Le Tao de la Balance

Chapitre 3 : Balance

Chapitre final

781 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/03/2024 07:00

— …un nefas qu’il n'aurait pas rompu lui-même.

Hakuryu se tut et Dohko revint à la réalité sans même s’apercevoir qu'il s'était laissé bercer par le fabuleux récit. C'était systématique quand son maître se lançait dans l’un de ses contes. Au fond de lui, l’adolescent espérait être un jour capable d’une telle narration.

Avant que ses pensées ne l’éloignent davantage vers des expectatives peu crédibles, l’attention du garçon se reporta aussitôt sur l’histoire dans laquelle il venait d'être plongé. L’avertissement prophétique résonna dans son esprit. Si Dohko poursuivait sa formation parmi les sennins, il allait immanquablement éveiller un autre totem. C'était un héritage que la Nature elle-même avait intégré à la lignée de Pínghéng. Une malédiction dont Elle avait exempté le premier Taonia, sans en libérer ses descendants. L’adolescent risquait d’exprimer cet atavisme, jusque-là resté silencieux par le hasard de la génétique, et de provoquer la disparition des siens. Là où sa famille aurait dû se résigner à l’éliminer pour éviter l’extinction de leur ordre, Athéna lui offrait un moyen de rassembler ses deux totems en une seule constellation, épargnant un funeste destin à la Terre et sa biodiversité.

Il n'était pour autant pas dupe. Il savait que la déesse protégeait ainsi, et surtout, la planète qui lui avait été confiée. Mais elle le sauvait, lui qu’elle ne connaissait même pas, et lui promettait de surcroît sa Cloth la plus décisive. Sans jamais l'avoir rencontrée, il lui en fut immédiatement reconnaissant et se jura de la défendre au péril de sa vie, de cette même vie qu’elle lui permettait de conserver. Il lui vint brièvement l'idée saugrenue que, peut-être, la Nature l’avait par ailleurs escompté, mais il ne le saurait jamais. Il prit sa décision sans même y réfléchir à deux fois.

— J’irai sur Terre, maître Hakuryu, promit Dohko.

Il mit un genou au sol, pas même raidi d’être resté debout tout ce temps. Sa main droite refermée sur elle-même rejoignit sa main gauche ouverte, les doigts serrés et dressés. Ainsi accolés, les deux appendices s’élevèrent au niveau de la poitrine, les bras formant un cercle. L’adolescent fixa dans les yeux le dragon blanc, Grand Protecteur de la Contrée Mystique, mettant dans son regard toute l’intensité et la détermination qu’il pouvait invoquer.

— Le poing du guerrier endurci honorant son enseignement et la paume du savant toujours réceptif à l’apprentissage, remarqua Hakuryu, appréciateur devant ce salut traditionnel. La Contrée te sera éternellement reconnaissante, fils du Tigre. Emporte avec toi ma bénédiction, jeune Dohko. Puisses-tu t’épanouir dans cette nouvelle voie et devenir un Saint émérite autant que tu as été un Taonia talentueux.

Dohko quitta ainsi la Contrée Mystique, le territoire onirique des sennins qui l’avait vu naître et grandir. Il parvint aux Cinq Pics de Lushan où il suivit l’entraînement du dragon millénaire, le maître de la surface, ami de Hakuryu. Il y parfit ses compétences mais, ayant cessé d'être un Taonia, son tatouage n'évolua plus et ne se matérialisa jamais en Tattoo. Trois ans plus tard, il se montra digne de l'armure de bronze du Dragon et comprit que cette constellation lui faisait office de deuxième totem. Les dires d’Hakuryu s'étaient avérés. Mais l'armure physique n'était pas une armure psychique et cela ne réalisa pas la prophétie tant redoutée. Il avait sauvé ses terres natales et la biodiversité.

Deux années plus tard encore, à l’aube de la Guerre Sainte du dix-huitième siècle, le Grand Pope du Sanctuaire lui remit, en récompense de ses efforts, l'armure d’or de la Balance… ultime distinction pour celui qui allait incarner l'équilibre parfait entre la force du Tigre et l’esprit du Dragon.

Dohko survivrait à cette Guerre Sainte. Comble du sort pour celui que la Nature avait condamné, Athéna lui accorderait même le Misopethamenos, un vieillissement ralenti qui lui permettrait de vivre encore deux cent cinquante ans. Enfin, au crépuscule de sa vie, il entraînerait le successeur de ses armures : Shiryu, un jeune garçon qui, tel un dragon ascendant aux éclats d’améthyste, s’élèverait jusqu'aux confins de la chevalerie.

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