Mon juif

Chapitre 7 : Evolution

2314 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/05/2020 20:52

Les deux garçons mangent leurs donuts, profitant des rayons du soleil de ce beau printemps. Kyle a bien fait de suivre Cartman jusqu'ici. Même si ses intentions sont horribles, il lui a malgré tout rendu service pour aujourd'hui et même fait rire. Et surtout prendre conscience que Stan n'était peut-être pas si attaché que ça à lui en fin de compte. C'est Kenny qui se trompe. Il a cru bien sentir les choses mais il s'est bien gouré. Mais il ne peut pas lui en vouloir non plus. Après tout, il était là pour lui, il a juste voulu le rassurer. Mais Kyle se rend compte que malgré son cerveau malade, c'est Cartman qui parle avec logique et clairvoyance. Et qui ne se contente pas de lui sortir des phrases pour adoucir sa peine.


Cartman voit que Kyle continue à réfléchir. Il ne veut pas interrompre le cours de ces pensées, sachant pertinemment qu'elles vont sur le chemin qui l'arrangent.

En avalant la dernière bouchée moelleuse de son donut, Éric est fier de savoir qu'il s'est bien amélioré avec ces dernières années. Il n'est plus juste le gros lard dont tout le monde se fou désormais.

Depuis ces deux dernières années de football, il a perdu plusieurs kilos mais a surtout pris en muscle


A 16 ans, il est maintenant aussi grand que la moyenne grâce à sa dernière poussée de croissance. Et grâce à son poste de garde offensif, il s'est taillé une carrure d'épaisse armoire à glace. Il a bien pris confiance en lui et les autres prennent un peu plus de distance envers lui. Clyde s'était bien foutu de lui il y a quelques mois malgré tout mais cette fois Cartman lui avait bien refait le portrait. Ils étaient allés tous les deux à l'hôpital. Clyde avait eu une côte fêlée et Cartman quelques bleus mais sa mère l'avait forcé à aller à l'hôpital. Là-bas, il est connu comme le footeux bagarreur qui répond à la moindre provocation de l'autre équipe avec un coup de poing dans la gueule. Même son équipe, ne le titille pas trop.

Hormis Craig, qui se fou éperdument de l'affronter étant ceinture noire en karaté. Devenu un prodige en arts martiaux depuis quelques années et possédant une grande maîtrise de soi, il est un adversaire implacable que Cartman préfère éviter. De toute manière, il est devenu assez craint par les autres et ne se fait plus inviter nulle part. On ne lui manque plus de respect comme avant mais il est encore plus seul aujourd'hui. Mais ça, il s'en fout. Il a les 3 connards pour lui tenir compagnie et partager toujours ses conneries. Ça lui suffit. Et puis, être craint c'est le pied intégral. Le foot est ce qui lui est arrivé de mieux.


Avec le temps, il a appris à moins exploser trop vite. Il s'énerve toujours autant, mais lorsqu'il explose vraiment, mieux vaut ne pas être à côté. Ce côté dangereux lui vaut d'être mis de côté également par les filles. Malgré le fait qu'il se soit arrangé physiquement avec le temps, cela ne lui sert à rien à cause de son caractère violent.

Et puis, il y a toujours Kyle. Kyle et le foot, jamais il ne pourrait trouver meilleurs passe-temps que ça. Meilleurs plaisirs. Il espère que ce con ne partira pas trop vite de South Park. Surtout que là, avec Kyle, il y a quelque chose de trop grand à faire.


Finalement, être gentil parfois, ça apporte des avantages. Et là, il en a bien été récompensé. Il décide de rester dans cet état de gentillesse et de présence réconfortante pour Kyle de manière à pouvoir le manipuler à sa guise. Établir un lien de pseudo-confiance même si le roux ne s'en rend pas compte lui-même. C'est déjà ce qui se produit depuis 1 heure qu'ils sont ensemble mais Kyle paraît tellement vidé que son cerveau doit marcher au ralenti.


En temps normal, il n'aurait pas laissé passer une once de confiance. Surtout avec ces dernières années et son exclusion. Mais là, c'est juste qu'il s'en fout. En fait, plus rien n'a d'importance. Et même si Cartman est en train de lui jouer un mauvais tour il n'en a plus rien à foutre. Alors, il se laisse aller. Tel un animal à l'abattoir qui finit par croire que le boucher va l'épargner par pitié.


Kyle lui, n'a pas grandi tan que ça. Il a toujours un corps svelte mais magnifiquement tracé, qui fait certains envieux dans les vestiaires. Son visage s'est embelli et avec son intense regard couleur émeraude, il attire beaucoup les filles qui l'ignoraient il y a encore quelques années. Il a également une coupe un peu plus moderne qu'avant. Ses côtés sont plus courts et son front est toujours caressé par ses belles boucles acajou. Mais Kyle se fou assez de plaire ou pas. Il souhaite juste être médecin, prof ou peut-être même avocat comme son paternel. Défendre les injustices qui touchent les plus faibles. C'est ce qui lui correspond réellement selon lui.


Mais aujourd'hui, on dirait que tous ses rêves et ses motivations se sont mis en pause. Et le plus étrange dans tout ça, c'est qu'il se retrouve assis aux côtés de son ennemi juré en train de passer un bon moment à manger le délicieux repas que celui-ci lui a offert. Cette situation n'a rien de normal mais il apprécie simplement l'instant présent car il sait que dans quelques heures il sera de nouveau en train de broyer du noir. Et que cette nuit, il cauchemardera de nouveau.


Il fait un sourire sincère à Cartman. Uns des rares qu'ils aient pu échanger dans leur relation.


- Eh, Cartman... Merci.


Le gros dévisage le juif et cette expression étrange qui le choque. Ce visage doux et soudain lumineux qu'il lui adresse. A lui. Lui. Il ne connaît pas cette émotion. Ni chez Kyle, ni chez lui. Que peut-il bien répondre à ça ? Il ne fait que le manipuler.

Cartman est devenu plus fin, plus réfléchi et plus curieux. Avide de comprendre les autres dans leur moindre réaction. Savoir leurs faiblesses, la manière dont ils fonctionnent. Maitriser le moindre ressenti pour mieux s'adapter à atteindre ses buts. Rien que pour ça, Cartman est bien plus mature que les ados de son âge par ses capacités de raisonnement, d'analyse et de réflexion aussi poussés. Sans parler de cette volonté écrasante qu'il a au fond de lui. Et voilà que ce visage qu'il a lui-même rendu heureux pendant un moment, lui fait ressentir une étrange gêne. Pourquoi serait-il gêné par ce juif ? La sensibilité, la gêne et ces choses-là, en revanche, Cartman n'en veut pas. C'est du superflu et de la faiblesse.


Cartman se racle la gorge et lui rend un sourire forcé.


- Je t'en prie, juif.


Kyle ne peut s'empêcher de rire. C'est bien la première fois quand Cartman l'appelle comme ça.


Le gros l'observe en coin rire et croquer dans son donut, profitant de ses derniers instants de répit. Il aime le voir comme ça. Il aime le fait de maîtriser ses émotions. Être à l'origine de quelque chose d'autre que négatif pour lui. C'est quelque chose de nouveau et donc, ça l'intrigue au plus haut point.

En fait, il se rend compte qu'il n'aime pas simplement provoquer de la haine ou des larmes venant du juif. Il y a quelques années, cet aspect-là ne l'aurait pas effleuré. Mais aujourd'hui, peut-être grâce ou à cause de sa maturité, il apprécie la manipulation sous toutes ses formes. Cet effet de bien-être qu'il procure à Kyle, cela lui semble être une évolution de lui-même. Il ne comprend pas encore tout à fait la chose qui est nouvelle pour lui mais il sait qu'il aura le temps dans les prochains jours, pour le découvrir.

Cela lui rappelle la fois où il avait été gentil et doux avec Shelley. Il se demande si ce ne sont pas les mêmes sentiments qu'il éprouve. La compassion, l'empathie, le soutien face au désespoir. Il a déjà exprimé ce genre de sentiments, il a donc une part de fragilité en lui et il n'aime pas ça. Pourtant, la souffrance morale, c'est tout ce qu'il a toujours désiré chez Kyle alors pourquoi cela changerait maintenant?


Ce dernier interrompt les pensées du brun.


- Je pense qu'il faut qu'on rentre. Les cours sont finis et je dois rentrer chez moi. Je dois trouver une excuse à dire à mes parents et au prof pour demain.

- Oui, bien sûr. Content que tu te sentes mieux, dit Cartman d'un ton posé. Tiens, voilà ton téléphone.

- Oh, merci.


Les garçons se séparent pour rentrer chez eux. Kyle se retourne vers Cartman avec un signe de main.


- A demain, Cartman !

- A demain, Kyle.


Kyle tente d'éloigner les pensées négatives un maximum de temps. Il n'a même pas envie d'ouvrir les messages de Kenny. Si c'est pour lui dire qu'il devrait écouter ou parler à Stan, non merci.



A peine arrivé dans sa chambre, son téléphone sonne. Il soupire et se résigne à répondre à son ami.


- Allo

- Kyle ! Pourquoi tu répondais pas ?? T'es où ?

- Je suis chez moi.

- Déconne pas ! T'es parti avec Cartman et vous êtes pas revenus !

- Ouais. Pour tout te dire, Cartman m'a emmené faire un tour.

- Euh, quoi ?

- Il m'a offert un grec et un donut et on a passé l'après-midi ensemble.

- Qu-quoi ?!

- Et j'ai apprécié.

- ... Pardon vieux mais... j'y comprend vraiment plus rien là. Je croyais que c'était fini FINI avec lui...

- J'ai dit que je serai plus son bouc-émissaire. Là, il m'a permis de respirer et il m'a... offert à manger.

- ... Kyle, tu es conscient que tu es en danger de mort là ?


Kyle soupire devant l'exagération de son ami.


- Y'avait quoi dans le sandwich ? T'es sûr que y'avait pas de poiso...

- Arrête Kenny, j'suis pas con. Il a juste voulu me remonter le moral parce que...

- Parce que ???

- Parce qu'il veut être le seul à me rendre malheureux.


Kenny choqué, à la fois envie de rire et de péter un plomb. Il est sidéré que son ami accepte aussi facilement l'aide du gros lard après lui avoir délibérément dit ses intentions malsaines. Kyle lève les yeux au ciel agacé.


- En attendant, c'est CARTMAN qui était là pour me parler. C'est CARTMAN qui m'a forcé à le suivre pour me remonter le moral. Et c'est encore CARTMAN qui comprend vraiment la situation.

- Comprendre la situation ??! Mais bordel Kyle !! Il ne sait RIEN de ta situation !! Tu crois qu'il réagirait comment si tu lui disais la vérité !?

- ... Peut-être. En attendant, C'est pas Cartman qui aurait dû être avec moi cet après-midi mais STAN, dit-il, d'une voix brisée. C'est STAN tu m'entends Kenny ??


Cela énerve beaucoup le blond d'entendre son ami dire que Cartman le comprend, lui ! Rien que le fait d'entendre ces mots ensemble, ça lui file la gerbe. Qu'est-ce qui lui arrive pour qu'il fasse de son ennemi de toujours son pseudo nouveau confident ? Confident manipulateur à qui il ment sur toute la ligne et avec qui il s'est battu encore il y a quelques jours. Alors que c'est lui qui sait et qui est là pour lui! Il n'arrive pas à comprendre les paroles de son ami qui le piquent profondément.


Et d'un côté, il n'a pas tort pour Stan. Les absents ont toujours tort. Et en ayant laissé la place à un autre, Stan s'est enlisé encore un peu plus. Il ne sait même pas ce qu'il veut lui-même alors qu'il est amoureux de Kyle. Et malgré tout, il ne fait rien. On dirait qu'il est paralysé alors que tout repose pratiquement sur lui. Ça aussi, ça énerve profondément Kenny. Si cette histoire de Wendy était réglée et que Stan portait ses couilles, tout irait tellement déjà mieux ! Le blondinet commence à se demander s'il y a vraiment un espoir d'arranger les choses. Après ce que vient de lui dire Kyle, ses espoirs s'amenuisent.


- Ecoute Kyle, j'suis content que tu trouves du réconfort même si c'est auprès de ce gros fils de pute, mais je vais te le rappeler une fois, une seule. Car tu le sais déjà au fond de toi. Tu le sais 1 million de fois mieux que quiconque sur cette terre. ME-FIE-TOI.

- ... Je sais. J'suis pas con. Je... désolé. J'voulais pas m'énerver, Kenny. C'est juste que... j'veux plus que tu fasses que me consoler. J'veux plus de faux espoirs. J'veux plus que tu me dises quoique ce soit au sujet de Stan. J'en sais assez maintenant. Il l'a prouvé de lui-même par ses actes.

- ... Comme tu voudras.


Une fois qu'il a raccroché, Kenny s'empresse d'appeler Stan. Sans réponse, il lui envoie un sms qu'il espère, sera celui qui changera tout. Il faut qu'il sache. Qu'il sache que s'il ne se met pas un coup de pied au cul tout de suite, il perdra Kyle pour toujours. Et que Cartman s'est beaucoup rapproché de lui. Après ça, si Stan ne fait rien, il n'y pourra plus rien. Et ce rapprochement malsain est ce qui l'inquiète le plus.



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