Une Dernière Bataille

Chapitre 9 : Prémices - Seconde Partie

7138 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/03/2024 07:40

10 octobre 1994

Dimension inconnue

 

L’homme vêtu d’un kimono aux couleurs marines s’avança dans la clairière. Cette fois-ci, la masse noire familière avait évolué pour devenir une vaste forêt. Par une trouée dans la frondaison des arbres, il vit une lune aussi artificielle que tout ce qui l’entourait. Toutefois, sa clarté factice faisait luire ses cheveux de jais d’un éclat argenté, de même que la garde et le fourreau nacré de son arme.

D’une teinte orageuse, ses yeux sondaient sans relâche les ténèbres qui jalonnaient son parcours nocturne. Soudain, une brindille craqua sous son pied. Il s’étonna de la sentir ainsi se briser, car il savait que tout n’était qu’illusion en ce lieu et pourtant cette dernière était plus vivante et tangible que n’importe quelle réalité. Chaque odeur, chaque son paraissaient magnifiés. A nouveau, l’irrésistible envie de posséder un tel pouvoir s’insinua en lui.

Tandis qu’il songeait au détenteur de cette fabuleuse capacité, celui-ci se détacha des ombres, comme à son habitude, sa silhouette affichant toujours l’aspect éthéré de leur première rencontre. Susanoo tourna la tête vers le nouvel arrivant, en prenant soin d’éviter de plonger son regard dans le néant qui tenait lieu et place de visage. Par le passé, il avait appris que c’était une expérience désagréable.

- Pourquoi cet empressement à vouloir me parler, Susanoo ? s’enquit l’entité.

Trop tard pour se rétracter. L’être avait répondu à son appel et il devait s’exprimer – bien que sa présence soit source d’une certaine oppression pour le dieu japonais.

- J’ai conscience que mon comportement va vous paraître audacieux, mais je veux des réponses.

- A quel propos ?

- Notre immobilisme. Quelle est sa raison d’être ? Nous restons en sommeil, alors que de nombreux atouts jouent en notre faveur. Aucun de ceux qui pourraient nous poser problème ne sont en mesure de suivre nos déplacements, de découvrir notre identité ou quoi que ce soit d’autre. En outre, il leur est impossible de localiser les artefacts contrairement à nous. (Il marqua une courte pause, avant de reprendre d’un ton qui s’était durci :) J’aimerais donc comprendre ce que nous attendons pour passer à l’acte et retrouver les autres. A moins que vos soi-disantes capacités ne soient finalement que du vent.

Instantanément, une pression écrasante, à laquelle il aurait peut-être pu résister s’il ne s’était pas emporté, s’abattit sur ses épaules. Contraint par la force, ses genoux se plièrent jusqu’à ce que l’un d’eux touche le sol, le plaçant dans une position de soumission.

- N’insulte pas mes pouvoirs, Seigneur des Tempêtes. Certaines clés échappent à mon regard, car elles comportent davantage de protections et que je suis loin d’avoir recouvré l’intégralité de ma puissance. Prends donc garde à tes propos, car si je tolère l’audace, il n’en va certainement pas de même avec l’impertinence. Ta frustration ne doit pas te faire oublier à qui tu t’adresses.

- Je … pardonnez-moi, dit-il, les dents serrées.

Apparemment, cela suffit à contenter l’entité puisque sitôt ses excuses prononcées, la déité japonaise retrouva petit à petit sa liberté de mouvement. Il se remit debout pour faire face à son interlocuteur.

- Je t’ai déjà averti sur le fait que cela serait long, reprit ce dernier. Mon influence sur le monde réel est limitée, cependant, une chose contribuera à la renforcer. Et elle est en rapport avec les actions de Loki.

- Parce qu’il est censé récupérer l’un des artefacts ?

- En partie, oui. Seulement, son acte aura un impact plus profond que ça. En effet, la bataille qu’il livrera à Asgard créera une perturbation qui fera vaciller un équilibre déjà précaire. Afin d’obtenir cet avantage, il te faudra lui apporter ton soutien.

- Loki serait donc fin prêt pour lancer son assaut ?

- Etant relié à lui depuis qu’il a utilisé l’orbe, je peux te dire qu’il le sera d’ici quelques mois. Alors tâche de l’épauler avec tes guerriers lorsque le temps sera venu. J’espère que cela te confortera dans la poursuite de nos objectifs.

- Tout à fait.

- Bien.

La silhouette de l’être s’évanouit dans les ténèbres tandis que l’environnement disparaissait avec lui, comme aspiré dans le néant, ne laissant qu’un univers noir et glacé.

 

Laissé seul, Susanoo prit le temps de méditer sur les mots qui résonnaient encore à ses oreilles. Finalement, son entretien s’était révélé plus fructueux que ce à quoi il s’était attendu de prime abord – et encore plus à partir du moment où il s’était emporté. Cet écart était indigne de lui, mais en raison de l’intérêt personnel qu’il portait à toute cette histoire, il n’avait pu s’en empêcher. Ce qui lui importait vraiment, c’était la réussite de son entreprise. Aussi devait-il s’assurer du bon déroulement de la prochaine étape. Et pour cela, il devait envisager tous les cas de figure qui divergeraient du schéma initial.

Il était persuadé que son frère le surveillait d’une manière ou d’une autre. Toutefois, en-dehors de "l’incident" qui s’était produit en Grèce lors de la récupération de l’épée d’Hadès, il n’avait plus été pour ainsi dire confronté à Tsukuyomi. La rencontre de leurs guerriers aurait-elle été fortuite ? Peut-être. Néanmoins, comme à son habitude, il préférait ne pas négliger le fait que son frère puisse malgré tout intervenir.

Le bon côté des choses, c’était qu’en raison de la fierté de Tsukuyomi, ce dernier cherchait toujours à régler lui-même ses problèmes. C’est pourquoi il n’irait pas contacter Athéna ou une quelconque autre divinité. L’avantage était de son côté et Susanoo devait en profiter. Bientôt, il contacterait ses Gardiens Célestes afin qu’ils se préparent à se rendre au royaume d’Asgard. Fermant les yeux, il s’extirpa du "monde" de l’orbe.

 

28 décembre 1994

Grèce, Sanctuaire

 

La nuit était tombée sur le fief de la déesse de la Sagesse et un fort vent soufflait dans les rues désertes, ballottant les feuilles essaimées ici et là par l’automne. Pour bon nombre d’habitants, il était temps de s’abandonner au sommeil. Pourtant, tous ne semblaient pas prêts à rendre les armes devant les sortilèges de Morphée, puisqu’une faible lueur orangée était encore visible depuis les hautes fenêtres de la bibliothèque.

Installé derrière un bureau patiné par les années, un homme d’âge mûr dévisageait les documents qui lui faisaient face. Son nom était Dvarog et il s’agissait de l’érudit envoyé par Blue Graad en échange du tutorat prodigué par le Chevalier de Bronze du Cygne. Poussant un long soupir, il passa une main dans sa tignasse blonde avant de retirer ses petites lunettes pour se masser la base du nez. Dans ses yeux bleu gris se reflétait la flamme de la chandelle disposée tout près, éclairant un visage aux traits tirés.

Depuis son arrivé au Sanctuaire, il y aurait de cela bientôt quatre ans, la majeure partie de sa nouvelle vie s’était résumée au décryptage d’anciens écrits découverts en Sibérie. Son peuple ayant pu les étudier durant des décennies, Dvarog aurait dû se révéler être le mieux placé pour le faire. Hélas, tout n’était pas aussi simple. En effet, il ne restait aucune trace des recherches menées par ces ancêtres et les seuls éléments saufs s’étaient transmis oralement, ce qui avaient bien entendu déformé leur contenu. De plus, bien que le langage usité soit sommaire et que le côté fragmentaire du texte, imputable à ceux qui l’avaient recopié, ne soit que peu significatif, aucune traduction n’était ressortie de ses recherches. Les ouvrages qui l’entouraient regorgeaient d’informations utiles, mais pas une seule ne lui permettait de découvrir la clé du mystère.

- Eh bien, fit-il en étouffant un bâillement, ce ne sera pas encore pour cette fois.

Reculant sa chaise, Dvarog se leva et attrapa son manteau. Guère épais, ce dernier aurait tout juste suffi à protéger un habitant de ces terres contre la bise froide qui sévissait en hiver. Toutefois, pour quelqu’un ayant grandi dans un climat aux rigueurs extrêmes, il lui donnait presque chaud.

- Ah, quel maladroit ! pesta-t-il, lorsque le vêtement accrocha les notes griffonnées pour les éparpiller.

Alors qu’il regardait intensément la paire de feuillets qu’il tenait dans sa main, il remarqua un curieux détail. Saisi d’une intuition, il les exposa à la clarté lunaire. Un éclair de compréhension traversa son esprit en pleine ébullition. Les symboles jusqu’ici incompréhensibles paraissaient prendre tout leur sens une fois qu’ils se trouvaient superposés ; prenant des formes qu’il avait déjà vues. Collectant le reste des documents, il déposa une pile de livres traitant des différentes formes d’écriture à sa gauche et les transcriptions vieilles de neuf cent ans à sa droite. Assis sur le sol de pierre, Dvarog les examina d’un regard nouveau. Parfois, il levait ses notes puis reprenait son travail, marmonnant pour lui-même.

L’aube pointait au-dehors quand il reposa finalement sa plume, ses doigts tâchés d’encre. Il vérifia à trois reprises ses interprétations et lut ce qu’il avait écrit :

- "Le conflit opposa les enfants au père et le sang coula … Recueilli, il fut concentré dans des vaisseaux, les rendant aussi indestructibles que l’était leur pourvoyeur … Sachant qu’ils ne pourraient vaincre, il décidèrent de l’emprisonner jusqu’à ce que la création entière s’effondre … La porte de la prison fut verrouillé par sa propre essence … Mais ils savaient que les clés étaient également faites pour ouvrir une serrure … Aussi, celles-ci furent séparées et confiées aux plus justes qui …"

L’érudit ne comprenait pas vraiment la signification de ce texte, mais la déesse Athéna l’avait expressément enjoint de l’informer dès qu’il découvrait la moindre chose. Il rassembla donc ses travaux et s’en fut immédiatement.

 

A l’extérieur, l’astre solaire commençait à émerger des sommets montagneux auréolés de brume, dardant ses rayons qui n’apportaient qu’une relative chaleur à cette période de l’année. Les lieux étaient calmes, dépourvus de la plus petite trace d’activité. Du moins, il savait que dans d’autres parties du Domaine Sacré, comme les baraquements des soldats ou le village de Rodorio, la tendance étaient certainement à l’inverse. Bien sûr, d’ici une heure, il en irait pareillement pour cette place, mais pour l’instant, il appréciait ce silence.

Par chance, la déesse aux Yeux Pers devait être dans la résidence qu’elle avait fait construire non loin de là. Acte qui avait été motivé par l’envie de briser l’image d’inaccessibilité qu’elle entretenait auprès du peuple du Sanctuaire, par son retranchement derrière les Temples de ses protecteurs ; et accessoirement parce que cela représentait une distance moindre pour y parvenir avait-elle précisé avec amusement.

Située tout au plus à cinq minutes à vol d’oiseau, la maison était établie au sommet d’un dénivelé qui rallongeait la durée du trajet, en plus de le rendre éreintant pour un homme peu sportif à l’exemple de Dvarog. Nul doute que s’il avait croisé des piétons à ce moment-là, ceux-ci l’auraient curieusement regardé avec son allure débraillée. Le souffle court, il tomba nez à nez avec Athéna. Celle-ci était vêtue d’une chemise de lin que recouvraient des atours de cuir ainsi que d’un pantalon et de bottes assorties. Des brassards ceignaient ses avant-bras et une écharpe entourait son cou ; unique touche de couleur vive au milieu de ces teintes guerrières monochromes. Et ses courts cheveux châtains aux reflets d’or avaient été ramenés en une courte queue de cheval qui dégageait ses traits harmonieux. A vingt et un ans, elle était une jeune femme splendide à la beauté sans pareille.

Elle devait se rendre aux arènes, pensa-t-il.

- Dvarog ? s’étonna-t-elle. Bonjour. Qu’est-ce qui vous amène de si bon matin ?

Elle constata alors les cernes sous ses yeux et son air fatigué.

- Tout va bien ? s’enquit-elle. Vous ressemblez à quelqu’un qui a passé sa nuit à travailler ; en plus de sa journée.

- C’est … le cas, réussit-il à dire lorsqu’il put respirer plus normalement. Cela m’a d’ailleurs permis de mener à bien la mission que vous m’aviez confiée, ajouta-t-il en agitant les papiers qu’il tenait à la main.

A ces mots, l’humeur joviale de Saori Kido s’effaça pour laisser place à une attitude plus circonspecte.

- Mais, comment ? Enfin, pardonnez-moi, mais vous avez trouvé la réponse à une énigme qui vous a tenu en échec pendant plusieurs années en une seule nuit ?

- Eh bien, en réalité, le hasard a joué un rôle déterminant dans cette découverte.

Brièvement, il lui résuma ce qui avait provoqué le déclic dans son esprit et lui tendit ses travaux. Convaincue, la jeune femme se fit soucieuse de connaître le contenu des feuillets qu’on lui présentait. Sa lecture achevée, son visage prit une légère teinte blême.

- C’est tout ce qu’il y avait ? demanda-t-elle.

- J’ai bien peur que oui, admit-il. Les Chevaliers qui ont recopié ces symboles n’ont pas prit la peine de le faire entièrement, ni en suivant une quelconque logique, piochant des phrases par ci par là, aussi est-ce le mieux que j’ai pu en tiré. Il est déjà réconfortant en soi de ne pas avoir été freiné par ces "trous". Le sens général reste toutefois obscur pour moi.

- N’y a-t-il aucun indice sur ceux qui sont censés avoir hérité de ces objets ?

- Non, malheureusement.

Elle se mordit la lèvre inférieure sous le coup de la contrariété.

Nous avons finalement des réponses, mais elles ne nous sont que d’une utilité réduite, réalisa-t-elle. Je devine que celui qui cherche à réunir ces artefacts en a au moins deux en sa possession, mais qu’en est-il des autres ? Sait-il où ils se trouvent ? Quelles peuvent être ses motivations ? Et quelle peut être l’identité du prisonnier ? A en croire les traductions, ce dernier est suffisamment puissant pour avoir obligé plusieurs personnes à s’allier pour l’enfermer. Est-ce cette force que son libérateur recherche ? Autant de nouvelles interrogations engendrées.

- Il nous est donc impossible de connaître leur nombre exact ou leur localisation, reconnut-elle en fin de compte.

- Je ne serais pas aussi catégorique là-dessus, intervint soudainement une voix.

Simultanément, Saori et Dvarog se tournèrent vers son propriétaire. Leurs regards se posèrent sur un individu qui avançait dans leur direction. D’apparence svelte, ce dernier tenait un sac de toile par-dessus son épaule et ses traits étaient dissimulés. Ils notèrent que ses habits, un genre de robe brodée de motifs, n’appartenaient pas au Sanctuaire.

- Qui êtes-vous ? lança Dvarog.

- Je pourrais vous retourner la question, rétorqua l’inconnu, mais je suppose que ce serait impoli de ma part.

Arrivé à leur hauteur, il rabattit son capuchon, dévoilant un visage d’adolescent. Les yeux bleu-vert de la jeune femme s’agrandirent sous le coup de la surprise. Bien qu’ils soient plus longs que dans ses souvenirs, les cheveux arboraient l’inimitable couleur auburn qu’elle connaissait si bien.

- Kik … non, Arion ! s’exclama-t-elle, heureuse d’avoir une raison pour oublier l’espace d’un instant ses problèmes.

- Athéna, fit-il en s’agenouillant face à elle.

- Oublie le protocole ! protesta-t-elle en essayant de paraître fâchée. Tu es un ami avant d’être un de mes protecteurs.

Elle posa ses mains sur ses épaules pour lui intimer de se relever.

- Très bien, lui concéda-t-il en souriant, tandis qu’ils s’enlaçaient brièvement.

- C’est bon de te revoir.

- Merci. Cela me fait tout autant plaisir.

Le regard de Saori croisa alors celui de l’érudit, plutôt décontenancé.

- Ah, excusez-moi, fit-elle à son encontre. Dvarog, je vous présente Arion, un ami de longue date. (Elle se tourna ensuite vers l’adolescent pour parachever les présentations.) Dvarog est un érudit originaire de Blue Graad, une nation alliée.

Ces derniers se saluèrent mutuellement.

- A ce que j’ai pu en voir, le Domaine Sacré a pas mal changé en mon absence.

- Je suis persuadée que tu retrouveras très vite tes marques. (Sa bonne humeur la quittant, elle enchaîna :) En attendant, je souhaiterai revenir sur ce que tu disais.

- Oui, je crois être en mesure de vous aider. J’ai une idée sur le lieu où va se jouer le prochain acte.

Sous l’oreille attentive de la déesse de la Sagesse, Arion narra ce qu’il savait. A la suite de quoi, celle-ci prit quelques minutes, afin de bien mesurer les multiples implications et d’établir la marche à suivre. Au terme de ces réflexions, elle annonça :

- Je dois réunir les Chevaliers au plus vite.

 

30 décembre 1994

Japon, Tokyo

 

Depuis l’aurore, les cieux étaient gris et le jour avançant n’y changeait rien. De légers flocons blancs tombaient en virevoltant de manière ininterrompue sur la capitale nippone, tels de petits morceaux de papier que l’on aurait déchirés.

Bruyantes, les rues étaient bondées de gens qui s’affairaient à préparer les fêtes du nouvel an. Certains les passeraient en famille, d’autres à l’étranger. Enfin, il y en avait pour qui la fin de l’année ne signifierait pas joie et félicité. Ceux-là étaient réunis autour de la plaque chauffante d’une table dans un restaurant teppanyaki.

Un homme à la quarantaine passée, au crâne rasé et à la barbe éparse, humait avec un appétit anticipé, les tranches de viande qui cuisait. A sa droite, à une chaise d’intervalle, était installé une jeune femme à la chevelure noire coupée court qui observait la nourriture sans vraiment la voir. Lâchant ses futures "victimes" des yeux, celui-ci recentra son attention sur sa voisine.

- A quoi penses-tu, Yûki ? lui demanda-t-il.

Chez les Gardiens Célestes, elle était Seiryû, mais en tant qu’humaine, tel était son nom.

- Rien d’important.

- Ah, pas à moi. Je suis persuadé que tu te demandes où est ton petit copain.

- Je ne vois pas de qui tu parles, répondit-elle d’une voix sans timbre.

- Bien sûr. Et les bruits que j’entends depuis ta chambre la nuit, c’est parce que …

Cette fois-ci, elle riva son regard dans celui de Genbu et ses lèvres frémirent légèrement.

- Hum, c’est ce qui me semblait.

- Que fait-il ? demanda-t-elle en feignant de ne pas avoir entendu. C’est une manie de toujours être en retard chez lui ?

- Ne t’inquiète pas, il va arriver. On est venus ensemble. Il m’a juste demandé de partir devant, car il devait faire quelque chose et qu’il n’en avait pas pour longtemps.

La porte de l’établissement s’ouvrit à ce moment-là pour laisser entrer un jeune homme qui les repéra très vite. Trahissant son métissage, ses yeux verts irradiaient comme des émeraudes et ses cheveux noirs étaient attachés sur sa nuque.

- Désolé pour l’attente, fut la première parole qu’il leur adressa lorsqu’il s’installa sur le siège laissé libre.

- Eh bien, tu t’es fait attendre, lança le plus âgé du trio. Yûki croyait que tu étais allé rendre visite à une autre femme.

- Quoi !? laissa échapper cette dernière involontairement. C’est faux.

Les deux se regardèrent d’un air confus.

- Au moins, à voir vos visages, j’en suis tout à fait sûr maintenant, déclara-t-il en riant. Allez, ce n’est pas tout, mais je commence sérieusement à avoir l’estomac dans les talons. Mangeons.

Rapidement, chacun fit un sort aux différents mets, savourant tour à tour, du bœuf, du poulet, des crevettes et des légumes cuits à l’huile de soja. De temps à autre, Genbu ne manquait pas de remarquer que ses deux compagnons joignaient leurs mains sous la table. Ils le faisaient à l’abri des regards, comme si le fait d’être dévoués à leur mission les empêchait d’avouer publiquement leur relation. Le premier dissimulait son coeur dans la discipline, la seconde au sein d’une beauté glaciale agissant à l’instar d’un masque. Malgré tout, s’ils parvenaient à éprouver quelque chose l’un envers l’autre, il ne lui restait plus qu’à être content pour eux. Finalement repus, ils entamèrent la conversation qu’ils avaient retenue durant le repas.

- Merci de nous avoir invités, c’était délicieux, lui confia Byakko.

- Ah, tant qu’on peut arroser le tout de saké, c’est toujours bon, argua le quarantenaire. Et puis, il le fallait bien puisque nous risquons de ne pas pouvoir refaire un aussi bon festin avant un bout de temps.

- Pour quelle raison ? s’enquit aussitôt Seiryû.

- Parce que nous allons devoir partir pour Asgard, la renseigna Byakko. C’est tout ce que m’a appris Genbu.

- Et je vais vous raconter le reste.

- Est-ce le seigneur Susanoo qui l’a ordonné ? l’interrogea-t-elle.

- Oui, il nous faut rejoindre Loki.

- Le dieu nordique avec qui nous avons noué une alliance il y a plusieurs années ? Ne peut-il effectuer sa part du contrat, sans nous impliquer davantage, lâcha-t-elle.

- Peut-être notre seigneur veut-il s’assurer de sa loyauté, avança le jeune homme.

- C’est possible, admit Genbu. Tu étais avec moi, Yûki, quand nous nous sommes rendus à Asgard. Tu sais que c’est un être retors. Toutefois, notre mission consistera plus en du soutien, si besoin est, qu’à de l’espionnage. Apparemment, la réussite passe avant tout pour le seigneur Susanoo. Aussi, tous les moyens sont bons, même s’il nous faut trahir. Chose que je n’apprécie que modérément.

- Si elle est justifiée, je n’y vois pas plus d’inconvénient que ça, répliqua la jeune femme.

Difficile de savoir si elle est sincère ou si elle entretien sa muraille de froideur, songea le quarantenaire.

- Nous ne serons que trois ? demanda Byakko pour dévier quelque peu du sujet.

- Non, Suzaku devrait également être de la partie, répondit Genbu.

- Dans ce cas, lui aussi sera à surveiller. Je n’abhorre que trop son côté pervers pour la violence.

- Tu as raison. Je m’occupe de garder un œil sur lui. Mais autant éviter de parler de sujets désagréables.

- Il n’y aura donc que Kirin pour rester auprès du seigneur Susanoo, dit Seiryû.

- Ne t’inquiète pas, lui assura Genbu. Même s’il est le plus jeune d’entre nous, il est on ne peut plus capable. Et puis, rien ne devrait le menacer, car nos agissements se font dans l’ombre, sans témoins susceptibles de représailles.

- Dans ce cas, dit-elle, je n’aurais qu’une dernière question.

- Laquelle ?

- Le départ est prévu pour quand ?

- D’ici trois ou quatre jours.

 

31 décembre 1994

Japon, Tokyo

 

Le jeune homme toqua à la porte, mais ne reçut pas de réponse. Il regarda sa montre.

Dix heures. C’est vrai qu’il est encore tôt, pensa-t-il. Enfin, pour elle.

Posant sa main sur la poignée, il s’aperçut que cette dernière n’était pas verrouillée, aussi entra-t-il. En refermant derrière lui, son regard argenté croisa le reflet que lui renvoyait le miroir accroché près de l’entrée. Celui d’un individu d’une vingtaine d’années aux cheveux en bataille gris cendrés ; une cicatrice oblique barrait son visage.

- Ayame, tu es là ? appela-t-il.

L’appartement de la jeune femme était petit et ne comptait que trois pièces. A ce qu’il pouvait en juger, la salle de séjour était un modèle de désordre avec des vêtements entassés sur le canapé. Soudain, une tête émergea depuis l’embrasure de la chambre.

- Eh, qui est-ce qui … tiens, Rikimaru. On ne t’a jamais appris à frapper avant d’entrer, le réprimanda-t-elle.

En proie aux mèches rebelles, ses cheveux bruns ébouriffés suggéraient que son amie s’était levée peu de temps auparavant. Elle se dirigea vers la cuisine et mit de l’eau à chauffer.

- Je l’ai fait, se défendit-il, seulement personne ne m’a répondu. De plus, c’était ouvert.

- J’ai simplement dû oublier de fermer hier soir.

- Tu dis ça avec une telle nonchalance, lui fit-il remarquer.

- Bah, ce n’est pas très important. Je ne crains pas grand-chose. Au fait, tu veux un peu de thé ? l’interrogea-t-elle en se dirigeant vers la table avec sa bouilloire fumante et une paire de tasses.

- Volontiers, admit-il.

Chacun prit donc place sur un siège et ils se mirent à discuter pendant que leur breuvage refroidissait.

- Alors, qu’est-ce qui t’amènes ? En dehors du fait d’avoir escompté me trouver nue sous la douche.

Frappé de stupeur, les mots que le jeune homme voulait prononcer, peinaient à s’échapper de sa bouche.

- Eh, tu ne vas pas nous faire une attaque, j’espère, fit-elle espiègle.

- Je … Ah, tu viens de ruiner mes espoirs, concéda-t-il en tâchant de sembler aussi déçu que possible.

- Essaierais-tu de faire de l’humour ? demanda-t-elle, amusée. Parce que si c’est le cas, ce n’est pas encore tout à fait ça, mais je loue l’effort.

- Tu sais, dit-il en souriant malgré lui face à ce compliment, à force de t’écouter, je commence à progresser. (Néanmoins, ses traits enjoués reprirent très vite leur gravité coutumière.) Plus sérieusement, je suis venu parce que j’ai des nouvelles de la part du seigneur Tsukuyomi.

- De quel genre ?

- Il nous a confié une mission.

- Là, tu m’intéresses ! Alors que fait-on ? Où allons-nous ?

- En Norvège, à Asgard. A ce qu’il m’en a dit, les Gardiens Célestes de Susanoo devraient partir d’ici peu.

- Attends, il n’y avait pas déjà eu une histoire d’alliance entre lui et un dieu nordique. Hum… Loki, c’est ça ?

- Tout à fait. A l’époque, on ne savait pas vraiment pour quelle raison il l’avait fait. Théoriquement, on ne le sait toujours pas. Seulement, j’avais songé à l’éventualité que Susanoo manœuvrait dans le but de récupérer un autre des artefacts qu’il convoite. Loki devait peut-être le trouver pour lui en échange d’une obscure rétribution.

- Et donc, poursuivit Ayame tandis qu’elle brossait ses cheveux, tu crois qu’ils sont censés aller le chercher. Ce qui nous offrirait l’occasion de l’intercepter.

- En gros, oui. Après, il est tout à fait possible que je me trompe, admit-il, et qu’il s’agisse d’autre chose. Cependant, je crois qu’il y a tout de même une part de vérité dans mon hypothèse. Dans tous les cas, le meilleur moyen de le découvrir est de se rendre sur place.

- Et Athéna ? Il n’est toujours pas question de la contacter ?

- Je n’ai pas reçu d’ordre en ce sens-là. Mais avant que cela ne revienne sur le tapis, la prévint-il, je tiens à te dire que je considère qu’en tant que déesse protectrice de la Terre, elle trouvera certainement le moyen de remonter la piste. J’estime qu’elle en est tout à fait capable faute de quoi elle ne serait pas ce qu’elle est. Aussi, je suis persuadé que nous la retrouverons tôt ou tard à nos côtés.

- Je souhaite que tu aies raison. Alors, quand a lieu le grand départ ?

- Dans deux jours, je pense.

- Super ! s’exclama-t-elle. Au moins, on va pouvoir fêter le réveillon ! D’ailleurs, tu n’as qu’à m’accompagner.

- Je ne sais pas, fit-il hésitant. Tu sais que je n’aime pas vraiment la foule. En plus, il va falloir se préparer et …

- Oh, tu peux bien me concéder ça, je n’ai pas râlé pour la question Athéna. Tu peux aussi choisir de me faire plaisir ! Allez, ça va être amusant !

Au diable mes réticences ! s’exaspéra-t-il.

- Bon, d’accord.

 

2 janvier 1995

Norvège, Asgard, Province Centrale, Capitale

 

Les bras chargés d’une pile de linge propre, une servante du château – pas la plus importante, mais assurément l’une des plus belles – avançait sans hâte le long d’un couloir glacial. Passant près d’une fenêtre qui surplombait la cour, son regard vert clair fut attiré par un mouvement. Des cavaliers venaient de faire irruption, piétinant la fine couche de neige qui recouvrait le sol. Les montures, vraisemblablement fourbues, furent conduites aux écuries par les palefreniers, tandis que les trois hommes qui venaient d’arriver marchaient d’un pas rapide vers les portes de la forteresse, leurs capes gonflées par le vent. A leur tête se trouvait Kostya, le chef en second de la garde ; un homme courageux, mais arrogant et imbu de sa personne. La jeune femme les regarda entrer dans le bâtiment principal et pensa qu’ils allaient certainement faire leur compte-rendu à leur supérieur. Quand elle s’écarta, la buée que son souffle avait engendrée recouvrait une partie des carreaux de verre.

La servante reprit son labeur et pénétra dans la chambre de la souveraine d’Asgard. Se mettant à l’ouvrage, elle commença par faire la poussière sur les imposants meubles de la pièce. Puis, lorsqu’elle étala la housse et les draps sur le matelas, l’air frais de la pièce se chargea d’une douce fragrance. Pour lui donner du gonflant, elle tapota l’édredon en plumes d’oie et arrangea les oreillers. Ensuite, la jeune femme balaya et racla les cendres du foyer avant de remettre des bûches. Elle vérifia également que le cabinet de toilette était pourvu en serviettes et ressortit afin de se rendre aux cuisines pour la poursuite de ses corvées.

Elle avait presque atteint sa destination au moment où elle croisa Kostya, mâchonnant un morceau de viande séchée.

Probablement soutiré en échange d’un baiser, pensa-t-elle.

- Ah, la belle Ilsia ! s’écria-t-il en l’apercevant. Je te cherchais justement !

La domestique lui sourit. A peine était-il parvenu à sa hauteur, qu’il la poussa contre le mur. Sa bouche occupée jusqu’ici à ingérer de la nourriture, s’employa à appliquer des baisers sur son cou. Sa main remonta le long de sa jambe, entraînant dans son sillage le bas de la robe de laine et se plaqua sur la rondeur accueillante de ses fesses. Elle frissonna et le repoussa doucement.

- Pas maintenant, Kostya. On pourrait nous surprendre, expliqua-t-elle posément. Et je vais être punie si on croit que je tire au flanc.

Frustré, mais compréhensif, il se mit à jouer avec les cheveux qui s’échappaient des tresses que la jeune femme avait nouées.

- Rejoins-moi dans ma chambre cette nuit, lui enjoint-il en s’éloignant.

Ce n’était pas la première fois que le chef en second de la garde se comportait de cette façon. Il couchait souvent avec les servantes et en changeait pratiquement chaque mois. Toutefois, avec Ilsia, cela durait depuis plus longtemps que ça. A croire qu’il avait du mal à s’en lasser. Quoi qu’il en soit, elle était consciente du fait qu’elle n’était là que pour réchauffer son lit.

Pendant encore plusieurs heures, elle s’occupa de préparer des plats, nettoyer ou repriser des vêtements et échanger quelques ragots avec ses amies Malusha et Hilda. Enfin, vint la nuit.

 

La sombre voûte céleste s’était parée de joyaux iridescents quand Ilsia traversa la cour du château, enveloppée dans un manteau qui la protégerait du froid mordant. Des nuages masquaient la lune et il n’y avait que les lumières des torches pour lui indiquer son parcours. Mais même dans le noir absolu, elle aurait été capable de trouver son chemin. Bientôt, la jeune femme poussa une porte en bois, marcha jusqu’à une seconde et toqua rapidement à quatre reprises. En réponse, cette dernière s’ouvrit sur-le-champ et elle s’engouffra à l’intérieur.

Un feu brûlait dans l’âtre, diffusant un éclat tamisé dans la chambre.

- Te voilà enfin, dit Kostya. J’ai bien cru que tu ne viendrais pas.

Il lui apparut dans son plus simple appareil.

- Bien sûr que si. Je ne manquerai cette entrevue pour rien au monde.

L’homme commença là où il s’était arrêté dans la journée. Ses mains firent tomber la robe et ses caresses se firent plus aventureuses, passant savamment des cuisses à la poitrine de la domestique. Leurs souffles devinrent courts et l’excitation se lisait dans leurs pupilles. Poursuivant, ils parlèrent peu, burent beaucoup et finirent par s’effondrer sur le lit qui émit une plainte face à cet assaut brutal. A contrario de leurs préliminaires, leur étreinte fut brève, à l’étonnement de la jeune femme qui, visiblement un peu éméchée, prit plus de libertés que d’habitude.

- Alors, mon beau, fit-elle en laissant glisser un de ses fins doigts sur son torse, qu’est-ce qui s’est passé ? Tu es plus performant que ça en temps normal.

Il y avait comme du reproche dans sa voix et le regard de Kostya, qui fixait jusque là le plafond, se chargea de colère. Cependant, celle-ci disparut aussi vite qu’elle s’était manifestée.

- C’est vrai, avoua-t-il en souriant. J’ai eu une mauvaise journée.

- C’est en rapport avec ta cavalcade de ce matin ? D’ailleurs, je te signalerais que tu montais ton cheval avec bien plus d’entrain que tu n’en avais à l’instant.

Il gloussa puis lui jeta un coup d’œil étonné.

- Tu m’as vu arriver ?

- Depuis une fenêtre non loin de la chambre de la reine Ylva. (Elle enchaîna aussitôt :) Qu’est-ce qui t’a donc empêché d’être au mieux de ta forme ?

L’esprit embrumé par l’alcool et errant dans un demi sommeil, il répondit :

- Il y a eu plusieurs attaques de villages dans les provinces Nord et Est.

- Cela n’est-il pas monnaie courante ?

- Certes, mais elles paraissaient parfaitement orchestrées et bien plus destructrices qu’un raid organisé par de simples brigands. D’une part, parce que ceux-ci rançonnent habituellement les petites bourgades au lieu de les raser complètement, sinon ils n’auraient plus rien à en tirer. (Il bâilla.) Et des noms finissent toujours par s’ébruiter. Or, là, ce n’est pas le cas. Ce qui est plutôt problématique.

Les traits d’Ilsia se décomposèrent et elle se redressa légèrement.

- Ils ne vont pas nous attaquer quand même, hein ?

- Non. Qui qu’ils soient, ils ne s’en prendront jamais à la forteresse. Tu n’as rien à craindre. Surtout si je suis là.

Elle sourit, rassérénée.

- Prouve-le moi.

- Ce sera … avec … plaisir.

Consumé par la fatigue et le sommeil plus que par sa passion ravivée, il s’endormit. Assurée qu’il ne se réveillerait pas, la jeune femme récupéra ses vêtements et quitta la pièce à pas de loup. Elle retraversa la cour et rejoignit sa propre résidence. Une fois à l’intérieur, Ilsia verrouilla derrière elle et alluma une lampe à huile. Elle s’agenouilla à côté de son lit et chercha quelque chose au dessous. Ses doigts agrippèrent une pierre descellée et elle la retira. Dans la cavité ainsi libérée, la servante s’empara d’un morceau de tissu. Ecartant les pans, elle révéla un médaillon d’argent incrusté de plusieurs gemmes bleutées.

Elle ferma les yeux et se concentra sur l’objet. Une minuscule étincelle de cosmos naquit dans son bras et elle l’envoya à la rencontre de l’objet. Une autre énergie lui parvint en retour. Dans son esprit, les mots se formèrent.

- Seigneur Poséidon, appela-t-elle.

- Parle, Narya, je t’écoute, répondit une voix aussi profonde que l’océan.

- D’après ce que j’ai pu glaner, cela fait plusieurs mois que les forces de Loki s’en prennent à des villages, bien que cela ressemble davantage à l’action de pillards. Néanmoins, ces derniers temps, ils se sont intensifiés. Je pense qu’il passera bientôt à l’action. Encore que j’ignore sous quelle forme.

- Son objectif semble-t-il être la forteresse ?

- Je ne sais pas. Son armée n’est peut-être pas encore suffisamment conséquente pour s’en prendre au cœur d’Asgard. A moins, que ce ne soit le cas, mais qu’il préfère affaiblir la capitale en la privant de ressources avant de lancer un assaut massif.

L’Empereur des Mers parut pensif.

- La menace est tout de même bien réelle, aussi, je préfère prendre les devants et envoyer d’autres Marinas pour surveiller l’évolution des évènements. Il faudra peut-être que tu les aides à entrer dans la ville.

- J’accomplirai votre volonté.

- Parfait. Tu as fait du bon travail, Narya. Continue en ce sens.

La communication cessa et la jeune femme ré-enveloppa à nouveau le pendentif dans le tissu. Elle le replaça dans sa cachette et s’assit sur son lit, perdue dans ses pensées.

Cela faisait désormais deux ans qu’elle servait d’espionne à Poséidon en Asgard. L’apparition de ce besoin d’informations avait coïncidé avec l’arrivée d’Einar. Natif de cette contrée, le garçon avait raconté son histoire et l’incendie de son village par des troupes qui apparemment servait Loki. Le fait qu’un dieu, emprisonné par ses pairs depuis des lustres, se mette soudainement à bouger, alors qu’il n’avait pas fait de remous durant tout ce temps –d’autant plus deux ans à peine après le vol d’artefact subi par Athéna – relevait du pur hasard. Et l’Ebranleur du Sol n’y croyait pas. Aussi, profitant du don de Narya pour les langues, il avait enjoint Einar à lui enseigner la sienne, un dérivé du norvégien. Dès qu’elle fut prête, la Marina de la Selkie se rendit sur les terres d’Odin. Morgan n’avait pas été très enclin face à ce plan, mais la volonté de Poséidon faisant force de loi, il s’y était plié.

Avant son départ, un médaillon lui fut remis par son mentor, Sorrento. Ce dernier lui expliqua que l’objet recelait une infime partie du cosmos de l’Empereur des Mers et que grâce à lui, elle pourrait communiquer avec le dieu à tout moment. Narya commença donc sa carrière d’espionne en travaillant dans une taverne, avant de trouver rapidement la place qu’elle occupait encore aujourd’hui. Le meilleur endroit où recueillir des renseignements étant sans aucun doute, le château du souverain d’Asgard. Il suffisait de laisser traîner ses oreilles et ses yeux un peu partout – personne ne prêtant attention à une domestique – ou d’écouter les confessions sur l’oreiller, comme elle l’avait fait quelque minutes plus tôt. Il lui avait simplement fallu flatter l’ego de Kostya et feindre l’ivresse et le désir pour obtenir ce qu’elle voulait.

En tout cas, son rôle toucherait bientôt à sa fin et ce n’était pas pour lui déplaire, bien qu’elle se soit attachée à certaines personnes qu’il lui faudrait donc quitter, non sans regrets.

 


Teppanyaki :

Signifiant littéralement « grillé sur une plaque en fer », il s’agit d’un type de cuisine japonaise où l'on utilise une plaque chauffante pour cuire les aliments.

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