Professeur Layton et l'ultime énigme

Chapitre 18 : C'est vous ! -partie 2-

3941 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:00

Le professeur Layton avait toujours été un amateur de casse-tête, d’énigmes et de puzzles. Seulement, cette fois, c’était tout à fait différent de tous les autres puzzles qu’il avait résolus.

Ce n’était pas comme s’il n’avait jamais dû désigner un coupable et prouver sa culpabilité de sa vie ; bien au contraire. Mais il avait comme l’impression que c’était le cas. Il se dit qu’il avait peut-être changé depuis sa dernière aventure…

Mais ce n’était pas le moment de se soumettre à de telles pensées. Il ajusta une énième son haut-de-forme comme pour se donner du courage ; et entama :

-La première grande pièce de ce puzzle est l’enlèvement de Flora. Une question a été plusieurs fois posée tout au long de l’enquête : est-ce que cet enlèvement a, oui ou non, le moindre rapport avec le meurtre. Au premier abord, moi et Luke les avons immédiatement liés… et nous avions tort. Les deux actes sont bel et bien liés, mais pas de la façon qu’on croyait.

-Je suis bien curieux de savoir comment, alors, déclara l’inspecteur Gramond, sceptique.

-C’est là qu’intervient le deuxième kidnapping, celui du Dr. Schrader.

-Professeur ! S’exclama Flora, vous ne pensez tout de même pas que c’est Don Paolo qui m’a kidnappée moi aussi ?

-Non, tu as dit que tu ne connaissais pas la voix de ton ravisseur, mais tu as déjà vu et entendu Don Paolo plusieurs fois.

-Mais quel est donc le lien avec moi ? Interrogea Andrew Schrader.

Layton dirigea le regard vers le faux Vladimir.

-Réfléchissons donc un peu. Don Paolo a kidnappé le Dr. Schrader et l’a ramené jusqu’ici, au palais de Vladimir Van Herzen. S’il a pu le faire, c’est qu’une personne lui a montré comment l’atteindre. Et quelque temps après, moi et Luke arrivons au palais de Vladimir. Vous, monsieur, ne vouliez surtout pas qu’on sache qu’il est prisonnier ici.

-Et c’est pour cela que Nigel nous a enfermés ! Conclut Luke.

-Tout à fait, approuva le professeur. Mais, le lendemain de notre arrivée, Flora se fait kidnapper dans des conditions très mystérieuses. La question à poser est : Pourquoi ? Quel le rapport entre Flora et le docteur Schrader ?

Luke, Flora et Schrader se regardèrent. Aucune réponse ne leur venait en tête.

-Qui a kidnappé le docteur Schrader ? Demanda Layton.

-Don Paolo ! Répondirent-ils en chœur.

 -Et maintenant, dites-moi, qui s’est fait passer pour Flora, lorsque nous sommes venus à Folsense, l’an dernier ?

Luke et Flora ouvrirent grand les yeux.

-C’est Don Paolo aussi.

-Je suis curieux de savoir où vous souhaitez en venir, ironisa le duc.

-N’est-ce pas évident ? Revenons à nouveau à notre première rencontre ; lorsque je vous ai dit que nous avions été guidés par quelqu’un jusqu’à votre demeure, vous n’avez même pas cherché à savoir de qui il s’agissait. Sans doute aviez-vous déjà votre petite idée.

-Je sais ! S’écria Luke, peu de gens savent comment accéder au palais. Il n’y a que vous, votre majordome et Penelope. Comme vous savez que ce n’est pas vous ni Nigel, vous avez dû deviner que c’était Penelope.

-Penelope ! Cria le duc d’une voix étouffée.

-Eh non ! Répondit Layton, le faux Vladimir n’a jamais soupçonné Penelope ; en réalité, il ne l’a jamais rencontrée avant aujourd’hui. Il soupçonnait quelqu’un d’autre.

-Mais qui ?

-Réfléchis, Luke. Une quatrième personne pouvant accéder au palais ; car, pour une certaine raison, on le lui avait montré auparavant.

-Don Paolo !

-Exactement. Le faux Vladimir a demandé à Don Paolo de kidnapper le docteur Schrader, lui montrant comment accéder au palais pour le ramener. Quelque temps plus tard, moi et Luke arrivons chez lui. Lorsqu’il apprend que nous avons été guidés, il soupçonne immédiatement Don Paolo de l’avoir trahi en nous révélant tout ce qu’il avait fait et en nous guidant jusqu’ici. Il ignorait qu’il y avait une autre personne connaissant le chemin menant au palais.

Penelope baissa les yeux. Elle n’est finalement pas si imprévisible que ça…

-Mais alors, comprit l’apprenti du professeur, s’il a enlevé Flora c’est qu’il croyait que…

Layton sourit.

-Le lendemain, dès que nous fûmes partis, il s’est échangé les rôles avec son majordome et c’est rendu en ville, car personne –même pas nous- ne trouverions cela étrange d’y croiser Nigel, contrairement à Vladimir. Et là, il a vu Flora qui était sorite de l’hôtel pour me chercher ; et il a cru qu’il s’agissait de Don Paolo déguisé, alors il l’a kidnappée. Mais un problème se pose ici ; c’est la faille même dont je parlais, Luke. Vladimir n’a jamais assisté à l’instant où Don Paolo a été démasqué.

Le professeur tourna le regard vers le vieil homme.

-Mais cette faille s’est évaporée lorsque j’ai compris ce que vous cachiez. C’est une autre preuve monsieur que vous n’êtes pas le vrai Vladimir !

-Et c’est vrai que l’inspecteur Darken a été vu à Folsense au même moment où l’enlèvement a eu lieu, remarqua Gramond. Alors, ce n’était réellement pas lui ?

-Aujourd’hui, nous avons croisé Penelope et le docteur Schrader en Ville, renchérit le professeur. Au moment où ils allaient revenir au palais, je leur ai demandé de passer par le labyrinthe pour faire une petite expérience.  Je voulais savoir si le kidnapping était chronologiquement réalisable.

Gramond croisa les bras.

-C'est-à-dire ?

-Lorsque nous nous sommes séparés, nous étions proches de l’hôtel. Penelope et le docteur Schrader devaient donc parcourir la distance entre l’hôtel et l’entrée du labyrinthe, puis celle entre l’entrée du labyrinthe et sa sortie ; ils ont donc effectué le même trajet que celui du faux Vladimir déguisé en Nigel lorsqu’il est descendu en ville et qu’il a kidnappé Flora, seulement en sens inverse. Pareil pour moi, Luke et Flora. Nous avons effectué le même trajet que Luke et moi ce jour-là en sens inverse. Depuis l’hôtel jusqu’au commissariat puis au palais en prenant le passage souterrain. Résultat : nous sommes arrivés en même temps. Mais si on compte qu’aujourd’hui, Luke, Flora et moi sommes restés un peu plus au commissariat pour faire le point sur l’enquête, alors une personne venant du palais hier aurait aisément eu le temps d’arriver avant nous à l’hôtel.

-Alors c’est pour ça que tu nous as demandé de prendre le labyrinthe ! Comprit le docteur Schrader.

-Oui, c’était la raison principale. Et voici donc notre première pièce.

Luke était ébahi ; ils n’avaient rassemblé qu’une seule « pièce » et déjà il pouvait voir l’affaire d’un angle complètement différent. Ainsi Katia n’était pas l’unique victime ; le faux Vladimir utilisait son majordome non seulement pour diriger l’enquête mais aussi  pour pouvoir se rendre en ville sans attirer l’attention.  Et ce n’était pas tout.

Il se disait aussi que, quel que soit cet imposteur, il devait être un pro du déguisement. Don Paolo était-il vraiment à rayer de la liste des suspects ?

-Passons maintenant à la seconde pièce, proposa l’inspecteur. Vous dites que Flora a été kidnappée par cet homme car il l’a prise pour quelqu’un d’autre, c’est bien cela ? Alors j’imagine que c’est en découvrant qu’elle n’était pas la personne qu’il cherchait qu’il l’a rendue si mystérieusement, le lendemain de son enlèvement.

-Oui. Lorsque moi et Luke sommes revenus au palais, Nigel nous a dit que son maître se reposait. Mais, selon les faits qu’on vient de conclure, il ne devait  pas être encore arrivé. Il nous a conduit à notre chambre et nous y a enfermés.

Layton, en prononçant ces mots, c’était retourné vers Nigel.

-Mais, un moment plus tard, vous êtes revenus, prétextant nous ramener une collation, pour repartir sans fermer la porte à clé. Vous n’allez pas me dire que vous avez simplement oublié… je dirais même que vous êtes spécialement revenu pour nous ouvrir. La question est : qu’est-ce qui s’est passé durant ce laps de temps qui vous a poussé à agir de la sorte ?

-J'imagine qu'il a dû découvrir que son maître avait kidnappé la mauvaise personne, suggéra l'inspecteur, mais cela n'explique pas pour autant pourquoi il est revenu vous ouvrir la porte...

-Au contraire, sourit le professeur, cela explique tout! "Vladimir" était certain que c'était Don Paolo qui nous avait guidés. Il a kidnappé Flora en croyant avoir attrapé la bonne personne. Il a essayé de la démasquer, mais a échoué pour une simple raison: elle ne portait aucun masque!

Luke se rappela du jour où lui avait essayé de démasquer l'inspecteur Chelmey qu'il avait pris pour un imposteur. C'était donc pour ça que Flora gardait ces marques sur le visage.

Bien que cela paraisse bizarre, le jeune apprenti sourit. Il se sentait soudain moins seul.

-Là, continua Layton, vous avez paniqué. Enfin quelque chose venait troubler vos plans. Et vous avez commencé à agir n'importe comment depuis ce point-là.

Vladimir restait silencieux, mais son regard avait perdu cette expression impassible. Il serrait nerveusement les mains, un tic que le professeur avait remarqué chez lui à chaque fois qu'il était nerveux; tout comme Nigel relevait ses lunettes et Penelope détournait le regard.

-Vous saviez que si l’enquête continuait normalement, nous allions finir par découvrir ce que vous avez fait. Vous auriez pu simplement vous débarrasser de moi et de Luke, mais vous ne l’avez pas fait pour une très simple raison. Même si vous nous tuiez, il y aurait une troisième personne au courant de vos actes : celle qui nous a guidés. Vous croyiez l’avoir attrapée pour découvrir que ce n’était pas la bonne personne ; vous vouliez nous embrouiller les pistes pour gagner du temps  pour découvrir qui c’était réellement, et ce en nous permettant de rencontrer le docteur Schrader.

Luke se leva à son tour.

-Mais vous avez omis un petit détail, car vous ignoriez que le professeur connaissait le docteur Schrader, et qu'en plus, il avait reçu une lettre de lui juste avant que vous ne l’enleviez.

-Une lettre ! S’exclama le duc.

-Nous reviendrons cela plus tard, déclara Hershel, terminons d’abord cette idée. Vous saviez que le docteur Schrader allait se souvenir tôt ou tard de l’identité de celui qui l’a enlevé  et nous la révélerait : Don Paolo. Nos soupçons tourneraient donc vers Paul, n’est-ce pas ?

-Une lettre ! Répéta l’imposteur en serrant les dents. Que contenait-elle ?

Hershel sourit. Il fallait qu’il soit très habile ; il n’avait plus droit à l’erreur.

 -Et donc vous avez changé de plan aux dernières minutes en décidant de nous libérer. Mais savez-vous que c’est l’un des gestes les plus maladroits que vous ayez commis dans cette histoire ?

-Comment ?

-Moi aussi, j’ai changé de plan à la dernière minute ; hier, je m’apprêtais à vous parler de Penelope et à vous demander des informations sur elle. J’allais bien entendu vous dire qu’elle nous avait guidés jusqu’à votre palais. C’est ce que j’aurais fait si je n’avais pas vu le docteur Schrader ; vous auriez trouvé donc ce que vous cherchiez et n’auriez plus qu’à nous tuer tous les trois, moi, elle et Luke. Tous vos soucis auraient pris fin, si vous étiez simplement venu me parler.

Luke déglutit ; si le professeur n’avait pas compris ce manège, ils seraient tous trois morts ! Il regarda Penelope ; elle était parfaitement flegmatique, surtout pour une personne qui avait frôlé le trépas. La plupart du temps, il se demandait si cette fille n’était pas un corps sans âme.

Toujours silencieux, le duc était dans un état peu enviable. L’ironie de son sort le laissait bouche bée. Et comme si cela ne suffisait pas, Layton a décidé d’en rajouter.

-Et ce n’était pas la seule fois où vous avez raté une chance de connaître l’identité de notre guide. Si vous ne m’aviez pas coupé la parole le premier jour qu’on a discuté, je m’apprêtais à vous le dire !

À nouveau, le silence domina.

-Il nous reste un détail à régler, reprit le professeur, pourquoi avez-vous attendu que Flora soit réveillée pour lui dire votre fameuse phrase avant de l’assommer à nouveau et de la rendre en ville ?

-Une fameuse phrase ? Questionna l’inspecteur.

-Rien de tel pour tuer la monotonie que trois coups de poignard… murmura la jeune fille qui n’arrivait pas à ôter ces mots de sa tête.

-La première explication qui me passe par la tête, expliqua Luke, c’est que le meurtrier voulait que l’on sache que lui et le kidnappeur ne font qu’un. Vous avez dit cette phrase à Flora et avez demandé à l’inspecter Darken de nous dire que Katia a été tuée par trois coups de poignards. Comme ça, on déduirait que celui qui a kidnappé Flora a aussi tué Katia… Mais… pourquoi vous être donné autant de mal ?

-C’est vrai que si tout ce qu’a dit Hershel jusqu’à présent est correct, expliqua Schrader, alors ça n’arrangerait pas l’assassin qu’on apprenne qu’il est le kidnappeur !

-S’il a agi de la sorte, répondit le professeur en regardant le faux Vladimir et son majordome, c’est que ça l’arrangeait !

-Eh bien, Layton, je vois que vous n’avez laissé aucune zone d’ombre ! S’exclama L’inspecteur Gramond.

-En réalité, tout devrait s’expliquer lorsqu’on révélera l’identité de cette personne. Pour l’instant, je vous invite à explorer la troisième pièce.

Déjà deux pièces : la première répondait à la question « Pourquoi Flora avait-elle été kidnappée ? », la seconde avait pour question principale : « Pourquoi le majordome les avait libérés si soudainement? ».  À quoi allait répondre la troisième ?

Se tenant droit, d’une voix on ne peut plus confiante, Layton annonça la troisième question clé :

-Mais pourquoi avez-vous demandé à Don Paolo d’enlever le docteur Schrader ? Cette question peut sembler anodine, mais sans le docteur Schrader, cette histoire n’aurait jamais eu lieu !

-Ce pourrait-il que ça ait un rapport avec la troisième manière d’ouvrir le coffret céleste ? Demanda Andrew Schrader à mi-voix.

-Quelle est cette histoire de troisième manière d’ouvrir le coffret ? Hurla l’imposteur qui, visiblement commençait à perdre son sang-froid.

-Il y a environ quinze jours, expliqua le professeur, le docteur Schrader a découvert une troisième manière d’ouvrir le coffret céleste en inspectant des photos ; il s’est donc rendu à Folsense pour s’en assurer, mais Vladimir a refusé de lui remettre le coffret. En revanche, il a surement dû vérifier le contenu lui-même. Nous ignorons encore de quoi il s’agit, mais quel que soit ce contenu, c’est certainement lui qui a mené le duc et sa petite-fille à leur fin.

-Vous voulez dire que l’assassin s’est senti menacé par ce contenu ? Demanda l’inspecteur.

-On dirait bien. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a pris soin de faire ramener le docteur Schrader ici avant qu’il ne parle de sa découverte à qui que ce soit !

-Malheureusement pour lui, s’exclama Luke, c’était trop tard, car il vous avait déjà envoyé cette lettre, et, lorsqu’il l’a vue à nouveau, il s’est souvenu de tout. Le meurtrier n’avait pas envisagé une telle possibilité.

Ceci n’éclaircissait pas pour autant les choses. C’était Vladimir qui avait le coffret après tout, et c’est à lui seul que Schrader avait expliqué la manière de l’ouvrir. Vladimir aurait-il parlé de cela à quelqu’un ? Mais à qui ?

Et d’abord, que contenait ce coffret de si « menaçant » ? Hershel avait sa petite idée, mais il préférait la garder pour lui : ce n’était qu’une intuition ; il n’avait aucune preuve.

Depuis la grande salle du palais, on pouvait entendre le sifflement du vent. Il faisait de plus en plus sombre et le majordome s’était déplacé pour allumer la lumière. Et bien qu’ils fussent en fin mars, début du printemps, le froid était glacial.

C’était une bien drôle de scène. Vladimir, enfin, celui qui prétendait être Vladimir, était toujours assis, mais son état avait complètement changé. Il était courbé vers l’avant et semblait vraiment énervé, même si ça se voyait qu’il faisait de son mieux pour le cacher. Debout non loin, son majordome semblait vouloir le soutenir jusqu’au dernier moment. Quant à Penelope, elle était la seule de toute la pièce qui n’avait pas changé d’expression depuis le début des révélations ; c’était à croire qu’elle était totalement sourde !

Tous les autres étaient plutôt abasourdis par tous ce qu’ils venaient d’apprendre. À chaque nouvelle révélation, chacun exprimait son étonnement, commentait la nouvelle… ce qui créait un certain brouhaha, même s’ils n’étaient pas bien nombreux.

Mais ce qui était drôle par-dessus-tout , c’était que le meurtrier était là, juste devant eux, déguisé en Vladimir. Il aurait suffi que l’un d’eux saute sur lui pour lui ôter son masque afin qu’ils découvrent sa véritable identité. Et pourtant, personne ne le faisait. Parfois, les réalités sont si difficiles à apprendre qu’on préfère les recevoir lentement et graduellement au lieu de les recevoir d’un seul coup.

Mais qu’allait être la suite ?

 

 

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