Professeur Layton et le Miroir de Rosenwald
Chapitre 14 : Par une Belle Nuit Étoilée
2615 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 30/01/2020 00:41
"-Es-tu bien consciente de ce que tu es en train de me dire ?
-Je le suis parfaitement.
-Le monde est si petit...
-J'ai préféré les laisser s'en tirer, à moins que tu ne préfères que je te les ramènes ici ?"
L'homme esquissa un sourire.
"-Laisse-les, j'ai une bien meilleure idée.
-De toute manière, tu n'as besoin que des deux frères, c'est bien cela ?
-En effet, ma chère Hirondelle."
Hirondelle leva rapidement les yeux au ciel. Elle savait ce qu'il voulait, pourquoi il voulait ce miroir. Seule elle le savait. Ses autres collègues étaient persuadés qu'il le voulait pour la gloire et le pouvoir de l'organisation. Mais l'agence avait déjà tout cela, ça ne leur était pas venu à l'esprit ?
"-Tout cela pour elle, vraiment je n'arrive pas à te comprendre.
-Je n'ai pas besoin que tu me comprennes sur ce point."
Il se mit à tapoter ses doigts sur le bureau ébène. La jeune femme soupira et regarda dehors, cet horizon qu'elle connaissait du bout des doigts. Le quartier général était toujours enseveli sous ces nuages noirs et menaçants.
"-Le seul soucis, serait que ce Descole la retrouve avant.
-Oh mais ne te fais pas d'inquiétude, il l'a sûrement oubliée depuis.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
-Il était avec une femme quand je l'ai vu."
L'intéressé leva la tête, interloqué et repoussa une mèche de ses cheveux ondulés.
"-Une femme ?
-Rien de bien extraordinaire. Elle ne te sera d'aucune utilité.
-Dans ce cas..."
Il se leva tranquillement et se dirigea vers la porte. Il s'arrêta, dos à sa collègue et dit à voix basse :
"-Veille bien sur eux s'il te plait. Surtout sur ce Hershel Layton, il pourrait indirectement nous être d'une grande aide.
-Et cet imbécile masqué ?
-Il me sera très utile, dans d'autres circonstances.
-A tes ordres. Je te tiendrais au courant."
Il rit doucement.
"-Je te remercie...Violet."
***
"Morte...Morte...Morte"
Impossible de trouver le repos. Le sommeil ne pointait décidément pas le bout de son nez. Alors comme la veille, il s'assit dans ce fauteuil d'époque et contempla le ciel étoilé, ce papier lavande à la main. En soi, en quoi importait-elle ? Pourquoi depuis le début de ce voyage, elle restait ancrée dans un coin de sa tête ?
Peut-être parce qu'il n'arrivait plus à jouer la comédie ? Il n'arrivait plus à se tromper. Jusque combien de temps tiendrait-il face aux autres ?
Il enfouit sa tête dans le creux de ses mains, perdu. Et puis il y avait TARGET, son frère et maintenant cette Victoria. Il ne savait plus où se donner de la tête.
Pourquoi son majordome avait demandé une telle chose à Layton ? Impossible qu'elle soit vivante. Dès lors, qu'elle eût posé le pied au Nid, elle signait définitivement son arrêt de mort. C'était indéniable. Alors pourquoi...?
Une petite voix dans sa tête continuait d'espérer, mais ce mot là n'était pas dans le vocabulaire de Descole. Il n'existait tout simplement pas.
Valait-il mieux se concentrer sur l'instant présent. Ce qu'il s'était passé aujourd'hui...
Il se mordit la lèvre, la culpabilité naissant en lui. Ainsi elle lui faisait confiance ? C'était bien une première depuis Raymond. Il y était peut-être allé un peu fort, mais c'était tout lui après tout. Il se surprit à sourire bêtement en repensant à cette jeune femme. D'ailleurs comment allait-elle depuis ? Ils s'étaient quittés en "mauvais termes" et cela le bloquait.
Il soupira et se leva lentement, rangeant cette lettre de malheur. Il n'avait toujours pas la moindre idée de l'expéditeur, et croyait très peu en la théorie de son frère. Il se dirigea lentement vers la seule source de lumière, une bougie encore très peu consumée. Il approcha ses lèvres de la flamme ardente et poussa un long souffle doux ce qui plongea la pièce dans une obscurité des plus totales.
Un bruit se fit entendre dans le couloir et Descole sursauta, lui qui avait prit l'habitude du silence pesant. Il se mit à songer un instant.
"-Ne serait-ce pas ce même bruit, que j'ai entendu la nuit dernière...?"
Il hésita et n'ayant toujours pas trouvé le moyen de dormir, il se rendit instinctivement dans le long couloir. Une vieille odeur de renfermé flottait dans l'air et le bois qui travaillait n'arrangeait pas les choses. Il s'empressa de se rendre dehors, pour prendre une bouffée d'air.
L'air était doux, sans une brise. Ies lucioles avaient entamés leurs sérénades nocturnes et les étoiles brillaient de mille feux, dans le ciel encré.
Il se pavana dans les ruelles, vides. Il réfléchissait à tout et à rien. Pendant dix bonnes minutes, il errait dans Rosenberg, vallée fantôme à cette période de la nuit.
Soudain, au loin son regard se tourna vers une situation qui l'arrêta net.
***
"Allez...Maudite Hirondelle !"
Victoria était planquée derrière un épais buisson, ayant ainsi le loisir d'espionner les soldats de TARGET à sa guise. Elle prenait soin de tout noter dans son précieux journal.
"Où es-tu....?"
Elle la cherchait. Sa première rencontre l'avait laissé sur sa faim. Elle la trouvait étrange, un air de déjà-vu ? Mais pas une trace d'elle. Elle devait être ailleurs. Elle se résigna et observa les quelques soldats de ronde. Certains discutaient à la fois de tout et de rien, d'autres faisaient l'inventaire de leurs armes, les astiquaient, les rechargeaient. Elle tentait tant bien que mal de tendre l'oreille, peut-être allait-elle obtenir de précieuses informations sur ce miroir ou même le supérieur de cette organisation ?
Tous les soldats rentrèrent au campement sauf bien sûr quelques-uns qui devaient monter la garde. Elle poussa un long soupir et ferma son journal dans un claquement sourd. Elle n'obtiendrait rien de plus ce soir.
Elle n'arrivait pas vraiment à se détendre suite aux évènements de ces heures passées. Ainsi Descole, la suspectait d'être de mèche avec TARGET ? Elle en avait des déceptions, mais celle-ci...
Malgré tout elle devait bien avouer qu'elle avait été un peu trop insistante avec lui. Elle et sa curiosité...
Elle se concentra et ne lâcha pas son regard du camp de cette organisation.
"C'est donc de vous que venait le bruit dans le couloir."
Victoria sursauta et vit Descole qui n'était qu'à quelques millimètres de son visage. Elle se releva brusquement, fulminant et prit Descole par le poignet, s'éloignant ainsi de TARGET. Descole la suivit sans broncher. Ils arrivèrent à la place centrale qui était elle aussi fantomatique.
"-Qu'est-ce que vous faites ici à une heure pareille ?!
-Je pourrais en dire autant de vous, Victoria."
Sa colère était revenue. Mais elle essaya de se calmer.
"-Vous m'avez suivie ?
-Vous avoir croisé n'était qu'un heureux fruit du hasard."
Il la regardait et il voyait bien qu'elle était toujours énervée.
"-Vous êtes toujours énervée ? Lui demanda t-il d'une voix tremblante.
-Bravo, vous êtes décidément fort intelligent."
Il ne put s'empêcher de ricaner, ce qui n'arrangea pas la chose.
"-Victoria, j'aimerais...
-Quoi ?"
Il sentit ses joues devenir cramoisies, et pourtant il devait se ressaisir. Qui était-elle pour le mettre dans un état pareil ? Juste une femme capricieuse, prenant tout au mot. Enfin il avait eu pour habitude de côtoyer le genre de femmes, qui, vous savez, étaient faibles d'esprit et facilement manipulables. Il repensait à cette jeune cantatrice tiens.
Victoria elle, était prête à mordre lorsqu'on s'en prenait à elle. Un sacré caractère. Il aimait cela.
"-Je pense qu'il vaudrait mieux que nous...Discutions ?"
Victoria laissa échapper un rire moqueur.
"-Vous voulez discuter ?
-Cessez donc un peu !"
Elle sursauta, surprise.
"-Venez."
Il ne lui laissa pas le temps de riposter. Il la prit par la main et l'emmena sur une colline où l'on pouvait observer le magnifique paysage qu'était la vallée. Il l'invita à s'asseoir, ce qu'elle fit sans rechigner. Après tout, pourquoi ne pas essayer ?
Il s'assit à son tour tout juste derrière elle. Elle fixa le paysage. Descole avait bien choisi son endroit. Quand à lui, il la regardait d'un air désolé.
"-Descole je suis désolée. Finit-elle par dire."
Elle soupira.
"-Je suis désolée de m'être conduite comme une garce et une idiote envers vous.
-Vous-
-Non, je n'aurais pas dû être autant insistante, si moqueuse. Ca n'est...pas moi.
-Vraiment ? Cela fait partie de votre charme pourtant."
Elle détourna le regard et replaça une mèche de ses cheveux chatains derrière son oreille.
"-Mais ce que vous m'avez dit...
-Je suis désolé."
Il se mordit la lèvre inférieur. Il ne s'était jamais excusé pour des choses aussi futiles.
"-Victoria, j'étais persuadé que vous étiez une taupe travaillant pour TARGET.
-C'est ce que j'ai cru comprendre oui. Je sais bien que je ne suis pas une femme très fiable au premier coup d'oeil, et je ne renvoie sûrement pas une bonne image de ma personne mais...
-Mais ?"
Elle se recroquevilla sur elle-même.
"-Ces dernières années n'ont pas été très glorifiantes, je n'ai eu que déceptions sur déceptions...Alors j'accorde peu ma confiance aux autres."
Elle souriait. Mais Descole ne pouvait pas le voir. Il l'écoutait avec la plus grande attention.
"-Mais vous...Et puis le Professeur Layton et son apprenti...Vous dégagez tous les trois une aura...Rassurante ?
-Croyez-moi c'est une très mauvaise idée de me placer dans la même case que Layton et de son morveux.
-En même temps je ne sais rien de vous. Vous préférez vous cacher derrière une attitude de diva en plus d'un masque. Quelles en sont les raisons ? Qui êtes-vous en réalité ?"
Il ne pouvait pas lui dire. C'était trop douloureux. Et puis toutes ces manigances qu'il avait accomplies ? Il ne voulait pas lui dire tout ce qu'il avait fait, seule cette jeune femme n'était au courant de rien. Que dirait-elle, s'il le lui disait ? Elle s'enfuirait en courant pour sûr !
"-Ca n'est en rien contre vous, mais je ne peux pas vous le dire. Du moins pas encore.
-Dans ce cas je prendrais mon mal en patience. A vrai dire, je ressens une certaine tristesse, un désespoir émanant de votre personne.
-Vous êtes douée."
Elle se retourna et le regarda d'un air triste. Elle le trouvait beaucoup trop intéressant et sa curiosité était insoutenable. Mais elle se contenait de toutes ses forces.
"-Puis-je vous demander quelque chose ?
-Quoi donc Descole ?
-Tutoyons-nous, je n'en puis plus de vous vouvoyer.
-Je n'osais pas demander. A vrai dire cela me convient, je déteste plus que tout les formalités."
Elle lui fit un grand sourire. La conversation l'avait radoucie, ce que Descole avait relevé. Il était rassuré. Il sentait qu'à ce moment-là, il pouvait discuter sereinement, presque naturellement, sans jouer de rôle.
"-Alors Descole, que faites-v...Fais-tu dans la vie ?
-Je voue mon existence à la science et à l'archéologie.
-L'archéologie hein...
-Cela te pose un problème ?"
Elle secoua la tête, reprenant ses esprits.
"-Pas du tout ! A vrai dire, je trouve cela fascinant !
-Et toi alors ?
-Moi ? Je ne suis pas intéressante tu sais...
-Toute personne est intéressante d'une façon ou d'une autre.
-Dis comme cela..."
Elle commençait à frissonner. Plus le temps passait et plus l'air devenait frais.
"-Disons que je suis une ermite.
-Une ermite ?
-Oui. Je n'ai aucun travail, ni de loisir particulier. Je vis dans un petit appartement miteux dans la banlieue de Londres.
-Tu vis seule ?
-Absolument."
Elle se mit à rire.
"-Tu me voyais mariée, avec des enfants ?
-Non, du tout enfin...Peut-être, je pensais que tu avais quelqu'un dans ta vie."
Elle plissa les yeux.
"-C'est...Compliqué.
-Je ne t'en demande pas plus alors."
Une question le titillait encore et toujours.
"-Dis-moi dans ce cas, pourquoi t'es-tu mise en quête de ce miroir ?
-Je suis avide d'aventure et de mystères, alors j'ai voulu tenter le coup. Et toi alors ? Pourquoi, tu veux ce miroir ?"
Il regarda l'horizon, pensif. Pourquoi il le voulait hein ? Il repensait un court instant à la lettre. Et si avec ce miroir...
"-Je ne sais pas vraiment, je voulais juste voir cet objet maudit de mes propres yeux, sans doute ?
-Hm, oui cela se comprends."
Elle frissonnait encore, mais essayait de le cacher. Malheureusement ce fut raté.
"-En tout cas je suis désolée de t'avoir-"
Elle ne put finir sa phrase. Elle sentit comme une couverture s'envelopper autour de ses frêles épaules. Elle baissa la tête et vit que c'était la cape de Descole.
"-Mais...
-Tu avais froid.
-Maintenant c'est toi qui va avoir froid..."
Elle commença à l'enlever pour la lui rendre, mais l'homme masqué l'en empêcha.
"-J'insiste.
-Mais vraiment je-
-Je suis d'humeur galante, profites-en."
Elle regardait Descole, puis la cape. Elle se blottit dedans. Elle était plutôt confortable et elle laissait échapper une odeur enivrante, ce qui fit touner la tête de la jeune femme.
"-M-merci...
-Mais je t'en prie...Vic.
-Vic ?
-Tu n'aimes pas ?
-Si, si, c'est juste que je n'ai jamais eu de surnom comme tel...
-Tu vas devoir t'y habituer alors"
Il afficha un rictus moqueur.
"-Dis moi...?
-Oui ?
-C'est quoi cette histoire de partition alors ?"
Descole manqua de s'étouffer à nouveau. Il croyait qu'elle avait oublié.
"-Si tu croyais que cela m'étais sorti de la tête, tu te trompes.
-Tu tiens tant que ça à savoir ?
-Oh oui ! Luke m'a annoncé la couleur, alors hors de question de ne pas savoir de quoi il parlait !
-Je te le dirais un jour...Dit-il à son grand désespoir.
-J'ai hâte alors !"
Ils continuèrent de parler de tout et rien, pendant encore une bonne heure. La tension n'était plus, mais la fatigue commençait à se faire ressentir. Les deux protagonistes se sentaient bien, pas une menace à l'horizon. Juste une magnifique nuit étoilée qui s'offrait à eux.
Ils décidèrent de retourner à l'hôtel, demain sera une grosse journée. Sur le palier de sa chambre, Victoria enleva délicatement la cape et la rendit à son propriétaire.
"-Merci, pour cette nuit. Ce fut très agréable de discuter à la belle étoile.
-Je ne peux qu'approuver tes dires. Lui répondit-il en lui souriant.
-Bonne nuit Descole."
Elle lui fit une petite révérence, et ria doucement, pour finalement rejoindre sa chambre. Descole la regarda et fit de même.
Elle alluma une bougie. Son regard s'était tristement assombrit.
"-Je suis sincèrement désolée..."
Elle rangea un objet dans sa saccoche, d'un air désolé.
"-Il le faut."
Elle médita quelques minutes sur sa longue conversation avec Descole, le visage fermé, les joues rouges et décida de se mettre au lit.
***
En pleine nuit, nous pouvions entendre le plancher se craquer. Le bois qui travaillait ? Théorie plausible, si le couloir était vide. La silhouette était devant la porte de chambre du Professeur Layton et de Luke. Elle sorti un poignard ainsi qu'une feuille de papier et d'un coup sec, planta cette dernière contre le bois ébène de la porte.
Elle vérifia son travail et reparti silencieusement au rez-de-chaussée.
Ils étaient prévenus...