La Fin Infinie

Chapitre 13 : Chapitre X : Trop de coïncidences.

2476 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 24/01/2018 07:22

Une lettre du maître du jeu ne saurait être une bonne nouvelle. Les deux jeunes hommes le savaient.

« De quoi il s’agit, cette fois ? » S’impatienta Corvus alors qu’il refermait la porte, laissant à l’autre le soin de déplier la lettre.

« Voyons voir… » murmura Sean qui n’était pas moins intrigué.


« Bonjour, Sean. Bonjour, Corvus. Comment allez-vous ?

J’imagine que vous devez être fous de joie de recevoir une autre missive de ma part. Comment ça, pas du tout ?

Soyons brefs, soyons clairs. J’ai remarqué la petite altercation que vous avez eue aujourd’hui. Ceci, je dois dire, est assez inconvénient. Nous voulons que le scénario avance, qu’une vraie histoire puisse avoir lieu, mais ceci sera impossible si les deux alliés que vous êtes continuent à se battre comme des gamins pour chaque petit détail. Honnêtement, je commence à me lasser.

Aussi vais-je devoir clarifier certains points. C’est à toi que je m’adresse, Corvus. Le pouvoir que je t’ai octroyé est censé te servir à rester à armes égales avec Sean, mais tu dois comprendre que c’est son histoire, et qu’en aucun cas je ne te permets d’intervenir pour la changer. Un navire ne peut pas avoir deux capitaines, est-ce clair ?

C’est pour cela que je vais te demander de t’abstenir de l’empêcher de faire ce qu’il veut. Il a autant à perdre que toi, alors sois certain qu’il sera prudent. Du moins, je l’espère…

Quant à toi, Sean, comme je sais que tu te poses la question, je vais te répondre. Si tu choisis de ne pas écrire quelque chose à propos d’un personnage, il agira selon son propre libre arbitre, en fonction de son caractère et de la situation. Logique. Garde cela en tête ; ça pourrait être utile.

Voilà. Sur ce, je vous laisse vous amuser. Je prépare pour vous une prochaine surprise que vous allez adorer. Est-ce que je dis la vérité ou est-ce de l’ironie ? À vous de conclure.

Très cordialement, quelqu’un. »


Sean releva la tête.

« Ce type est complètement fou ! » S’exclama Corvus, enragé. « Ce ne serait pas un membre de ta famille, par hasard ? »

Sean voulut lui dire que sa famille n’en avait absolument rien à faire de lui, mais la question était clairement sarcastique.

« Néanmoins, les choses sont claires. Maintenant, laisse-moi écrire mon histoire. »

Corvus lâcha un long soupire et se laissa effondré par terre, contre le mur.

Je suis foutu…

***************

9 octobre 1965. 10:23.

Tout en remontant un peu son écharpe grenat sur son visage, Penelope Koldwin descendit de cette voiture-avion à la forme bizarre, une autre invention de Descole. Cet homme semblait répugner à l’idée d’emprunter les moyens de transports normaux comme tout le monde.

« Nous ne pouvons pas nous approcher plus sans attirer l’attention », avait-il fait remarquer en arrêtant son appareil. « Il faudra finir le reste du chemin à pied. »

Pour l’occasion, le scientifique avait revêtu son apparence de Desmond Sycamore. Lorsqu’il descendit à son tour, Penelope se retourna vers lui et lui demanda.

« Pourquoi êtes-vous venus avec moi ? »

« Il se trouve que moi aussi, j’aie affaire à Londres. »

« Comme par hasard », murmura Penelope entre ses dents.

« Comme par hasard », confirma-t-il.

Raymond eut vite fait de les rejoindre, et Descole se retourna vers la jeune fille.

« Tu dois aller voir ton amie, c’est bien ça ? »

« Oui. »

« Bon, eh bien, vas-y. Moi et Raymond avons autre chose à faire. Mais sois prudente. »

« Je sais. »

Elle s’en alla, et le scientifique se retourna vers son majordome. 

« On y va ? »

« Comme vous voudrez. »

***************

« Enfin arrivés ! » S’exclama Brenda alors que le train s’arrêtais au terminus. Ils avaient fait un long chemin, prit le bateau puis le train, et voilà qu’ils étaient enfin à Londres.

Alors qu’ils récupéraient leurs affaires à la gare, Luke reposa une énième fois sa question.

« Papa, maintenant que nous sommes arrivés, je peux savoir pourquoi nous sommes venus ? »

Clarck hésita un instant, chercha du regard de l’aide chez sa femme, puis finit par bredouiller.

« Eh bien, en fait, je dois aller chez Hershel. Son locataire veut louer l’appartement à quelqu’un d’autre, et il a besoin de quelqu’un pour s’occuper des affaires d’Hershel. Comme ses parents sont assez âgés, j’ai pensé le faire à leur place. »

Luke n’était pas crédule. Si le but de Clarck était juste de s’occuper de quelques affaires, pourquoi avoir ramené sa femme et son fils avec lui ?

Mais comme il savait qu’il n’allait pas lui en dire plus, il préféra se taire.


La petite famille longeait les rues de la capitale britannique. Il était onze heures passée du matin et Luke commençait à avoir faim. Il avait très peu mangé ses derniers jours à cause de l’angoisse qui s’était emparée de lui, et ça se voyait clairement sur son corps. Il avait maigri… ou alors il avait juste grandi. Il n’était pas sûr.

« Tu as faim ? » Lui demanda Brenda avec un petit sourire. Décidément, les mamans connaissent leurs enfants mieux que personne.

« Un peu… » mentit Luke, ne voulant pas passer pour un enfant fragile et gâté. « Pas tant que ça. »

« Tiens. » Elle lui tendit son porte-monnaie. « Vas vite nous achetez quelque chose à manger et reviens. Moi aussi, j’ai faim. »

Le jeune garçon s’empara de l’objet et courut vers une petite ruelle à droite. Il se vantait souvent de connaître Londres comme sa poche, et il savait justement où trouver le meilleur traiteur du coin. Son ventre gargouillait rien qu’à imaginer la délicieuse quiche aux champignons qu’il n’avait pas mangé depuis qu’il avait quitté la ville.

Il courrait, l’enthousiasme lui faisant presque oublier sa perplexité de tantôt. Mais alors qu’il était à quelques mètres du traiteur, il tomba nez-à-nez avec une personne qu’il n’aurait jamais imaginé croiser en ces lieux.

« Penelope ! » S’exclama-t-il en dévisageant la jeune fille pour être bien sûr que ce fût elle. Il n’y avait point de doute, c’était le cas.

« Quelle surprise ! » répondit-elle d’une voix peu enthousiaste, même si un léger sourire vint se dessiner sur ses lèvres.

Elle n’avait pas du tout changé. Toujours pâle, toujours chétive, toujours la même aura qui l’entourait. Son visage était à moitié caché derrière son écharpe, mais ses grands yeux bleus à eux seuls auraient suffi à l’identifier.

« Si je m’attendais à te revoir ici ! » Dit Luke en s’approchant d’elle. « Tu vis à Londres, maintenant ? »

« Non, je suis là pour rencontrer quelqu’un. »

Dire « pour rencontrer Flora » aurait impliqué plus d’explications et de détails, et elle ne voulait pas dévier le sujet car elle avait une question à poser.

« Et toi ? »

« Mes parents ont décidé de venir ici pour je-ne-sais quelle raison, alors je suis venu avec eux », répondit l’ex apprenti en haussant les épaules.

« C’est étrange… » marmona la jeune fille.

« Je te l’accorde. Mais j’ai beau posé des questions, ils ne veulent rien me dire. Papa m’a sorti plusieurs justifications peu crédibles, et lorsque je lui ai expliqué que ce n’était pas logique, il m’a dit de ne pas me mêler et que c’était une affaire d’adulte. »

« Il m’a dit exactement la même chose. »

« Qui ça ? »

« Le professeur Sycamore. »

« Descole ? »

« Oui. »

Les deux adolescents se regardèrent, perplexes.

« On nous cache pas mal de choses, j’en suis certaine », conclut Penelope.

« Mon Dieu ! Je croyais tout cela finit. »

Penelope se rappela que Luke ne savait absolument rien au sujet de l’implication de Claire dans l’affaire d’Axerik, ce qui voulait dire que les choses devaient être encore plus sombres pour lui.

« Rien n’est fini, Luke. Je pense qu’on languira toutes nos vies avant de découvrir la vérité. » 

« Si on la trouve. »

« Si on la trouve… »

Luke voulait lui parler de cette histoire d’escrime, mais pouvait-il vraiment lui faire confiance ? Après tout, elle avait choisi de partir avec Descole, l’assassin du professeur ! Cette décision qu’il jugeait comme une totale folie, semblait logique si on supposait juste qu’elle était de mèche avec lui depuis le début.

Il préférait ne pas tout lui révéler, et espérait que Flora n’allait pas le trahir.

Ah, d’ailleurs, Flora !

« Flora serait très heureuse de savoir que je t’ai trouvée ! »

« Elle m’as trouvée avant toi », répondit Penelope avec un sourire narquois.

« Comment ça ? »

Penelope rajusta encore une fois son écharpe.

 « La personne que je dois rencontrer, c’est elle. Elle m’a envoyé une lettre me donnant rendez-vous près de l’appartement du professeur. C’est pour ça que je suis là. »

Luke fronça les sourcils.

« Pourtant, dans sa dernière lettre qu’elle m’a envoyée, elle disait qu’elle n’avait aucun moyen de te contacter. »

Haussant les épaules, Penelope fit mine de ne pas se soucier d’un tel détail. Pourtant, ceci l’avait énormément intrigué lorsqu’elle avait reçu la lettre de Flora. Comment cette dernière avait fait pour obtenir son adresse ?

Soudain, Luke se rappela ce qu’il était censé être en train de faire.

« Je suis désolé », dit-il à Penelope. « Mes parents m’attendent. Tu te rends chez le professeur, n’est-ce pas ? »

« Oui. »

« Alors on se revoit là-bas, salut ! »

Et il s’en alla.

Penelope souffla lentement, laissant un fil de vapeur se dessiner dans l’air. Ce n’était que le début de l’automne, mais il faisait vraiment froid. Elle rajusta encore son écharpe.

Un, deux, trois, quatre, cinq, six… sept. Ils étaient sept à être venus à Londres, chacun pour ses propres raison. Et, peu importe comment elle le voyait, elle n’arrivait pas à croire que tout cela fut une simple coïncidence.

Mais si ce n’est pas une coïncidence, c’est donc manipuler par quelqu’un. Qui ?

Pourquoi Londres, spécialement ? Cet endroit avait une lourde histoire pour chacun d’eux. Londres fut le théâtre de la tragédie de la ville souterraine. Londres fut l’endroit où Claire connut sa fin.

Penelope sentit son cœur se serrer. Allait-elle enfin lever le voile sur cette histoire de meurtre ? Et pourquoi ? Pourquoi le professeur Layton était-il mort ?

Était-ce le début de la fin ? Ou n’étaient-ils encore qu’aux prémisses de la vérité ?

***************

Sean posa son stylo et regarda avec un sourire satisfait le fruit de son travail. Le regroupement, fait. Maintenant, la prochaine étape.

Il était arrivé dans une partie très critique, et il fallait désormais prendre quelques décisions, faire quelques choix. Et surtout, il était temps de savoir où il allait.

Escrime. Sept personnes. Londres. Une tuerie. Pourquoi ? Oui, pourquoi ?

Il ne pouvait pas continuer à marcher éternellement sans connaître sa destination. Tous les chemins mènent à Rome, mais pas tous les chemins mènent à la vérité.

C’était délicat. Très délicat.

Il lui fallait une histoire meilleure que l’ultime énigme, meilleure que la Princesse d’Axerik, et quand il se rappelait l’effort qu’il avait mis dans chacun des deux, il avait juste envie de s’effondrer. Mais le maître du jeu avait osé le défié dans son domaine, la seule chose qu’il sache faire. Et ce n’était pas en écriture qu’il allait échouer.

Une tuerie. Pourquoi ? Un coupable. Il voudrait donc éliminer de potentiels dangers ? Les têtes vont tomber l’une après l’autre, ne laissant que l’ultime démon à la fin.

C’était trop facile.

Tuer pour tuer. Le spectacle. Les méchants qui veulent de leurs crimes qu’ils soient une pièce de théâtre… c’était, certes, classe, mais au fond, ça n’avait aucune base, et c’était beaucoup trop facile.

Non. Le coupable de cette histoire doit être quelqu’un de différent… quelqu’un de machiavélique. Quelqu’un qui ne tue pas pour tuer, mais qui tue si nécessaire. Quelqu’un de capable du pire. Quelqu’un qui prévoit tout. Quelqu’un d’horriblement intelligent. Quelqu’un qu’on ne soupçonnerait pas facilement. Quelqu’un comme…

Les yeux de Sean s’écarquillèrent, et il sauta de sa place en hurlant.

« Je te tiens ! »

Il avait envie de rire, et il ne se retint pas. Il éclata d’un rire tonitruant en essayant de voir si cette idée collait. Ça allait être dur de ficeler tout ça, mais un étrange flot d’idée commençait à couler dans sa tête. Oui, c’est ça ! La partie où le scénario flou commence à prendre forme, et où on passe d’une écriture terne et prudente à une expérience extatique !

Il frappait aux portes de cette expérience.

Il était désormais debout, faisant des allez-retours dans la minuscule pièce, à essayer de lier les éléments entre eux. Secouant les bras dans tous les sens, marmonnant quelques mots qui sortaient tout de droit de sa réflexion intense, mais qui n’avaient aucun sens, pris seuls.

« Escrime… Layton… Oui… et ensuite il va… non…plutôt… le meurtre… Claire… non, c’est contradictoire… je devrais réfléchir à ça… mais le regroupement… oui ! Non… »


Assis par terre le dos contre le mur, pétrifié, les yeux ronds, Corvus le regardait.

Est-ce qu’il est toujours comme ça lorsqu’il écrit ?

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