La Menace de Chronos -- Scènes bonus

Chapitre 1 : Scène bonus 1 : Partie I – Chapitre VII ~ Gwen et Jean-François

2543 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/04/2023 23:46

Scène bonus 1 : Partie I – Chapitre VII ~ Gwen et Jean-François




–       Il faut que l’on parle, Gwen.

Je suivis Jean-François jusqu’à son bureau, sans protester. « Il faut que l’on parle », hein… Je sentais que ça allait encore être ma fête, bien que je ne comprisse pas ce qu’il pouvait me reprocher. Oh, je ne doutais pas qu’il trouverait quelque chose, mais, pour l’instant, je considérais que je me débrouillais comme une pro, et j’assurais mieux qu’espéré. En fait, je me surprenais moi-même, un fait rare.

D’abord, hier, l’empêchement de la rencontre entre les deux adolescents sur les Champs-Élysées. Le point crucial de ma stratégie. Bien sûr, mon appréhension que le plan ne fonctionnât pas comme prévu me hantait à ce moment-là, et même encore à présent, je ne garantissais pas que tout ne partirait pas en vrille d’une façon ou d’une autre, même si je pouvais arranger cela avec le pendentif, mais je préférais éviter de manipuler l’espace-temps. Qui savait ce que ces bijoux pouvaient produire comme effets…

Ensuite, ce matin, la récupération du bracelet, et enfin l’emprisonnement de Raphaël, mon plus brillant coup d’éclat – j’avais fait d’une pierre deux coup, en somme. Et je comptais bien rester sur cette trajectoire jusqu’à la fin. Marie me mangeait dans la main, plus aucun rouquin pour me casser les pieds, ni détruire les jardins suspendus, que demander de plus ? Le succès nous tendait les bras, et au terme de cette histoire, je pourrais la revoir, et ça…

Ça, c’était tout ce qui m’importait à moi, Gwen Duval.

Arrivés à son office, Graf gagna son bureau tandis que je vérifiais l’absence de monde dans le couloir, avant de refermer derrière nous. Il restait quelques minutes avant l’heure du déjeuner, je le constatai en regardant la pendule suspendue derrière lui. Bien, autant ne pas traîner, dans ce cas.

–       Alors, qu’est-ce que tu voulais ?

De façon étrange, mes pensées choisirent cet instant pour converger vers l’artéfact babylonien, et je retins un cri. La couronne ! J’avais failli l’oublier. Bien sûr qu’il attendait la tiare ; même s’il restait des éléments à trouver pour la compléter, je pouvais la lui confier maintenant, je n’allais pas me trimballer avec un tel objet dans ma besace.

Mes mains se portèrent à ma sacoche que j’ouvris, avant d’en extirper le précieux diadème, victorieuse, que j’agitai de manière provocatrice dans sa direction.

–       Avant que tu ne demandes, tiens, ça te revient, je crois, déclarai-je en le posant sur le plan de travail. Et ne t’inquiète pas pour toute la peine que je me suis donnée, ironisai-je

Pour toute réponse, il se contenta de le ranger dans l’un de ses tiroirs fermé à clé, pour la conserver en sécurité. Si Marie me demande ce que j’ai fait de cette couronne, il faudra que je trouve une excuse… Mais j’imagine qu’elle ne verra pas d’inconvénient à ce que je l’aie refourguée à Jean-François, elle l’admire tant… C’en est ridicule.

–       Justement, avant de fanfaronner… Sache que Léonard n’a pas apprécié ton petit tour de lévitation, ce matin. Tu peux t’expliquer ?

Mes joues s’empourprèrent. C’était pour cette raison que « tonton » me convoquait dans son bureau ? Pour me reprocher mes actions de ce matin alors que j’avais récupéré la relique et écarté un nuisible de notre chemin ? Mais pourquoi cherchait-il toujours à me rabaisser, à la fin ?!

–       Écoute, Jean-Jean–

–       Ne m’appelle pas comme ça !

–       Écoute Jean-François, répétai-je en levant les yeux au ciel. Je ne te dois aucun compte à ce sujet, ok ? S’il faut que je m’explique avec quelqu’un, c’est avec Léon lui-même, ce qui est déjà prévu puisque que je vois tout à l’heure.

Ma réponse l’irrita ; je remarquai ses dents grincer et ses membres se tendre. Il tâchait de se contenir face à ce qu’il considérait comme de l’impolitesse de ma part, mais cela me passait au-dessus de la tête. Je ne me trouvais pas ici pour ménager son ego, après tout.

–       Soit, marmonna-t-il entre ses dents, essayant de retrouver son calme. Vous verrez cela tous les deux. En attendant… Tu as donc réussi à emprisonner Fantôme R ? Ou bien est-ce un mensonge ?

–       Ça aussi, j’en parlerai à Napoléon, et non, ce n’est pas un mensonge. On peut aller voir l’inspecteur Vergier pour s’en assurer, si tu veux ? demandai-je avec un petit sourire en coin.

Pour toute réponse, mon interlocuteur se pinça le nez. Bien sûr, il ne pouvait se rendre à la police pour vérifier mes dires, cela représentait trop de dangers pour lui, et pour le groupuscule.

–       Quelle est la suite du plan ? reprit-il enfin, ses deux mains posées sur le bureau.

Je haussai les épaules.

–       Rien de spécial cet après-midi. Là, tu es tranquille jusqu’à demain et le rendez-vous à l’Opéra. Je m’occuperai de récupérer le deuxième élément, à savoir le pendentif de la reine, qui, j’imagine que tu le sais, est en possession de ta chère cousine.

–       Et si elle refuse de te le donner ?

Pour une fois, il marquait un point. Je me mordis la lèvre et baissait les yeux, songeuse. J’ignorais comment la duchesse, qui ne me connaissait pas le moins du monde, réagirait en ma présence. Puisque je possédais le bracelet de Tiamat, comme Raphaël l’an passé, cela jouerait sans doute en ma faveur, mais il ne fallait pas oublier son garde du corps, que je devrais empêcher de me pulvériser à la boxe. Comme Raphaël, je revêtirais l’uniforme de serveuse, et une fois seule avec Alfred et sa patronne, j’aviserais. Elle m’écouterait lorsque j’évoquerais les jardins suspendus et sa si précieuse fille.

–       Ça n’arrivera pas, affirmai-je, confiante. Je l’obtiendrai, d’une manière ou d’une autre, et tu le récupèreras ensuite.

–       Très bien, si tu es si sûre de toi.

–       En tout cas, je sais qu’elle ne te le confiera pas à toi, répliquai-je en croisant les bras sur ma poitrine. Même si tu lui amènes Marie.

–       J’ai du mal à croire qu’elle puisse blesser sa gamine chérie juste pour empêcher notre organisation de triompher.

–       Elle est de ta famille, pas de la mienne. Tu devrais la connaître mieux que moi. Et puis, c’est la gardienne, non ? Évidemment qu’elle va se battre.

Le poing de Jean-François s’abattit avec fracas sur son secrétaire, et je reculai en poussant un cri.

–       Cette peste ! Depuis que nous sommes petits, elle s’est toujours crue supérieure aux autres, et encore maintenant elle ose me tenir tête ! Quelle prétentieuse. Elle va payer cet affront très cher.

Mes pensées divaguèrent. Dans l’univers originel… Élisabeth ne dit-elle pas qu’elle pense que son cousin aurait pu être un grand historien ou archéologue… ? Je ne pense pas qu’elle mentait en disant cela, même si bon, je ne l’apprécie pas plus que ça…

–       Et toi, Gwen, tu ferais bien de faire attention à tes actions, poursuivit-il en me lançant un regard empli de colère. J’espère que tu n’as pas l’intention de nous trahir ou quoi que ce soit, sinon…

Cette énième remarque – ou plutôt, menace – de Graf porta mes nerfs à rude épreuve, et mon sang à ébullition. Mes poings se serrèrent. Ma parole, mais il me considère vraiment comme une gamine, ou quoi ?! Il ne ratait jamais une occasion de s’en prendre à moi, exactement comme lorsque j’étais plus petite, et cela me rappelait de très mauvais souvenirs. Mais je ne comptais pas le laisser me martyriser ainsi, alors qu’au final, il n’avait rien à me reprocher.

–       Graf, avec tout le respect que je te dois, commençai-je en posant mes mains sur la table, et en plantant mes yeux dans les siens, tu devrais être en train de me remercier.

–       Je te demande pardon ?! Petite sotte, de quel droit–

–       Sans moi, tu croupirais dans une cellule de prison, Léon serait mort, et vous n’auriez aucun espoir de faire émerger les jardins suspendus. La moindre des choses, ce serait peut-être de me dire merci d’essayer de sauver vos fesses à tous.

–       Pour l’instant, tu n’as encore rien accompli, cracha-t-il.

–       Peut-être, mais déjà, j’ai réussi à empêcher Marie et Raphaël de se rencontrer, et contribué à mettre ce dernier derrière les verrous, ce qu’aucun de vous n’était parvenu à faire, il me semble.

La colère rougit la figure de Jean-François qui fulminait devant moi. Même dans ses violents accès de colère, je ne l’avais que peu vu ainsi. Et pourtant, une envie irrépressible d’enfoncer le clou s’empara de moi, et j’y cédai sans hésiter.

–       Au passage, tous importants que vous êtes, dans l’organisation, vous avez été incapables de gérer trois pauvres petits adolescents de rien du tout, alors s’il te plaît…

J’approchai mon visage à quelques centimètres à peine du sien, déformé par la fureur.

–       … avant de mettre en doute mes capacités, balaye devant ta porte, terminai-je avec un petit sourire.

D’un geste dans lequel il rassembla toute sa rage, il envoya valser les documents sur son plan de travail à l’autre bout de la pièce. Surprise, je reculais, tandis qu’il poussait un cri bref mais violent qui vrilla mes tympans.

–       Toi, espèce de gamine insolente, je te jure que je vais m’occuper de ton cas. Tu vas regretter d’être venue au monde, je vais m’en assurer ! cria-t-il en se levant de son bureau qu’il contourna pour s’approcher de moi à grand pas.

Mon cœur tambourina contre ma poitrine. Je m’éloignai un peu, pas rassurée du tout, avant de rassembler un peu de bravoure et de lui rappeler, pour me protéger :

–       On est dans le couvent. Les gens vont t’entendre.

Il s’arrêta net devant moi, toujours débordant de haine, mais mon argument parut le ramener à un semblant de raison, car il força ses muscles à se décontracter, et inspira un bref coup, redressant dans la foulée ses lunettes sur son nez. Il ne pouvait rien tenter, pas sans précautions, et il le savait.

–       … Très bien. Nous en resterons là pour le moment ; mais ne crois pas t’en tirer si facilement, persifla-t-il.

Ses doigts appuyèrent sur la clenche de la porte.

–       En attendant, cette conversation est terminée, déclara-t-il en ouvrant cette dernière. Je te laisse donc aller rejoindre ta grande copine Marie au réfectoire.

Une colère sourde gronda en moi. Je vais l’étrangler, je vais l’étrangler !

–       Ce n’est pas mon amie !

Seul son rire sarcastique me parvint en réponse, mais mes protestations l’amusaient beaucoup. D’un geste de la main, il m’invita à sortir, et, encore énervée par ses propos et ses agissements, je quittai la pièce d’un pas pesant et énergique. Personne ne circulait dans le couloir – les nonnes priaient dans la chapelle du cloître –, mais je sentais néanmoins des effluves de plats que l’on préparait pour le déjeuner.

–       Oh, et une dernière chose, Gwen.

Je me retournai pour le regarder, déterminée.

–       Si jamais tu poursuis ce comportement inadmissible, ou bien que tu nous trahis, inutile de préciser qui subira les frais de ton arrogance.

Mes yeux azur brillèrent d’un vif éclat.

–       Tu n’oserais pas.

–       Ne me tente pas.

Et il me claqua avec violence la porte au nez.

Le bougre… Il sait appuyer là où ça fait mal, songeai-je en me retournant. Personne n’exploitait les faiblesses des autres mieux que lui, je le savais mieux que personne. Je m’adossai à la porte, poussant un soupir. Contrarier Jean-François n’avait peut-être pas été la meilleure idée de la journée, et j’espérais que je rencontrerais un Léon de meilleure humeur tout à l’heure. En attendant, je ne pouvais pas rester dans le corridor toute la journée, les odeurs de nourriture emplissaient mes narines, et mon ventre commençait à gargouiller pour me signaler son besoin de reprendre des forces.

Sans trop de difficultés, je retrouvai mon chemin jusqu’à la cantine. En y pénétrant, j’aperçus une Marie attablée, en pleine discussion avec sa voisine ; lorsqu’elle tourna la tête dans ma direction et me remarqua, elle agita le bras, me désignant la chaise juste à côté d’elle qu’elle avait gardé libre pour que je m’y assisse. Je me massai les tempes, désemparée.

Le reste de la journée s’annonçait très long.

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