Village

Chapitre 3 : Mission réussie... Ou pas.

1858 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/09/2022 18:13

Les informations étaient vraies. Nous n’avons eu aucun mal à trouver le panneau de contrôle. Un système d’écluse s’est enclenché, vidant une partie du lac artificiel. A cet instant mon cœur s’est arrêté, mon sang s’est glacé, complètement figé dans mes veines. C’est là que je l’ai vu.

Une masse informe, suintant de sa peau une substance visqueuse verdâtre. Sa nageoire se balance au rythme de sa marche saccadée, se dandinant entre les maisons en ruines ensevelies jadis par la montée des eaux. Je ne reconnais pas l’homme que je suis venue chercher ; mais Redfield m’affirme qu’il s’agit bien de lui. Je dois lui faire confiance. Car même son visage n’est qu’un amas de formes distordues et boursouflées. A trop le fixer, mon estomac commence à remonter. Chris me tape alors sur l’épaule, me faisant sursauter.


-         On y va maintenant.


Nous nous empressons de descendre dans le lac à présent vidé. Nos pas rencontrent le sol boueux, mes pieds s’enfoncent presque au contact de cette mélasse. Je chercher Moreau du regard, rien. En revanche je l’entends. Un cri de désespoir doublé de lamentations pitoyables.


-         Maman, pardonne-moi. Je te promets de tous les éliminer. Maman ne me regarde pas ! Se lamente la créature.


Déstabilisée, je ne réfléchie plus. Je me contente de suivre Chris, quasiment les yeux fermés. A cet instant, je m’en remets entièrement à lui. Son pas est sûr, il serpente entre les maisons prudemment, armes à la main.

Après avoir contourné une énième ruine, le voilà enfin devant nous. Il est beaucoup plus grand que ce que je croyais. Des yeux s’ouvrent et se ferment dans un bruit humide à vomir. Des tentacules s’échappent de son dos et s’agitent dans les airs.

Je pointe mon arme sur cette chose et appuie sur la détente. Les balles fusent hors du canon et viennent exploser les globes oculaires sur sa tête. Une substance s’en échappe et se repend tout autour de notre cible.


Dégoutant.


Chris fait de même, il vise méthodiquement la cible et rafale sur lui une pluie de balle. Je commence à perdre patiente, c’est comme si les balles n’avaient aucun effet sur lui.

Soudain, Moreau laisse échapper un cri de détresse abominable. Un grognement sorti tout droit de sa gorge monstrueuse. Il agite sa nageoire et se rue sur notre duo. Rapidement, nous nous mettons à courir afin de ne pas être percuter de plein fouet par Moreau, maintenant entré dans une colère noire. Sans me rendre compte, je me perds dans ce dédale de ruines et de boue. Je me stoppe et voit que Moreau a disparu, ainsi que Chris. Mon cœur s’accélère, je tourne sur moi-même et cherche du regard mon camarade. Mon cœur bat un peu plus. Personne. Je voudrais crier, lui signaler ma position, mais Moreau entendrait aussi et je ne veux pas prendre ce risque. J’inspire un grand coup et sert le canon entre mes mains. Et enfin, me remet en route.


Alors que tout semble indiquer que je tourne en rond, un autre hurlement vient percer le silence. Celui-ci n’est pas comme les précédents, plus long plus rauque, comme si Moreau cherchait à faire sortir quelque chose de sa gorge. Une odeur étrange embrasse l’air. Je lève les yeux et vois une étrange pluie verte. Avant qu’une goutte ne vienne se poser sur mon visage tourné vers le ciel, une main me saisie par le bras et me tire rapidement. Ce n’est plus le ciel gris que je fixe, mais les yeux bleu perçant de Chris. Son visage est tout prêt du mien, mon corps collé au sien.

A l’abris sous un porche de bois, nous restons l’espace de quelques secondes blottis dans cette position. Ses yeux ne lâchent pas mon visage. Gênée, je détourne le regard et m’attarde sur la pluie qui s’abat au-dessus de nous. Le liquide vert attaque le bois et le ronge jusqu’à sa dissolution.


De l’acide.


A nouveau, je tourne le regard vers Chris, il vient de me sauver la vie. Encore.

Je sens sa respiration lente soulever son torse, toujours en contact de ma poitrine. Comment fait-il pour rester aussi calme alors que nous venons d’échapper au pire ?


Alors que la pluie cesse, il s’éloigne de moi et ensemble, nous sortons de notre cachette. Non loin de là, Moreau nous fait dos. Le bruit de ses larmes qui accompagnent ses lamentations nous rend invisible. Il ne nous entend pas arriver derrière lui.

C’est là que nous attaquons. Les balles lui trouent la peau, transpercent ses écailles. Le sang gicle et ruissèle au sol, se mélangeant à la terre mouillée. Dans un dernier effort, il nous supplie de l’épargner ; Nous n’en faisons rien. Gueule ouverte, Moreau reçoit une grenade qui explose et fini de lui déchirer les entrailles. Tout son corps implose. Je reçois des tripes partout sur mon corps. Je manque de vomir. Chris cesse enfin de tirer. A nos pieds gis un corps redevenu presque humain. Entre les traits déformés et le sang, je crois deviner le visage du scientifique.


-         Non… Pitié. Articule l’homme à l’article de la mort.


Je pointe le canon de mon arme entre ses deux yeux.


-         Il fallait y réfléchir, avant de nous voler.


A ces mots, les yeux de Moreau s’écarquillent. Puis la lueur dans ses yeux s’éteint. La balle vient de quitter le canon, se logeant dans son crâne.


Je range mon arme dans l’étui posé contre ma cuisse.


-         Merci Chris, mais ma mission n’est pas terminée, j’ai encore les documents à détruire. Une idée d’où il a pu cacher ça ?

-         J’ai plusieurs idées en effet, je vais demander à mes hommes de nous aider à ratisser les différentes zones.

-         Hors de question, personne ne doit voir ses documents. Je dois les détruire moi-même.


A nouveau je sens son regard me dévisager.


-         Si tu ne veux pas coopérer ça ne fait rien j’irais toute seule. Dis-je en commençant à partir devant.

-         Nous avions un marché, si j’étais toi je le respecterais.

-         Sinon quoi ?

-         Tu n’as pas envi de le savoir. Dit-il en tirant sur ses gants en cuir. 


Il a raison. J’ai donné ma parole, je ne peux pas partir comme ça.


-         Bon et bien, mettons-nous en route alors, nous avons assez perdu de temps comme ça et la nuit commence à tomber.

-         Voila qui est plus sage. Retournons dans le souterrain par où nous sommes arrivés. C’est là-bas qu’il avait fait son trou. Peut-être tu trouveras ce que tu cherches.

-         Espérons.



Tout le chemin du retour se fait dans le silence, une atmosphère étrange règne autour de nous. Comme une tension palpable sur laquelle j’ai du mal à mettre des mots. Redfield avance devant moi, durant tout le trajet je ne l’ai pas quitté des yeux. Cet homme est magnétique. Quelque chose se dégage de lui, quelque chose d’attirant.

Une fois dans le souterrain, il ne nous faut que quelques minutes pour trouver là où Moreau avait posé bagages. Une sorte de nid crasseux agrémenté d’une télé, d’un fauteuil et d’une table. Ce pauvre bougre vivait comme un rat. Une fois à l’intérieur, je retourne la pièce exiguë, éparpille toutes les feuilles que je trouve tout autour de moi. Les feuilles volent, les dossiers se bousculent au sol. Rien.

De rage, je balance le contenu de la table sur le sol. Mes poings viennent violemment s’écraser contre le bois pourris.


-         Où sont-ils merde ! Hurlé-je dans ma langue maternelle.


Ma colère est stoppée par le son de la télé qui soudain s’allume. Une neige accompagnée d’un grésillement apparait, puis laisse place à un étrange logo. Un fer à cheval.


-         Redfield, et toi (Y/N), content que vous ayez survécu à l’autre taré de Moreau. Dit la voix dans le téléviseur.

-         C’est quoi encore ce bordel. Dis-je entre mes lèvres à l’attention de Chris.

-         Vous embêtez pas, c’est moi qui ai ce que la petite cherche. Vous le voulez, venez donc le chercher je vous attends !


Puis la télé se coupe, revenant à son écran noir.


-         Qui c’était ? Dis-je, de plus en plus paniquée.

-         Heisenberg. Lâche Chris.


Mon pied vient frapper le canapé. Je souffle, main poser contre mon visage.


-         C’est pas vrai, mais y’en a combien des tarés dans ce village ?

-         Beaucoup trop… On n’a pas le choix, si tu veux récupérer tes documents il va falloir y aller.

-         Et si c’était un piège ?

-         C’est tout ce putain de village qu’est un foutu piège.


Sur ces mots, Redfield sort une cigarette et la coince entre ses lèvres. La lueur de son briquet éclaire quelques secondes son visage. Bientôt, une odeur de fumée embaume la pièce lugubre dans laquelle nous nous trouvons toujours.


-         Bon et bien, allons-y. Fini-je par dire. 


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