La Menace de Chronos -- Scènes bonus

Chapitre 7 : Scène bonus 7 : Partie II – Chapitre XVII ~

2321 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 11/12/2023 00:37

Scène bonus 7 : Partie II – Chapitre XVII ~


—    Allez, Gwen, dépêche-toi !

Mon regard se posa sur Clémence, qui patientait, joyeuse, à quelques mètres de moi, dans les escaliers menant à la sortie de la station. Les bras grands ouverts, plus radieuse que jamais, le monde lui appartenait tandis que ses longs et soyeux cheveux blond vénitien flottaient dans la douce brise matinale.

Je souris.

Ma petite sœur m’avait tellement manqué.

Je ne parvenais pas à croire qu’il s’agissait de la réalité, là, devant moi. Et pourtant…

Nous venions bel et bien de nous retrouver, après de longues, si longues années à ne pas pouvoir nous côtoyer comme nous le voulions, et à présent, nous pouvions enfin rattraper le temps perdu.

Nous avions quitté la Tour Montparnasse et emprunté la ligne six jusqu’à son terminus, Charles de Gaule - Étoile. Pour notre premier moment de liberté entre sœurs, Clémence souhaitait arpenter les Champs–Élysées, son endroit préféré de Paris, et je ne comprenais que trop bien pourquoi : l’endroit ne manquait ni de beauté, ni de charme.

Et surtout, je ne pouvais rien refuser du tout à Clem.

—    J’arrive.

Un brin contrariée que je traînasse, elle baissa les bras d’un coup, redescendit les quelques marches qui la séparaient de moi avec une vitesse impressionnante – je craignis qu’elle trébuchât et s’étalât par terre –, et se précipita vers moi, attrapant mon poignet droit avant de me tirer à sa suite en riant pour que nous quittâmes la station de métro.

Le soleil brillant dehors m’aveugla, au moins le temps que mes s’habituassent au contraste entre la clarté et l’obscurité. Cela terminé, l’Arc de Triomphe s’offrit à ma vue dans toute sa majesté, et même si je l’avais déjà admiré, je ne me lassais jamais de le contempler, tant il en imposait non juste par sa taille mais aussi par son architecture incroyable. Bien que je ne pusse plus voir Napoléon en peinture – le vrai comme le faux, d’ailleurs – je devais néanmoins reconnaître, à contrecœur, que Paris lui devait certaines choses… comme ce superbe monument entre autres.

—    Ça rappelle des souvenirs, n’est-ce pas ? demanda ma frangine, les yeux brillants, sans me lâcher la main. Prendre la ligne six avec toi à nouveau… C’était merveilleux, tu sais.

La nostalgie me noua la gorge.

À l’époque, nous empruntions la ligne depuis Charles de Gaule-Étoile, jusqu’à la station de Bir-Hakeim, non loin de laquelle se situait notre collège. Ce trajet que nous partagions ensemble valait tous les trésors du monde, et ma petite sœur adorait admirer la Tour Eiffel chaque fois que nous roulions entre les arrêts Passy et Bir-Hakeim. Cela additionné au fait que la ligne était presque à moitié aérienne plutôt que souterraine expliquait pourquoi Clem l’appréciait autant.

J’acquiesçai.

—    Oui, tu as raison.

Ses doigts se desserrèrent autour de mon poignet, jusqu’à l’abandonner. Surprise, je la regardai sans comprendre.

—    Tu m’as manqué, Gwen. Tu m’as tellement manqué… !

Elle se jeta dans mes bras et me serra aussi fort que possible. À mon tour, je l’enlaçai en glissant ma main dans ses longs cheveux blonds.

—    Toi aussi tu m’as manqué. Mais tu vois, nos pendentifs nous ont réunies.

Je lui répétais souvent cette phrase. Sortant mon collier de mon col, je la laissai faire de même et reformer l’espace d’un instant le cœur complet en argent, qui scintilla sous les rayons du soleil. Elle sourit.

—    On va boire un verre ? proposai-je.

—    Oui, c’est une super idée !

Quelques instants plus tard, nous nous retrouvâmes attablées à la terrasse d’un de nos cafés favoris, le même auquel je m’étais rendue avec Marie, avant que nous ne nous rendîmes à Versailles. Clémence regardait son Coca avec des yeux gourmands, tandis que je sirotais mon diabolo fraise d’un air tranquille. Les voitures et les passants non loin de nous contribuaient à donner une ambiance animée au lieu.

Mes yeux azur se posèrent sur ma sœur, assise en face de moi, et je me retins de fondre en larmes. J’avais l’impression de rêver éveillée.

—    Alors, raconte-moi, qu’est-ce qui s’est passé cette dernière année ? demandai-je avec intérêt.

Elle avala sa gorgée de soda, avant de répondre :

—    J’ai vécu chez la duchesse en t’attendant, et j’ai eu mon brevet avec mention ! Et à côté, j’aidais aussi avec Marie au couvent Saint-Louré !

La voir si heureuse me comblait de bonheur. Je n’aurai pas assez d’une vie pour remercier Élisabeth et sa fille. Et Raphaël alors ? Pas de signe de lui ? Peut-être que la recherche de son père l’accaparait beaucoup… Il rêvait de rencontrer ma cadette, et voulait à tout prix la remercier pour son intervention dans les jardins. Bon, je m’inquiétais sans doute pour rien. De toute façon, je comptais bien passer le voir, lui et même Marie, à la fin de cette incroyable journée. Nous rattraperions le temps perdu à ce moment-là.

—    Bon allez, déclara Clémence en se relevant, une fois nos consommations réglées par mes soins, on descend l’avenue jusqu’à la place de la Concorde, maintenant ?

Je retins un rire léger.

—    Je sais déjà où tu veux aller.

—    Je ne vois pas de quoi tu parles. Il n’y a pas du tout de magasin LaDurée sur les Champs dans lequel je veux ABSOLUMENT me rendre parce que leurs macarons sont à tomber, affirma-t-elle, mains dans le dos, en regardant ailleurs.

Cette fois, je partis sans retenue dans un grand éclat de rire, vite rejointe par ma petite sœur. Il n’existait rien au monde qu’elle n’aurait pas donné pour déguster ces appétissantes sucreries colorées, surtout fabriquées par une enseigne aussi célèbre. Même moi, je ne valais rien, contre ces friandises.

En quelques minutes, nous nous retrouvions devant l’enseigne de la boutique. Ravie et enchantée, Clémence poussa la porte d’un geste joyeux et entra, moi sur ses talons qui essayait de freiner son enthousiasme immodéré. Ses yeux pétillaient.

—    Regarde tous ces parfums ! C’est incroyable !

—    Tu dis ça à chaque fois, indiquai-je, amusée.

—    C’est parce qu’à chaque fois, je trouve que les saveurs proposées sont géniales, répondit-elle avec malice. Qu’est-ce que je vais prendre, aujourd’hui ?

Vas-y doucement, gloussai-je. Mon porte-monnaie ne va pas apprécier sinon.

Tout comme elle, j’observais les vitrines pour savoir quelles pâtisseries acheter, lorsqu’une voix en provenance de l’arrière-boutique nous interpella toutes les deux.

—    Ça alors, mais regardez qui voilà !

Au comptoir, un vieil homme proche de la retraite, dont les cheveux grisonnaient au niveau des tempes, nous observait derrière le verre de ses lunettes à la monture épaisse un sourire en coin.

—    Monsieur Leblanc !

Ma frangine se précipita vers lui ; seul le meuble les séparait.

—    Bonjour à toi, ma petite Clem. Et à toi aussi Gwen, ajouta-t-il tandis que je les rejoignais. Je commençais à me languir, sans vous.

Nous connaissions Gérard depuis l’école primaire. À l’époque, ma petite sœur et moi insistions auprès de nos tuteurs pour nous promener sur les Champs-Élysées, ce qu’ils acceptaient lorsqu’ils se trouvaient de bonne humeur, et nous devions à l’une d’eux la découverte de cette boutique. Ensuite au collège, à la période où nous nous y rendions ensemble, au retour des cours nous nous arrêtions souvent par ce commerce pour profiter des bonnes pâtisseries. Bien sûr, cette dernière année, Clémence avait été entravée dans ses déplacements, et moi focalisée sur ma mission pour la sauver, ce qui signifiait plus de détour possible, du moins jusqu’à aujourd’hui, chez le commerçant, avec qui nous entretenions pourtant une belle proximité.

—    On est désolées, s’excusa ma sœur, on n’a pas eu l’occasion de venir vous voir, récemment.

—    Elle a raison, approuvai-je en la serrant contre moi dans un geste affectueux et protecteur. Ces derniers temps ont été plutôt mouvementés pour nous.

—    Ah ah, je comprends, il ne s’agissait pas d’un reproche.

—    Mais maintenant, on va pouvoir venir vous rendre visite beaucoup plus souvent !

Gérard s’esclaffa devant cet élan d’enthousiasme.

—    Eh bien, ma foi ! Je suis heureux de l’apprendre. Que diriez-vous de quelques macarons pour fêter cela ? Justement, il se trouve que j’ai exactement ce qui convient.

Les yeux de ma cadette pétillèrent ; elle tapa dans ses mains tandis que le commerçant disparaissait dans l’arrière-boutique pendant plusieurs secondes, avant de revenir. Dans ses mains reposait une magnifique boîte blanche, enrubannée de rouge, qu’il ouvrit devant nous. Des macarons de toutes les couleurs s’alignaient les uns à côté des autres, et ce sur plusieurs couches. En somme, il s’agissait d’un vrai paradis pour tout gourmand.

—    C’est une préparation spéciale réalisée par une de mes très bonnes relations, Nathalie.

Ce prénom… Je le regardai, intriguée.

—    Cette amie… Elle ne se trouve pas sur la Place Henri-Mondor ? demandai-je.

—    Si, elle travaille là-bas ! confirma mon interlocuteur. Tu la connais ?

—    Je l’ai déjà vue, et goûté un de ses macarons, oui, pouffai-je.

—    Dans ce cas, elle appréciera que je vous offre cette boîte, alors. Prenez-la, elle est pour vous !

 Mes yeux incrédules se posèrent sur le paquet ouvert.

—    Tu es sûr ? Je ne suis pas certaine qu’on puisse accepter un tel cadeau…

—    Ne t’inquiète donc pas pour ça, Gwen. Faites-vous plaisir.

Je regardai le coffret plein de sucreries, toujours hésitante.

Pouvait-on vraiment se permette d’accepter une telle offre ? Après tout, cela me paraissait plutôt mal de prendre ces gâteaux sans la moindre compensation.

Clémence paraissait beaucoup moins hésitante que moi. Elle attrapa la boîte et la serra dans ses bras, ravie, en remerciant d’un ton chaleureux le vendeur. Désormais, je n’avais plus mon mot à dire, et acceptai les gâteaux.

—    Merci beaucoup.

—    Mais je vous en prie. Si Nathalie m’en redonne, je les garderai de côté pour vous.

Mes jours se colorèrent, mais je n’eus guère le temps de discuter plus longtemps avec lui, car ma petite sœur sortait déjà comme une furie du commerce, et d’autres clients arrivaient pour commander. Après un rapide salut poli, je suivis ma frangine à l’extérieur.

Les Champs-Élysées avaient conservé leur ambiance et leur agitation, depuis tout à l’heure, et ma cadette continuait à les descendre, insouciante. Je la rattrapai sans tarder tandis qu’elle dégustait un macaron.

—    Eh, doucement !

—    Tu en veux un ? demanda-t-elle en me tendant la boîte.

—    Non merci, répondis-je en secouant la tête. Où comptes-tu qu’on aille, maintenant ?

Elle afficha une mine songeuse, qui s’illumina lorsqu’une réponse surgit dans son esprit.

—    Pourquoi pas les Galeries Lafayette ? Ça nous rappellera des souvenirs !

Je réfléchis. De notre position, en métro, nous nous trouvions à environ un quart d’heure des fameux magasins – j’entendais par là ceux du Boulevard Haussmann. Avec un peu de chance, il existait même dans le coin un restaurant où nous pourrions déjeuner sans trop dépenser.

Des souvenirs, hein… ? Est-ce qu’elle parle de ce Noël où nous avions réussi à nous voir… ? Ces instants restaient gravés bien au chaud, dans ma mémoire et dans mon cœur, et je ne les échangerais pour rien au monde.

Oui, cette option paraissait parfaite, en fin de compte. D’un hochement tête, j’approuvai l’idée et Clémence poussa un cri de joie, avant de se jeter dans mes bras et de se serrer contre moi. Je l’entourai de mes bras dans un élan d’affection, et enfouis mon visage dans ses cheveux, respirant encore et toujours ce délicat parfum de fleur d’oranger qui ne la quittait jamais. Cela m’aidait à réaliser que non, il ne s’agissait pas d’un rêve, et qu’elle se trouvait bien là, en vie et près de moi. Mille et uns projets foisonnaient dans mon esprit quant à l’avenir, qui s’annonçait radieux comme jamais, maintenant que nous étions réunies.

Et plus rien ne nous séparerait.

Laisser un commentaire ?