Biohazard : Code Nivans II

Chapitre 1 : Phoenix

5636 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/09/2019 16:45

Mon crâne me fait mal. J'ai beau supplier que ça s'arrête, rien n'exauce mes prières. J'étais comme piégé dans un enfer vicieux de souffrances et de douleur. Les dernières images conscientes de ma vie repassaient en boucle : le poulpe, Chris, le virus-C dans mon bras, des éclairs, ma volonté qui s'effritait petit à petit, Chris, la capsule de sauvetage, Chris qui hurle mon nom en s'en sortant en vie, encore le poulpe, encore Chris, puis plus rien. Puis ça recommençait. Encore et encore. Je sentais qu'il y avait quelque chose qui m'échappait, quelque chose d'important, mais impossible de mettre le doigt dessus. Impossible de réfléchir tranquillement, avec tout ce merdier dans ma tête, de toutes façons.

J'ai lu quelque part que, lorsque nous sommes au bord de la mort, les visages de ceux qu'on aime envahissent notre esprit. Le fait que je pense à Chris et Sherry ne m'étonna guère. Je trouvai même une place pour Helena et pour Ada, elles m'avaient bien aidé à leur manière. Mais pourquoi Jake était-il dans ma tête ? Peut-être une association par rapport à Sherry ? Non, ce n'était pas ça. Ça paraissait tellement surréaliste, mais je décidais de ne pas plus m'en inquiéter que ça.

J'ouvris les yeux, après ce qui me semblait une éternité. Le plafond monochrome me faisait penser que j'étais dans un hôpital. Je tournai la tête, et étouffai un hurlement lorsque mon cou craqua bruyamment. J'avais un torticolis affreux, je me demandais combien de temps j'étais resté dans le coma. J'avais mal au crâne, en prime. Même le fait de remettre ma tête en place me faisait agoniser. Mais je me modérais, pour ne pas alarmer les infirmières présumées plus que nécessaire. Néanmoins, je devais avoir crié plus qu'une fois, car une jeune femme en blouse blanchâtre arriva pour me planter une aiguille dans le bras. Un calmant sans doute, et un puissant, car je m'endormis comme une sacoche un quart de seconde plus tard.

Après m'être de nouveau réveillé, je restai un bon moment sans bouger, fixant le plafond. Le moindre mouvement de ma nuque me provoquait une douleur lancinante, et je n'étais pas du genre masochiste, alors je me modérais. Je réussis néanmoins à regarder mon bras droit : il était dans un état pitoyable, mais il était encore là, au moins. Et pas tellement zombifié, seulement mutilé, tailladé comme pas possible. Même sous les bandages, je voyais qu'il n'avait pas la même couleur que l'autre, mais il paraissait humain. Ça me gênait de ne pas me souvenir comment j'étais redevenu à peu près humain, alors que je m'étais résigné en me transformer en super J'avo, mais en fait, je jugeai que ce n'était pas si important.

Finalement, mon torticolis est passé. Je pus donc regarder par la fenêtre. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux de voir la lumière du jour. Alors que je voyais passer des enfants dans la cour, sans vraiment y faire attention, quelqu'un frappa à ma porte. Je tournai ma tête vers le bruit, et, avant que je n'ouvre la bouche, la porte s'ouvrit. Mon premier visiteur était celui que j'attendais le plus, mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Chris fondit sur moi, et me serra contre lui à m'en rompre les os. Je suffoquai, mais je n'osai rien dire. En fait, je ne pouvais rien dire.

-Piers, pleura Chris. Si vous saviez comme je suis content de vous revoir.

Je voulais lui répondre que j'étais aussi content de le revoir, mais mes mots s'étouffèrent dans ma bouche. Je me contentai de le serrer aussi, comme j'en rêvais depuis si longtemps. Avant, j'hésitai, parce que je n'étais pas sûr de ce que Chris ressentait pour moi. Mais là, vu les éclats qu'il se permet, je me dis juste qu'il m'aimait beaucoup. Peut-être pas dans le même sens que moi, mais ça me suffisait. Il me garda contre lui pendant de longues minutes, comme s'il essayait de rattraper le temps perdu, et il finit par me lâcher, prenant mes épaules dans ses mains. Il fit bien attention à mon épaule droite quand même, et me fit un sourire franc, ses yeux encore mouillés.

-Comment allez-vous, mon vieux ? me demanda-t-il d'un ton plus amical que jamais

-Étrangement bien, dis-je dans un souffle. Je ne me... souviens pas de tout.

-Il semblerait que quelqu'un vous ai injecté un antidote avant de vous jeter dans une capsule de sauvetage, dit Chris en s'asseyant sur une chaise et en s'essuyant les yeux. Vous avez rechuté quand on vous a retrouvé, mais une deuxième dose d'antidote était avec vous. Les analyses sont en cours.

-Bizarre.

-Le plus important, c'est que vous alliez bien, dit Chris d'un ton décidé. Je m'en fous de comment ça s'est passé, même si j'aimerais remercier la ou les personnes qui vous ont rendu à moi.

Je le regardai fixement, et, de loin et de profil, j'aurais juré qu'il était en train de rougir. Ça ne va pas mieux, moi...

-Enfin bref, je vais y aller, moi, dit-il d'un ton rapide en se relevant. Je voulais juste voir comment vous alliez, je vais revenir vous voir demain. Reposez-vous bien.

-Bien sûr cap...

Chris m'interrompit avec un geste, qui semblait presque désespéré. Il s'approcha, se pencha au-dessus de moi et écarta mes mèches rebelles pour m'embrasser sur le front. Si un électro-cardiogramme était branché sur moi, je pense qu'il aurait explosé, et que je serais entré dans le livre des records la semaine suivante.

-Ne me refaites jamais une peur pareille, murmura Chris

Et il sortit de la pièce avant que je ne bronche. En fin de compte, je ne serai pas dans le livre des records seulement pour le pouls, mais aussi pour la ventilation. Quelqu'un frappa à la porte, alors je dus me calmer aussi vite que possible. Ça ne marcha pas terrible, mais, heureusement, ce fut Sherry qui entra. Je me calmai tout de suite, alors qu'elle me serrait dans ses bras à son tour. Rien à voir avec l'étreinte virile de Chris, c'était juste Sherry. Cependant, j'éprouvais quasiment autant de plaisir à la voir. Je vis Jake dans le cadre de la porte, appuyé sur celle-ci les bras croisés, et il me salua de la tête. Je lui rendis un regard approbateur, et mon attention fut attirée par Sherry, qui venait de me relâcher.

-Je suis hyper contente de te revoir ! commença-t-elle. Quand Chris nous a dit que tu étais porté disparu, j'étais vraiment triste. Mais il nous a appelé il y a deux heures pour nous dire que tu étais en vie ! Je crois que je n'ai jamais été aussi contente de ma vie ! ajouta-t-elle en me refaisant un câlin

Voilà. C'était juste Sherry.

-Je suis content aussi, Sherry, dis-je d'un ton que j'entendais moi-même comme souriant

-Dès que tu sortiras, on fera une méga teuf ! s'agita-t-elle. Avec des ballons, et des gâteaux à n'en plus finir ! Tu sais, je n'ai pas oublié que tu aimais les éclairs au café, alors je t'en achèterai tellement que tu deviendras plus gros qu'un Whopper ! dit-elle avec un rire gras

Je ne pus m'empêcher de rire aussi, et je vis Jake faire de même. Cette manie qu'avait Sherry de me faire sourire n'avait pas disparu après tout ce temps, et j'en était plus que content.

-Et toi tu n'as rien à dire ? fit-elle au touriste près de la porte

-Si. Je suis trop content de te revoir, Nivans, ricana Jake en me regardant

-Tu m'as manqué aussi, Jake, dis-je sur le même ton que lui

Jake fit une expression surprise, et je compris pourquoi en analysant ma phrase. Depuis notre première rencontre, un puissant courant électrique circulait entre nous, faisant que j'éprouvais pour lui une certaine antipathie, et inversement. Mais là, l'antipathie avait disparu de mon côté, sans que je ne sache vraiment pourquoi, et je l'avais appelé par son prénom, pas par son nom de famille comme je le faisais avant. Il fronça les sourcils, et Sherry nous regarda tour à tour, un air curieux sur le visage.

-Vous avez fait la paix, finalement ? demanda-t-elle d'un ton innocent

-Je suis irrésistible, dit Jake d'un ton plus naturel que nécessaire

-Je plaide coupable, dis-je d'un ton ironique

Je suppose que, quelque part, j'avais envie de faire la paix avec Jake. Pour Sherry, surtout. Une partie de moi était un peu jalouse, bien sûr, mais mes sentiments pour Chris m'ont fait voir Sherry plus comme une grande sœur, bien qu'elle paraisse plus jeune que moi, alors je voulais son bien avant tout. Jake reprit son air sérieux, et regarda Sherry.

-Super-girl ? Tu peux me laisser avec le lieutenant Nivans, s'il te plaît ? demanda-t-il d'un ton neutre

-Euh... Oui, bien sûr. A plus tard Piers, dit Sherry en m'embrassant sur la joue

-A plus, marmonnai-je, avec un petit sourire

Sherry passa ensuite à côté de Jake, et l'embrassa aussi, mais sur la bouche. Je ne sus pas vraiment ce que j'ai ressenti à ce moment-là, c'était moitié-moité. Une qui voulait sauter dans les bras de Sherry pour la féliciter, et l'autre qui voulait torturer Jake de la manière la plus cruelle qui soit.

-Sois sage hein ? dit Sherry d'un ton doux

-Ouais, ne t'en fais pas.

Sherry sortit de la pièce, et Jake vint s'asseoir en face de moi, sur la chaise sur laquelle Chris était assis quelques minutes plus tôt. Je fronçai les sourcils, il était encore étonnamment sérieux.

-Donc ? lançai-je, en voyant qu'il ne disait rien

-Je sais que c'est stupide, mais je me demande ce que tu ressens pour Sherry, lâcha-t-il

-Je l'aime beaucoup. Énormément, même. C'est ma première et ma meilleure amie. Pourquoi ?

-Et qu'est-ce que tu ressens pour moi ? reprit-il après une courte pause

-Je te demande pardon ? dis-je d'un ton incrédule, en levant un sourcil

-Tu as bien entendu.

Je méditai cette demande, avec toute la concentration qui me restait. Le yeux bleus de Jake étaient plantés dans les miens, comme s'il cherchait des réponses que je ne lui donnerais pas. Je ne saisis pas du tout où il voulait en venir, mais j'avais décidé de faire des efforts avec lui. Je fis donc taire ma paranoïa naturelle pour lui répondre.

-Je ne sais pas vraiment, admis-je. Au début, je te trouvais tout bonnement insupportable, mais avec le recul, je sais que c'est juste ton vécu qui te fait réagir comme ça. Sherry m'a fait comprendre que tu avais un bon fond, et je veux y croire. Donc j'aimerais qu'on soie amis, Jake, surtout pour elle.

-Amis hein ? marmonna-t-il, comme pour lui-même

-Ouais. Amis.

-Et si moi je n'en ai pas envie ? dit-il d'un ton encore plus sérieux

-Arrête avec tes phrases cryptées, deux secondes, déclarai-je. Je ne te suis pas du tout.

Jake poussa un soupir, et je fis de même. Le temps que je cligne des yeux pour le faire, son visage était apparu au-dessus du mien. Au début, je n'étais pas sûr de ce à quoi je m'attendais. Peut-être qu'il m'embrasserait sur le front, comme Chris l'a fait un peu plus tôt – d'ailleurs, cette pensée m'arracha un nouveau rougissement – mais il n'en fit rien. A la place, il posa ses lèvres sur les miennes.

Des centaines de questions résonnèrent dans mon esprit à ce moment précis. Mais trois d'entre elles résonnaient plus fort : "qu'est-ce que je suis supposé comprendre ?", "qu'est-ce que je vais dire à Sherry ?", et surtout "pourquoi ça me plaît autant ?".

Le baiser s'éternisa, et je me surpris même à lui rendre sans aucune retenue. Comme si, au fond de moi, je savais que le courant électrique qui circulait entre nous n'était pas de l'antagonisme, mais tout le contraire. J'ai juste mis plus de temps que Jake à le comprendre.

D'un autre côté, je me sentais extrêmement mal. Mal pour Sherry, parce qu'elle était amoureuse de ce type, pour qui je semblais avoir craqué malgré moi. Je me sentais divisé entre mon obsession pour Chris et mon espèce d'amour naissant pour Jake. D'ailleurs, je me demandais ce que ressentait Jake, qui était aussi avec Sherry.

Finalement, il se redressa, et lorsque j'ouvris les yeux, il m'offrit un regard intrigué.

-Quoi ? lançai-je

-Je suis assez étonné que tu le prennes aussi bien, dit Jake avec un sourire dans la voix

-Moi aussi, à vrai dire. Mais je me demande quelque chose.

-Sherry est au courant, dit-il avant même que je ne pose ma question. Elle dit que c'est bon, c'est même elle qui m'a encouragé à te dire ce que je ressentais. Mais je sais que ça lui fait de la peine, au fond. En plus, tu aimes Redfield, toi, non ?

-Comment tu...

Mon visage dut prendre un rouge grand cru, car Jake se marra bien comme il faut. Mais il redevint sérieux peu après. Décidément, ses changements d'attitude étaient troublants. Il pouvait passer du très mature au très puéril, et inversement, en à peine quelques secondes.

-Je sais que nous n'avons aucun avenir, tous les deux, dit-il. Mais je tenais quand même que tu saches que je ne te déteste pas. Au contraire.

Je relevai qu'il n'avait pas dit clairement qu'il m'aimait. Bon, moi non plus, mais c'était parce que je n'en étais pas sûr. Je savais que je ne lui étais pas indifférent, mais mes sentiments pour Chris réduisaient considérablement tous mes autres sentiments.

-Je vois, dis-je d'un ton sceptique

-Mais tout à fait entre nous, tu aimes vraiment plus Redfield que moi ? ricana-t-il

-Je n'ai pas envie de te répondre, bégayai-je

-Et toi ? Tu comptes lui dire ce que tu ressens pour lui ?

-Oui, dis-je d'un ton étonnamment assuré. Je ne sais pas quand, mais je le ferai. Et je ne me souviens pas t'avoir demandé tes conseils, ajoutai-je d'un ton presque amusé

-Tu ne l'as pas fait. Mais je te les donne quand même, parce que je suis un mec sympa.

-Ben voyons, grimaçai-je

Jake me prit de nouveau de court en prenant ma main, la gauche, celle qui pendait dans le vide et qui n'étais pas blessée. Mais ce fut la tendresse de ce geste qui me désarçonna. C'était bien la première fois – la deuxième, en fait – que Jake était aussi doux avec moi. Je ne pus m'empêcher de rougir, et il sembla satisfait. Je le regardai d'un air intrigué, et il toussota. Des petites rougeurs avaient envahi son visage, si froid habituellement. Cela le rendait encore plus craquant, en fait.

-Je suppose que je devrais le dire, marmonna-t-il

-Crache le morceau, Jake, dis-je en sourcillant

-Je t'aime Piers. Ne l'oublie pas.

Là, mon cerveau se mit en veille instantanément. Avant de redémarrer brutalement.

Mon esprit espérait sincèrement que la seule déclaration d'amour, ou du moins la première, viendrait de Chris. Tout en étant persuadé du contraire – j'ai toujours été réaliste.

Puis, j'analysai la phrase en elle-même. Quelque part, j'étais quasiment aussi choqué d'entendre Jake m'appeler par mon prénom que par le fait qu'il me dise qu'il m'aime. Cela me conforta dans l'idée qu'une partie de moi le savait. Et que ça lui plaisait assez.

J'avais lu pas mal de romans d'amour, avant d'avoir mon coup de foudre pour Chris. Après le dit coup de foudre, je ne comprenais décemment pas les grognasses qui étaient tiraillées entre deux mecs, et maintenant, comble de l'ironie, j'étais dans la même situation. J'étais désormais une groupie, tiraillée entre mon amour de toujours et mon crush de collégienne. Si le choix paraissait évident au premier abord, il le paraissait moins maintenant, avec ma main dans celle de Jake, et la certitude plus ou moins fracassante que je l'aimais.

-Je ne l'oublierai pas, dis-je en serrant sa main. Et je t'aime aussi, Jake.

Le sourire qui fendit son visage au moment de ma réponse était plus qu'éloquent.

-Cool. Voilà, c'était tout ce que j'avais à dire, dit Jake en se levant. A demain sans doute, super-lieutenant-suicidaire, ajouta-t-il d'un ton amusé

-Ouais. A demain.

Jake me fit un signe de la main, en se dirigeant vers la porte, et sortit de la pièce. Je ne reçus aucune autre visite ce jour là, ce qui me permit de méditer sur différents sujets. Comme l'identité de la mystérieuse personne qui m'avait sauvé, alors que j'avais déjà renoncé à ma vie pour sauver Chris. Enfin, j'étais malgré tout assez positif pour me dire que toute cette histoire s'éclaircira un jour.

La nuit suivante a été calme, étrangement. Peut-être était-ce à cause des événements de la veille, qui avaient pris une tournure inattendue mais pas forcément dans le mauvais sens. Le bilan, c'était que j'étais vivant, que Chris tenait énormément à moi alors que je l'aimais plus que jamais, que j'étais toujours aussi content de voir Sherry après tout ce temps, et que cette rivalité que je pensais avoir avec Jake était en fait une sorte d'attraction inexpliquée. Enfin, si l'amour était explicable, ça se saurait.

Le jour suivant, Chris est revenu, comme il l'avait promis, et nous avons passé une bonne partie de la matinée ensemble. Il m'a expliqué ce qui s'était passé depuis ma disparition, et après qu'il m'ait retrouvé. En fait, j'avais été dans le coma pendant deux mois – j'avais pensé lui demander combien de temps j'avais dormi, le jour précédent, mais son soudain élan de tendresse m'avait fait perdre le fil. D'ailleurs, en parlant de l'acte de tendresse, il n'en reparla pas. Ce qui ne m'étonna pas, outre mesure, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il refasse de même ce jour-là. Il m'a repris dans ses bras et m'a embrassé sur le front. Je réussis à modérer mon rythme cardiaque, et il me salua, son sourire toujours si séduisant sur le visage.

L'ordre du jour précédent se rétablit. Après la visite de Chris, je reçus celle de Jake et Sherry, qui était toujours aussi enthousiaste que d'habitude. Elle me parla en détail de tout le temps qu'elle avait passé avec Jake, et tout ce qu'ils avaient vécu ensemble. J'entendais à sa façon de parler, et je voyais à sa façon de le regarder, à quel point elle était attachée à lui, et ça me faisait plaisir. Je ne pus m'empêcher de regarder Jake, aussi, qui me faisait un clin d'œil de temps en temps. Finalement, ils sont partis à la fin de l'après-midi.

La nuit tomba lentement, et, la lumière étant allumée dans la chambre, je pensais, pour la première fois, à me regarder dans la vitre. Je plissai les yeux, pour mieux voir, prenant même le risque de me rapprocher de la fenêtre. Étonnamment, je ne fus pas tellement surpris. Une bonne partie du côté droit de mon visage était aussi verdâtre que mon bras droit, et mon œil droit était blanc, avec des veines dégueulasses qui l'entouraient. Je compris donc pourquoi Chris m'avait embrassé sur le côté gauche de mon front. Le mutant n'était sans doute pas son truc, en fin de compte...

Je m'éloignai de la fenêtre, pour voir de nouveau le temps passer relativement lentement, et je remerciai une nouvelle fois la plaque de métal qui m'avait quasiment tranché le bras d'avoir visé le bras droit. Pourquoi ? Parce que je suis gaucher. Et, peu après mon repas du soir, pendant ma troisième heure de visite, je reçus un invité auquel je ne m'attendais pas du tout.

-Bonsoir Piers.

-Helena ? Qu'est-ce que tu viens faire là ? demandai-je d'un ton étonné

-Tu pensais que je ne viendrais pas te voir ? dit-elle d'un ton amusé

-Je ne savais pas qu'on était si proches, admis-je

-Nous ne le sommes pas, dit-elle d'un ton souriant. J'étais très contente d'apprendre que tu étais en vie, mais ce n'est pas que pour tes beaux yeux que je suis là.

-Je m'en serais douté, oui. Je t'écoute.

Helena s'assit sur la chaise à mon chevet, et posa son sac à dos sur ses genoux. Elle en sortit plein de paperasse, je compris qu'elle venait me parler de trucs sérieux. Mais une parte de moi ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi elle n'avait pas ça sur un quelconque appareil électronique.

-Après les incidents d'il y a deux mois, commença-t-elle, j'ai fait des recherches sur Deborah. Tu sais, elle et moi n'avons pas grandi ensemble, alors je ne savais que ce qu'elle voulait que je sache. En fait, j'ai commencé à me douter de quelque chose quand j'ai été la chercher en Afrique du Sud, il y a trois ans. Je suppose que tu t'en souviens.

-Bien sûr. Et qu'as-tu découvert ?

-La vraie raison de la présence de Deborah en Afrique du Sud.

Je compris à son ton grave qu'elle n'avait pas aimé ce qu'elle avait découvert.

-Alors ? dis-je quand même

-Elle était un agent pour Tricell. Tu sais, l'alliée d'Umbrella en Afrique Centrale. Sil elle était en Afrique du Sud, c'était pour détruire le bâtiment dans lequel nous nous trouvions tous les deux, pour faire disparaître des preuves. Et si Simmons l'a choisie elle, et pas moi, pour ses expériences, c'était un ordre de Radames. Deborah était le seul agent de Tricell encore en vie, et elle avait gardé des secrets relatifs à Albert Wesker et Excella Gionne, la PDG de Tricell.

-Tu as pu apprendre quels étaient ces secrets ?

-Non. Deborah était un bon agent, elle est morte avec.

La tristesse avait envahi le ton d'Helena, et je réussis à tendre la main vers elle pour prendre sa main. Elle fit une expression surprise, et elle prit ma main. De sa main libre, elle essuya son visage, sur lequel avait coulé une larme solitaire.

-Merci de ton support, Piers, me dit-elle d'un ton reconnaissant

-Moi je te considère comme mon amie, Helena, dis-je. Même si nous n'avons pas passé énormément de temps ensemble. Et te voir triste comme ça me fait de la peine.

-Merci. Tu es gentil.

Helena se pencha en avant, et posa sa main droite sur ma joue gauche. Bon sang, quand est-ce que j'arrêterai de rougir pour rien comme ça ? Et puis arrêtez de me tripoter comme ça, vous tous ! ... Enfin non, Chris, ne vous arrêtez pas...

-Tu sais, tu ne fais vraiment pas ton âge, dit Helena d'un ton affectueux. Tu pourrais presque passer pour le petit frère que je n'ai jamais eu. Mais en plus âgé, ajouta-t-elle en riant

-Et toi tu fais plus vieille, réussis-je à dire dans bégayer. On est à égalité.

-Sans doute, dit Helena sans dissimuler son amusement. Bon eh bien je ne vais pas te déranger plus longtemps, dit-elle en tapotant ma main, encore dans les siennes. Je reviendrai peut-être.

-D'accord. A plus.

Helena se leva, en ramassant ses papiers qu'elle mit dans son sac, et sortit de la pièce en me faisant un coucou, auquel je réussis à répondre. Je me remis à fixer fixement le mur, et je vis le mouvement de la lune du coin de l'œil, qui bougeait extrêmement vite ce soir. J'ouvris la fenêtre, car cette fin d'automne était assez chaude. Je ferma les yeux, bercé par le vent nocturne, et je me réveillai en sursaut quand j'entendis le bruit de la chaise de la chambre. Je me souvins juste à temps que j'avais une arme, cachée sous mon oreiller, au cas où, et je mis en joue la silhouette, éclairée par le reflet de l'astre lunaire, qui était assise à mon chevet. Je mis quelque minutes à la reconnaître, un peu anesthésié par la fatigue.

-Ada ? demandai-je, au cas où

Elle acquiesça, et ne sembla pas du tout inquiétée par mon réflexe de soldat.

-Désolée, mais je ne pouvais pas respecter les horaires de visite, avec tous ces militaires à l'entrée du bâtiment, déclara-t-elle de son ton posé habituel. Je me suis doutée que les explications que vous avez données au capitaine Redfield laissaient des sceptiques.

-Je suppose que vous avez raison, concédai-je en remettant mon pistolet sous mon oreiller. Qu'est-ce qui vous amène ?

-Je voudrais savoir... de quoi vous vous souvenez depuis votre injection surprise ?

Je sourcillai. Je n'avais pas vraiment envie d'en parler. Ça, et le fait qu'elle ait appelé ça une "injection surprise". Certes, ce n'était pas faux, mais je n'étais pas habitué à cette nonchalance, qui était naturelle pour elle. Comme si elle ne comprenait pas ce que mon sacrifice représentait. Cependant, j'avais passé assez de temps avec elle pour me douter qu'elle avait un bon fond.

-Chris et moi avons affronté le monstre marin avec lequel Carla allait contaminer le monde, et je pensais l'avoir eu. J'ai forcé Chris à s'enfuir sans moi par une capsule de secours. J'ai achevé le poulpe, qui en demandait encore, et j'ai utilisé mes dernières ressources pour saboter un maximum la base. Je n'ai aucun souvenir après ça.

-Comme c'est pratique, dit Ada d'un ton presque amusé

-Pourquoi dites-vous ça ?

-Parce que c'est moi. C'est moi qui vous ai injecté l'antidote et qui vous ai éjecté de la base.

-Quoi ? balbutiai-je

-Après notre séparation dans le porte-avion, j'ai retrouvé l'original de Carla, et l'ai éliminée une fois pour toutes. Tout de suite après, j'ai eu une nouvelle assignation. Un patron très influent qui tenait à votre survie. Il m'a donné l'antidote contre le virus-C, et j'ai accouru pour vous l'administrer.

Alors ça, c'était la meilleure. Combien de fois cette femme, que j'avais prise pour une ennemie pendant plus de six mois, m'avait-elle sauvé la vie, en réalité ?

-Mais Chris m'a dit qu'ils n'avaient retrouvé qu'une capsule de sauvetage. Comment avez-vous...

-J'ai pris la capsule avec vous, et il a suffi que je disparaisse après avoir appelé les secours de manière anonyme, et avant qu'ils n'arrivent, dit-elle comme si c'était évident

-C'est vrai que vous êtes douée pour vous éclipser, ricanai-je

-Je ne serais pas une bonne espionne si ce n'était pas le cas, dit-elle en riant

Nous nous sommes mis à rire bêtement, surtout moi, pendant une bonne minute, à cause d'une boutade qui n'en était pas vraiment une. Pas du tout, en fait. Puis, je repris mon sérieux, et Ada dut le voir, car elle fit de même. Peut-être qu'elle savait ce qui me travaillait.

-Qui est votre patron ? demandai-je

Ada regarda autour d'elle, et rapproche sa chaise du lit pour se pencher vers moi. Comprenant ce qu'elle voulait dire, j'essayai, tant que possible, de me rapprocher d'elle aussi.

-Vous avez déjà entendu parler du Cerbère ? s'enquit-elle d'un ton prudent

Je réfléchis deux minutes. J'avais déjà entendu ce nom, il y a relativement longtemps, mais ce n'était pas clair. J'étais encore bien anesthésié en fait. Alors je secouai la tête.

-Ça me dit quelque chose. Mais je suis assez assommé là, admis-je

-Je vois, dit Ada d'un ton qui était déjà un peu plus 'elle'. Je vais vous expliquer. Le Cerbère est une ONG plus ou moins secrète qui se bat contre les ennemis de l'humanité. A vrai dire, avant les menaces du bio-terrorisme, ils étaient assez discrets.

-Ah oui ! dis-je en m'en souvenant d'un coup. Mon père m'en a parlé, quand j'étais jeune.

-L'organisation a trois directeurs. C'est l'un d'entre eux qui m'a demandé de vous sauver, et qui m'a autorisé à vous révéler l'implication du Cerbère dans la création de l'antidote contre le virus-C.

-Ils ont réussi à avoir le sang de Jake ? demandai-je

-Je n'en sais rien. Je suis une mercenaire, je ne fais qu'obéir aux ordres.

-Forcément, dis-je avec un bon gros soupir

Ada eut un rire gêné, et me surpris à rire de la même manière. J'avais l'impression que nous étions assez synchrones depuis quelques temps, en fait, et je trouvais ça de plus en plus bizarre.

Ada croisa les jambes, et posa un de ses coudes sur son genou, puis sa tête sur sa main, pour me regarder. Je m'attendais à ce qu'elle s'en aille, mais elle n'en fit rien. Pour me surprendre, encore une fois.

-Sinon, comment vous allez ?

-Pas trop mal, dis-je en haussant les épaules. Et c'est grâce à vous. Quand Chris le saura...

-Je préférerai que personne d'autre ne le sache, me coupa-t-elle. Je n'ai pas l'habitude d'être une héroïne. Je laisse ce privilège à des gens bien, comme Chris et vous.

-Ou comme Leon ? dis-je, l'air de rien

Ada eut un sourire sonore, et décroisa les jambes, pour se laisser aller sur le dossier de la chaise. Je me demandais sincèrement quelle était l'histoire entre elle et l'ami du capitaine, et je me doutais bien que, si ce dernier ne me disait rien, Ada, qui était formée pour garder des secrets, n'allait rien me dire. Sauf que, là encore, elle me surprit.

-Ce cher Leon, dit-elle d'un ton souriant. Comment va-t-il, au fait ?

-Il allait bien, quand nous l'avons vu. Il était un peu désarçonné, à cause de cette histoire avec Carla, mais je pense qu'il n'a jamais cessé de douter de vous.

-Oh. Comme c'est romantique, dit-elle d'un ton plus qu'amusé

-Au fait qu'est-ce qui s'est passé entre vous deux ? m'enquis-je, curieux

-C'est une longue histoire.

-J'aime les longues histoires.

Elle se mit à rire, et, lorsque je compris pourquoi, je me mis à rire aussi. Nous avions vécu la situation inverse, quelque mois plus tôt. Quand Ada m'avait silencieusement demandé quelle était l'histoire que j'avais eue avec Carla, je lui avais répondu que c'était une longue histoire, et elle m'avait dit qu'elle aimait les longues histoires. Peut-être que, inconsciemment, je m'en étais souvenu ? Je ne saurais le dire. Ma mémoire était assez lacunaire, en fait. Choc post-traumatique, selon les médecins. La preuve étant que je ne me souvenais pas qu'Ada m'ait sauvé dans la base sous-marine.

-Eh bien... commença-t-elle

Mais elle fut interrompue par des bruits de pas venant du couloir. Elle fronça les sourcils, et me regarda. Je compris ce qui se passait, et lui fit un signe de la tête. Là, tout alla très vite. Je fermai les yeux, faisant semblant de dormir, et les rouvris en entendant la porte s'ouvrir. Il n'y avait personne d'autre dans la chambre. Oui, Ada était très douée pour s'éclipser.

Un petit groupe de soldats entra dans la chambre, celui à l'avant tenant nerveusement sa mitrailleuse. Je lui offris un regard étonné, que j'espérais convaincant, et il m'offrit un regard soulagé, en baissant son arme.

-Lieutenant Nivans ? Vous allez bien ? me demanda le soldat de devant

-Oui ça va, dis-je d'un ton presque trop innocent. Pourquoi ça n'irait pas ?

-Quelqu'un a assommé les gardes à l'entrée de l'hôpital, et un témoin a vu une ombre se diriger vers le cinquième étage. Alors on a pensé que...

-Non, je vais bien. Vraiment.

-Tant mieux. Nous restons à proximité, si vous avez besoin de quoi que ce soit.

J'avais envie de lui répondre que c'était plutôt le boulot des infirmières, mais je n'en fis rien. Je me contentai d'acquiescer. Le petit groupe de soldats me salua en me souhaitant la bonne nuit, et je réussis à leur rendre leur salut, de la main gauche à cause de l'état semi-mort de mon bras droit. Normalement, c'était de l'irrespect, mais là, j'avais une excuse. Ils sortirent tous de la chambre, en refermant la porte, et je me recouchai, en poussant un soupir.

-Bonsoir Piers.

Cette fois, la voix venait de la fenêtre. Une jeune femme était assise sur le rebord, les jambes s'agitant dans le vide. Elle était habillée d'une robe courte sans manches, et elle portait des cuissardes à talons ; elle me donnait froid avec une tenue pareille. Mais surtout, comment était-elle montée ? Et pourquoi sa voix m'était aussi familière ? Je glissai ma main valide sous mon oreiller l'air de rien, et je crus voir mon invitée faire une grimace.

-Je ne fera pas ça si j'étais toi.

Elle bougea légèrement la tête, et un rayon laser rouge alla se pointer sur ma poitrine. Je n'osai plus bouger, du coup, j'avais un minimum de logique malgré ma fatigue. Elle remit sa tête en place, en me voyant me figer.

-Qui êtes-vous ? demandai-je

Mon "invitée" rit un bon coup. Je fronçai les sourcils, moi je ne trouvai pas ça drôle. Elle s'arrêta de rire, et elle semblait me couver des yeux, sans perdre son sourire.

-Donc tu ne te souviens pas ? Mon nom est Chloé. Chloé Nivans. Ravie de te revoir, petit frère.

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