Biohazard : Code Nivans

Chapitre 4 : Chapitre 4 : Ada (juillet 2013)

5127 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/09/2019 16:31

Un peu plus d'un mois après notre rencontre avec Leon et Helena, Chris et moi avons retrouvé la piste d'Ada au sud de la Chine, là où nous l'avions déjà affrontée. La piste nous mena ensuite dans un porte-avion, habité uniquement par des J'avos qui ne purent que nous ralentir. Je n'avais jamais vu Chris aussi déterminé. J'étais partagé quant à cette détermination : je ne savais pas s'il était déterminé à sauver Sherry et Jake Muller, ou s'il était décidé à tuer Ada pour de bon, malgré les supplications de son ami. Je ne pus le deviner, car son visage s'était refermé, je n'arrivais plus à lire dans ses expressions. Je me contentai de le suivre, comme d'habitude, jusqu'au moment où on a réussi à coincer Ada dans un coin des plate-formes supérieures du bateau. Elle sortit par la porte blindée, avec ce qui ressemblait à un flingue et une valise, mais on était sur le bord du pont supérieur. Il y avait le vide devant elle. Chris et moi arrivâmes derrière elle, alors qu'elle manifestait son mécontentement.

-Ne bougez plus ! s'exclama Chris

La femme en robe bleue était juste au bord de la plate-forme, et se retourna vers nous. Au début, je pensais que c'était une arme qu'elle avait dans la main, mais en fait non. C'était un fusil injecteur. Je la mis aussi en joue, comme par réflexe. Elle avait toujours ce sourire insolent, alors qu'elle me regardait, avant de se tourner vers Chris.

-On dirait que vous avez encore perdu tous vos hommes. Vous savez, vu vos états de service, je serais vraiment effrayée de faire partie de votre unité, Chris, déclara-t-elle d'un ton mauvais

Elle avait presque craché le nom du capitaine. Ce qui me fit m'énerver tout seul, évidemment, même si je ne montrais rien.

-Vous avez sans doute raison, dit Chris d'un ton vaincu

-Capitaine, ne l'écoutez pas, dis-je d'un ton remonté

Chris tourna la tête vers moi, avec un petit sourire en coin qui était devenu presque habituel et qui me plaisait de plus en plus, et prit une grande inspiration, avant de remettre en joue Ada, qui semblait ricaner dans sa barbe.

-Avant aujourd'hui, tout ce que je voulais, c'était vous voir morte, avoua Chris. Mais ce n'est pas une histoire de vengeance, c'est une histoire de justice. C'est fini, Ada.

Pour le coup, j'avais envie de l'applaudir comme une groupie. Mais je fus ramené à la réalité lorsque Ada ricana de nouveau.

-Vous avez raison. C'est fini. Dans quelques minutes, les lances-missiles du porte-avion feront feu. Et les morts envahiront les rues. Comme a Raccoon City. Mais ce ne sera pas qu'une ville, ce sera le monde entier, ajouta-t-elle avec son sourire mauvais

-Vous ne pouvez pas être sérieuse... marmonnai-je pour moi-même

Je baissai légèrement les yeux, du coup, je ne vis pas que Ada me mettait en joue avec son fusil injecteur. Je relevai la tête quand j'entendis un coup de feu venant de l'arme de Chris. Le fusil bondit de la main de la femme fatale, qui secoua nonchalamment la main.

-Vous allez nous suivre, maintenant, dit Chris d'un ton étonnamment calme

Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, un hélicoptère apparut derrière elle. Elle se retourna, pour le dévisager avec une inquiétude qui ne lui était pas habituelle, et une détonation retentit. Je pensais qu'ils allaient faire feu sur nous, mais à la place, ce fut Ada qui vacilla, la main sur l'estomac et lâchant, du coup, la valise qu'elle tenait.

-Bon sang. Il m'a eue, marmonna-t-elle

Au moment où je me demandais de qui elle parlait, elle se tourna vers nous, et l'hélicoptère disparut comme il était apparu. Vraiment étrange.

-Quoi que vous fassiez, il est trop tard.

Et enfin, elle se laissa tomber dans le vide.

-Non ! hurla Chris

Nous nous précipitâmes au bord de la plate-forme, pour la voir s'éclater le crâne en bas dans une flaque de sang. Je ne sus quelle émotion était la plus forte dans l'expression de Chris, entre la déception, le dégoût ou la satisfaction. Il avait voulu la sauver, comme par réflexe, mais au fond de lui, il était satisfait de la voir morte. J'en étais sûr.

-Bon, nous avons un lancement à retarder, déclara-t-il en me tapotant l'épaule

-Bien capitaine.

Je regardai une dernière fois en bas, quand soudain, je vis une autre silhouette se rapprocher du cadavre d'Ada. Je crus rêver, mais il fallait que j'en aie le cœur net.

Chris et moi nous entrâmes dans le bateau, puis, d'un geste rapide mais conséquent, je me précipitai pour dévaler un escalier qui descendait en roulant et en beuglant. Je m'en voulais de tromper Chris comme ça, mais il fallait que je sois sûr. Le hasard a fait que ma dégringolade provoque une chute colossale d'objets venant de nulle part, m'empêchant de remonter l'escalier. Comme quoi, parfois, la vie fait bien les choses.

-Piers ! s'écria Chris. Vous allez bien ?

-Oui, ça va, dis-je en faisant mine de reprendre mes esprits. Continuez sans moi, je vous rejoindrai dans la base des missiles.

-D'accord. Si vous ne me rejoignez pas dans quinze minutes, je viens moi-même vous chercher pour vous tirer les oreilles et vous botter les fesses. Est-ce clair ?

-Très clair, dis-je en dissimulant mon amusement. A bientôt.

J'attendais que Chris s'en aille, avant de me précipiter vers la sortie. Je fus sincèrement surpris de ce que j'y ai trouvé : il y avait une Ada qui était debout, en face du cadavre d'une autre. En fin de compte, Helena avait raison : il y avait deux Ada. Celle en uniforme rouge et pantalon noir est la vieille copine de Leon, et celle en robe bleue est l'ordure qui joue avec nous depuis six mois. Sauf que, alors qu'elle semblait être morte d'où j'étais, elle était clairement en train de muter sous nos yeux.

Au moment où je pensais ça, la véritable Ada se tourna vers moi.

-Lieutenant Nivans. Quelle bonne surprise, me dit-elle d'un ton qui m'était familier maintenant

-Vous connaissez mon nom ? demandai-je, méfiant

-En quelque sorte. Mais nous avons d'autres problèmes, là.

La deuxième Ada était maintenant debout, face à son originale, son corps couvert d'une sorte de matière visqueuse blanchâtre. De toutes les mutations que j'avais vues, celle-ci était sans doute la plus dégoûtante.

-Vous pensez sincèrement que j'ai besoin de votre aide ? dit "Ada" d'un ton hargneux. Je suis la vraie Ada Wong, je n'ai besoin de l'aide de personne.

Visiblement, j'avais raté une partie du dialogue. D'un autre côté, la future zombie ne semblait pas du tout faire attention à moi. Alors qu'Ara, en revanche, m'offrait quelques petits regards amusés.

-Mes plans n'ont pas échoué, ils ont juste évolué, cracha "Ada"

Elle projeta son espèce de substance visqueuse vers nous, et Ada s'écarta, après m'avoir poussé parce que je n'avais pas bougé. Apparemment, celle-ci était vraiment douée de bonnes intentions. La fausse Ada se mit à pousser des cris effrayants, et je crus entendre que sa voix avait changé. Je la mis en joue, en bon militaire que j'étais, prêt à faire feu.

-Et bientôt, reprit-elle, cette carapace stérile de société s'effondrera. Après quoi, vous savez ce qu'il restera de ce monde ? ajouta-t-elle en me regardant cette fois

Elle émit un rire horrible, digne de la bonne méchante qu'elle était, et cela me fit froid dans le dos.

-Rien du tout ! Les enfers se soulèveront et le chaos régnera ! s'exclama-t-elle en regardant en l'air

Soudain, elle disparut dans sa bile, et je vis Ada avoir un mouvement de recul.

-Ne bougez pas, me dit-elle en mettant sa main devant moi

Décidément, la différence entre les deux Ada était flagrante, et cela me faisait vraiment bizarre. Celle-ci semblait tenir un minimum à ma survie, alors que l'autre n'arrêtait pas de nous faire du tort, à Chris et à moi. Il faudrait que je le mette au courant quand je le retrouverai.

Ada se mit à regarder autour d'elle, et je fis de même. Il me semblait un peu facile que l'autre soit morte aussi facilement, sans doute se cachait-elle quelque part. Comme pour répondre à mes pensées, sa voix résonna dans le porte-avion.

-Et moi, Ada Wong, serai la reine de ce nouveau monde.

Le reste de liquide visqueux se mit à bouger, et Ada tourna rapidement sa tête vers moi.

-Courrez, dit-elle simplement

Je n'eus même pas le réflexe d'acquiescer, il était évident que c'était dangereux. Nous nous mîmes donc à détaler vers la porte la plus proche, alors que l'espèce de bave fonçait vers nous. Ada me poussa à l'intérieur, et glissa derrière moi pour claquer la porte, qui bougea légèrement. Elle se redressa pour regarder dans le hublot, je voyais d'ici ce qu'elle voyait : le mucus diminuait de volume.

-Désolé de briser votre rêve, dit Ada à la fenêtre, mais vous n'êtes qu'une contrefaçon bon marché, au mieux. Reposez en paix, Carla.

Puis elle se tourna de nouveau vers moi.

-Carla ? demandai-je d'un ton étonné

-C'est vrai qu'une explication s'impose. Le vrai nom de cette dame est Carla Radames, c'est la créatrice du virus-C et l'ex-femme de Simmons. Il faisait ses propres expériences sur le virus, alors il l'a prise comme cobaye, comme Deborah Harper, pour essayer de me cloner. Pas étonnant qu'elle m'en veuille tellement, en y pensant. Je ne sais pas pourquoi Simmons me voulait pour lui, mais je trouve ça à la fois flatteur et particulièrement craignos, ajouta-t-elle avec un faux rire

-Vous voulez dire que toutes ces emmerdes sont parties d'une histoire d'amour tordue ? demandai-je d'un ton sincèrement étonné

-Je n'avais jamais vu ça de cette manière, mais c'est ça, dit-elle d'un ton réellement amusé, cette fois. Vous les militaires avez un sacré sens de la répartie.

-En parlant de ça, comment savez-vous mon nom au fait ? me rappelai-je

-Cela fait un moment que je savais que quelqu'un se faisait passer pour moi, alors je me suis branchée sur votre fréquence dès que j'ai su que vous et ce cher Chris lui courriez après. J'ai entendu votre nom pendant une des transmissions, c'est tout.

-Je vois, dis-je, ne sachant pas quoi dire d'autre

Cette discussion tranquille fut interrompue par le rire de Carla, qui résonnait encore dans porte-avion. Je me demandais si Chris l'entendait, lui aussi, et si oui, ce qu'il en pensait. Ada descendit l'escalier, et je la suivis, comprenant bien ce qui se passait. Si elle croyait qu'elle allait me semer comme ça...

-Je vais vous aider, déclarai-je. Vous en aurez besoin, je pense.

-Merci. Vous êtes bien mignon, répondit Ada avec un petit sourire en coin

Je me remis à rougir comme un débutant. Pas parce qu'elle m'attirait, non pas qu'il n'y aurait pas de quoi, mais parce que son sourire en coin me rappelait un peu trop ceux que Chris me faisait parfois. Elle ricana, comme lisant mes pensées, et nous dûmes nous arrêter en bas de l'escalier. La matière visqueuse de Carla envahissait peu à peu les cales du porte-avion, réduisant l'espace pour circuler.

-Le seul moyen de l'éliminer pour de bon est de s'en prendre à son vrai corps, déclara Ada. Un grand classique. Encore faudrait-il que nous le trouvions.

-Il ne doit pas être loin, supposai-je. Aussi puissantes soient-elles, les armes biologiques ont toutes un rayon d'action, qui n'est en général pas énorme. Je pencherai donc pour les cales les plus en profondeur, pour concentrer le dit rayon.

-J'ai bien fait de vous garder, dit Ada d'un ton admiratif. Vous êtes très professionnel.

-Les compliments ne vous mèneront nulle part, bégayai-je, gêné

Ada rit encore, et un bout de Carla l'attrapa, au détour d'un couloir. Je chargeai vite mon fusil, et vidai un chargeur dans la silhouette, qui relâcha Ada en hurlant. Ada tomba à genoux, sa mitraillette dans sa main, et se redressa avant que n'aie l'idée de lui tendre la main. Elle me glissa un petit "Merci" assorti d'un clin d'œil pas forcément nécessaire, et nous nous remîmes en route, esquivant les clones visqueux de Carla, qui étaient de plus en plus nombreux et résistants. Nous comprîmes, Ada et moi, que nous nous rapprochions. Qui plus est, ils avaient la manie de répéter le nom "Derek". Ada m'expliqua que c'était le prénom de Simmons, ce qui s'expliquait par le fait que Carla était encore amoureuse de lui, et donc très jalouse d'Ada.

Pendant qu'on courrait, je jetai des coups d'œil furtifs, de temps en temps, à mon équipière de fortune. Je me trouvais dans une situation assez ironique, maintenant que j'y pensais. Je faisais équipe avec une Ada Wong plus gentille qu'il n'y paraissait pour en vaincre une autre, bien plus malveillante. Si on m'avait dit ça il y a quelques années, lors de mon entrée au BSAA, je ne l'aurais sans doute pas cru.

Ada et moi passâmes notre temps à nous sauver l'un l'autre, avant d'arriver dans la cale la plus profonde. Et là, nous la vîmes. Carla. Elle n'était plus qu'un énorme visage de matière blanchâtre, qui nous dévisageait avec mépris.

-Vous ne comprenez rien, déclara-t-elle. Vous ne comprenez pas ce que j'essaie de faire.

-Si, dis-je d'un ton véhément. Vous êtes juste une folle furieuse qui veut remplir le monde de morts.

-Écoutez-le donc, le petit soldat qui s'y croit, s'esclaffa Carla. Très bien, je commencerai par vous.

La matière visqueuse se mit à gesticuler, et fonça vers moi. Je sautai sur le côté pour esquiver, et fis feu sur Carla, imité par Ada. Le monstre rit, et j'arrêtai de tirer, jugeant que ce n'était pas utile pour l'instant. Il fallait trouver une stratégie, et vite.

-Je vous avais promis l'enfer, vous vous souvenez ? dit la voix de Carla, de plus en plus monstrueuse

Je frissonnai. Évidemment que je m'en souvenais. C'était bel et bien la même personne qui avait changé notre équipe en zombies, fait perdre la mémoire à Chris, et que je n'avais pu que retarder en faisant sauter le bâtiment. En fait, j'aurais vraiment dû la tuer.

A côté de moi, Ada rechargeait, me regardant d'un air étonné, et je ne pus m'empêcher de remarquer quelque chose. Le clonage avait remarquablement bien fonctionné, j'avais vu Carla recharger son arme exactement de la même manière six mois auparavant.

-Longue histoire, lui dis-je finalement

-J'aime les longues histoires, dit Ada d'un ton amusé

Carla poussa un hurlement glauque au possible, nous interrompant de nouveau. Ada et moi firent de nouveau feu sur elle, mais le temps que nous rechargions, Carla se régénérait. Entre deux recharges, et entre deux rires gras de Carla, je vis que le regard d'Ada était fixé sur un point. Elle me fit un signe rapide de la main, que je compris tout de suite. Il fallait croire qu'elle avait un minimum de formation militaire. Elle chargea son arbalète, et je chargeai mon fusil anti-char.

-Vous ne comprenez pas que je suis invincible ? dit Carla d'un ton arrogant. Des minables comme vous ne pourront jamais...

Ada la fit taire avec un carreau explosif, et fit un trou dans son "joli visage". Derrière elle, je vis ce qui ressemblait à des barils de nitrogène, quelque chose de hautement explosif. Je fis feu rapidement, et tout explosa derrière Carla, dont la matière visqueuse prit instantanément feu, dans un fracas de hurlement d'agonie. Décidément, c'est la meilleure méthode pour ces horreurs. Je me tournai vers Ada, qui poussait un soupir. Je ne sus pourquoi, mais j'eus une soudaine envie.

-Travail d'équipe, dis-je en levant une main

Elle m'offrit un regard étonné, et eut un sourire sonore avant de me taper dans la main.

-En effet. Je vais vous laisser rejoindre votre cher capitaine, et moi je vais aller finir Carla.

-Comment ça ? demandai-je, surpris à mon tour

-Ce n'est pas la première fois qu'elle meurt. Je pense qu'elle doit avoir un autre véritable corps quelque part. Et je crois savoir où. Mais avant qu'on se sépare, prenez ceci.

Ada me tendit une seringue. Je sourcillai en reconnaissant la seringue qui était dans le fusil injecteur de Carla, et qu'elle s'était sans doute injecté. Je la pris cependant, me doutant bien de pourquoi Ada me la donnait.

-Pour des analyses, justifia-t-elle quand même

-Merci. Donc... Je vais y aller, moi, dis-je en changeant d'arme

-Faites donc. On se reverra sûrement.

-Sans doute.

Ada partit en courant vers la sortie, qui était derrière Carla, alors que je revenais en arrière pour essayer de rejoindre Chris. Je me suis souvenu au dernier moment qu'il m'avait menacé de venir me chercher et de me botter les fesses si je mettais plus de quinze minutes à revenir vers lui. Je me dépêchai donc, en espérant le retrouver en moins de quatre minutes, car il serait capable de mettre ses menaces à exécution.

Je réussis à retrouver Chris dix minutes après avoir quitté Ada. Je m'attendais à ce qu'il mette ses menaces en pratique, mais à la place, il avait son air sérieux, et il me demanda ce qui s'était passé depuis que nous avions été séparés. J'éludai le passage où je m'étais cassé la figure dans l'escalier, et je lui expliquai ma rencontre avec Ada, la vraie, ainsi que notre combat avec Ada la fausse, donc Carla. Il fit une mine réellement étonnée, aussi étonnée que la mienne quand j'ai réalisé que la théorie d'Helena, qui paraissait loufoque, était juste. J'ai oublié de lui parler de l'échantillon de virus qu'Ada m'avait remis, et je ne jugeai pas ça important, sur le moment. Il fallait juste que je n'oublie pas de lui en parler.

La base des missiles était envahie de J'avo. Cependant, ce n'étaient que des classiques, alors nous n'avons par rencontré beaucoup de problèmes. La première étape consistait à désactiver les missiles à terre, et la seconde, en espérant qu'on n'ait pas à la mettre à exécution, à détruire ceux qui seraient lancés quand même. Nous avons dû nous séparer de nouveau, car les commandes des missiles étaient divisées en deux. Évidemment, je ne pouvais m'empêcher de regarder Chris à travers ma lunette, m'assurant que rien ne l'atteigne. Après avoir tiré dans la tête d'un J'avo qui essayait de le prendre par surprise, j'entendis un "Merci" dans mon oreillette, et il se tourna même vers moi – il regardait d'où venait le tir – et leva son pouce en l'air. Je lui dis qu'il n'y avait pas de quoi, en replongeant dans mes pensées les plus perverses. Quand oserais-je lui dire à quel point je l'aimais, et la manière dont l'attirance que j'avais pour lui s'était transformée en désir ? Sans doute quand tout sera fini. Si tout ça se finit un jour.

Comme nous le redoutions, certains missiles avaient eu le temps de partir le temps que nous arrivions aux commandes, alors nous dûmes emprunter un avion de chasse, caché dans une soute au fin fond du porte-avion, et de les détruire alors qu'il partait. Je m'occupais du poste de tir, bien sûr, et je ne ratai aucun de mes tirs. Heureusement, d'ailleurs, qui sait quelle partie du monde aurait été tuée entièrement si j'avais raté mon coup ? Enfin, c'était une histoire qui s'était bien passée.

Maintenant, il ne nous restait qu'à sauver monsieur Muller et Sherry, qui étaient retenus dans une base sous-marine par Carla. Je me demandais d'ailleurs comment Ada s'en était sortie, mais, si elle était aussi douée pour toujours s'en sortir que son clone, j'étais persuadé que tout irait bien pour elle. Je n'osais d'ailleurs pas dire à Chris que les coordonnées de la base, qui étaient apparues miraculeusement sur mon téléphone portable, venaient d'Ada. Je me doutais qu'il avait encore des problèmes avec le concept de la double Ada, alors je décidai de l'épargner, en disant que ça venait d'Helena.

L'entrée de la base sous-marine était plus dégagée que je ne l'aurais crue, au premier abord. A vrai dire, depuis le début de cette campagne, mon optimisme était de plus en plus inexistant... Chris et moi sommes entrés dans l'ascenseur, qui commença à descendre, tout doucement. Je voyais qu'il me regardait, j'attendais qu'il ouvre la bouche. J'avais appris à faire la différence entre ses regards innocents, et ses regards insistants. Là, c'était clairement le second.

-Piers ?

Gagné.

-Capitaine ? répondis-je en me tournant vers lui

-Il y a quelque chose qu'il faut que je vous dise. Cela fait un moment que j'y pense, et maintenant le moment me paraît approprié.

Je détestais ce genre de phrases, surtout venant de lui. Je n'avais aucune idée de ce qu'il pouvait bien avoir envie de me dire. Et ma paranoïa naturelle a failli faire exploser mon cerveau, avec des milliers d'hypothèses de déclarations d'amours toutes les plus absurdes les unes des autres. Je gardais une expression plus naturelle que possible, mais j'espérais qu'il ne voyait pas mes efforts.

-Je vous écoute, Chris, réussis-je à dire presque sans raté

J'avais même réussi à dire son prénom. Cela me faisait un joli alibi, je pense. Mais il ne releva même pas, ou alors, il ne laissa rien paraître.

-J'en ai plus qu'assez de cette guerre, Piers. J'ai vraiment envie de la laisser derrière moi, et elle est sur le point de prendre fin. J'attendais surtout d'avoir quelqu'un à qui tout léguer. Je rendrai donc mon arme, et je serais honoré que vous preniez ma place, me dit-il avec un sourire affectueux

-Quoi ? bégayai-je. Mais... Je ne pense pas être prêt, essayai-je de me justifier

En fait, j'avais surtout peur qu'il m'abandonne. Affreusement peur. Je préférais affronter six Carla Radames en même temps avec un coupe-ongles plutôt que Chris m'abandonne.

-Si vous l'êtes. Après tout, vous êtes encore là, non ?

-Croyez-moi que certaines situations étaient tendues, dis-je en soupirant

-J'ai confiance en vous, Piers, dit Chris en posant ses mains sur mes épaules. Plus qu'en quiconque. Notre cause sera en de bonnes mains avec vous. Mais si vous ne voulez vraiment pas, je trouverai quelqu'un d'autre, ajouta-t-il d'un ton plus que déçu

-Il... faut que j'y réfléchisse, balbutiai-je

-Merci.

Il me relâcha, et l'ascenseur s'arrêta. Les portes s'ouvrirent, laissant voir une armada de J'avos nouvelle génération qui semblaient nous attendre. Chris me fit un clin d'œil, auquel je n'osais même pas répondre, et il fonça dans le tas après m'avoir fait un petit sourire. Je savais très bien ce qu'il voulait dire. Bien sûr que j'assure vos arrières, mon capitaine.

Une bonne heure plus tard, Chris et moi nous sommes retrouvés dans ce qui ressemblait à une salle de contrôle. Il y avait des tas d'écrans, qui sait auquel on devait s'intéresser. Chris m'ordonna de chercher des indices sur la localisation de Jake et Sherry, et je me mis de suite au travail. Dans la salle, il y avait surtout de la paperasse, des rapports sur le virus-C, que Carla avait apparemment amélioré grâce au sang de Jake Muller. Bon sang... Cela signifiait que ses anticorps risqueraient d'être moins efficace contre le virus. Je ne pus m'empêcher de serrer le dernier échantillon de virus-C qu'Ada m'avait confié, en espérant que ça nous serait vraiment utile. Ce virus me dégoûtait, j'avais envie de le balancer et de faire feu sur la fiole en plein vol, mais ce serait égoïste. Qui plus est, je n'avais pas dit à Chris que j'avais gardé l'échantillon, il faudrait peut-être que je lui en parle. Sûrement quand nous aurons libéré Jake et Sherry.

-Piers. Venez voir.

-J'arrive Chris.

Cela faisait au moins quatre fois que je l'appelais par son prénom en une heure, je commençais à trouver ça malsain. Mais son sourire à chaque fois que je le faisais était vraiment éloquent, et cela me suffisait.

-Regardez qui j'ai retrouvé, dit-il en montrant l'écran

Je reconnus bien sûr les deux personnes qui étaient attachées dans des espèces de capsules.

-Sherry ! m'exclamai-je

-Et Jake Muller, ajouta Chris

-Ah oui, bien sûr, dis-je l'air de rien

-Vous êtes donc plus content de voir Sherry que Muller ?

-Évidemment. Je n'ai jamais pu piffer ce type, avouai-je

-Et quelles sont vos relations avec l'agent Birkin, hein ? dit Chris en me mettant un petit coup de coude dans le bras et en me faisant un clin d'œil

-C'est une vieille amie, soupirai-je. Trouvons plutôt un moyen de les libérer.

Je trouvais extrêmement déplacé le fait qu'il me fasse des sous-entendus sur ma relation avec Sherry, alors qu'il alimentait lui-même tous mes fantasmes avec ses phrases qui me paraissaient ambiguës. Bon, la différence, c'est qu'il ne le faisait pas exprès, dans son cas. Alors que là, c'était clairement volontaire.

-Ouais, vous avez raison, ricana-t-il. Je regarde de côté, et vous regardez par là.

-Oui chef.

Chris mit une grosse baffe aux papiers entassés sur les panneaux de contrôle, qui s'envolèrent dans tous les sens, et chercha un bouton qui ressemblera à un bouton off, alors que je faisais pareil de mon côté, en regardant attentivement l'écran de contrôle. Finalement, les capsules se relâchèrent, et je poussai un soupir en voyant Jake Muller et Sherry s'écraser sur le sol.

-Bien. Mission accomplie. Occupons-nous de la menace de Carla, maintenant.

J'acquiesçai, et nous repartîmes d'où nous venions pour reprendre l'ascenseur. Mes pensées s'éloignaient parfois, pour aller vers Sherry. Je me demandais comment elle s'en sortait de son côté, avec Jake. Les sous-entendus de Chris me revinrent dans la tête, et je me mis à penser au fait que je pensais souvent à elle. Alors que mes sentiments pour Chris me paraissaient de plus en plus clairs, ceux pour Sherry me paraissaient de plus en plus flous. J'étais sincèrement heureux de la revoir en Edonie, et de la voir libérée il y a quelques minutes, mais ce n'est qu'une attention d'un ami à un autre, pas vrai ? Au lieu de me triturer l'esprit avec ça, je préférais me concentrer sur mes sentiments pour Chris. Cela me travaillait de moins en moins, et c'était à la fois bien et mal. Je me demande jusqu'à quand je vais pouvoir garder mon amour absolu et inconditionnel pour lui dans un coin de ma tête. Je redoute le moment où une parole malheureuse glissera de ma bouche, alors qu'il me montrera une énième fois à quel point il était attaché à moi. Je pensai alors à quelque chose que je n'avais jamais pensé avant : et s'il m'aimait, lui aussi ? Et qu'il avait autant de mal que moi à affronter ses sentiments ? Chacune de ses phrases inachevées ressemblaient à des déclarations d'amour avortées dans mon esprit tordu, mais si c'était la vérité ? En fin de compte, ce n'était pas plus clair qu'avec Sherry...

Soudain, me tirant de mes réflexions, je rentrai en collision avec quelque choses. J'étais tellement absorbé que n'importe quel J'avo de bas étage aurait pu me bouffer, à ce moment précis. Alors que je pensais m'éclater par terre en tombant en arrière à cause de l'obstacle, une paire de mains me saisirent par les épaules, et m'empêchèrent de tomber, avant de m'aider à me redresser.

-A quoi vous pensez pour être aussi distrait ? demanda Chris d'un ton amusé

Je relevai la tête vers lui, je n'avais pas du tout remarqué qu'il m'avait attiré vers lui pour me redresser. J'eus un mouvement de recul en voyant son visage aussi proche du mien, et je détournai le regard pour cacher mon rougissement.

-Je me demandai comment s'en sortait Sherry, admis-je, alors que ce n'était qu'une demi-vérité

-Et vous essayez de me faire croire que vous n'êtes qu'amis ? s'esclaffa-t-il

-Vous êtes ridicule, capitaine, dis-je d'un ton puéril

Même si en fin de compte, c'était lui le gamin sur le coup.

-Pourtant vous pensez beaucoup à elle, apparemment, reprit Chris. J'en serais presque jaloux.

Je le regardai d'un seul coup. Avais-je bien entendu ? Mon cœur implosa, et mon cerveau fit une surchauffe. Sa dernière phrase raisonnait dans ma tête, inlassablement. Je dus faire un énorme effort pour ne pas bégayer comme un attardé. Je le regardai, son expression respirait l'amusement. Alors je pris un gros risque pour lui répondre.

-Il n'y a pas de quoi, Chris. C'est vous mon préféré, dis-je en essayant de rire aussi

-Voilà qui me rassure, dit Chris en reprenant son sérieux petit à petit. Allez, continuons.

-Oui monsieur.

Alors que Chris me tournait le dos, je reprenais mon souffle, qui s'était affolé d'un seul coup. Chris, jaloux de Sherry ? Sur quelle planète ? Il fallait que je me fasse soigner, sérieux. Et qu'est-ce qui me disait qu'il n'avait pris ma phrase au sens premier, comme moi j'avais compris la sienne ? Bon, se concentrer sur autre chose, sinon mon crâne va imploser et se transformer en festin pour les rats.

Je le suivis encore et toujours, jouant nerveusement avec le canon de mon arme. Cela ne m'empêcha pas de faire feu sur des créatures avant même qu'elles n'atteignent Chris. L'enchaînement des regards emplis de gratitude de mon capitaine me faisaient repenser à ce que je ne voulais surtout pas penser.


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