Nous sommes pareils

Chapitre 6 : Ne pas perdre la tête

3437 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/01/2021 14:12

Là devant elle, encore haletant comme si je venais de me battre contre mes démons intérieurs je me tenais debout, seul, désarmé, transpirant, terrorisé et ne sachant comment expliquer ce qu’il venait de se produire. 


-         Ainsley. Je … euh … ce n’est pas du tout ce que tu crois.

-         Je ne crois rien Malcolm, je constate simplement que mon frère est en train de hurler dans le vide, complètement terrorisé, alors qu’il est seul chez lui.


Je voyais bien dans les yeux de ma petite sœur que cette situation la mettait mal à l’aise, elle hésitait visiblement entre partir en courant pour prévenir l’asile et essayer de comprendre comment j’ai pu en arriver là. J’avais envie de lui dire qu’elle n’avait rien à craindre mais je dois avouer que je n’en suis même pas convaincu. Tant de choses se bousculent encore dans ma tête, la recherche désespérée d’indices concernant la signification de mes hallucinations, la raison pour laquelle mon père m’apparaît pour m’exprimer ce message et surtout une explication à donner à ma sœur.


-         Ains, je suis tellement désolé si je t’ai fait peur.


Comme vidé de toute mon énergie vitale je me laisse tomber pour m’asseoir contre le bar de ma cuisine, je suis encore tellement perturbé par l’emprise que mon père arrive avoir sur moi que je décide d’arrêter de lutter contre moi-même, Ainsley se précipite à mes côtés pour me démontrer son soutien.


-         Malcolm oui j’ai peur mais ce n’est pas de toi, c’est plutôt pour toi et pour ton équilibre mental que je m’inquiète.

-         Ce n’est pas ce que tu crois …

-         Alors qu’est-ce que c’était ? Malcolm, explique-moi.

-         Je suis sur une nouvelle affaire en ce moment et je dois t’avouer que c’est assez compliqué pour moi …

-         Tu ne crois quand même pas que je vais me contenter de ça.

-         C’est étrange, je pense que cette affaire est en train de me confronter à mes propres peurs et que le seul moyen que mon subconscient a trouvé pour manifester ce lien est de me montrer l’objet de toutes mes angoisses. 

-         Malcolm, soit honnête avec moi, à qui est-ce que tu parlais ?


De toute façon elle vient déjà de me voir hurler dans le vide alors je ne pense pas l’effrayer davantage en lui parlant de notre serial killer de père.


-         Au Chirurgien.

-         Tu vois notre père, je veux dire tu as des hallucinations du tueur en série qui nous sert de père. Malcolm, il faut te faire aider, tu ne peux pas continuer à vivre comme ça.

-         Ainsley je t’en prie ne dis rien. Je sais que c’est beaucoup te demander mais j’aimerai que tu me fasses confiance et que tu me laisses essayer de régler ça par moi-même.

-         Non mais Malcolm tu t’écoutes deux minutes, tu viens déjà d’avoir un accident de voiture parce que tu t’es endormi au volant et là je te retrouve deux jours plus tard en train de hurler contre ton hallucination. Tu n’es même plus assez lucide pour te rendre compte que tu as besoin d’aide.

-         J’ai juste besoin d’un peu de temps pour trouver le sens de cette apparition, mon esprit ne m’a pas envoyé ce message pour rien.

-         Le message est peut-être simplement « Au secours j’ai besoin de repos et d’aide pour aller mieux » ... Est-ce que tu continues à prendre tes traitements au moins ?

-         Oui, mais la fatigue accumulée des derniers jours est en train de me rendre dingue.

-         Tu vois c’est exactement ce que je dis. Malcolm rappelle-toi la dernière fois que tu as eu ce genre d’hallucination, tu as vraiment envie de revivre ça.

-         Ce n’est pas comme si j’avais le choix. Ains tu me fais confiance ?

-         Bien sûr que j’ai confiance en toi mais quand les décisions à prendre te concerne tu n’es pas vraiment rationnel …

 

Elle a peut-être raison, je ne suis pas vraiment en état d’assurer cette affaire et sans Gil pour me dire quand je suis sur le point de craquer je risque de faire des conneries … Mais pourquoi est-ce que je ne peux pas travailler sans que mon père n’envahisse toutes mes pensées …  


-         Tu es bien sûre que c’est moi le grand frère dans cette famille ?

-         Ah ah, je crois juste que j’ai eu beaucoup de chance de ne pas avoir vraiment connu notre sociopathe de père. Et que mon travail me cause moins de souci que toi.

-         Je crois que tu as raison.

Je reprends tranquillement mon souffle et mes esprits pendant que ma petite sœur s’installe contre moi.

-         Ains, je pense que je vais t’écouter pour une fois. Tu as raison il faut que je ralentisse et que j’arrive à me reposer un peu. Je sais que cette affaire est en train de me faire dérailler mais mon esprit de profiler ne peut pas s’empêcher de penser qu’il y a un lien entre le profil de l’assassin que je recherche et ce que mon hallucination a essayé de me dire.

-         Ou alors c’est le manque de sommeil et le stress de ton travail qui te fais halluciner, il n’y a pas nécessairement des liens partout.

-         Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas évidents que ces liens n’existent pas.

-         Malcolm, c’est à moi que tu dis ça, juste après avoir crié contre ton hallucination ?! Vraiment ?


Elle n’a pas tort, je ne suis même pas assez lucide pour voir que je suis encore hanté par mon père et que ce n’est probablement pas lié avec mes affaires pour la police.


-         D’accord, j’accepte d’aller voir l’inspecteur Sianh pour lui expliquer que je dois ralentir sur cette affaire pour me reposer. Et si demain je n’ai pas récupéré correctement je te promets de contacter ma psy.

-         Ça me va. Et si tu ne veux pas que je prévienne notre mère surprotectrice alors je veux au moins que Gil soit au courant de ton état, je sais qu’il peut avoir une bonne influence sur toi dans ses moments-là.

-         Marché conclu. Merci pour tout petite sœur.


Ainsley se leva pour nous préparer deux cafés et commença à m’expliquer que notre mère lui avait demandé de passer chez moi pour s’assurer que j’allais bien après mon accident de voiture. Elle avait l’air quelque peu préoccupée mais vu la scène que nous venons de vivre tous les deux je ne vais pas chercher à la questionner. Elle me propose de s’installer dans mon salon pour discuter un peu mais je n’ai même pas le temps de lui expliquer les circonstances de ma mésaventure avec la voiture de notre mère qu’elle doit déjà me quitter pour retourner travailler sur une info qui vient de tomber.


-         Et Malcolm, promet moi de ne pas faire de folies, pour une fois écoute ta petite sœur et laisse-toi aider.

-         Je te promets d’essayer.

-         De toute façon je vais revenir.

-         Ça ne fait aucun doute.  


Après cette mise au point entre frère et sœur je décide de me rendre au poste de police pour avoir une vraie conversation avec Gil au sujet de mes récentes hallucinations. Il va probablement me demander de revenir avec lui après des vacances forcées et une reprise intensive de ma psychothérapie, mais après tout il n’aurait pas tout à fait tort. Je laisse donc les dossiers de l’Inspecteur Sianh dans mon studio pour prendre le chemin du commissariat avec l’appréhension de devoir affronter la réalité de ma situation. Ainsley avait raison, je ne suis pas en état de régler mes problèmes seul, je perds totalement le contrôle mais je dois quand même essayer de savoir s’il existe réellement un lien entre le profil de l’assassin que je recherche et ce que me subconscient a essayé de me dire. Mais par chance je connais quelqu’un qui pourra peut-être m’aider à comprendre, il est le seul à savoir s’il existe un réel lien entre le message délivré par mon hallucination et l’affaire que j’essaie de résoudre … Je sais pertinemment que ma sœur va m’en vouloir si je fais ça, mais après tout ce sont mes problèmes et c’est à moi de trouver le moyen de les régler.


Finalement décidé à obtenir des réponses concernant la signification de mes récentes hallucinations j’appelle un taxi pour me rendre dans le dernier endroit où l’on pourrait me chercher en ce moment.


Dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique je réalise que l’homme auprès de qui je m’apprête à demander des réponses est la principale raison pour laquelle je suis dans cet état. Il est l’objet de toutes mes peurs, comment est-ce que je peux imaginer qu’il peut m’aider à obtenir la solution à mes problèmes. 


Je n’aurai jamais dû venir ici, je ne suis même pas en état de subir son sarcasme et sa manipulation mentale pour me faire croire qu’il est un bon père ou qu’il se souci de quelqu’un d’autre que sa petite personne. Pourquoi est-ce que je fais ça …


-         Mon fils.


Le long silence qui suivit témoignait de mon appréhension à avoir une quelconque relation avec cet homme, je me forçais à respirer calmement pour ne pas lui montrer mon malaise. Il me regardait droit dans les yeux et affichait un visage décontracté contrairement à moi qui n’avait pas dormi depuis des jours et qui subissait encore les effets de l’adrénaline dû aux terrifiantes hallucinations que je venais d’avoir.


-         Je suis tellement content de te voir, ça fait longtemps.


Il marchait lentement dans ma direction jusqu’à ce que ses entraves ne l’empêchent d’avancer plus loin, il m’observait, il avait l’air serein et satisfait que j’ai besoin de lui. Pendant plusieurs secondes j’ai eu envie de sortir en courant pour ne pas avoir à lui adresser la parole. 


-         Tu es blessé, que s’est-il passé ?

-         Bonjour Docteur Whitly. Rien qui vous concerne.

-         Malcolm voyons, tu n’es pas obligé de te montrer aussi cérémonieux avec moi, je suis ton père.

-         Je suis ici, pour … euh, j’ai une affaire.

-         Oh, génial, parlons boutique. Assieds-toi je t’en prie.

-         Non je préfère ne pas m’attarder.

-         Dans ce cas, parle-moi de ton affaire.

-         Ça se passe en deux temps, il y a tout d’abord un premier crime qui date de 5 ans, quelqu’un a volontairement fait sortir une voiture d’une route de montagne après l’avoir poursuivi sur plusieurs kilomètres, provoquant la mort de tous ses occupants. Il n’y a aucun témoin de l’accident ou de la course poursuite, la route était isolée, il faisait nuit au moment de l’accident, les traces de pneus retrouvées sur la route indique clairement la volonté du conducteur de faire sortir le véhicule de la route.  Puis un autre accident plus récemment avec le même mode opératoire excepté que cette fois ci le conducteur a survécu au choc de l’accident, il est mort par strangulation dans son véhicule accidenté. Les éléments du profil de l’assassin indique clairement qu’il a une volonté de reproduire un certain schéma, je pense que cela remonte à un traumatisme qu’il a pu lui-même vivre sur cette route et qui l’aurait enfermé dans ce cycle de violence pour évacuer une tension psychique.

-         C’est intéressant. Je note cependant que ce genre d’affaire ne ressemble pas à ce que tu as l’habitude de faire. Est-ce que tu as eu des problèmes avec ton ancienne équipe ?


Pourquoi est-ce qu’il cherche toujours à rentrer dans ma tête, il ne peut pas simplement me donner son avis de serial killer que j’arrive à faire le lien avec mes hallucinations et que je sorte rapidement d’ici.


-         Qu’est-ce qu’il te fait croire ça. J’ai demandé à travailler sur cette affaire car je pense que je peux arrêter cet assassin.

-         Ce n’est pas la véritable raison de ta présence ici. Malcolm qu’est que tu veux me demander ?

J’ai besoin de réponse, j’ai besoin de savoir pourquoi est-ce que je fais des hallucinations dans lesquels tu es convaincu que je suis un monstre comme toi.

-         Est-ce que cette affaire à un quelconque lien avec toi ?

-         Comment ça un lien avec moi ? Ce genre de mode opératoire ne me ressemble pas du tout, c’est beaucoup trop impersonnel. Mais ça tu le sais très bien. Alors que veux-tu vraiment me demander ?


Son don de toujours chercher le sens caché dans mes questions est particulièrement insupportable, surtout aujourd’hui, je suis venu jusqu’ici pour avoir des réponses, pas pour être psychanalysé par cet homme.


-         Est-ce que le schéma de ces crimes te fait penser à quelque chose ? Est-ce qu’il peut y avoir un quelconque lien entre ces affaires et toi ?

-         Malcolm où veux-tu en venir exactement ?

-         Pourquoi toi !?! Pourquoi est-ce que cette affaire m’a amené jusqu’ici ?! Tu penses vraiment que je suis venu ici par plaisir ? Eh bien non, j’ai été forcé de venir ici pour comprendre les liens que tu pourrais avoir avec cette affaire et surtout comprendre ce que moi j’ai à voir avec tout ça.

-         Je sens que tu es sous pression, tu fais toujours des cauchemars mon fils ? Tu n’as pas l’air en forme, est-ce que c’est cette affaire qui te met dans cet état ?

Il se moque de moi là …

-         Comment est-ce que j’ai pu imaginer que tu pourrais m’aider … J’en ai assez entendu pour aujourd’hui. Au revoir Docteur Whitly.

-         Malcolm attend, je ne sais pas ce qui te met dans un tel état, mais pose toi les bonnes questions. Est-ce vraiment pour me parler que tu es venu jusqu’ici ou pour te convaincre de quelque chose …


Maintenant je me retrouve avec encore plus de question qu’avant et toujours aucune piste au sujet de mes hallucinations.


-         Parfois les bonnes questions sont celles qu’on refuse de se poser par peur de la réponse.


Pendant que Monsieur David refermait la porte de la cage de mon père je cherchais désespérément à comprendre où il voulait en venir avec sa dernière phrase. Je le regardais derrière cette vitre épaisse, il affichait toujours son sourire satisfait, moi je me retrouvais encore avec des questions sans réponses et un père qui s’extasie de me voir me battre pour obtenir des réponses.


Sur le chemin de la sortie de l’hôpital psychiatrique je me demandais pourquoi est-ce que j’avais choisi de venir ici plutôt que de suivre les conseils de ma petite sœur. Cet homme ne pense qu’à servir ses intérêts personnels, je suis tellement naïf d’avoir cru qu’il accepterait de m’aider … Et pourtant j’ai la sensation qu’il a touché un point important, pourquoi est-ce que je suis vraiment allé le voir alors que je sais pertinemment comme il réagit. Et si mes hallucinations n’étaient reliées à mon père mais à ma propre image … Si cette obsession soudaine d’être comme mon père résultait en fait de la projection des propres angoisses de l’assassin. Si toute cette affaire était également une sorte « d’affaire de famille » … Cette rage dirigée contre les familles dans ses voitures et peut être un déplacement des angoisses de l’assassin, il est peut-être devenu malgré lui la copie d’une figure auquel il ne voulait pas ressembler et il reporte sa rage contre autrui en reproduisant l’événement traumatique qui a peut-être engendré ce phénomène …


C’est complètement dingue mais après tout je n’ai pas d’autres pistes pour le moment, je dois continuer d’étudier les anciennes affaires, tout se trouve là-bas, l’explication que je cherche doit se trouver dans un de ces dossiers.  


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