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Chapitre 8 : Les fous que nous sommes (deuxième partie)

10539 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 18/08/2020 15:22

Les fous que nous sommes (deuxième partie)


Une main nerveusement crispée sur la petite sacoche renfermant son X-Reader, savant équilibre entre le tissu turquoise le plus fin du royaume sur lequel courait les fils d’or servant à broder le symbole de sa famille, Koz ramassa distraitement le caillou picotant la semelle de sa botte depuis cinq bonnes minutes, le faisant sauter dans sa paume. Un cadeau fait main de sa sœur Teeny, la sacoche, afin de remplacer les encombrants brassards lui ayant jusque là servi de protection pour le petit appareil permettant l’utilisation du kaïru (ceux-ci remisés dès le petit sac entre les mains du prince, au profit d’un ensemble vestimentaire bien plus adéquat à son rang). La plus jeune femme du trio d’enfants royaux, Diara, âgée de dix-sept ans, ne toucherait pour rien au monde tout ce qu’elle pouvait classer dans la catégorie « travaux dégradants ». Si, en plus, la tâche en question risquait, toujours selon ses critères, d’ébrécher la corne délicate et délicieusement nacrée ancrée au bout de ses doigts, autant demander au soleil de se lever à l’ouest. Aussi redondante puisse être cette façon de penser, Diara n’aurait abandonné son leitmotiv pour rien au monde. Et ce n’était pas le père des Imperiaz, Burkby, qui l’en aurait découragé. Si pendant des années, Koz s’était battu pour la libération de ses parents, savourant pleinement le moment béni où, enfin, il put les serrer tour à tour au creux de ses bras, le favoritisme nettement marqué de son père pour la benjamine du groupe ne lui manqua pas le moins du monde. En tant que prince aîné (il portait avec une fierté rayonnante ses dix-neuf ans), héritier du trône de son royaume, et général de son propre détachement de soldats, il estimait mériter une plus grande considération qu’un simple tapotement de tête distrait accompagné d’un vague encouragement, comme quoi il se révélerait bientôt suffisamment expérimenté pour protéger sa sœur.

Ses sœurs serait plus juste, seulement Burkby peinait à diriger son attention ailleurs que sur la jeune blonde aux impeccables boucles anglaises, obtenant selon ses désirs un chocolat ou une résidence secondaire. Tout cela en battant délicatement de ses longs cils noirs, surmontant une paire d’iris verts, accompagnés si besoin d’une moue pleine d’espoir ou au contraire réclamatrice. Enfin, d’ici peu, Koz ferait ses preuves, et la cour n’aurait d’autres choix que de se tourner vers le seul mâle né du couple royal régent, pleine d’admiration pour sa bravoure sans limite, et sa loyauté entièrement issue de sa propre volonté. Il dirait même que Teeny l’aida à établir certaines de ses stratégies, histoire que sa cadette ne se retrouve pas noyée dans l’éclat de son frère et de sa sœur. Quoique, la princesse tout juste majeure savait se montrer particulièrement pénible, secouant rageusement son crâne à l’épaisse chevelure blanche s’arrêtant aux épaules, chaque fois que le premier pénétrait dans « le cercle fermé et infranchissable de sa vie privée ». Comme lorsqu’il lui demanda pourquoi, Lokar disparaissant enfin pour de bon de l’existence de la fratrie, s’entêtait-elle à garder ses épaisses lunettes à la monture carrées, ses verres opaques, étrangement ronds et d’un vert bouteille, lui donnant un air similaire à celui d’un aviateur futuriste victime d’un cliché de science-fiction.

Dommage que la définition de Teeny sur sa « vie privée » englobe toute chose osant la contredire… Koz en particulier. Mais enfin, il n’y était pour rien, si à son goût le rouge à lèvres bleu jurait désormais avec les vêpres richement ornementées de la jeune femme !

Délaissant ses futiles pensées (un vagabondage spirituel, dû à son agacement croissant, menaçant d’occulter les évènements se déroulant autour de sa personne), il passa pour la énième fois en revue les hommes formant son escouade personnelle. Un conseil maintes fois répété par Illian, le plus expérimenté de ces soldats ( et en quelque sorte le mentor du prince), bien que le jeune homme ne sache pas vraiment pourquoi. Notamment afin de s’assurer de la position des hommes tout autour du camp établi à la hâte, un peu plus tôt dans la matinée, supposait-il. Il n’avait qu’une très vague idée du placement idéal de chacun, enfin, l’ensemble paraissait correct. Surtout, Koz montrait ainsi clairement à la fois aux Stax, mais également aux deux prisonniers sur le point de s’envoler, la supériorité numérique et stratégique de ses forces. Oui, Illian ferait probablement la même chose.

Plongeant la main dans l’un des paquetages de cuir adossé au socle de sa chaise à porteurs (encore une de ses merveilleuses idées, après des années passées à parcourir les quatre coins du globe dans la boue, et contre son gré, Koz refusait catégoriquement d’attraper une pneumonie en pourchassant les détestables Radikors), il en tira un carré de soie subtilement parfumé. Marmonnant une imprécation contre la chaleur équatoriale cambodgienne – encore un effort, et sa royale veste se liquéfierait sur ses os ! –, il tapota vigoureusement son front, puis rapidement l’intégralité de son visage. Suer comme un porc le révulsait. Pourtant, ce n’était pas comme s’il avait vraiment le choix. Encore un peu de patience, Illian reviendrait très prochainement, portant sous chaque bras l’un des garçons composant le reste de l’équipe pourchassée sans relâche. Contacter les habitants du monastère sans avoir capturé la totalité de l’équipe fut risqué, certes, mais d’expérience Koz connaissait le fâcheux manque de coopération flagrant des extraterrestres. Sans parler de leur plus détestable encore manie de fausser compagnie au prince et son escouade dès qu’ils avaient le dos tourné. Seul un incroyable coup de chance, d’ailleurs, lui permit de retrouver leurs traces après le fiasco islandais. Une pénible réminiscence… D’après les informations fournies par les Stax, les Radikors possédaient une cachette en ce pays, sous forme d’une grotte dissimulée dans le contrefort d’une montagne. Suivant la suggestion d’Illian, Koz décida de leur tendre une embuscade, patientant des semaines dans le froid et la glace. Au moment où, de guerre lasse, il s’apprêtait à lever le camp, une avalanche soudaine s’abattit sur les soldats, manquant d’ensevelir chaque membre du contingent sous plusieurs mètres de neige terriblement lourde. La grotte en question, instable, ayant achevé de s’effondrer dans un impressionnant, mais imprévu, grondement correspondant bien mieux, selon le prince, au roulement du tonnerre. Peut-être Koz aurait-il pu croire au mauvais œil, si un ricanement oh combien caractéristique n’avait fendu l’air, témoin d’un guet-apens humiliant de simplicité. Bien évidemment, ses cibles s’envolèrent avant que le moindre pistolet plasma n’ait pu être récupéré. Le seul point positif étant que le statu quo des mandraliens empêcha les Radikors de récupérer l’intégralité de leur affaire.

Oui, si Illian n’avait prit la liberté de fouiller brièvement le maigre huis-clos formé par les parois aux saillies déchiquetées, jamais le bloc ébréché de bas-relief, à demi-enterré sous les poutres de glace barrant l’accès au fond de la grotte n’aurait été mis à jour. Certes, le capitaine du prince, aussi peu expert en la matière que lui, dut se démener afin de trouver sa provenance, mais le jeu en valait largement la chandelle !

Par contre, songea-t-il, observant anxieusement les rotors du vaisseau des Stax se disposer à l’horizontale, aucun indice ne permettrait de retrouver la trace des Radikors, si ces derniers parvenaient à quitter le Cambodge. Il tentait vainement de se rassurer, arguant intérieurement que Zair et le petit humain (au souvenir de leur dernier échange verbal, la poigne du prince se resserra sur le caillou, imprimant sur sa paume une douloureuse marque rougeâtre) ne pouvaient désormais plus se soustraire à leur sort.

Mais une angoisse sourde continuait à serrer ses tripes, manquant faire vaciller l’expression confiante arborée par ses traits.

Pourquoi Illian mettait-il tant de temps à revenir avec ses prisonniers ?

– Quelqu’un voit-il le capitaine revenir ?

L’expression intriguée, voir vaguement inquiète de ses hommes poussa Koz à se mordre la lèvre inférieure. Cessant immédiatement ce tic, redressant plus fièrement encore le buste, montrant autant d’assurance qu’il s’en sentait capable.

– Tout va bien ? reformula-t-il soigneusement, évitant de croiser le regard des soldats en le fixant sur la carcasse jaune salie par endroit du X-Scaper.

Aussi put-il dissimuler sa bourde maladroite en mimant l’extrême satisfaction issue du devoir activement accompli. Au fond, l’illusion n’était pas si difficile à retranscrire, puisqu’il se sentait effectivement soulagé.

Les échanges visuels retrouvant confiance captés du coin de l’œil l’incitèrent à se montrer plus prudent à l’avenir. Quelques mois auparavant, aucun des hommes constituant le maigre campement ne le connaissait. À part Illian, suffisamment âgé pour avoir commandé la garde personnelle de son père depuis les premières secondes de vie des enfants royaux. Si Koz ne comprenait guère pourquoi le capitaine, sa quarantaine d’années commençant à blanchir ses tempes sinon d’un châtain tirant sur le brun, refusa de réitérer son engagement pour soutenir son prince dans sa traque, ce dernier se félicitait d’avoir, contrairement à l’avis de sa famille, accepté sa proposition en l’engageant à ses côtés. Bref, excepté lui, les soldats aux plastrons polis suivant le jeune homme avaient terriblement besoin de se sentir sous l’égide d’un véritable chef, se prouvant ainsi être définitivement sortis de la funeste crise ayant frappé le royaume à cause de Lokar, et…

L’ombre d’un autre quadragénaire, plus grand d’une bonne tête sans la rectiligne coiffure permettant au prince de gagner nombre de précieux centimètres, manqua le faire sursauter. Censurer le mouvement de recul purement instinctif fut plus difficile, au point qu’il dut raidir ses articulations afin de les empêcher de bouger. Trop habitué à supporter le traînement de pied grognon classique à ses sœurs, il devait, pour sa part, encore s’habituer à voir des corps humains réagir sans protestations. Et en silence. Heureusement, si quiconque s’aperçut de sa surprise, nul n’eut l’outrecuidance de le lui faire remarquer.

– Rien à signaler, mon prince, répondit l’homme en s’inclinant légèrement. Mais ne vous inquiétez pas, notre capitaine aura ces maudits gredins avant qu’ils ne vous provoquent des insomnies.

Koz sentit ses joues chauffer désagréablement, au point qu’il tripota machinalement sa sacoche, mal à l’aise. Son…embarras se voyait-il tant que ça ? Fallait-il punir l’impudent, ou mimer l’indifférence ?

– Souhaitez-vous que nous partions à la recherche de nos camarades ?

Balthazar Saturnin, il se rappelait enfin son nom (sans avoir réellement cherché à le retenir, mais à force d’entendre Illian mentionner chacun des hommes sous son commandement, sa mémoire en retint la plupart, quoiqu’il lui faille toujours un moment pour associer un visage et un patronyme) ! Si, en dépit de ses quarante-deux ans, Koz ne le connaissait pas même de vue avant cette grotesque, mais nécessaire course-poursuite, c’était que le soldat occupait un poste de guetteur dans l’une des tours de guet éloignée du palais. Les épaules carrées, doté d’une grande taille et d’un moral taciturne, personne ne l’avait entendu lâcher plus de trois phrases d’affilées. Agréable à regarder, sans être beau à cause de son nez légèrement proéminent, pas un seul poil argenté ne venait rompre la monotonie de sa chevelure roux sombre coupée courte, à l’instar de tous les soldats, ni son collier de barbe de trois jours.

Les prunelles d’un safran pâle continuant à le dévisager, en l’attente d’une réponse, le jeune prince se racla la gorge. Le pire, dans cette situation, étant que Balthazar ne montrait aucun signe d’ironie.

– Cela ira, répondit-il d’une voix assurée, Illian saura gérer la situation.

Enfin, si le capitaine pouvait se dépêcher, cela ne le dérangerait pas le moins du monde.

Un rapide coup d’œil l’avertit que le X-Scaper entamait prudemment sa remontée verticale. Pourquoi les Stax – eux aussi ! – mettaient-ils tant de temps ?! Ce n’était pourtant pas compliqué d’enclencher l’accélérateur, puis de disparaître de la vue de chacun ! En particulier quand on transportait des prisonniers !

– Mon prince !

– Quoi ! aboya celui-ci, davantage pour masquer son sursaut, que dans le but d’être réellement désagréable.

L’appel venait de sa droite, à quelques mètres du petit groupe réuni autour de Koz, devant la lisière de la forêt. Ézéchiel Asir, l’un des plus jeunes membres de l’expédition, pointait du doigt la sombre fluctuation smaragdine, à peine brassée par un léger filet de vent sec sans une once d’humidité. Un garçon fluet, tenant plus de l’aide de camp d’Illian que du soldat sous les ordres de Koz, à la chevelure d’un roux flamboyant surmontant le teint ocre caractéristique des mandraliens. Le gris-vert délavé de ses yeux, par contre, restait particulièrement rare pour ce peuple, ainsi que ses sourcils légèrement arqués, aussi nombre de filles en fleur soupirait d’aise en l’admirant, malgré ses dix-huit ans tout frais, sans qu’il ne leur accorde le plus petit regard. À dire vrai, Koz le trouvait un brin trop fluet, l’imaginant bien plus facilement dans une somptueuse tenue de noble, à tenir la chandelle durant de fastueuses réceptions, qu’à l’intérieur de son plastron qui, parfaitement ajusté à sa poitrine étroite, paraissait encore trop grand pour lui.

Le sang montant de nouveau à son front, le prince s’aperçut qu’il avait complètement omis de placer des guetteurs autour du campement, enfin, depuis l’arrivée des Stax en tout cas. Si Ézéchiel n’avait pas prit de lui-même cette initiative, personne ne surveillerait les alentours.

Un agacement ne s’arrangeant guère en constatant que les blessés remarquèrent également, avant lui, l’objet de l’excitation du guetteur. Illian revenait-il enfin avec les autres prisonniers ?

Peinant à contenir son enthousiasme, Koz enclencha le X-Com fixé à son poignet, se contentant d’un bref « Attendez un instant ! » destiné au chef des Stax. Puis il observa avec intérêt la direction indiquée.

Cependant, l’euphorie prématurée retomba aussi rapidement qu’elle se fut installée.

Venant de jaillir d’un petit bosquet avoisinant, le capitaine du contingent se dirigeait vers la petite assemblée dubitative. Titubant, il dut saisir au vol une liane craquant dangereusement sous son poids, sembla inspirer profondément, avant de reprendre sa pénible avancée aussi rapidement qu’il lui était visiblement permit.

Ne sachant si l’attitude d’un chef militaire exigeait d’attendre majestueusement que son capitaine vienne s’incliner à ses pieds, ou au contraire supposait venir à la rencontre de l’homme en question, Koz se sentit soulagé quand, prenant l’initiative, trois soldats s’élancèrent d’eux-mêmes vers leur supérieur. L’empoignant fermement par les épaules, ils l’emmenèrent devant Koz, l’aidant à s’asseoir sur l’étendue tenant déjà plus de la verdure ratatinée, que d’un véritable parterre herbeux.

– Illian, commença le prince, où sont…

– Pardonnez-moi de vous interrompre, le coupa l’intéressé, baissant humblement le visage (sans nul doute afin de dissimuler sa honte suite à une telle grossièreté). La victoire est à portée de main ! Les deux derniers Radikors, et surtout leur puissant chef Zane, sont tombés dans le piège que nous leur avons minutieusement tendu ! Coincés au fond d’un aven dissimulé par nos soins, aucune échappatoire ne s’offre à eux ! Hélas, ils refusent catégoriquement de se rendre, choisissant au contraire de se défendre tels des lions enragés pour leur liberté…(piteusement, l’homme dut s’aider de son bras afin de déplacer plus confortablement sa patte folle) Ayant vu le vaisseau de nos alliés débuter son ascension, je me suis rendu aussi vite que possible près de vous, priant pour arriver avant leur départ. Hélas, je crains que les soldats que vous m’avez confiés, pour la plupart blessés, ne puisse réussir à les contenir très longtemps, aussi suis-je venu demander vos ordres…

Le sang de Koz ne fit qu’un tour, visage fendu par un rictus lupin mauvais. Zane et Tekris, enfermés au fond d’un trou tels les rats qu’ils étaient ? Hors de question de les laisser fuir, l’occasion se révélait bien trop belle ! Et une fois l’intégralité des Radikors livrée au monastère, rien ne le retiendrait sur cette fichue Terre pleine d’humides sécheresses, et son retour sur sa planète ne pourra qu’être qualifié de triomphal !

– Où sont-ils enfermés ? questionna-t-il fébrilement, retenant ses mains d’agripper le col du blessé.

– À environ un kilomètres vers le nord, perpendiculairement à l’incendie que nous avons allumé en guise de chausse-trappe. Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre, il faut faire vite !

Hélas, si le capitaine tenta de joindre le geste à la parole, poussant péniblement sur ses membres afin de se relever, seule la présence d’esprit d’un de ses hommes (un certain Giacomo Untho, au physique quelconque, doté d’une taille dans la moyenne, des cheveux bleu sombre coupés ras sur la nuque, des yeux céladon sur un visage carré doté d’épais sourcils broussailleux, imberbe. Malgré ses trente-quatre ans, quiconque lui en donnerait volontiers dix de plus) lui épargna une humiliante retombée sur le derrière.

Souhaitant écourter autant que possible cette désagréable démonstration – Illian se devait d’être fort, et inébranlable, pour le moral de ces hommes, une leçon répétée des dizaines de fois ; alors pourquoi vouloir réitérer son geste s’il réalisait parfaitement être incapable de tenir sur ses jambes ? –, Koz posa fermement sa main sur l’épaule du capitaine, ce dernier grimaçant de nouveau.

Fronçant les sourcils (et irrité de ne pouvoir s’enquérir plus correctement de son état physique), le prince se demanda combien de blessures Illian dissimulaient courageusement.

– Ne vous donnez pas cette peine, restez plutôt ici afin de surveiller les environs. Soldats ! Que tout le monde, à l’exception des trois blessés, me suivent !

Donnant l’exemple, il saisit son X-Reader, levant bien haut l’appareil avant que chacun puisse l’observer.

– Ce soir, nous nous endormirons en sachant que le palais nous tend les bras !

Une série de vivats suivie cette déclaration, chacun s’emparant à la hâte des armes déposées paresseusement près des buissons de moins en moins touffus, un peu plus tôt dans la journée. Les rares ayant poussé la fainéantise au point d’enlever leurs bottes les chaussèrent plus promptement encore, s’attirant au passage soit taquineries impatientes, soit empressement proche de l’énervement. En quelques secondes, tous furent prêts à se battre, arme au poing et plastron étincelant au soleil.

Au dernier moment, alors que Koz s’apprêta à entamer la victorieuse marche signant la fin de son calvaire terrien, il se ravisa, scrutant intensément le capitaine toujours posté sur son séant, tanguant lentement tandis que ses paupières se fermaient doucement, trop lourdes pour qu’il puisse les maintenir ouvertes.

Cette vision manqua de le faire hésiter dans sa décision fraîchement prise. Moins d’une fraction de seconde, cependant. Même épuisé et n’ayant dormi depuis des jours entiers, Illian exécuterait avec brio chaque mission éventuellement confiée par son cher prince, aussi pénible et douloureux cela soit-il.

Heureusement, Koz ne prévoyait pas de lui demander de plonger jusqu’au centre de la Terre, et de l’y attendre jusqu’à nouvel ordre. Qui plus est, il avait entendu une histoire très étrange à propos de mineurs ayant creusé profondément, entendant par la suite d’étranges sonorités cauchemardesques…

Secouant vigoureusement le crâne, il plongea la main sous sa tunique raisonnablement crottée, en ressortant un second X-Reader, d’apparence bien plus usagée que le sien. Avant de changer d’avis, il tendit le boîtier en direction de son capitaine, se composant une expression des plus solennelle. Un instant incrédule, Illian le dévisagea avec attention, une ombre de sourire fleurissant au coin de ses lèvres tandis qu’il faisait d’immenses effort pour le masquer, conservant admirablement sa gravité coutumière.

– Il s’agit de celui confisqué à Zair, expliqua le prince bien qu’il se doutât que son vis-à-vis le devina déjà. Gardez-le en votre possession, au cas où Zane parviendrait miraculeusement à nous glisser entre les doigts. Persuadé que je le garde sur ma personne, il ne pensera pas à chercher ailleurs. Même, je pourrais peut-être attirer son attention sur moi, disposant quelques hommes en embuscade, acheva-t-il, pensif.

– Effectivement, un plan ingénieux, confirma Illian, saisissant l’X-Reader tout en observant l’autre avec un intérêt renouvelé. Je suis certain que Zane n’y aurait pas tout de suite pensé.

– Voir pas du tout, ricana Koz en plaquant les mains sur ses hanches.

Illian haussant seulement les épaules, sans répliquer, il opta pour un demi-tour rempli d’assurance, rejoignant le reste des soldats impatiemment postés à quelques mètres de là.

Sans un regard en arrière, et sans lâcher son propre X-Reader fermement serré au creux de son poing, Koz prit la tête du groupe, suivant scrupuleusement les précises indications de son capitaine. Pourvu que Ky ait bien reçu son message, et ne décide pas de s’envoler si vite !


µµµ


Plongée dans des pensées connues seulement de lui seul, la silhouette du capitaine de Koz suivit du regard la progression du prince et de ses larbins, ses doigts pianotant nerveusement sur sa jambe boitant quelques minutes plus tôt (ou peut-être n’était-ce qu’une ? Peu importait, le temps lui paraissait terriblement long de toute manière). Relevant le nez, il fixa tout aussi brièvement la carcasse métallique du vaisseau des Stax, avec au sein de ses prunelles comme une lueur haineuse, et une impatience tout aussi brûlante.

Se forçant péniblement à compter de un à vingt (Tekris conseillait toujours, afin de ne pas se précipiter, de placer un mot à trois syllabes entre deux chiffres. Une précaution qu’il écarta rageusement, bien trop pressé pour la suivre), il choisit de se relever souplement à dix-neuf, sans détacher ses yeux du X-Scaper.

Époussetant la poussière maculant son uniforme, un grognement sourd s’échappa de sa gorge quand sa main rencontra la tour masquant l’astre caractéristique de Koz. Un moment, il avait cru devoir finir par lâcher un « mon prince » à ce nigaud bouffi de prétention ! Par chance, la seule idée de ramper devant les pieds d’un Imperiaz poussa sa capacité d’improvisation à emprunter diverses parades, lui permettant de paraître respectueux sans avoir à prononcer ces deux ignobles mots.

Marchant d’un pas vif, il s’avança jusqu’aux deux soldats toujours couchés sur le sol, ignorant grossièrement leurs expressions intriguées, voir méfiantes pour l’un d’entre eux. Tout sourire, il envoya valser d’un coup de pied expert les armes restées près de leurs corps, bien trop loin pour qu’ils puissent les récupérer sans qu’il ne soit trop tard.

Enfin, prestement, il plaqua son corps presque trop grand pour lui derrière le trône portatif – et éminemment ridicule, soit-dit en passant – de Koz, dissimulant ses formes aux éventuels regards indésirables venus du X-Scaper. Les protestations des blessés n’attirèrent sur ses lèvres qu’un vague ricanement, avant qu’elles ne soient occultées par le voile impénétrable de l’indifférence la plus totale.

Seul un murmure s’échappa de ses lèvres, scrutant impatiemment l’orée touffue semblant le narguer.

– Fin de « l’attaque de l’imposteur ».

Aussitôt, une aura bleutée l’entoura, se répandant jusqu’à former une cloche de même couleur opaque, empêchant un œil extérieur de distinguer qui se tenait à l’intérieur. Cette dernière monta de quelques mètres, et alors qu’elle redescendait, retournant disparaître dans le sol, le corps du capitaine rétrécit sur son passage, changeant à la fois de forme et de couleur, comme une vague lavant l’imposture au fur et à mesure de sa progression. Dévoilant le véritable corps se cachant derrière la silhouette empruntée.

Sourire triomphant fendant son visage, Zane releva à hauteur de nez l’X-Reader de Zair, sortant de son abri.

– Effectivement, Koz, ricana-t-il, je n’y aurais peut-être pas pensé immédiatement.


µµµ


Un pied en appui sur une branche carmin recouverte de mousse, l’autre quelques mètres en avant, Tekris observa, à travers une trouée, avec ce qui ressemblait à de l’inquiétude, son chef d’équipe s’avancer en titubant au beau milieu de leurs ennemis. S’il n’avait eu, deux ans auparavant, la preuve de la parfaite maîtrise du garçon de « l’attaque de l’imposteur », sûrement refuserait-il de lui faire courir un pareil risque, alors que les Radikors en liberté ne formaient plus qu’une paire.

Un soupir désespéré s’échappa de ses lèvres si serrées qu’elles en devenaient pâles.

Comme s’il pouvait imposer quoi que ce soit à Zane… Dans ce cas-là, l’irascible extraterrestre l’aurait foudroyé du regard, avant de se moquer par une réplique ironique bien sentie de sa stupide inquiétude. Ensuite, il s’intéresserait faussement de savoir s’il se croyait capable de lui imposer quoi que ce soit, avant de terminer en lui demandant si une autre meilleure idée viendrait d’illuminer sa caboche vide, pour provoquer chez le colosse une telle insubordination. Et là, ce dernier se retrouverait irrémédiablement piégé… Une réponse affirmative mettrait en une fraction de seconde à mal sa crédibilité, sans parler de l’énervement de Zane à être contredit pour, au final, absolument rien. Une réponse négative attirerait un sourire moqueur et triomphant, mettant à mal sa crédibilité, sans parler… Mouais, le résultat aurait été le même, sauf que Zane se serait probablement bien plus amusé à jouer les supérieurs pour prouver son génie à son coéquipier.

Mais Tekris n’était certes pas obligé d’apprécier cela.

D’un commun accord, il devait compter jusqu’à vingt, avant de rejoindre son coéquipier, et que celui-ci cesse les effets de l’attaque kaïru. Alors que le chiffre « onze Mississippi » achevait de résonner dans sa tête, il vit Zane se placer derrière la structure de bois servant de chaise à Koz. Plissant le front, il ne put qu’assister à son impatience caractéristique, voyant la silhouette d’Illian rapetisser, jusqu’à céder place au visage amplement satisfait du vert. À la réflexion, Zane ne perdait que quelques centimètres en redevenant lui-même ; Koz n’apprécierait sûrement pas de voir que son capitaine finirait immanquablement par être plus petit que l’un de ses pires ennemis.

Bref. De toute façon, il ne s’attendait pas à ce que l’autre compte réellement jusqu’à vingt…

Sans se départir de l’impression tenace que leurs poursuivants restaient tout de même bien trop proches pour leur propre bien, Tekris entama sa descente, allant aussi vite qu’il le pouvait, sans manquer de se briser la nuque. Et même avec ces précautions, plus d’une fois sa main manqua glisser, lui faisant perdre un précieux appui pour sa masse. Sarcastiquement, il songea que Zane serait capable de le poursuivre après sa mort, lui reprochant d’avoir tant tardé et fait échouer son si génial plan.

Un plan que Tekris continuait à juger trop incomplet, mais avaient-ils vraiment le choix ?


– Je t’en prie, prend tout ton temps, ce n’est pas comme si Zair était sur le point de s’envoler sous notre nez, aux mains des monastèriens. Qui plus est, à cause de Koz !

– Ce n’est pas le moment de se disputer, rétorqua Tekris plus sèchement qu’il ne le souhaitait. Mais si tu tiens tellement à en discuter, je maintiens que c’est une très mauvaise idée !

– Et pourquoi ça ? Une fois le défi engagé, et les enjeux déterminés, personne, pas même Koz, ne pourra nous empêcher de récupérer les prisonniers !

L’expression du colosse due être particulièrement cocasse, puisque Zane l’observa à son tour, perplexe.

– Je peux savoir ce que tu as ? grogna-t-il, une lueur d’avertissement explicite brûlant dans ses pupilles onyx.

L’adolescent aurait tout aussi bien pu lui mettre un couteau sous la gorge en lui demandant ce qui le dérangeait. Enfin bon, Tekris ne pouvait décemment pas lui faire remarquer que, pour la première fois depuis l’énoncé de son plan, il compta le gosse dans l’opération sauvetage. Pas s’il tenait à sa masculinité en tout cas. Si le vert n’était pas aussi doué que Zair, experte en ce domaine, il le vit plus d’une fois coucher ses adversaires d’un savant coup de pied à l’endroit stratégique.

Logique, vu qu’il se trouvait être l’instructeur personnel de leur coéquipière…

– Ce silence veut sans aucun doute dire que tout te sembles parfaitement clair, n’est-ce pas ?

Le ton, un son sourd provenant du fond de la gorge, n’incitait guère à la négation.

– Bien sûr, répondit prudemment Tekris, tentant de paraître serein.

Un effet gâché, au vu de la dubitation flagrante de l’autre… Enfin, ce qu’il crut, jusqu’à ce que Zane reprenne la parole, poing plaqués sur les hanches.

– Alors pourquoi n’as-tu pas encore lancé ces fichues « pinces dévastatrices » sur les rotors ! Au travail, on n’a pas que ça à faire ! Ça t’amuse peut-être de jouer les sauveurs de damoiselles en détresse, mais pour ma part, je perds inutilement mon temps !

Peinant à censurer la grimace manquant de trahir son opinion sur la diatribe furieuse de son chef, Tekris s’empressa de déboucler la sacoche pendant contre son flanc. Un ours affublé d’une rage de dents, courant après la tendre chair de ses cuisses, ne l’aurait pas fait réagir plus vite.

Cependant, il ne manqua pas l’étrange regard dont le gratifia Zane, désormais bras croisés contre la poitrine. Pas vraiment un reproche visuel à cause de sa lenteur, comme il le crut dans un premier temps (constatation rassurante, il se traitait déjà mentalement de tous les noms d’oiseaux figurant dans son répertoire). Cela lui donna plutôt l’impression de passer à travers la focale d’un scanner lisant la moindre de ses réactions, jaugeant et soupesant leurs signification. Quoi que cela veuille dire.

Heureusement pour sa nervosité, l’adolescent choisit de lancer son ire sur le métal canari, déjà presque hors de portée d’attaque kaïru, avant qu’il n’ait besoin de s’en inquiéter plus avant.

– Pinces dévastatrices !


µµµ


– Ky foutu de Stax ! Sort de là, si tu en as le courage ! Ou je continue à massacrer ton vaisseau à coups d’attaques kaïru !

Jamais Marc ne se sentit plus heureux d’entendre cette si caractéristique sonorité écorchant ses oreilles rendues sensibles par le fracas d’un vaisseau retombant lourdement au sol !

Sortis en hâte de l’habitacle tenant plus de la fournaise que de l’agréable voyage touristique climatisé, les Stax (au moins se souvenait-il parfaitement de leur nom d’équipe, bien qu’il ignore encore à quoi ce terme faisait référence) se tenaient à présent face-à-face avec les deux garçons Radikors. Boomer agrippant toujours fermement les prisonniers (surveillant étroitement les jambes de Zair ; si Marc manqua d’abord lui faire remarquer l’inconvenance de cet examen quasi-clinique, il en comprit la raison quand la jeune femme tenta décocher une balayette dans le genou du blond. Pas pour la première fois, si le collégien commençait à correctement interpréter les signes), ses compagnons s’avancèrent de quelques mètres. Formant une bien faible ligne, certes, mais néanmoins assez impénétrable pour tenir les adolescents à distance.

– Allons, Zane (Ky prit une expression navrée, secouant doucement la tête de droite à gauche). Tu m’as habitué à mieux. Où est donc passé ton bouton à scénarium ?

– Un subit doute, à force de t’entendre crier comme une fillette. Trêve de bavardages, rends-moi ma coéquipière et le gamin, et tu t’épargneras une défaite mémorable.

– Hors de question, rétorqua vivement l’humain brun. Nous ne te laisserons pas récupérer sans mot dire tes compagnons. Ils sont désormais sous l’autorité du Redakaï. Et personne, surtout pas toi, ne pourrais l’empêcher.

– Tu crois ça, vraiment ?! siffla Zane.

En même temps que Tekris, s’avançant d’un pas, lâchait :

– Laissez au moins partir le petit, il n’a rien à voir avec nos querelles !

Pour être honnête, Marc supposa que son visage était l’exact reflet de la perplexité impromptue de Zane. La couleur de peau différente, bien entendu. Si quelqu’un lui avait dit, un mois plus tôt, qu’un garçon rencontré deux semaines plus tôt prendrait sa défense en public ! Jamais il n’y aurait cru.

Et même en le vivant en direct, il peinait à le réaliser.

– Hum, tu sais que tu as franchement l’air d’un imbécile heureux ? questionna Zair, bien moins enjouée.

Se retournant vers sa compagne d’infortune, visiblement certaine de se tirer de cette mauvaise situation, il haussa simplement les épaules sous le regard intrigué du blond, largué dans la conversation. Mais Marc s’en fichait ; il voulait bien tomber dans toutes les embuscades du monde, s’il pouvait chaque fois ressentir la douce chaleur réchauffant, pour la première fois depuis une éternité, le vide installé dans sa poitrine.

– Ky, murmura la métisse aux marques étranges ornant ses joues – Maya, se corrigea-t-il –, ça rejoint ce que Zair nous a dit un peu plus tôt. Tu crois que l’enfant est réellement étranger au kaïru ?

Il eut clairement conscience, au fond de sa raison, de devoir se sentir soulagé qu’un doute vienne enfin étreindre l’un de ses geôliers, aussi infime soit-il. Cela signifiait probablement que le collégien, s’il se révélait enfin son peu d’implication dans cette histoire, finirait par être relâché sans répercussions. Enfin, ça lui semblait terriblement logique…non ?

– Aucune idée, fit l’intéressé, frottant son glabre menton. Mais d’après ce que je sais des Radikors, ça peut tout aussi bien n’être qu’une manipulation. Et nous ne pouvons plus nous permettre de prendre des risques. (il reprit, cette fois à l’attention des Radikors) Je connais tes machinations, et je compte bien les faire cesser, ici et maintenant !

Bien plus concentré qu’il ne le fut lors de son face-à-face avec Koz, Zane ne paraissait guère désirer pousser plus loin l’ironie. Marc ignorait comment les deux garçons réussirent à se débarrasser de l’encombrant prince et de ses soldats (à l’exception des blessés ; la distance ne lui permettait pas de distinguer clairement leurs traits, mais le collégien n’en avait pas besoin pour deviner qu’ils enrageaient de ne pouvoir se battre), seulement la diversion ne tiendrait pas très longtemps.

– En es-tu sûr ? ricana Zane, hautain. Prouve-le moi alors !

Immédiatement imité par Tekris, l’adolescent joignit ses poings gantés, inclinant légèrement le buste.

Malgré la délicate situation, Marc sentit l’excitation le gagner par paliers. Alors qu’il s’attirait un claquement agacé de langue venant de Zair, il s’aperçut que ses pieds trépignaient inconsciemment sur place, creusant une étroite rigole dans un sol asséché n’en ayant nul besoin. Aussitôt, il s’intima le calme extérieur parfait, manquant baisser le nez quand Boomer le regarda avec un mélange d’étonnement, et d’amusement.

– Je te lance un défi kaïru, mon vieil ami, à la fois pour récupérer ce qui m’appartient, et repartir sans risquer d’être arrêté par qui que ce soit, qu’il s’agisse de ce ridicule pantin de Koz, ou de vous, les Stax.

Ky, à qui cette déclaration fut sans l’ombre d’un doute adressée, n’eut qu’une brève et imperceptible hésitation. La sereine assurance émanant de sa personne n’aidant pas Marc à se sentir rassuré sur leur sort.

– Très bien, mais si nous nous battons, et que nous gagnons, toi et Tekris vous rendrez sans discuter. Et pendant le défi, ni Zair, ni, euh, l’autre ne devrons tenter de s’enfuir. Si possible bien sûr…

– Je sais tenir mon équipe, rétorqua Zane.

– Défi accepté, donc, conclut Maya, collant à son tour ses poings l’un contre l’autre.

– C’est une très mauvaise idée, marmonna le colosse, ne réalisant sûrement pas être clairement entendu.

Une fusillade visuelle le réduisit au silence, l’enjoignant de même à fixer l’horizon, droit devant soi.

Le sérieux manque d’enthousiasme de Zair, pourtant une minute auparavant impatiente d’en découdre, y étant probablement pour quelque chose.

– Il est fou, murmura-t-elle, fermant à demi ses paupières. (par chance, elle se reprit presque instantanément, redressant son dos menaçant de se voûter) Mais la chance sourit aux audacieux, qui sait.

– Évidemment, acquiesça le collégien, usant de toute la certitude capable de se trouver mobilisée à ce moment. Et puis, Zane a battu Koz les doigts dans le nez, il peut recommencer !

– Ce n’est pas si simple, soupira l’adolescente. Surtout que Koz est bien loin du niveau des Stax.

Elle se laissa tomber dans le parterre desséché, ayant été un buisson de fougères dans une autre vie, profitant de ce que Boomer les lâchaient afin de rejoindre ses amis humains.

– Il ne s’agit pas d’un duel, mais d’un défi. Une équipe de combattants contre une autre. Sauf que je ne peux pas participer au combat, même si je le pouvais.

– Je ne comprends pas bien, bafouilla Marc, réfléchissant au si grand problème rencontré par les Radikors. (son regard s’égarant sur ce qui, bientôt, deviendrait un champ de bataille, il réalisa enfin) Oh…

– Tu as compris, je pense. Nos deux sauveurs vont devoir se battre contre l’équipe des Stax au complet.

Un long frisson remonta le long de l’échine du collégien, faisant frissonner ses muscles déjà tendus. Et cette réaction n’avait aucun rapport avec les violentes bourrasques s’étant soudainement levées sur la forêt, malmenée au gré des courants aériens. Comme pour le duel kaïru, le ciel s’assombrit à son tour, une flopée de nuages aux reflets bleutés s’agençant de manière concentrique autour d’un point invisible des cieux.

– Mais ils sont capable de gagner malgré tout, non ? fit-il timidement.

Il regretta que sa voix sorte si plaintive…

– Il vaut mieux pour nous, déclara Zair, particulièrement concise.

Voilà qui n’arrangeait pas son humeur. Si Zane perdait, il ferait bien sûr de sa vie un enfer, en plus !

– Si nous les envoyons au tapis, il ne pourront pas se défendre, décréta Maya. Harrier !

Au contraire des autres auras observées auparavant par le collégien, celle de l’adolescente se trouvait être d’un vert flamboyant, aveuglant comme pour les autres transformations de monstres ses iris noisettes.

Quand il rouvrit les yeux, l’élégante métissa cédait sa place à une créature quatre ou cinq fois plus grande qu’elle, pourvue de puissantes ailes aux plumes rigides d’un bleu-vert aquatique. L’os supérieur se paraît d’un noir sombre, tout comme la pointe des plumes les plus proche du corps volatile. Un ensemble de plumes disposées en éventail, accrochées à sa taille jusqu’à se déployer au bout des mollets, présentait des caractéristiques analogues. Sa tête noire, aux petits yeux en amande jaune luisant et au bec totalement digne des plus grands oiseaux, gris, cédait la place, presque sans présenter de cou, à une corolle d’un vert prairie pointant sur le torse. Elle-même se prolongeait rapidement par une autre bande vert-gris de même forme, le reste du torse se colorant de noir. Une combinaison ressemblante composait les bras de l’espèce d’oiseau humanoïde : des épaules presque en forme de disque, quoique plus épais et pointus, de même couleur, une fine bande vert prairie, puis le reste du bras d’un noir profond. Les mains, crochues, reprenait le gris particulier des épaules, munies d’ongles sombres, et possédant de vertes excroissances sur le dessus des doigts et de la paume. Encore, ce vert formait le « ventre » de la créature, plus fin que le torse, et deux losanges protégeant les genoux. Les jambes étaient entièrement noires, tout comme les griffes aux extrémités des pieds, avant de repartir sur un gris-vert pour les pattes. Le plus étrange étant l’association de plumage, et l’impression d’une matière plus métallique.

Rapide, la combattante lança son attaque avant que quiconque d’autre n’ait réagi.

– Tourbillon de vent !

Une tornade de taille moyenne, toute de bleu parée, répondit à son appel. Si les Radikors échappèrent au phénomène à proprement parler, les éclairs jaillissant aléatoirement de la masse tourbillonnante les forcèrent à l’esquive, permettant aux autres Stax de s’engager à leur tour dans la bataille.

– Métanoid ! cria celui désigné comme le chef d’équipe.

Sitôt la lueur l’englobant, identique à celle de sa coéquipière, s’évanouissant, rien ne restait de l’humain se tenait fièrement précédemment devant le vaisseau. Un nouveau monstre, plus petit que ceux précédemment vus par le collégien, prit sa place. Rappelant davantage une machine améliorée, sa tête noire ressemblait presque à celle d’un homme, plus petite et au bas de visage (les mâchoires séparées par une rangée de dents rigoureusement carrées) extrêmement allongé, orné d’un « collier de barbe » d’un gris si pâle qu’il paraissait presque blanc. Deux grands yeux turquoise occupaient une bonne partie de sa surface supérieure. Son torse ovale portait en son milieu ce qui ressemblait à un globe oculaire, orienté dans le sens contraire, noir à l’exception d’une bande grise délimitant l’iris. De ce symbole partait cinq traits en étoile, les deux supérieurs prenant la forme d’éclairs. Excepté cela, le début de son cou, la partie correspondant aux biceps, le bout de ses doigts, le milieu de ses pieds dépourvus d’orteils, une fine bande sous ses genoux, le dessous de ses cuisses et quelques nuances de-ci de-là étaient noirs. Le reste de son corps était de la teinte correspondante de gris, des épaules rondes surmontées de deux pics épais en arc de cercle, en passant par les brassards recouvrant les avant-bras, le dessus des cuisses, les genoux en forme de rectangles dépassant du corps et des pieds enfermés dans ce que Marc considéra comme des chaussures spéciales monstres. L’abdomen, lui, était succession de ces deux couleurs harmonieusement arrangées. À deuxième vue, le collégien distingua même, sur les côtés des rotules, des sortes de disques superposant également les couleurs de manière circulaire.

– Froztok ! invoqua enfin Boomer, un poing levé vers le ciel.

Son monstre, quant à lui, arborait le profil type des habitants des toundra gelées. Entièrement en nuances de bleu glacé (excepté quand les ombres assombrissaient cette teinte, et des yeux ovales carmin), son corps se trouvait hérissé un peu partout d’épaisses pointes acuminées et assemblage de ce qui ressemblait à des blocs de glace. Sur son visage, elles lui formaient une coiffe dirigée vers le ciel, quatre autres sur le menton créant un semblant de barbe. De plus, il donnait l’impression de porter des épaulières, jambières, brassards recouvrant l’intégralité de ses avant-bras, voir cuissardes parfaitement intégrés à son corps, dans le but de la protéger. Enfin, ses pieds se terminaient par deux orteils seulement, rebiquant vers le centre. Si ce monstre n’était pas le plus sophistiqué de la bande, ce fut celui qui impressionna le plus Marc. Sans doute à cause des yeux, lui donnant l’impression de vouloir déguster son foie en guise de quatre-heures, agrémenté d’une petite sauce piment-paprika tout droit sortie de chez Maïté.

Retombant lourdement sur le sol brunâtre, « Froztok » souleva un dense nuage de poussière, emplissant les poumons du garçon d’un air âcre le faisant tousser comme un perdu. S’il se vit forcé de plisser les paupières, des larmes acides picotant le coin de ses yeux, il se refusa à les clore complètement. Perdre de vue le combat, tout ça à cause d’un globe oculaire un peu trop sec ?

Piétiner des heures dans la boue, les jambes piquetées sans arrêt par les tiques et autres morpions, apprenait le sens de la relativité. Et encore, se demandait-il, pourquoi les jaguars, ou autres félins arpentant classiquement les jungles du monde entier, n’étaient venus faire de lui son dîner.

Hum… Décidément, le regard du monstre des toundras éveillait son imagination culinaire…

– Permettez que je mène la danse, proposa faussement aimablement le monstre, justement (la voix même de l’adolescent se transforma, comme si une tempête neigeuse couvait derrière chacune de ses paroles, sans pour autant vouloir se montrer). Raz-de-marée !

Les paumes ouvertes vomirent un torrent de mers déchaînées bordées d’un rouge menaçant, engloutissant sur son passage le triste spectacle d’une nature à moitié morte, les graviers mêlés de particules ocre, les rares buissons tenant encore debout par miracle… et les deux adolescents Radikors, incapables de lutter contre le ressac ainsi généré. Disparaissait un instant de la surface de la terre, leurs corps emportés aussi facilement que des poupées de chiffon allèrent durement heurter les premiers obstacles coupant leur trajectoire ; un rocher au tranchant émoussé pour Zane, le tronc noué de circonvolutions d’un palétuvier pour Tekris.

Assez étrangement, Marc songea qu’au moins, avec la chaleur descendante de l’après-midi, bien moins écrasante qu’elle ne le fut durant le reste de la journée, l’eau devait être à température idéale.

– Bien joué, Boomer, l’encouragea Ky – enfin, la créature ayant prit ses traits. À mon tour d’emprunter l’une de tes attaques favorites.

La main de Métanoid s’entoura d’une lueur véronèse, se modelant bien plus rapidement que le « raz-de-marée » tandis que le chef des Stax invoquait une « hache blizzard ». Ou plutôt « des », car l’attaque allait par paire. Pourvues de deux tranchants en demi-lune, dominés par une pique, les armes furent lancées d’un brutal mouvement du poignet.

S’il refusait d’imaginer Tekris et Zane perdre, Marc savait pertinemment qu’à cette vitesse, lui se serait retrouvé le nez par terre. Ses membres encore douloureux lui firent même le plaisir de le lui rappeler.

– Je t’avais bien dit que c’était une très mauvaise idée ! pesta Tekris par-dessus le boucan.

Trop occupé dans sa roulade arrière, puis son saut de côté afin de ne pas finir le crâne fendu en deux (bon sang, il s’agissait de haches, pas de bêtes couteaux de cuisine ! Quoique, une fois, le collégien réussit à se planter l’épluche-légumes dans la main, et ça avait fait suffisamment mal comme ça… Enfin bref ! Peut-être que comme pour les grenades, ce n’était pas tout à fait de vraies armes?), l’intéressé ne répondit pas.

Les armes disparaissant dans une frêle brume coloré, Zane heurta sans douceur son camarade revenu sur le champ de bataille depuis ; sa façon de le mettre à l’abri derrière un tronc couché par les eaux tumultueuses – encore cette espèce étrange, dont le collégien supposait qu’il s’agissait d’un gommier.

Un long silence suivit, durant lequel les Stax, appuyé par le soutien aérien d’Harrier, tendirent les oreilles, attendant prudemment la retombée des nuages poussiéreux soulevés.

– Qu’est-ce qu’ils font ? demanda le garçon, perplexe. Pourquoi ils n’attaquent plus ? Ils n’ont pas vu qu’ils se sont cachés derrière…

Au moment où une talonnade d’avertissement destinée à son tibia frappa sa cible, attirant un petit cri de douleur et surprise mêlées, une exclamation venue du cœur déchira le voile ouaté tombé sur les terres cambodgiennes.

– Qu’est-ce qu’il a mon caractère ?!

– Épée de plasma ! s’exclama Ky, sans laisser loisir à Tekris de répondre.

Comme son nom l’indiquait, une épaisse épée apparut dans sa paume, possédant, au contraire de « l’épée de l’ombre » une lame droite, au centre si chauffé qu’il en devenait blanc, la garde se prolongeant sur les côtés par deux demi-cercles ardents.

– Si ce n’était pas le cas, maintenant ils le savent, soupira Zair, mordillant sa lèvre inférieure.

Marc ne retrouva la capacité de faire entrer l’air dans ses poumons, que quand il distingua la silhouette de Tekris emmenant un Zane, dont il parvenait à sentir l’indignation outragé de son lieu de détention. Hélas, l’attaque du Stax fendit leur faible abri en deux parties distinctes fournies de dizaines d’échardes faisant au bas mot la main entière du garçon, leur empêchant de progresser vers l’avant à moins d’un grand détour.

– Allons bon, qu’est-ce que c’était que ça ? se moqua Zane, comme s’il discutait de la médiocrité du plat du jour, et pas en train de lutter pour ne pas finir face contre terre. Un jouet Lego ? Quelle déception, en plus de six mois, ta puissance n’a en rien gagnée ! Aurais-tu atteint la limite de ton pouvoir ?

– Tu parles beaucoup, mais tu ferais mieux d’attaquer ; je pensais que tu aurais compris la leçon, depuis le temps, rétorqua Maya, perchée au-dessus de l’adolescent. Dagues en plume !

Si le collégien associait, dans son inconscient, les pennes des volatiles à de doux coussins de soie effilées, celles invoquées par le monstre ailé tenait beau coup plus du « mur de lames ». Les armes blanches remplacées par des plumes, et si rapide que Marc peina à en suivre le mouvement. Aucune attaque, il en était persuadé, ne pourrait contrer cette vitesse.

Zane le sut également, car il ne tenta pas un instant une tactique de ce genre, privilégiant l’esquive. L’espace d’une seconde, Marc crut qu’il réussirait à s’en échapper. Avant que, dans un bruit de détonation, la salve ne frappe ses jambes, faisant basculer l’irascible adolescent au sol. Sans d’autres possibilités que de pousser un gémissement entre l’avertissement d’une prochaine fureur, et une prévision de courbatures.

– D’accord, siffla-t-il, toussant bruyamment. Je vois que tu a retenu la leçon de notre deuxième tournoi, Ky. Quel dommage que ce soit la gamine du groupe (tout en parlant, il s’agenouilla, fixant droit vers son vis-à-vis) qui soit seule capable de me renvoyer l’ascenseur.

– Il va vraiment falloir que tu arrêtes ta fixette sur moi, soupira simplement le monstre métallique. Contrairement à toi, je n’essaie pas de contrôler le moindre fait et gestes de mes équipiers, et Maya ne doit sa réussite qu’à son talent. L’esprit d’équipe, ça te dit quelque chose ? (l’éclat bleuté brillant entre ses doigts éclaira désagréablement son visage, rappelant à Marc les créatures qu’il imaginait cachées sous son lit enfant) Mais si tu insistes pour que je te montre à quel point j’ai progressé depuis ce tournoi, soit !

– Pas du tout, contra Zane, un pied au sol. Je tentais juste une diversion qui a merveilleusement bien fonctionné.

À ces mots, ayant profité que l’attention soit focalisé sur le chef des Radikors, une autre invocation retentit derrière les deux combattants Stax ne possédant pas la capacité de voler.

– Super cataclysme !

Marc ne vit comment l’attaque fut lancée. Cependant, il sentit nettement son souffle frôler ses jambes (Zair poussant une protestation indignée, comme quoi « ce n’est pas compliqué de faire attention »), alors que sur une large tranchée, une terre d’un marron-pourpre se souleva sur plusieurs mètres, de rouges éclats luisant par intermittence en son sein. Prenant de la vitesse, et de la force, elle se souleva sur elle-même, permettant de constater que des rochers, parfois moitié aussi gros que le collégien, composaient également cette marée marécageuse. Métanoid et Froztok, perdant de précieuses secondes à se retourner, puis à esquisser leur mouvement de fuite, ne purent l’éviter quand elle s’abattit directement sur eux, les englobant dans un torrent brutal, dont les émanations brumeuses en question fouettaient cuisamment les sangs.

– Alors ils ont perdus ? fit Marc plein d’espoir. Hein, ils ont perdus !?

– Pas encore, tempéra Zair. Ils gardent suffisamment d’énergie pour rester transformés. Disons qu’ils sont proches de l’épuisement, avec toutes les forces dépensées précédemment, et l’attaque de Tekris prise de plein fouet. Une rouge, en plus, ça a du faire mal.

Pour autant, l’adolescente n’éprouvait aucune compassion.

– Oh non ! Ky ! Boomer ! Est-ce que ça va ? s’écria Maya, luttant visiblement entre sa position stratégique, et le désir de vérifier l’état de ses amis au sol.

– Tu vas vite le savoir, se moqua Zane. Bruteron !

De nouveau, la nitescence oscillant entre le safran et l’orangé pâle, soustrait le corps malmené au regard, cédant la place à la créature écarlate pourvue d’un regard malaisant. Si Marc constata que l’espèce de peste bubonique (Zane aurait hurlé à l’offense, s’il lisait dans ses pensées…) recouvrant son bras droit continuait de le fasciner, et de le dégoûter en même temps, il se demanda également ce qu’était devenue la créature elfe, aperçue le jour de sa rencontre avec les Radikors.

– Il n’y a plus qu’à espérer qu’il réussisse à faire descendre Maya de son perchoir, commenta Zair. Pour le moment, l’attaque la plus efficace contre elle se trouve dans mon X-Reader, alors…

– Éclair de l’ombre ! clama Zane, à l’autre bout du champ de bataille.

L’entièreté de ses globes oculaires luirent d’un vert-jaune, une association particulièrement étrange aux yeux du collégien. Puis deux rayons jumeaux en jaillirent, émeraude garnie par endroit de plaques brunes rappelant bizarrement la consistance du pétrole, l’ensemble étant parcouru d’éclairs sur sa longueur.

Si l’attaque n’était aussi rapide que les « dagues de plumes », elle le fut assez pour frapper Harrier. Dans un cri souffrant, le corps du monstre changea d’apparence au moment de l’impact, comme photographié en négatif aux couleurs de l’attaque. Quand il retomba sur le sol, il avait retrouvé son apparence habituelle.

La réaction, du côté de Zair, ne se fit pas attendre.

– Que…Quoi ? Non mais ça va pas ! De quel droit touches-tu à mes affaires !?

– Désolé d’essayer de te sauver la vie !

– Non mais le Redakaï ne va pas vous exécuter non plus, grommela Boomer, ou Froztok, péniblement remis à genoux.

– Toi, siffla Tekris (le temps du bref échange entre Bruteron et Harrier, le colosse se mit devant les deux prisonniers, afin d’être certain de ne pas les toucher accidentellement, supposa Marc. Néanmoins, une puissante émotion manqua amener larmes à ses yeux, en s’apercevant qu’il se trouvait en particulier devant le collégien, tel un mur vivant protecteur). Personne ne t’as dit de te relever ! Piège cyclonique !

D’un large mouvement de main, il fit apparaître une tornade véloce nimbée de vert, dont la base se divisa en quatre tourbillons égaux plus petits. Emportant sans laisser de chance d’esquive ses adversaires, ceux-ci furent emmenés presque jusqu’à son sommet, ensuite projetés avec brutalité contre la coque du X-Scaper.

Un puissant bruit de ferraille résonna dans l’air surchauffé, les plaques de tôle se tordant sous l’impact des créatures gigantesques, tandis qu’elles reprenaient forme humaine.

– Fureur Radikors ! tonna au même moment Zane, frappant le monstre ailé tombé à terre.

Cette fois, tout en parlant, un éclat grenat se refléta dans ses pupilles, offrant un étrange contraste entre le noir du contour de ses yeux, et ce rouge brûlant. Seul du rouge fut présent dans les faisceaux qui en sortirent, de fines bandes ondulées s’entrecroisant sur leur longueur, en leur milieu.

Heureux de voir la dernière du groupe des Stax reprendre forme humaine, Marc se sentit désolé de les voir obligés de se faire mal, uniquement dans le but de servir une cause qui, s’il en ignorait la teneur, semblait leur tenir à cœur.

Tekris esquissa le geste de se laisser tomber à terre. Se ravisa quand il vit, du coin de l’œil, le regard admiratif du collégien, optant pour une posture décontracté en observant Zane revenir vers eux.

Les Stax, également, se rejoignaient, leurs visages exprimant le dépit, la colère ou la soif de revanche. Cependant, aucun n’intervint quand les liens des prisonniers furent tranchés.

Sitôt libre, Zair arracha son précieux appareil des mains de son frère, une remarque acide difficilement ravalée aux lèvres. Au lieu de polémiquer en public, elle lâcha un :

– Nous en reparlerons plus tard, Zane.

Plein de conviction.

Réflexion pour laquelle le vert ne fit guère grand cas.

– Bien, d’après les termes du défi, nous sommes libres de partir.

– Jusqu’à notre prochaine rencontre, l’avertit Boomer, massant une épaule douloureuse.

– Exactement. Vous ne pourrez pas toujours vous en sortir par une pirouette, renchérit Maya.

– C’est ce que nous verrons. Jusque là, nous avons plutôt bien réussi.

Sur ce, Zane tourna les talons, ordonnant d’un geste du poignet à son équipe de le suivre.

Instinctivement, Marc remonta aux côtés de Tekris. Et pour une fois, le colosse ne laissa pas retomber sa main quand elle se glissa dans ses paumes calleuses. Même quand Zane, vérifiant d’un rapide regard ses troupes, foudroya littéralement du regard son coéquipier. Avant de reporter son ire sur le gamin à ses côtés, celui-ci filant instinctivement derrière le colosse pour s’y soustraire.

– Hum, avec les soldats et Koz dans les parages, commença Zair en s’adressant à l’irascible adolescent, tu es au courant qu’il vaut mieux partir au plus vite ?

Seul un grognement agacé lui répondit.

– Quitte à ce que ce ne soit pas des plus discret vis-à-vis du petit ?

Si les mâchoires de l’intéressé ne se desserrèrent guère plus, un sec hochement de tête, cependant, confirma ses dires.

– Euh…C’est normal que je ne comprends rien ? demanda timidement Marc, agrippé à la main de Tekris comme à une planche de salut.

– C’est très simple, répondit joyeusement le colosse. As-tu déjà rêvé de voler ?


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Bonjour/bonsoir ! J’espère que ce chapitre vous aura plu ! N’hésitez pas à me dire ce que vous pensez des combats, s’ils sont compréhensibles pour des personnes ne connaissant pas l’univers, j’avoue avoir encore quelques appréhensions à ce sujet.


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