Biohazard : Code Nivans

Chapitre 3 : Chapitre 3 : Leon (juin 2013)

4591 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/09/2019 16:29

La mémoire de Chris était bel et bien fragmentaire, mais, au final, il a recollé les morceaux, les principaux du moins, en un peu plus de deux mois. On peut dire que le fait de retourner sur le terrain avait réveillé en lui des réflexes qui étaient perdus, et peut-être des souvenirs par association. Par exemple, il s'était souvenu de nos premiers entraînements ensemble, dans le bar en Europe de l'Est, car la situation était toujours inversée : c'était lui qui me neutralisait toujours. Bien entendu, ce souvenir m'occasionna un rougissement, qu'il ne vit pas, heureusement. Il s'était aussi souvenu de quelques menus détails, comme le fait qu'il avait plus ou moins toujours demandé à ce que je l'appelle Chris et que je n'y étais quasiment jamais arrivé. Ça, j'avoue que ça m'aurait arrangé qu'il ne s'en souvienne pas, mais bon, on ne choisit pas ce dont on se souvient. Ce serait trop facile. Il s'était aussi souvenu de ses anciennes relations, comme celle avec Jill Valentine, sa plus vieille équipière avec qui il avait fondé le BSAA, ou avec Leon Kennedy, un ami de longue date qui avait traversé avec lui l'enfer de Raccoon City, et d'autres un peu moins importants. Bien entendu, j'étais particulièrement flatté qu'il soit un des trucs dont il s'était souvenus le plus tôt, mais c'était sans doute juste parce qu'on se voyait très régulièrement depuis relativement longtemps. Enfin, pour ça, il faut laisser le temps faire son travail.

Nous avons repris le travail quelques semaines plus tard. Pour la prochaine mission, j'étais assez nerveux. C'était la première fois que je partais seul avec le capitaine, et, qui plus est, j'avais entendu dire qu'il avait expressément demandé à faire équipe avec moi pour celle-ci. Je me demandais sincèrement ce que cela cachait. Je me rapprochais de Chris, qui était près de sa moto, une carte dans la main.

-Où allons-nous, capitaine ? m'enquis-je de mon ton contrôlé habituel, comme à chaque fois que je m'adressais à mon supérieur

-Nous allons rejoindre un de mes amis, dans une forêt au sud, déclara Chris en montrant un point sur sa carte. Nous ne devrions pas prendre trop longtemps, ne vous en faites pas, ajouta-t-il alors que je regardais la carte

-Ce n'est pas ça. C'est juste que...

-Qu'y a-t-il ? me demanda-t-il d'un ton conciliant

-Je pensais que nous allions partir pour une mission plus... officielle, dis-je sans vraiment cacher ma déception

-Oh, mais c'en est une, soldat, répliqua Chris avec un léger rire. Je ne vais pas juste rendre visite à une vieille connaissance. Nous allons discuter business, tous les deux.

-Et pourquoi avez-vous insisté pour me prendre avec vous, dans ce cas ? laissai-je échapper

-On ne sait jamais. Et puis... ça me rassure de vous savoir là, à couvrir mes arrières, dit-il avec un sourire chaleureux en posant sa main sur mon épaule

Mon esprit s'échappa un instant de trop en considérant l'hypothèse que non seulement j'étais seul avec lui, mais qu'en plus, il avait fait en sorte que ce soit le cas. Je savais qu'il chérissait ses soldats comme sa propre famille, mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir des pensées ambiguës.

-De rien. C'est... C'est normal, capitaine, balbutiai-je, les joues légèrement enflammées

-Et je vous ai déjà dit que vous pouvez m'appeler Chris.

En effet, il l'avait déjà fait. Mais je n'en avais aucune envie, encore moins devant les autres membres de mon unité. Cela renforçait l'impression que j'avais, selon laquelle Chris avait développé une sorte de favoritisme à mon égard.

-Je dois prendre l'habitude, je suppose, dis-je en reprenant mes esprits

-Bien. Si vous êtes prêt, on y va.

-Oui chef.

Chris rangea sa carte dans son sac, et rangea ses armes avant de grimper sur la moto. Il tourna la tête vers moi, et m'invita, par un geste de la main et de la tête, à m'asseoir derrière lui. Aussi étrange que cela puisse paraître, je trouvais aussi que c'était du favoritisme.

-Allez, montez, dit-il au bout d'une petite minute d'absence de réaction de ma part

-Oui. Tout de suite, dis-je après m'être secoué encore une fois

Je plaçai mon fusil dans mon dos et m'assis derrière Chris, en mettant mes mains autour de sa taille. Il démarra la moto, et, après un petit moment sans rien dire, il m'adressa la parole, après avoir resserré la prise de mes mains sur lui.

-Il y a quelque chose qui vous travaille, Piers ?

Pourquoi est-ce que cela sonnait si bizarre quand il m'appelait par mon prénom ? Pourtant, ça, il le faisait avec tout le monde, même avec les nouveaux. J'en déduis donc que ça venait sûrement de moi, et pas de lui.

-Je vous en parlerai quand nous arriverons, répondis-je le plus sereinement possible

-Rien de grave, j'espère ? demanda-t-il, sincèrement inquiet

-Non non. Ne vous en faites pas.

-D'accord.

Le trajet se fit sans aucun autre commentaire. En fait, je me demandais sincèrement ce qui était le plus gênant entre le silence, qui semblait forcé, et nos conversations, pendant lesquelles j'étais forcé de me pencher plus que nécessaire sur le dos de mon commandant.

Nous arrivâmes au cœur de la forêt une petite dizaine de minutes plus tard. Chris descendit de la moto avant moi, évidemment, et je regardai rapidement autour de moi avant de faire de même. Nous étions dans une sorte de pinède, au milieu de laquelle se trouvait une hutte, qui semblait abandonnée. Jusque là, on se croyait dans un parfait scénario de films de monstres...

-Allons-y, déclara Chris en ouvrant la marche

-Oui monsieur.

Je crus voir Chris soupirer, lorsque la porte de la cabane s'ouvrit. Je pris nerveusement mon fusil en main, et me préparai à toute éventualité. Mais ce fut un homme qui en sortit, les mains en l'air, mais avec un léger sourire toutefois. Lorsque Chris le vit, il sourit aussi.

-Détendez-vous, Piers, dit Chris en posant une main sur mon arme. Je vous ai dit que je venais voir un ami, non ?

-Désolé capitaine, dis-je piteusement. La force de l'habitude.

-Excuse-le, Leon, dit Chris en regardant celui qui devait être son ami. C'est juste un excellent soldat.

-Je comprends, répondit Leon. Venez, on va aller discuter à l'intérieur.

Leon tourna les talons pour rentrer dans la cabane, et je rangeai mon fusil dans mon dos. Je regardai un peu autour de moi. Les arbres étaient encore couverts de feuilles, malgré la période de l'année. Je me mis à angoisser légèrement, car il n'y avait que quand j'étais anxieux que je pensais à des détails triviaux comme ça. Chris interrompit mes réflexions en se plaçant devant moi, et son expression inquiète m'interpella particulièrement.

-Dites-moi ce qui vous travaille, Piers. Ça me fait bizarre de vous voir distrait comme ça.

-Je...

J'hésitais vraiment à dire à Chris ce que j'avais sur le cœur. Pas maintenant, du moins. Il fallait absolument qu'il n'y ait aucun témoin, ce qui n'était pas sûr pour l'instant. Alors j'improvisai.

-Je ne sais pas, capitaine, bégayai-je. J'ai comme une mauvaise impression.

-Il n'y a pas de quoi pourtant. Restez zen, ok ? me dit Chris d'un ton rassurant

-Je ne sais pas si j'y arriverai, soupirai-je. C'est mon métier d'être sur le qui-vive. Mais je ferai de mon mieux... Chris.

C'était fou à quel point son nom avait eu du mal à sortir de ma bouche, alors que je le pensais sans arrêt. Lui, par contre, en était très content, car il me fit un beau sourire, qui me fit clairement piquer un fard.

-Allons-y alors, dit Chris en passant son bras derrière mes épaules

-Oui, balbutiai-je

Il me mena tranquillement vers la cabane, et me lâcha au moment où nous arrivions devant la porte. En fin de compte, lui aussi était plus ouvert quand nous étions seuls... Il ouvrit la porte, et j'entrai derrière lui. La cabane comportait une seule pièce, avec une table et quatre chaise. La déco était quasiment inexistante, ce qui me renseigna sur le caractère officieux de cet endroit, et sans aucun doute de cette rencontre. Claire, la sœur de Chris, m'avait parlé de Leon, donc je savais quel était le genre d'informations qu'il allait nous donner, au capitaine et à moi. Chris alla s'asseoir en face de Leon, et, lorsque je reconnus la femme qui était assise à côté de lui, elle me regarda avec une certaine curiosité, comme si elle m'avait reconnu, elle aussi.

-Helena ? demandai-je

-Piers ? dit-elle d'un ton similaire au mien

-Vous vous connaissez ? demanda Leon d'un ton étonné

-D'une certaine manière, dit Helena alors que je le pensais. Mais nous ne sommes pas là pour parler de ça, il me semble.

-Tu as raison. Venez vous asseoir, dit Leon en me faisant signe d'approcher

J'acquiesçai et allai m'asseoir à côté de Chris, en posant mon fusil à côté de moi. J'en profitai pour remarquer que Chris n'avait pas pris son arme, il devait vraiment faire confiance à son ami. Je regardai Chris un minimum, en sentant que je ne le supporterai pas longtemps, et je lançai un regard interrogatif à Helena, auquel elle me répondit en haussant les épaules. Nous nous étions quittés dans des termes assez flous, mais elle aussi sembla ne pas en tenir compte plus que ça. Cela faisait presque quatre ans, après tout. De l'eau avait coulé sous les ponts.

-De quoi voulais-tu me parler, Leon ? demanda Chris

Je tournai mon regard vers Leon, qui sortit son téléphone portable de sa poche. Il me mit sur la table, entre nous quatre, et tapota dessus pour afficher un texte.

-Avec Helena ici présente, dit-il en montrant sa voisine, nous avons découvert l'implication de Derek Simmons, le conseiller de la sécurité du territoire, était impliqué dans l'incident de Tall Oaks, il y a quelques mois.

A côté de Leon, Helena frissonna. Elle avait gardé un mauvais souvenir de cet incident, apparemment. Leon sembla le voir, mais ne fit aucun commentaire.

-J'ai croisé Sherry Birkin en Chine, et m'a donné des informations confidentielles que Simmons lui avait données.

Un autre nom familier. J'étais plus enthousiaste que nécessaire en entendant parler de ma meilleure amie, mais je ne laissai rien paraître, cependant.

-Comment a-t-elle fait pour les avoir ? demandai-je

-Sherry travaille pour Simmons. Je lui ai expliqué la situation, et elle a accepté de m'aider. Voilà ce qu'elle m'a appris.

Sur l'écran, un visage apparut. Je le reconnus : c'était Jake Muller, un mercenaire recherché. Chris ne le reconnut pas, car nous l'avions rencontré il y a huit mois, avant son amnésie.

-Sherry était chargée de la protection de Jake, car il semble être la seule personne encore en vie qui possède des anti-corps contre le virus-C.

-Encore en vie ? répéta Chris. Qui était les autres personnes ?

-Il n'y en avait qu'une. Son père. Albert Wesker.

-Wesker ? répéta Chris un ton plus haut

Je connaissais fort bien ce passage de l'histoire de Chris, et j'étais presque aussi estomaqué que lui, en fin de compte. Le fils de celui qui avait failli détruire le monde il y a quatre ans était celui qui pourrait le sauver maintenant. Tu parles d'une ironie.

-Il faut vraiment sauver ce gosse, Chris, ajouta Leon, voyant l'absence de réaction du capitaine. Il est la clé de...

-Oui, j'ai compris, le coupa Chris. Mais quand même... Le fils de Wesker...

-Aussi surprenant que ça soit, c'est la vérité, dit Helena plus vite que Leon. Il faut qu'on s'en occupe au plus vite, sinon les ordures comme Simmons continueront à semer la mort.

-Ou comme Ada Wong, laissai-je échapper

Helena m'offrit un superbe regard de reproches, et je compris pourquoi quand je vis Leon s'affaisser d'un seul coup sur sa chaise. Je compris qu'il tenait à elle, j'avais bourdé. Je regardai Chris, dont le regard s'était durci, bizarrement. Mais ce n'était pas contre moi. Je me souvins soudain de notre dernière rencontre avec Leon : il avait tenté de protéger Ada alors que Chris et moi la poursuivions, et elle avait réussi à nous échapper, par la suite.

-Vois la réalité en face, Leon, dit-il d'une voix sèche comme je l'entendais rarement. Ada trempe dans une affaire dont tu ne peux pas la sauver, parce qu'elle ne veut pas être sauvée.

-J'aimerais l'aider, moi aussi, dit Helena en posant sa main sur l'épaule de Leon. Comme elle nous a aidés pour Deborah. Mais ils ont raison, on ne peut plus rien pour elle.

Deborah ? Si je me souvenais bien, c'était la sœur d'Helena. Je me demandais ce qui lui était arrivé, et comment Ada les avait aidés, mais je n'arriverais pas à en placer une pour l'instant. Et ce n'était pas la priorité, de toutes façons. Moi et ma curiosité...

Leon s'appuya sur la table, les coudes dessus et la tête dans les mains, comme en train de réfléchir intensément. La main d'Helena avait à peine bougé, elle lui frottait le dos maintenant, comme pour le rassurer. Elle regarda Chris, puis moi, puis de nouveau Chris.

-Vous pourriez nous laisser un moment ? demanda-t-elle. Il faut que je lui parle.

-Moi aussi, j'aimerais vous parler, dit le capitaine

-Oui, bien sûr. Je vous rejoins dehors dès que j'en ai fini avec lui.

-Helena... soupirai-je

-S'il te plaît, Piers. Je vous dirai tout après, promis.

Je me relevai lentement, en faisant attention un minimum au regard oblique que m'envoyait Chris, qui finit par m'imiter. Je ramassai mon arme et nous sortîmes de la cabane.

Je m'arrêtai près de la moto, et je fus rejoint par Chris, qui avait repris son expression habituelle.

-Je pense que je sais ce que vous êtes sur le point de me demander, dis-je d'un ton léger, pour détendre l'atmosphère

-Ouais, répondit Chris avec un léger sourire. Je vous avoue que j'aimerais savoir comment vous avez connu cette charmante jeune femme.

Charmante. Je ricanai intérieurement.

-Nous nous sommes rencontrés pendant une de mes premières missions, lorsque je venais d'entrer dans le BSAA Parallèlement à votre mission en Afrique Centrale, une activité a été détectée en Afrique du Sud, dans des bâtiments isolés et apparemment à l'abandon. J'y suis allé avec une équipe, mais nous avons été séparés par un tremblement de terre. J'ai rencontré Helena par hasard, au détour d'un couloir, où elle a vidé son fusil à pompe sur mon gilet pare-balles, dis-je d'un ton amusé

Bien que, à l'époque, cela ne m'avait pas amusé du tout. Il y a du vrai dans l'expression "avec le temps, les pires souvenirs deviennent bons".

-Sacrée rencontre, en effet, dit Chris d'un ton similaire au mien. Mais vous n'êtes pas en conflit pour autant, exact ?

-Non. J'ai survécu, bien sûr, et, quand je l'ai retrouvée, elle s'est expliquée. Premièrement, elle était au courant de l'histoire de bioterrorisme, et elle m'a pris pour un criminel. Elle n'a vu mon uniforme qu'après m'avoir tiré dessus. Et deuxièmement, c'était pour sauver sa sœur qu'elle était là. Elle était portée disparue en Afrique du Sud, dans cette zone.

-L'a-t-elle retrouvée ?

-Non. Elle avait déjà été transportée ailleurs.

-Mais que voulaient ces bandits à sa sœur ? demanda Chris en sourcillant

Ça c'était du Chris tout craché. Il ne connaissait ni Helena ni sa sœur, mais il s'inquiétait déjà sincèrement pour elles. Il était simplement le meilleur des hommes. Je me rendis compte que je recommençais à délirer, et me reconcentrai sur mon récit.

-Je n'en sais trop rien. Vous pourrez toujours lui demander. Nous n'avons qu'à attendre.

-Je vois. Je me demande ce qu'elle est en train de dire à Leon.

Voilà, je recommençais à rougir bêtement. Comme à chaque fois que je regardais Chris trop longtemps. Je détournai le regard, me concentrant sur le siège de la moto, jusqu'à ce que Chris s'y appuie. Alors je dus me concentrer sur les arbres.

-Moi aussi. Mais ils ont l'air assez proches, je suis sûr qu'elle essaie de le consoler.

-Ouais, vous devez avoir raison. Leon est un chic type, il le mérite bien.

Après cette réplique, à laquelle je ne trouvais rien à répondre, le silence se réinstalla. Chris m'invita même à m'asseoir à côté de lui sur la moto, mais je refusais poliment, en disant que j'étais bien debout. Plus le temps passait, et plus sa proximité enclenchait dans ma tête des fantasmes particulièrement déplacés. Je me disais sincèrement qu'il fallait que je lui dise tout, histoire d'être tranquille, mais je ne savais pas quelle serait sa réaction. Alors j'attendrai encore un peu. Quand nous serons complètement seuls, je lui dirai. Sans doute.

-Me voilà, dit la voix d'Helena, juste au bon moment. Alors, qu'est-ce que vous voulez savoir ?

Je me tournai vers elle, et Chris fit de même. Je ne remarquai qu'à ce moment-là que, lorsque j'étais concentré sur les arbres, lui avait le regard fixé sur moi. Mais je préférais l'oublier, sinon je recommencerais à spéculer. Et ce n'était pas bon. Pas bon du tout.

-Vous avez parlé d'une histoire avec Ada, et votre sœur, se lança le capitaine. Qu'est-ce qui s'est passé, exactement ?

-Ah oui, ça, dit Helena d'un ton las. J'ai réussi à attirer Leon dans une cathédrale, à Tall Oaks, en prétextant que j'avais des preuves contre Simmons. Ce qui était à moitié vrai. C'était surtout pour sauver Deborah, que Simmons a utilisée comme sujet d'expérience.

-Oh. Je suis désolé, dit Chris d'un ton sympathisant

-Vous n'avez pas à l'être. Tout est de ma faute. Enfin bref, ce n'est pas le propos, dit Helena en toussotant. Pendant que nous visitions le laboratoire souterrain, nous sommes tombés sur une cassette vidéo, intitulée "Bon anniversaire Ada Wong". J'ai bien vu à la tête de Leon qu'il avait eu des débouchés avec cette femme, mais je n'ai jamais pu en savoir plus.

-Qu'y avait-il sur la cassette ? demanda Chris, soudain extrêmement sceptique

-Nous n'avons pas vraiment compris, sur le moment. Mais c'était clairement un cocon du virus-C, duquel est sortie Ada.

-Quoi ? s'écria Chris, plus que surpris

-Et quel est le rapport avec ta sœur ? m'enquis-je, pour essayer d'éloigner le sujet

-Peu après, j'ai retrouvé ma sœur. Mais, au bout de quelques minutes de marche, son corps s'est enflammé, et s'est transformé en cocon. Au moment où elle allait éclore, je me suis rapprochée d'elle, et un carreau d'arbalète lui a transpercé la tête. Sur le coup, je lui en ai voulu, mais en fait, Ada venait de me sauver la vie.

Chris baissa le regard, la tête sûrement remplie de questions. A vrai dire, je m'en posais aussi. Mais pour renchérir, Helena reprit son récit, après un regard incrédule vers mon supérieur hiérarchique.

-Cependant, Deborah n'était pas encore morte. Elle s'est relevée et s'en est prise à nous. Je ne voulais pas croire que je l'avais perdue. C'est Ada qui m'a secouée, qui m'a fait réaliser ce qui venait de se passer. Que je devais la tuer si je tenais vraiment à elle, à ce qu'elle était, et si je ne voulais pas qu'elle reste comme ça. Alors j'ai fait mon deuil, et j'ai achevé Deborah, en lui promettant de faire payer à Simmons ce qu'il avait fait.

La tristesse avait envahi le ton d'Helena, et il y avait de quoi. Elle avait été obligée de tuer sa sœur, et elle ne l'aurait pas fait si Ada n'avait pas été là. Plus encore : Ada avait sauvé Helena. Déjà que moi je ne savais pas quoi penser, je n'osais même pas penser dans quel débat intérieur était Chris, maintenant. Helena me regarda, reprenant une expression neutre au fur et à mesure, et me montra Chris du regard. Je le regardai à mon tour, il avait l'air vraiment paumé.

-Capitaine ? tentai-je

-Je vais bien, Piers, dit Chris en se pinçant l'arête du nez. Laissez-moi une minute.

Chris se rassit sur le siège de la moto, et je me rapprochai d'Helena, qui regardait Chris d'un air étonné. Elle me vit arriver, et se tourna vers moi.

-Je ne savais pas que ça lui ferait autant d'effet, me dit-elle

-Écoute. Tu lui as dit que la femme qu'il déteste et qui a tué presque tous ses hommes est une samaritaine, soupirai-je. Je t'avoue que j'ai aussi été ébranlé, j'étais là quand Ada a tué notre équipe.

-Tu sais, j'ai peut-être une hypothèse. Et si celle qui nous aidés et celle qui joue au scientifique fou étaient deux personnes différentes ?

-Hein ?

-On l'a clairement vue sortir d'un cocon, alors... Je pensais que quelqu'un pourrait avoir tenté de la cloner ou quelque chose du genre. Et je pense à Simmons, on a trouvé la cassette dans son labo secret, après tout.

-Qu'avez-vous dit ? grogna Chris, qui venait de se réveiller

Helena et moi nous tournâmes en même temps vers lui. Son expression s'était encore durcie. Il me faisait vraiment peur quand il était comme ça, mais c'était mon rôle de le modérer quand ça arrivait.

-Capitaine, calmez-vous, dis-je en me rapprochant de lui

-Mais je suis calme, soldat, s'énerva Chris. Je lui demande juste de répéter, dit-il en toisant Helena

-Je pense que la Ada que vous avez rencontrée et celle que nous avons rencontrée n'est pas la même, dit Helena d'un ton calme désarmant. Quelqu'un d'autre se fait passer pour elle, quelqu'un qui lui veut du tort peut-être ?

-Nous n'avions jamais envisagé ça, dis-je en jetant un œil prudent à Chris

-Non en effet, dit Chris qui reprenait son calme au fur et à mesure. On lui demandera quand on la reverra. Et quelque part, c'est tant mieux, en fait.

-Pourquoi ? dis-je en même temps qu'Helena

-Si ce n'est pas la même personne, Leon ne m'en voudra pas si je la tue.

En fait, le Chris calme était plus effrayant que le Chris énervé. La décontraction avec laquelle il avait dit sa dernière phrase lui donnait des airs vraiment meurtriers. Je vis d'ailleurs, à sa tête, qu'Helena pensait la même chose que moi. Je me retournai vers Chris, et j'essayai de prendre une grosse voix, comme à chaque fois que je lui secouais les puces.

-Ce n'est pas une raison, capitaine, tentai-je, aussi assurément que possible. Nous devons la juger, pas l'exécuter. Vos anciens soldats penseraient la même chose.

-Mes anciens soldats seraient encore vivants sans cette salope ! hurla Chris en s'agitant

-Capitaine !

Je jetai un regard rapide à Helena, qui comprit mon message. Elle rentra dans la cabane, et je me précipitai vers Chris pour essayer de le maîtriser. Il aurait été capable de démolir des arbres à mains nues, là – je le sais, je l'avais déjà vu faire. Je lui ceinturai le torse, essayant de limiter ses mouvements. Vu la différence de force entre nous, je pensais qu'il m'enverrait balader au bout de vingt secondes. Mais, au bout de dix, il sembla se calmer, d'un seul coup. Je me rendis compte de la position dans laquelle nous étions lorsqu'il ferma ses bras sur moi. Je me mis à rougir comme jamais, et, alors que j'allais essayer de me libérer, Chris ne me laissa pas faire. Qu'est-ce que ça signifiait ?

-Désolé Piers, dit-il dans mon oreille. Je vous ai encore donné une mauvaise image, n'est-ce pas ?

-Ce n'est rien capitaine, bégayai-je. Il est normal de se laisser aller, de temps en temps.

-En tous cas, je vous remercie d'être toujours là pour moi. J'apprécie vraiment.

Je ne voyais pas la tête qu'il faisait, mais j'entendais le sourire dans sa voix. Cela me faisait penser à la situation d'il y a peu de temps, quand il m'a avoué qu'il avait fait en sorte que je sois avec lui sur cette mission, et l'impression de favoritisme que j'avais.

-Je vous ai dit que c'était normal, dis-je avec d'énormes trémolos

Soudain, notre accolade prit un tout autre sens. Ses bras enlacèrent mon dos plus affectueusement, pour ne pas dire tendrement, et il posa sa tête sur la mienne. Quoi quoi quoi ? Si nous étions dans un dessin animé japonais, je me serais déjà vidé de mon sang par le nez. Mes mains hésitaient dans son dos. Je me demandais, plus que jamais, ce qu'il pensait en ce moment.

-J'apprécie vraiment votre soutien, Piers, me dit-il d'un ton extrêmement tendre

Mon pouls doubla, je dus me concentrer pour garder un rythme de respiration régulier. Je n'arrivais plus à parler. S'il savait ce que ce geste signifiait pour moi... Je me surpris même à espérer qu'il ne me lâche jamais. Mais mon côté raisonnable a repris le dessus, et me suis délicatement arraché à sa prise. Mon cœur reprit un rythme normal.

-Je serai toujours là pour vous, Chris. Je vous le promets, réussis-je à lui sourire

-Je le sais, répondit Chris avec un beau sourire

J'avalai bruyamment ma salive, et Chris me jeta un regard curieux.

-Que... Que sommes-nous censés faire maintenant ? demandai-je presque sans raté

-Je vous avoue que je n'en sais trop rien, soupira Chris. Le plus logique serait d'aller chercher Muller.

-Muller ?

-Oui. Jake Muller. Les anti-corps, le vaccin, vous vous souvenez ? dit Chris d'un ton amusé

J'aurais tellement aimé lui répondre que c'était à cause de lui que j'étais comme ça... Mais nous n'en étions pas là. Je me permettrai ce genre de blagues quand j'aurais fait ma déclaration à Chris. Enfin, si je la faisais un jour, et que je ne prenais pas le plus magnifique râteau de l'histoire du bioterrorisme.

-Ah oui pardon. Je n'y étais pas, dis-je avec un rire nerveux. Leon vous a donné les infos ?

-Ouais. On y va quand vous voulez.

Chris grimpa sur la moto, et m'invita du regard à m'asseoir derrière lui. Je pris de nouveau une grande inspiration avant de m'exécuter, et, là encore, Chris posa ses mains sur les miennes, pour les mettre autour de sa taille. Je sentis le sang me monter au cerveau, un truc de dingue. Heureusement que je n'étais pas hémophile, sinon je serais déjà mort d'une hémorragie interne.

-Prêt ? me demanda-t-il

-Prêt, répétai-je

-Alors allons sauver l'humanité.

-Oui capitaine.

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