peu de légitimité.


Une voiture ne tarda pas à s'arrêter dans laquelle il fit rentrer en trombe ses amis, avant de s’y engouffrer lui-même avec un empressement proche de l’hystérie.


— On va où... ? s’enquit le chauffeur qui ne semblait pas avoir vu l'état déplorable des deux dresseurs.

— Cette adresse, dit nerveusement John en lui donnant le papier de Mlle Cathy. Et à toute vitesse, s'il vous plaît. Je suis de la police, donc ça ira !

— Très bien, m'sieur l'agent ! opina le chauffeur en s'insérant mollement sur la voie.


John continua de jeter des regards nerveux derrière lui, profondément choqué par ses actes. Si on découvrait ce qu'il avait fait, c'en était fini de sa maigre carrière... ! Mais peut-être était-ce un moindre mal pour sauver ces deux dresseurs ? 



chapitre tous les dimanches^^ merci d'avoir lu, et n'hésitez pas à mettre un petit comm'

chapitre corrigé par OdlGirlArlani

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