L'amour du Scorpion d'or
Quelque part aux abords du village de Rodorio.
- …
- Mais puisque nous avons l’autorisation de La Déesse, je ne vois pas pourquoi tu t’entête à vouloir rester enfermé chez toi !?
- J’ai toujours détesté les bains de foule !
La voix glaciale qui avait répondu à la question aurait pétrifié n’importe qui mais Milo n’était pas le genre d’homme à ce laisser impressionner si facilement. Il connaissait son interlocuteur depuis suffisamment longtemps pour savoir que celui-ci appréciait cette petite escapade et ne protestait que par pur principe.
- Camus s’il le faut je t’y traînerai de force mais je tiens absolument à ce que tu m’accompagnes. Tu verras, ce resto prépare la meilleure moussaka de toute la région.
Un imperceptible sourire étira les lèvres du chevalier du Verseau.
Décidément son ami ne changerait jamais.
De toute évidence rien ni personne ne pourrait le faire revenir sur sa décision, Camus se résigna donc à suivre son meilleur (et pratiquement seul) ami dans les rues étroites et bruyantes du village jouxtant le Domaine Sacré de la déesse Athéna.
***
- Nienor ma chérie, ta visite m’a fait plaisir mais si tu traînes trop tu arriveras en retard à ton travail !
- Agénor tu es plus qu’une nourrice pour moi. Je ne sais ce que je ferais sans tes précieux conseils. Je promets de revenir te voir rapidement !
Puis déposant un baiser sur les cheveux blancs de son ancienne gouvernante, la jeune femme disparut dans la rue.
Courant pour ne pas être en retard la demoiselle ne vit pas les deux hommes qui traversaient la rue, elle les bouscula avant de se retrouver le nez dans la poussière.
- Vous n’avez rien ? demanda l’un d’eux.
Nienor releva la tête pour se retrouver face à son interlocuteur dont les yeux d’un bleu magnifique s’accordaient parfaitement avec la chevelure bouclée qui lui encadrait le visage.
- …
- Mademoiselle ?
- Ou… Oui tout va bien. Merci. Je suis vraiment désolée de vous avoir bousculé, je ne regardais pas où j’allais.
- Vous êtes toute pardonnée ! répondit l’inconnu dans un sourire.
Le cœur de Nienor manqua un battement avant de s’emballer. La jeune femme se leva avec peine et poursuivit son chemin. Quelque chose au fond d’elle lui criait pourtant que ce regard la hanterait jour et nuit.
Milo regarda s’éloigner la fine silhouette, perdu dans ses pensées, un sourire aux lèvres.
- Si elle te plait à ce point invite-la à dîner !
Le scorpion se retourna, revenant brusquement à la réalité.
- Très drôle Camus et puis qu’est-ce qui te fais dire qu’elle me plait ?
- Vu la manière dont tu la dévorais des yeux ce n’est pas difficile à comprendre. Quant à l’inviter à dîner j’étais sérieux.
- J’ignore son nom comment la retrouverais-je ?
- Ca mon ami je te fais confiance pour résoudre l’énigme. En attendant rentrons au Sanctuaire, il se fait tard.
***
La nuit avait étendu ses ombres sur la route des douze maisons.
Seul le doux chant des cigales et autres grillons venait troubler le calme et la sérénité vespérale. Dans le Domaine Sacré, tous dormaient profondément. Tous sauf le gardien de la huitième maison qui, sur le parvis de son temple, observait les étoiles revivant en pensée sa rencontre avec la mystérieuse inconnue.
Comme toujours Camus avait lu en lui aussi facilement que dans un livre ouvert.
Cette fille lui plaisait indéniablement et il ne pouvait nier le trouble qui s’était insinué en lui lorsque leurs regards s’étaient croisés.
A l’évocation de ce souvenir, Milo sentit son estomac se contracter et son cœur battre plus vite.
- Est-ce donc cela tomber amoureux ? murmura-t-il pour lui-même.
Au même moment, non loin de là, une jeune femme accoudée à sa fenêtre admirait elle aussi le ciel étoilé. Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas l’ombre silencieuse s’approcher d’elle.
Soudain d’un bond leste, le jeune chat monta sur les genoux de sa maîtresse la faisant sursauter.
- Lomion tu m’as fait peur ! murmura la demoiselle en lui grattant les oreilles.
Le dénommé Lomion lui répondit en ronronnant.
- A toi mon fidèle compagnon je peux raconter ce qui m’est arrivé, je sais que ça restera notre secret.
Le félin ouvrit ses grands yeux cuivrés et observa sa jeune maîtresse, prêt à recevoir ses confidences.
- Aujourd’hui j’ai failli renverser quelqu’un dans la rue, un jeune homme assez mignon pour faire pâlir de jalousie Apollon lui-même. Et ses yeux, tu aurais dû voir ses yeux, pareils à deux océans dans lesquels je me noierais volontiers. Je crois que je suis amoureuse ! dit-elle un sourire aux lèvres mais celui-ci s’effaça bien vite.
- Le problème est que je ne sais rien de lui pas même son nom. Comment peut-on aimer une personne que l’on ne connaît pas ?
Le chat cligna des yeux avant de bâiller et de s’étirer mollement. Nienor rit.
- Je vois que mes problèmes te passionnent, aller va je suis certaine que la chasse aux souris t’intéressera davantage.
Le chat passa par la fenêtre ouverte et disparut dans la nuit.
- Mieux vaut que j’aille dormir maintenant de toute façon je n’ai aucune raison d’espérer le revoir. A l’heure qu’il est il doit déjà m’avoir oubliée.