La Nuit des Émeraudes
La pendule répétait inlassablement son tic-tac depuis son perchoir au mur. Ses tintements étaient aussi réguliers que les assauts faisant trembler les murs, au rythme des coups portés par les deux adversaires à travers la maison, et des cris poussés par les autres occupants terrifiés par leur acharné combat.
La mêlée traversa un nouveau mur et atterrit dans le salon déjà dévasté, roulant l’un sur l’autre comme une galipette soudain devenue létale. Mais l’assaillant en profita et donna un violent coup de patte dans l’estomac du guerrier, le projetant à demi contre le plafond et le mur avoisinant ; le choc brutal le sonna, et il chuta lourdement à terre en soulevant au passage un nuage des débris de contreplaqué. La bête se redressa, le dominant alors qu’il tentait de se relever en grognant de douleur ; elle leva une main griffue, semblant sur le point de maculer de carmin la fourrure déjà rouge de son opposant à terre et peinant à se redresser au plus vite.
Un clic sur le côté détourna son attention de sa cible, ses pupilles fendues cerclés de vert rivées maintenant sur son origine ; une main masculine pointa le canon vers lui, comme prêt à tirer. Devant le danger, l’assaillant rugit et dans l’instant d’hésitation donna un revers que ne put vraiment éviter l’homme malgré sa tentative d’esquive. D’autres cris retentirent dans la maison, alors que le guerrier était parvenu à se relever et se jetait à nouveau sur son adversaire qui le repoussa vers la fenêtre d’un second revers ; une petite silhouette volante, suivie par une autre féminine se précipitèrent vers la forme masculine effondrée près de la porte. La bête se tourna vers elles, abattant sa main sur la plus petite qui évita de justesse mais se retrouva alors au sol, figée par la peur et le choc face à la figure monstrueuse le dominant de son ombre ; elle leva à nouveau une griffe, comme voulant finir ce qu’elle avait commencé ; la dernière silhouette se jeta alors sur son petit pour le protéger de son corps, leur forme ne faisant plus qu’une seule ; la bête se raidit, comme frappé par un coup invisible.
La scène se figea, telle une photographie en noir et blanc à travers les rideaux clairs soulevés par la brise du soir, seul mouvement dans cet instant intense et suspendu.
Puis lentement, la bête abaissa ses mains, comme observant ses environs et la destruction engendrée ; un subtil tremblement sembla la saisir, ses paumes griffues à demi-levées vers lui tel un geste de remords alors que les silhouettes alentours se remettaient aussi à bouger doucement.
Puis en un élan brusque et désespéré, la forme hérissée disparut de la fenêtre dans le couloir ; ses pas lourds trébuchèrent dans le hall ; une main énorme et griffue défonça plus qu’elle n’ouvrit la porte arrière ; et d’un trait, la silhouette déformée à la fourrure hirsute aux teintes grisâtres rayonnant de bleu craquelant d’électricité fusa à travers le jardin arrière et s’enfonça entre les pins et la nuit entourant la maison des Wachowski.