Le prix de la vie

Chapitre 4 : Hikaru, Pavel

9147 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/09/2018 17:53

CHAPITRE 3 : HIKARU, PAVEL

 

HIKARU

Les premières semaines à bord de l'Enterprise sont éprouvantes pour tout l'équipage. Jamais vaisseau de la flotte n'a eu un équipage si jeune et inexpérimenté et, du capitaine au dernier homme d'équipage, tous cherchent leur place à bord.

C'est peut être plus dur pour les rares officiers d'expérience à bord qui se retrouvent obligés d'obéir à une bande de jeunes gens imberbes. Ils ne s'attendaient pas à devoir obéir à une équipe d'officiers dont la moyenne d'âge avoisine les 24 ans, dont un petit surdoué de 17 et une grande gueule de 25. Ceux qui pouvaient espérer une promotion se retrouvent à stagner à une place subalterne.

Le premier jour, Chekov se retrouve à devoir donner un ordre à un sous-officier moins gradé mais trois fois plus âgé que lui. Le jeune homme bafouille, rougit, et rajoute un « s'il vous plait » à la fin qui fait exploser de rire le capitaine Kirk. Assis à sa console, Hikaru retient difficilement son propre éclat de rire. C'est comme de voir un bébé cocker essayer de s'imposer face à un mâtin. Le sous-officier blêmit mais accomplit la tâche que l'enseigne lui a assigné. Hikaru comprend bien à quel point la situation doit être difficile à accepter pour ce sous-officier et les autres. Le problème, c'est que du coup ils rendent la vie infernale à leurs jeunes supérieurs.

Hikaru rit beaucoup moins quand il se retrouve à devoir redonner trois fois un ordre à une enseigne de dix ans son aînée de l'équipe bêta parce que celle-ci refuse de voir au-delà de son manque d'expérience. Tout le monde a bord du vaisseau sait que l'Enterprise est encore entière uniquement parce qu'il a raté la manœuvre de départ le jour de la destruction de Vulcain, ce qui est tragiquement comique. Un jour peut être il pourra en rire. Pour le moment, il est surtout de plus en plus énervé en voyant certains officiers et sous-officiers vérifier dix fois son travail sous ce prétexte.

Les premiers jours, le groupe de jeunes officiers laisse faire. Ils ont encore du mal à se repérer dans le navire, font régulièrement des erreurs et sont à vrai dire un peu soulagés d'avoir quelqu'un pour vérifier leur travail. Petit à petit, ce soulagement se transforme en un agacement de plus en plus prononcé. Hikaru, Chekov et Uhura sont la principale cible des critiques des plus anciens officiers du navire : ils sont les plus jeunes, n'ont pas le grade de Scott ou l'expérience de Scott et McCoy. Se retrouver si jeune dans l'équipe alpha du pont ne leur fait pas beaucoup d'amis.

La première à craquer, à la grande surprise d'Hikaru, est la lieutenant Uhura. Le jeune lieutenant ne la connaissait pas avant l'incident du Nerada, et ils ont tous été trop occupés à prendre leur place sur l'Enterprise pour commencer à faire vraiment connaissance. Elle lui a donné l'impression d'une jeune femme intelligente, calme, voire froide. Hikaru a entendit quelqu'un la qualifier de « Mr. Spock au féminin », et c'est vrai qu'elle donne la même impression d'impassibilité vulcaine.

C'est donc une surprise de la voir surgir en salle de repos, l'air excédé, à la fin de la première semaine à bord de l'Enterprise. Elle se dirige droit sur Karchiekan, l'un des linguistes du vaisseau et pose brutalement devant lui un pad.

« Vous savez ce que c'est que ça ?, lui demande-t-elle d'une voix glaciale dans laquelle la rage est parfaitement audible.

La salle de repos, jusque là emplie de conversations amicales, devient silencieuse. Tous les officiers présents sentent venir la confrontation entre officiers seniors et juniors. Karchiekan regarde le pad d'un air ennuyé.

-C'est une transcription de la transmission klingonne que nous avons intercepté hier matin.

-Exactement. Et en dessous ?

-Sa traduction. Écoutez Uhura, est-ce que vous voulez en venir quelque part ? Parce que...

-Pour vous c'est lieutenant, le coupa froidement la jeune femme. Je ne crois pas vous avoir permis d'employer mon nom. Et pouvez-vous me dire qui a effectué cette traduction ?

-Vous. Est-ce que...

-Moi, vraiment ? C'est étrange. Parce que j'aurais juré que cette tournure syntaxique n'est pas la mienne. Je peux me tromper bien sûr. Je suis également presque certaine de n'avoir jamais traduit Kal'Hyah par rencontre. Vraiment, on pourrait croire que quelqu'un a révisé ma traduction. Si je n'avais pas relu mon travail avant de l'envoyer à la base il serait parti tel quel.

-Il nécessitait des corrections. Je les ai apporté voilà tout.

Uhura reste figée la bouche ouverte une bonne dizaine de seconde. Hikaru n'est pas sûr qu'elle se souvienne de la manière dont on respirait. Elle finit par reprendre son pad d'un geste très calme. Karchiekan a un petit sourire satisfait sur les lèvres. Dans la salle tous croient un moment qu'elle accepte la remontrance, mais elle reprend la parole.

-Ce serait un comportement acceptable si ma traduction avait eu besoin d'être revue. Cette transmission était dans un dialecte klingon particulier, comportant des expressions qu'on ne trouve dans aucun autre dialecte. N'ayant pas connaissance des évolutions de ce dialecte, vous avez fait trois approximation, deux contresens et une erreur monumentale qui bouleverse le sens du texte. S'il avait été envoyé ainsi le haut commandement aurait pu faire des erreurs stratégiques terribles.

Le sourire de Karchiekan disparaît.

-Il se trouve que je maîtrise parfaitement mon sujet, poursuit Uhura. Et quand je ne le maîtrise pas, je cherche un spécialiste ou un bon dictionnaire. Si vous n'êtes pas capable de vous mettre régulièrement à jours sur les évolutions d'un langage, je me demande ce que vous faites en xénolinguistique. J'ai pris la liberté de vous rayer des missions diplomatiques tant que je n'aurai pas vérifié vos capacités. »

Le visage de Karchiekan se congestionne. Uhura ne sourie pas mais la satisfaction se lit tout de même en grand sur son visage. Cette fois, c'est son vis-à-vis qui est incapable de trouver un mot. La lieutenant choisit de ne pas l'accabler et sort d'un pas presque guilleret. Un sifflet appréciateur accompagne sa sortie. Hikaru, lui, se retient d'applaudir.

Après cet épisode, la tension s'accentue brutalement, puis les choses tendent à s'améliorer doucement. Les jeunes officiers, poussés par l'exemple d'Uhura confrontent les membres seniors de l'équipage et mettent les choses au point. Conseils et ordres sont plus facilement acceptés des deux côtés. Cette tension se tassant, Hikaru commence à noter que lui, Chekov et Uhura ne sont pas pas la seule cible des critiques exacerbées de certains membres de l'équipage, et des regards concernés de tous les autres.

Certes, l'équipage est très jeune et cela perturbe la vie du vaisseau. Mais que le capitaine soit aussi jeune et dénué d'expérience que l'est Kirk est beaucoup plus inquiétant. Petit à petit Hikaru commence à repérer les discussions dans les couloirs et le mess des officiers. Beaucoup craignent que Kirk ne soit pas prêt à être capitaine et que l'intelligence et l'ingéniosité qu'il a montré lors de l'incident du Nerada ne soit un coup de chance qui ne se reproduira pas.

Hikaru doit bien s'avouer qu'il connaît mal ce jeune homme qui est devenu son capitaine. Après la destruction du Nerada toute leur petite équipe a pris un verre ou deux et assisté aux enterrements et commémorations ensemble, mais ce sont là les seuls moments où Hikaru lui a un peu parlé. Le reste du temps, Kirk l'a surtout passé à travailler avec Scott et Spock pour les rapports et la réparation de l'Enterprise. Hikaru réalise que s'il a passé ces premiers jours de voyage si mal à l'aise, c'est aussi qu'il ne sait pas à quel point ce jeune capitaine est fiable. Il a du charisme, de la volonté, un brin de génie et de folie, mais le lieutenant ne sait pas si cela suffira à faire de lui un bon capitaine.

Le lendemain, il s'installe à côté d'Uhura au moment du dîner. Celle-ci le salue sans sourire et écarte les documents qu'elle consultait pour lui faire de la place.

« Bonsoir lieutenant, la salue-t-il. Je me demandais...

-Ce que je peux vous dire sur Kirk j'imagine, finit-elle à sa place en soupirant. Vous n'êtes pas le premier à me demander ça depuis notre départ. Ni le dernier j'imagine.

-Vous avez étudié ensemble à l'académie...

-McCoy aussi, pourtant c'est moi qu'on vient interroger. Je ne dois pas avoir l'air aussi menaçante que lui hélas.

Hikaru ne relève pas le sarcasme et se contente de commencer à manger, laissant le choix à la jeune femme de répondre ou non. Après un instant d'hésitation, celle-ci commence à parler.

-La première fois que j'ai rencontré Kirk, il m'a dragué de manière éhontée, a déclenché une bagarre de bar et posé la main sur mes seins. J'ai passé les trois années suivantes persuadée que malgré son intelligence c'était un bon un rien qui ne serait jamais capable de devenir officier parce que totalement dépourvu du sens des responsabilités. Je reconnais que nous n'avons pas commencé notre relation de la meilleure façon, mais son comportement ne m'a pas une seule fois donné tord par la suite.

-Le Kobayashi Maru...

-N'est que la surface d'un iceberg, croyez-moi. Demandez à n'importe quel membre de notre promotion il vous en racontera de belles. Irresponsabilité est le mot que vous entendrez répéter le plus souvent.

Le silence s'installe entre les deux lieutenants qui continuent de manger en silence. Hikaru doit s'avouer horrifié de ce qu'il entend. Il espérait que le manque d'expérience serait le plus grand problème avec ce capitaine. Maintenant, il a l'impression que ce sera le moins grave. Uhura termine rapidement et réunit ses affaires pour s'en aller. Avant de se lever, elle se ravise et regarde Hikaru droit dans les yeux.

-J'ai rencontré Kirk il y trois ans. Je découvre aujourd'hui que je ne le connaît pas pour autant. Je ne crois pas être capable de dresser son portrait mieux que vous et je ne sais pas à quel point je me suis trompée sur son compte. Je tends à le croire aujourd'hui, et je lui laisse sa chance de faire ses preuves. Faites en de même. »

Cette conversation laisse Hikaru songeur. Les jours suivants, il se surprend à examiner Kirk du coin de l'oeil et voit plusieurs personnes sur le pont en faire de même, dont Spock et Uhura, mais jamais Chekov. Tous attendent de voir comment Kirk va réagir la première fois qu'il devra agir en capitaine, non pas dans une situation d'urgence mais dans ses tâches de tous les jours.

Leur première mission les amène après une semaine de voyage sur Kazor, une planète en voie de rejoindre la Fédération. La veille de leur arrivée, Kirk réunit son équipe dans la salle de réunion pour un briefing. Au moment de rentrer dans la salle, tous se demandent avec des degrés d'inquiétude divers à quel point le jeune capitaine maîtrise la situation.

Celui-ci se place nonchalamment dans le fauteuil de capitaine, laissant glisser son pad jusqu'à un coin de la table où il reste en équilibre précaire, ce qui fait froncer les sourcils d'Uhura. Une fois que tout le monde est assis, Kirk étouffe un bâillement.

« D'ici seize ou dix-sept heures nous arrivons sur Kazor où nous nous téléporterons pour la mission. Je n'ai pas lu le dossier, quelqu'un a des informations ?

Pendant une longue seconde le cœur d'Hikaru manque de s'arrêter. À ses côtés le docteur McCoy a un soupir excédé.

-Bon sang Jim, grommelle-t-il, est-ce que tu étais obligé ?

Kirk lui adresse un sourire éclatant et se redresse sur son siège.

« Kazor est une planète pacifique qui a demandée il y a trois ans son rattachement à la Fédération. La planète est riche en minerais et a été soumise au fil des siècles à des raids de pirates et quelques attaques romuliennes, raids auxquels ils pouvaient difficilement répondre, n'ayant jamais eu de flotte spatiale. La Fédération lui offrant une meilleure protection et des patrouilles dans les environs, Kazor a accepté de réfléchir à rentrer dans la Fédération. Les tractations étaient en bonne voie, il ne restait au gouvernement qu'à signer pour rendre les choses officielles. Maintenant, la planète doute de la solidité de la Fédération et de sa capacité à faire régner l'ordre dans ses frontières avec la destruction d'une partie de la flotte. L'amirauté a pensé que la venue du fleuron de la flotte et des héros du jour peut faire changer d'avis l'opinion et le gouvernement kazoriens. Nous allons donc nous présenter là-bas en grand uniforme pour une réception au cours de laquelle nous devons les convaincre de changer d'avis.

-La Fédération ne nous a pas détaché de diplomate ?, s'étonne Uhura.

-Non. Ce n'est pas pour nous mettre la pression, mais l'amirauté a envie de s'assurer que nous sommes une équipe cohérente et capable et pas une bande de gamins sortis du bac à sable. Notre échec est envisagé et dans ce cas une autre équipe, chevronnée elle, prendra le relais. Maintenant, et pour nous mettre la pression, j'aimerai assez leur montrer notre efficacité. Heureusement il ne nous sera pas demandé d'utiliser de langage diplomatique, les kazoriens révèrent l'honnêteté et la franchise à un point rare. Une fois sur la planète, nous serons censé en faire de même. Des questions? »

Il y en a un certain nombre et les voix du groupe de jeunes officiers s'élèvent toutes en même temps. Kirk lève la main pour leur demander de ralentir, puis répond à chaque question. Il a une réponse à tout, même si c'est pour dire qu'il n'en a aucune idée et consulter le dossier. Bientôt, chacun est à court de question et sait quoi faire le lendemain. Le capitaine se lève pour signifier la fin de la réunion.

« Une dernière chose avant de se quitter. Puisque tout le monde ici descend sur Kazor demain, il me faut au plus vite des noms pour tenir la barre en notre absence. Réfléchissez-y et envoyer moi vos propositions d'ici une heure. Essayer de me proposer à la fois des anciens et des jeunes officiers, afin de ne mécontenter personne. »

Finalement, se dit Hikaru en quittant la salle de briefing, Kirk était peut être bien un capitaine.

Le lendemain, le groupe d'officiers se retrouve en salle de téléportation, tous vêtus de leur uniforme d'apparat. Hikaru ne sait pas pour les autres, mais c'est la première fois qu'il a l'occasion de porter le sien et il ne se sent pas à son aise dedans. Non loin de lui,Kirk se gratte le cou tout en cherchant à élargir le col étroit. Il l'entend pester à mi-voix contre ceux qui ont conçu cet uniforme. Uhura lève les yeux au ciel mais fait de même dans son dos. Kirk leur jette un bref coup d’œil d'inspection et donne l'ordre de les téléporter.

Ils sont accueillis sur Kazor par un comité d’accueil à l'air impassible. Les Kazoriens sont d'une espère physiquement très proche de l'homme et du vulcain, mais les quelques différences suffisent à rendre leurs visages difficiles à lire. Leur nez est presque inexistant et leurs yeux enfoncés dans leurs orbites bien plus profondément que chez les humains. Ils n'ont que trois doigts, très longs, à chaque main. Les deux groupes s'observent, puis une femme d'âge mur, mais remarquablement belle, s'avance d'un pas lent et s'incline rituellement devant le capitaine. Kirk lui rend son salut à la manière de la Fédération.

« Je vous souhaite la bienvenue capitaine Kirk, mais vous perdez votre temps. Notre gouvernement s'est presque décidé à ne pas rejoindre la Fédération.

-Nous sommes là pour vous convaincre du contraire.

-Nous en discuterons donc. J'ai hâte d'entendre vos arguments. J'avoue être aussi curieuse d'écouter votre récit de vos aventures. Un souper à été préparé. Vous ne serez pas venus pour rien ainsi. La nourriture ne sera pas exceptionnelle : nous avions connaissance de votre arrivée, mais puisque nous sommes presque décidés à ne pas rejoindre la Fédération, vous comprendrez que nous n'ayons pas grévé notre budget avec des dépenses exceptionnelles. »

Le groupe de diplomates fait signe aux officiers de les suivre. Suivant les instructions protocolaires qu'ils ont reçu, ceux-ci maintiennent un espace de quelques mètres entre les deux groupes. Tout en avançant, Hikaru écoute d'une oreille la conversation entre Kirk et Spock.

« Je dois avouer qu'après tous ces interrogatoires par l'amirauté, voir des politiques ne pas pratiquer la langue de bois, le non-dit et le suggéré est reposant.

-Je dois m'avouer de votre avis, répond Spock au capitaine. Toutefois, cela ne veut pas dire que cette mission diplomatique est plus aisée qu'une autre. »

Intérieurement, Hikaru donne raison au lieutenant-commandant. Mais tout au cours du repas qui suit, il doit s'avouer conquis par le franc-parler des kazoriens. Il est difficile toutefois de se calquer sur ce comportement après s'être vu inculqué dès l'enfance des règles de politesse utilisant abondamment le mensonge. Lorsque Hikaru essaie de se forcer, par politesse, à manger l'infâme mixture qu'on lui a mise sous le nez, Uhura, assise face à lui, lui tape sur le pied avant de hocher négativement la tête. Hikaru repousse alors l'assiette avec un certain soulagement. Une kazorienne se penche vers lui.

« Vous n'aimez pas ?

-Je dois avouer que non, s'excuse-t-il. C'est un peu fort à mon goût.

-Vraiment ? C'est pourtant délicieux. Enfin, j'imagine que les goûts des terriens sont différents. Servez-vous à votre convenance surtout ! »

Uhura approuve son comportement d'un léger hochement de tête et retourne à sa conversation sur les subtilités de langage terriens et kazoriens avec son voisin. Les deux personnes qui entourent Hikaru sont peu bavardes, ce qui lui donne l'occasion d'écouter les conversations alentours, et surtout celle de Kirk et de Talmari, la ministre kazorienne qui les a accueillis.

Selon le jeune lieutenant,Uhura et Kirk sont ceux qui se débrouillent le mieux, abandonnant toute politesse de surface pour une sincérité totale. Kirk explique les avantages à rejoindre la Fédération, tout en reconnaissant la faiblesse actuelle de celle-ci. Les choses manquent toutefois de se corser lorsque la ministre Talmari demande combien de vaisseaux la Fédération possède encore.

« Je n'ai pas le droit de vous révéler une telle information, reconnaît Kirk soudain tendu. Nous respectons vos coutumes d’honnêteté totale, mais pour la protection de la Fédération, certaines informations doivent n'être connues que de ces membres. Sur Terre, on dit qu'il vaut mieux n'être que deux pour garder un secret.

-Vous craignez que nous ne répandions l'information, demande Talmari avec réprobation.

-Moi, non. C'est simplement la règle parmi les membres de la Starfleet. Et même si nous avons confiance en vous, vous même ne pouvez pas savoir avec certitude jusqu'où peuvent se répandre ces informations, ou qui les écoute.

-C'est exact, reconnaît gracieusement la politicienne. Des pirates ont a plusieurs reprises réussis à espionner nos conversations pour savoir quand et où serait transféré notre minerai jusqu'à nos entrepôts.

-Merci de votre compréhension. Je suis toutefois autorisé à vous dire combien de navires Starfleet est prête à mettre à votre disposition pour le moment. »

Le soupir de soulagement de Uhura n'échappe pas à Hikaru tandis que la conversation reprend entre Kirk et la ministre. Un drame diplomatique semble avoir été évité sous leurs yeux par le capitaine. La conversation reprend, tournant cette fois autour de l'aide que peut apporter la Fédération Au bout de quelques heures, l'équipe rejoint l'Enterprise avec soulagement. Ce n'est pas la première mission diplomatique d'Hikaru, mais il ne la qualifierais certainement pas de plus facile que les autres. Devoir être sincère est aussi épuisant que de devoir utiliser un langage ampoulé et vague : surveiller sa langue pour en révéler le moins possible est aussi difficile dans les deux cas.

Ils restent trois jours en orbite autour de Kazor. Durant ces trois jours, Kirk fait sans arrêt l'aller-retour entre la planète et le vaisseau, généralement accompagné de Spock ou d'Uhura. Pour l'équipage, c'est l'occasion d'apprendre à se connaître, à repérer les comportements et les petites manies. Entre une discussion diplomatique et une prise en main du fonctionnement de l'Enteprise, Hikaru commence à lier contact avec Uhura, Scott et McCoy, et surtout Chekov, qui devient Pavel au fil de leurs discussions même si l'adolescent, lui, est encore un peu gêné de l'appeler par son prénom.

Le matin du troisième jour, alors que les négociations sont au point mort, les kazoriens éprouvent le besoin de faire une pause et proposent au capitaine que lui et les protagonistes de la défaite de Nero leur racontent les événements autour d'une collation. Kirk ne semble pas ravi, mais n'ose pas refuser.

C'est ainsi qu'ils se trouvent bientôt réunis, assis en tailleurs sur des coussins surchargés de broderies, à siroter une boisson qui a l'épaisseur du caramel fondu et un goût crémeux, mais qui parvient à rester délicieuse une fois passée la surprise initiale.

Écouter Kirk raconter leur combat contre Nero est... fascinant, pour reprendre les mots de Spock. Depuis sa console et pendant la tentative de désactiver à temps la foreuse, Hikaru a assisté à la plupart des événements. Mais Kirk les raconte différemment. Hikaru est étonné de le voir avouer son incertitude et glorifier le rôle joué par ses compagnons plutôt que le sien propre. Il joue un jeu difficile, essayant d'être sincère pour plaire aux kazoriens, tout en disant le moins de chose possible sur ses émotions. Les kazoriens s'agitent un moment, sentant que Kirk leur ment sur la façon dont il a rejoint l'Enteprise en plein vol. Une pirouette lui permet de ne pas vexer ces gens, déclarant, en toute sincérité semble-t-il, qu'il préserve là le secret d'un ami.

Quand son récit est terminé, les kazoriens restent silencieux un moment, les yeux fermés comme pour assimiler ce qu'ils ont entendu. Kirk en profite pour boire quelques gorgées, la bouche asséchée par la conversation. Dès qu'il a fini, le plus jeune des politiques kazorien lui pose une question. Celle-ci, Hikaru est persuadé que tout l'équipage présent dans le poste de commandement lors des derniers instants du Nerada se l'est posée. Il ne croit pas que quelqu'un ait eu le courage de le faire.

« Pourquoi avoir proposé aux romuliens de se rendre ?

Kirk n'hésite pas un seul instant avant de donner sa réponse.

-Un très vieux proverbe terrien dit ''si tu veux la paix, prépare la guerre''. Je n'ai jamais été d'accord. Pour obtenir la paix il faut se montrer fort pour ne pas tenter ses ennemis. Mais il faut aussi se montrer indulgent, compatissant. On ne bâtit pas une paix sur la peur et la haine mais sur la compréhension et l'entraide.

-Mais vous aviez affaire à des dissidents, pas à l'empire romulien. Votre acte n'ouvrait la porte ni à la paix, ni à la guerre avec l'empire. De plus, vous vous retrouviez face aux meurtriers de votre père. La plupart des civilisations auraient compris que vous les détruisiez sans sommation.

-Mon enfance n'en aurait pas moins été dépourvu de père, répond Kirk avec une âpreté nouvelle dans sa voix. Et après avoir exterminé Nero, et ces hommes qui n'étaient probablement pas tous aussi fous et extrémistes que lui ? Je serais parti me venger sur sa race comme lui ? Nero était fou, mais je peux comprendre sa rage et son désespoir. Si j'étais parti en croisade vengeresse contre quelqu'un, ce n'aurait pas été lui. »

Kirk se tait, le regard plongé dans sa boisson, sa main crispée sur le bol qu'il tient. Son teint est légèrement verdâtre, comme s'il se retenait de vomir. Hikaru se détourne. Il est rongé par la curiosité, mais le capitaine en a visiblement dit plus qu'il ne le comptait. Uhura émet un toussotement et l'attention se tourne vers elle. Elle pose une question d'éthique particulièrement pointue à laquelle les kazoriens acceptent de répondre, avant de poser une nouvelle question sur le déroulement des événements à bord pendant la crise. Cette fois, c'est McCoy qui se précipite pour répondre, avant que Hikaru lui-même prenne le relais. Scott, Pavel, et même Spock lui font de même. Le groupe d'officiers semble s'entendre silencieusement pour faire oublier Kirk des kazoriens. Tout en suivant la conversation d'une oreille attentive, Hikaru réalise qu'aucun d'entre eux n'a hésité à protéger ainsi leur capitaine alors même qu'ils doutent encore de ses capacités. Peut-être, songe-t-il, que la confiance aveugle qu'ils ont eu envers lui pendant la poursuite du Nerada a persisté plus longtemps qu'il ne le croyait.

À la fin de la journée, c'est un groupe d'officiers épuisés par une dernière tentative de convaincre les kazoriens qui remonte à bord de l'Enteprise. Kirk leur déclare d'aller se coucher, décidant qu'il serait toujours temps le lendemain d'annoncer leur échec à Starfleet. Sans plus s'attarder, le capitaine part, suivi par McCoy. Hikaru, qui les suit de près, entend le docteur enjoindre à Kirk de manger un peu avant de se coucher. En y réfléchissant bien, le lieutenant ne se souvient pas d'avoir vu son capitaine avaler quoi que ce soit depuis la collation matinale. Tout en ouvrant la porte de ces quartiers, il entend un Kirk en colère enjoindre le docteur de le laisser tranquille. Une fois sa porte fermée, il n'entend pas la suite de la conversation.

Le lendemain, quand Hikaru arrive pour prendre son poste sur la passerelle, Kirk est en train de contacter Starfleet. Il a l'air fatigué, des poches sous les yeux indiquant son manque de sommeil. Tandis qu'Hikaru s'installe à sa console, le visage d'e l'amiral Pike apparaît sur l'écran.

« Capitaine Kirk au rapport amiral.

Le visage de l'amiral s'illumine.

-Ah, Kirk, nous attendions votre appel. Félicitations !

-Je vous demande pardon ?, demande Kirk tandis que les personnes présentes s'interrogent du regard sans davantage comprendre.

-Vous venez nous rendre compte du succès de la mission non ? Vous en avez mis du temps, les kazoriens nous ont contacté il y a quatre heures pour nous signifier leur accord pour rentrer dans la Fédération.

Chekov a la bouche béante de stupéfaction et Hikaru imagine que son visage trahit la même incrédulité.

-Je dois avouer mon étonnement amiral, reconnaît Kirk. Quand nous avons laissé les représentants du gouvernement kazorien ils ne semblaient pas décidés à franchir le pas.

-De ce que j'ai compris une réunion nocturne de leur parlement a voté en faveur de l'union. La ministre Talmari nous a dit que vous aviez fini de les convaincre hier matin. Vous semblez les avoir impressionnés Kirk. Pour citer la ministre, « tant que la Fédération aura des hommes avec ce courage et cette étique, nous vous ferrons confiance pour assurer notre protection. »

-J'en suis... honoré. J'imagine.

-Je dois avouer que cela en a surpris plus d'un ici. Il n'est pas impossible que certains enjeux soient réclamés auprès de parieurs manquant de clairvoyance.

-Et maintenant amiral, quels sont nos ordres ?

-Restez en orbite autour de la planète jusqu'à qu'un vaisseau arrive pour vous remplacer et patrouiller dans le secteur. Ce devrait être l'affaire de quelques jours, vous pouvez accorder des permissions pendant ce temps. Ensuite, vous prendrez à bord une délégation de diplomates kazoriens et les ramènerez sur Terre afin de finaliser leur entrée dans la Fédération. L'arrivée des kazoriens montrera que certains maintiennent leur confiance en la Fédération, et cet exemple a de bonnes chances d'être suivi par d'autres. Encore une fois, excellent travail. »

La communication s'arrête peu de temps après, laissant les personnes présentes sur le pont se regarder en silence quelques longues secondes. Puis Pavel pousse une exclamation de joie, bientôt suivi par la plupart des autres personnes. Anciens et nouveaux, tous sont d'accord pour encenser le travail du capitaine. Les félicitations fusent vers le capitaine dont le sourire s'élargit de plus en plus. Uhura daigne reconnaître en essayant de ne pas lui rendre son sourire qu'il s'est bien débrouillé. Kirk finit par se tourner vers Spock, le seul a être resté impassible assis à son poste.

« Et bien monsieur Spock, lui demande-t-il avec un petit sourire impertinent, pensez-vous pouvoir me faire confiance pour garder ce navire en bon état ou dois-je me méfier d'une mutinerie ?

Spock lève un sourcil et sa bouche se plisse dans une expression qui semble hésiter entre ironie, incompréhension, amusement, affection et exaspération.

-Dans un cas comme dans l'autre ce serait mon devoir de vous le faire savoir capitaine. Je crains de devoir vous laisser dans l'incertitude pour le moment. »

A leur poste, Hikaru et Pavel échangent un sourire amusé, partageant une même réflexion. Lors du premier tragique voyage de l'Enterprise, Kirk et Spock ont été à couteau tiré, allant jusqu'à une tentative de meurtre. Cette première semaine dans l'espace les a vu s'observer avec précaution. Maintenant, un semblant d'amitié semble s'instaurer. Tout d'un coup, il semble à Hikaru que quelque chose se met à fonctionner et qu'il peut croire à leur équipe bancale et inexpérimenté. Sans s'en rendre compte, il est déjà presque prêt à suivre le capitaine Kirk en enfer s'il le lui demandait.

 

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PAVEL

 

Pour Pavel, les choses sont différentes. Dès le début il respecte énormément Kirk. Il est une des ces rares personnes qui le traitent immédiatement en adulte, il ne se moque pas de son accent russe. Il écoute et prend en compte ses avis sans demander que quelqu'un vérifie ses calculs. Il se sent à sa place sur le pont et il a trop l'habitude de se faire rabrouer à cause de son âge pour vraiment se laisser perturber par ce que le lieutenant Sulu appelle la « guerre des générations ». Pour lui de ce côté là l'Enteprise n'est pas différente de l'Académie ou de l'école. Alors que pendant la première semaine de vol les autres officiers sont tout entier impliqués dans leur petit conflit, Pavel prend sa place derrière sa console et mène sa vie sans se soucier des adultes, observant ceux-ci de loin.

C'est sans doute pour cela qu'il est le premier à remarquer le sérieux du capitaine Kirk pendant ces premiers jours. Spock est trop occupé à faire le temporisateur entre les anciens et les nouveaux – sur l'ordre de Kirk, arguant que puisqu'il était déjà lieutenant-commandant il est tout à fait indiqué pour cela – et McCoy passe la plupart de son temps à l'infirmerie. Loin de se mêler des mesquineries du pont, Kirk passe son temps avec un pad à la main, à étudier des informations. Il observe également ce qui se passe sur le pont et échange parfois avec Pavel des regards amusés devant le comportement de l'équipage. En tout point, il se comporte comme un parfait capitaine prenant connaissance de son navire et de ses hommes.

Si on oublie bien sûr le fait qu'il tire la langue à Uhura et Spock quand il pense qu'ils ne regardent pas.

Leur première mission est un succès, ce qui n'est pas vraiment une surprise pour Pavel, chez qui l'admiration pour Kirk se renforce. Chez lui, plus de doute, cet homme est son capitaine, un héros, et il n'en changerait pour rien au monde. Maintenant, il attend que les autres voient la même chose que lui.

L'arrivée d'un vaisseau plus lourdement armé déployé par la Fédération survient après cinq jours d'attente. Une délégation d'une vingtaine de personnes est amenée à bord d'une navette depuis Kazor et logée dans les quartiers des invités. Pavel assiste à la procession d'hommes et de femmes au visage presque humain, tous vêtus de longues robes flottantes grises et noires, voilant tout d'eux sauf leur cou et leur visage, jusqu'à leurs quartiers. Sur le chemin, Kirk leur explique le fonctionnement du vaisseau, répondant à leurs questions le plus simplement possible. Les kazoriens ont une technologie sophistiquée mais n'ont jamais développé le vol dans l'espace, pas même dans leur atmosphère. Leur premier contact s'est fait en captant grâce à leur technologie des communications spatiales se déroulant à plusieurs systèmes solaires de distance.

La ministre Talmari qui conduit la délégation se retourne et salue gracieusement le capitaine au moment de pénétrer dans les appartements qui leur ont été fournis. Deux autres diplomates font de même.

« Il serait préférable je crois que nous restions dans nos appartements pour le moment, déclare-t-elle d'un air gêné.

-Nous adapter à l'atmosphère et la pesanteur de votre vaisseau risque de prendre un peu de temps, déclare un second diplomate, avec un accent plus prononcé dans son standard. Nous nous joindrons à vous plus tard.

-Il n'y a aucun problème. Le premier voyage dans l'espace est une épreuve pour certains. Si l'un de vous souffre du mal de l'espace, notre docteur pourra vous aider. Il a beaucoup d'expérience dans ce domaine. »

Sur un dernier salut, les kazoriens se retirent. L'Enteprise peut alors quitter l'orbite de la planète pour entamer son voyage de retour vers la Terre. Une fois l’accélération donnée, Sulu baille en se rejetant en arrière sur son siège.

« C'est parti pour une semaine de voyage ennuyeux à mourir, murmure-t-il.

-Tout de même pas, sourit Kirk. On va pouvoir continuer à jouer à qui dit le mieux la vérité avec nos invités. À moins que la loi de Murphy s'invite dans l'équation bien sûr.

-La loi de Murphy ?, demande Spock d'une voix intéressée. Je ne crois pas avoir jamais entendu parler de cette loi scientifique.

-Oh c'est une vieillerie du vingtième siècle. Elle dit en somme que ''tout ce qui peut tourner mal, tournera mal''.

-Superstition ridicule, conclut Spock en se retournant vers sa console. »

Superstition peut-être, n'empêche que l'Enterprise apprendra vite que la loi de Murphy s'applique à elle dans des proportions jusque là inégalées. Sans le soupçonner, Pavel rit de la grimace de Kirk à son second et retourne à ses équations.

Le soir même, quelques uns des diplomates se joint aux officiers pour le repas. La conversation se tourne une fois de plus vers le fonctionnement des vaisseaux spatiaux. Pavel sent Uhura avide de continuer ses questions sur le fonctionnement des langues kazoriennes. Elle se restreint, gardant ses questions pour une autre fois. Le repas se déroule sans incident, mais Pavel a l'impression d’assister à une discussion à sens unique, les kazoriens répondant à beaucoup moins de questions qu'ils n'en posent.

...

Le lendemain, alors qu'il sort d'un laboratoire, Pavel se retrouve presque nez à nez avec le capitaine Kirk. Il commence à s'excuser, mais celui-ci lui offre un grand sourire.

« Et bien Chekov, je croyais que c'était votre jour de congé. Que faites-vous au laboratoire ?

-Je faisais des équations capitaine. Pour le plaisir.

-Il va falloir redéfinir votre définition des congés, plaisante Kirk. Mais j'ai l'impression que vous n'êtes pas le seul à avoir ce problème.

-Et vous capitaine ? Je veux dire, ce n'est pas votre jour de congé ?

-Si, mais la ministre Talmari m'a demandé de passer la voir. Je peux difficilement dire non malgré mon envie d'une sieste. J'espère ne pas y passer la journée ! Je vous voie plus tard Chekov. »

Le jeune enseigne salue et quitte son capitaine à l'entrée des quartiers de leurs invités avant de vaquer à ses propres occupations. Sa journée de congés passe à toute vitesse. En se rendant au mess, il croise un officier des communications qui l'arrête au vol. Le capitaine n'a pas été vu depuis le début de l'après-midi lui apprend-t-il, et le second le cherche. Pavel s'imagine qu'il est toujours coincé avec la délégation kazorienne et décide de faire un détour pour vérifier.

Il frappe à la porte des appartements de l'ambassade et celle-ci s'ouvre. La ministre Talmari l’accueille de l'autre côté, une femme de grande taille se tenant tout près d'elle.

« Excusez-moi, le capitaine est-il encore là ? Il est demandé sur le pont, demande Pavel, intimidé par la froideur des deux femmes.

-Non. Il nous a quitté il y a plusieurs heures déjà. Il parlait d'aller se reposer je crois.

-Oh. Je m'excuse alors je pensais qu'il était peut-être chez vous. Je vous... »

Pavel s’interrompt soudainement. En essayant d'éviter le regard des deux femmes si intimidantes, Pavel a porté son regard sur le sol. Une petite tache de sang rouge écarlate s'étale sur le sol. Une information issue de la réunion préalable à la rencontre avec les kazoriens surgit dans le cerveau du jeune garçon : le sang des kazoriens est beaucoup plus clair que celui des humains. Ses yeux cherchent fébrilement un indice, puis s'écarquillent. Il vient d’apercevoir un pied portant la botte réglementaire de l'uniforme de la Starfleet. Il n'a pas le temps de se précipiter pour appeler à l'aide qu'un choc l’assomme. Le jeune enseigne tombe comme une pierre sur le sol.

Quand il se réveille, il lui semble qu'un tambour bat à l'intérieur de sa tête, pire que lorsqu'il a goûté de la vodka pour la première fois. Dès qu'il arrive à rassembler ses idées il se souvient de ce qui s'est passé et se redresse à toute vitesse.

Il est dans une espèce de débarras, sans doute dans la suite des kazoriens. Plusieurs caisses occupent l'espace et des vêtements compliqués sont accrochés dans une penderie. Adossé à l'une des caisses repose le capitaine Kirk. Pavel s'inquiète immédiatement. Du sang sèche sur son front en quantité inquiétante. Il s'approche pour constater la gravité de la blessure et sa peur pour le capitaine augmente en voyant son visage livide et couvert de sueur. Il saisit son bras pour tenter de le réveiller et Kirk ouvre immédiatement ses yeux. Ceux-ci font rapidement le tour de la pièce avant de se fixer sur Pavel.

« Chekov. Ils vous ont eu vous aussi ?

-Oui capitaine. Pardon. Monsieur Spock vous cherchait et je pensais que vous seriez encore ici.

-Quelqu'un sait où vous êtes ?

-Non. J'ai dit à un officier que je savais où vous étiez, c'est tout. Pardon. Que c'est-il passé ?

-La plupart des sois-disant ambassadeurs étaient des contrebandiers voilà quoi. Ils tenaient la ministre Talmari en otage pour la forcer à signifier le refus des kazoriens de rejoindre la Fédération. Ils ont trop d'intérêt à ce que les mines kazoriennes restent sans protection. Ils portaient des sortes d'écrans électroniques leur donnant l'apparence de kazoriens.

-Et vous les avez découvert ?, s'émerveilla Chekov.

-Non. Ces bâtards ont drogué mon thé. J'ai compris que quelque chose clochait quand j'ai commencé à faire une réaction allergique à leur mixture. J'ai tenté de me défendre et ils m'ont assommé. Je crois avoir une concussion et pour une fois je serais ravi que Bones et ses vaccins soient ici.

Kirk épongea la sueur et le sang de son visage.

-Il nous faut sortir d'ici pour prévenir tout le monde. Et j'ai besoin d'aller à l'infirmerie avant que ma gorge ne gonfle d'avantage. Mieux vaut que j'évite de me lever pour le moment. Chekov, fouiller ces caisses et voyez si vous trouvez des armes à poing ou à feu ou quoi que ce soit qui puisse nous aider à ouvrir cette porte de l'intérieur.

Hochant la tête avec ferveur, Chekov se met à l'ouvrage. Le bilan n'est pas bon. Les caisses sont pleines d'explosif, mais trop puissants pour ne pas les blesser dans l'explosion de la porte. Il n'y a pas d'armes, mais le jeune homme mets la main dans la garde robe des ambassadrice sur de longues aiguilles à cheveux qui ravissent le capitaine. Celui-ci les saisit et s'approche de la porte en s'efforçant de ne pas s'effondrer.

« L'avantage d'avoir un passé de voyou, dit-il en souriant, c'est qu'on apprend quelques trucs qui ne sont pas dans le manuel d'officier. Voyons ce que je peux faire...

Se servant de ses mains, il parvient à faire sauter la plaque de sécurité derrière laquelle se cache le système d'ouverture de la porte. Aussitôt, il se met à enfoncer les aiguilles à l'intérieur avec précautions

-Comment ça se fait qu'il y en ai une sécurité de ce côté ? C'est juste une garde-robe.

-Oh j'ai trouvé la réponse dans un bouquin d'anecdotes sur la Starfleet, ricane Kirk. Un capitaine il y a cinquante ans environ avait sa femme et sa maîtresse sur le même navire. Un jour elles se sont croisées au mauvais moment. Plutôt que de s'écharper elle se sont alliées contre lui et l'ont enfermé dans le débarras. Il est resté coincé trente six heures jusqu'à ce que quelqu'un l'entende cogner à la porte. La Starfleet a mis des sécurités des deux côtés de chaque porte depuis. Bien sûr, nos clandestins ont coincé la porte, mais j'espère réussir à... oui !

La porte s’entrouvre et Pavel s'empresse de repousser les battants. Heureusement, le petit salon sur lequel elle ouvre est vide. Il n'en est hélas pas de même pour la porte menant vers le salon principal et la sortie des appartements des passagers, bloquée aussi. Pavel colle son oreille à la porte et entends un homme de l'autre côté. Une sentinelle. Kirk se traîne jusqu'à la table où il renifle puis avale un grand verre d'eau. Il continue à suer et a commencé à trembler de manière irrépressible.

-Regardez s'il y a des armes dans les pièces voisines.

Aucun garde n'est resté, heureusement pour Pavel dont la maîtrise des armes est à peu près nulle. Dans une des chambres, il trouve cependant la ministre Talmari ligotée sur son lit. Il se précipite pour la libérer et la réconforte du mieux qu'il le peut tandis qu'il l’amène à Kirk. La froideur de la politicienne s'est effacée et c'est en tremblant et en s'excusant constamment qu'elle explique ce qui s'est passé. À part elle, tous les autres membres de l'ambassade étaient membres d'un équipage pirate se servant de la technologie kazorienne pour se donner une autre apparence. De qu'elle a entendu de leurs plans, ils comptent droguer les officiers au cours du repas et s'emparer ainsi du navire. Un tel acte, si audacieux, a de grandes chances d'effrayer toute planète souhaitant rejoindre la Fédération et mettrais le secteur de Kazor sous la coupe des pirates et contebandiers.

« C'est insensé mais... Soyons sincère, le fonctionnement de l'Enterprise est encore chaotique. Les deux tiers de l'équipage en sont à leur première affectation. Pour les officiers, on atteint les trois quart. Les kazoriens étant connus pour leur pacifisme et leur honnêteté, personne n'imaginerai que ces vingt personnes ont la volonté et la capacité de prendre un vaisseau comme l'Enterprise. Et avec des explosifs comme ceux qu'on a vu dans la garde-robe, ils ont la possibilité de créer une diversion de taille. Ça peut marcher. Combien de temps s'est-il écoulé depuis l'arrivée de Chekov ?

-Une demi de vos heures, tout au plus, répond la ministre.

-Ils doivent donc être au repas prévu en votre honneur au mess des officiers. Si la drogue qu'ils leur ont donné est aussi efficace que celle que j'ai reçu, on peut compter ceux-là comme hors service. Ce qu'il faut, c'est réussir à contacter le pont, l'infirmerie et les machineries pour leur signifier de se barricader à l'intérieur et de s'apprêter à recevoir de la visite.

-Ils n'ont laissé aucun appareil de communication capitaine. Il faut passer par le garde pour sortir, si vous parvenez à forcer la porte. Mais il est probablement armé.

-Comment vous vous débrouillez au corps à corps et avec une arme Chekov ?

-Pas très bien, avoue celui-ci, en rougissant.

-Il faudra remédier à cela.

Pavel opine de la tête, mais l'homme derrière la porte l'inquiète bien moins que l'état du capitaine. Ses tremblements se font plus forts et sa respiration devient sifflante. Il bois en continu toute l'eau qu'il peut. Le jeune enseigne voudrait pouvoir l'aider, mais le seul à pouvoir le faire est le docteur McCoy.

-Je vais forcer la porte, décide Kirk. Ministre Telmari, cachez vous dans votre chambre et n'en sortez pas. Dès que la porte est ouverte, je me charge du garde, en espérant qu'il n'y en ait qu'un. Chekov vous ne vous occupez pas de moi, vous courrez du plus vite que vous pouvez au communicateur le plus proche. Alertez les machineries en priorité puis la passerelle et l'infirmerie.

-Je ne déclenche pas l'alerte générale ? S'étonne le jeune homme.

-Surtout pas. Ils sauraient que leur plan est tombé à l'eau et pourraient déclencher des explosifs, s'ils les ont déjà mis en place. Dès que vous avez fait ça, allez chercher un responsable de la sécurité. Ordonnez-lui d'envoyer des hommes sur le pont et en salle des machines pour empêcher un sabotage. Ensuite, allez vous occupez des officiers au mess et envoyez moi une équipe médicale.

-Pardonnez-moi capitaine, s'excuse Pavel d'une voix un peu effrayée où l'accent russe se fait plus fort. Mais est-ce que vous êtes en état...

-J'ai plus de chance de mettre à terre ce garde que de réussir un sprint Chekov, le gronde Kirk. C'est mon vaisseau et mes hommes qui sont en danger.

-Vous tremblez capitaine, remarque la kazorienne.

-Une réaction allergique. J'ai l'habitude, et si elle ne m'a pas encore tué, il y a peu de chance qu'elle le fasse maintenant. Ne discutez plus Chekov, on y va. »

Le regard décidé de Kirk met fin aux hésitations de Pavel. Le capitaine a raison, le vaisseau doit passer le premier, et l'état du capitaine ne peut qu'empirer s'ils attendent qu'on viennent les libérer. Il n'y a plus qu'espérer que le gonflement de la gorge de Kirk n'empire pas et ne l'empêche pas de respirer. Pavel sait qu'il tient sa vie entre ses mains. C'est à lui d'être assez rapide pour prévenir le vaisseau de la menace et envoyer quelqu'un soigner le capitaine. Il opine de la tête et Kirk lui donne les épingles dont il s'est servi pour ouvrir la porte.

« Mes mains tremblent trop pour le faire, déclare-t-il et il me faudra sauter sur le garde dès que la porte sera suffisamment ouverte. Suivez bien mes instructions. »

Avec les conseils du capitaine, la porte s'ouvre en quelques minutes. Kirk se précipite immédiatement sur son adversaire. La réaction de celui-ci est immédiate et il renvoie Kirk à terre d'un coup de poing. D'abord figé d'effroi, Pavel se reprend et cours à toute vitesse jusqu'à la porte. Celle-ci s'ouvre heureusement sans peine et il entame une course frénétique dans les couloirs.

Une salle de relaxation pour l'équipage qui n'est pas en service se trouve heureusement non loin. Sans prendre le temps de saluer, Pavel se précipite sur l'intercom et lance ses deux appels. Il ne laisse pas la moindre occasion au lieutenant Scott et à ses deux autres interlocuteurs de protester et leur répète que l'ordre vient du capitaine. Cela fait, il se tourne vers les hommes d'équipage.

« On ne lance pas l'alerte générale ?, demande un grand homme baraqué en uniforme rouge que Pavel a entendu le capitaine surnommer ''Cupkake''.

-Non. Ordre du capitaine. Il veut qu'on envoie du soutien à la passerelle, aux machineries et au mess des officiers. Le capitaine va avoir besoin d'un médecin également.

-D'accord. Toi et moi on y va, décide Cupkake, retenant visiblement le mot ''gamin'' à la dernière seconde. Il est blessé ?

-Peut-être. Il a fait une crise d'allergie et il se battait contre un des pirates quand je l'ai quitté. »

L'homme de la sécurité donne l'ordre d'aller quérir un docteur et de l’amener auprès du capitaine au plus vite, puis il leur fait adopter un pas rapide pour aller porter secours au capitaine pendant que le reste des hommes s'occupe de reprendre le navire. En quelques minutes, ils rejoignent la pièce où Pavel a laissé le capitaine. Cupkake rentre le premier, son phaser à la main. Il le rabaisse immédiatement pour se précipiter aux côtés du capitaine.

L'ambassadrice le soutient, ses mains placées sur une tâche de sang qui s'élargit à son côté. Au fond de ses orbites creuses, ses yeux sont terrorisés.

« Le pirate avait un couteau. Je ne sais pas quoi faire, je ne connais pas la médecine humaine !

-Chekov, faites lui un bandage d'urgence, ordonne Cupkake.

Pavel saisit le premier tissu qui passe sous sa main, une nappe tombée à terre dans la bagarre et suis les ordres de son compagnon. Celui-ci s'empare du voile de la politicienne et s'en sert pour nouer les mains de l'adversaire du capitaine, assommé par celui-ci, dans son dos. Il ramasse ensuite le couteau et le phaser tombés dans la bagarre et les mets hors d’atteinte.

Sous les mains de Pavel, le capitaine se met à bouger. Il ouvre les yeux, respirant avec encore plus de difficultés que lorsque le jeune enseigne l'a laissé.

-Oh, Cupkake, murmure-t-il en un sifflement ténu. Vous venez encore pour m'arrêter ?

-Pas cette fois capitaine. Tenez-bon, de l'aide arrive.

-Mon navire ?

-On s'en occupe. »

Visiblement rassuré par ces propos, Kirk sombre dans l'inconscience. Au même moment des bruits de course résonnent dans le couloir. Pavel n'a jamais été aussi soulagé de voir arriver des médecins. Il regarde le capitaine être placé sur une civière puis se remet à courir vers le mess des officiers. En se réveillant, Kirk voudra savoir l'état de l'équipage et du navire, et mieux vaut informer le second des informations découvertes par le capitaine.

Quand Kirk ouvre les yeux, allongé sur un lit de l'infirmerie, sa première parole est pour demander où est Pavel. Celui-ci, assit sur une chaise, saute immédiatement à ses côtés.

« A vos ordres, capitaine, salue-t-il avant de poursuivre sans y avoir été invité. Le navire est intact, l'équipage aussi, les pirates ont été appréhendés et monsieur Spock fait son rapport à Starfleet. La plupart des officiers ont été drogués et se sont endormis. Sauf monsieur Spock sur qui elle n'a pas agit et qui se battait contre deux pirates dans le mess quand je suis arrivé. Les autres essayaient de forcer l'entrée du pont.

Kirk pousse un soupire de soulagement et s'apprête à poser une autre question. Le docteur McCoy surgit à son côté avant qu'il n'ai pu dire un mot et commence à vérifier toutes ses constantes.

-Bon sang Jim, il fallait que tu nous ressorte tes allergies au pire moment. Trente personnes ont été droguées, une dizaine d'entre elles non humaines et donc plus susceptibles que toi de faire une réaction à une drogue humaine, et bien sûr tu est le seul à commencer à gonfler et à suer. On a failli te perdre.

-Je n'ai pas fait exprès Bones. Je n'ai pas demandé à être drogué. Ni à être poignardé.

-Il semblerait toutefois que vous attiriez les ennuis, remarque Spock en entrant dans la pièce. Votre ''loi de Murphy'' s'appliquerait-elle particulièrement à vous ?

-Je crois que c'est pire encore que ça, sourit Uhura en s'approchant à son tour du lit de Kirk. Il cherche tellement les ennuis que ceux-ci finissent par venir à lui. Beau travail pour arrêter ces pirates, capitaine.

-Quand je pense qu'on a dormi pendant toute l'action, gémit Sulu. Vous nous appellerez la prochaine fois j'espère capitaine !

-Je promet de vous laisser gérer tous les ennuis la prochaine fois, promet Kirk avec un large sourire. Je m’essayerai dans un coin et je compterai les points en mangeant des cacahuètes.

-Certainement pas. C'est marqué dans la liste des aliments auquel tu est allergique Jim. »

Uhura retient un léger pouffement. Pavel lui ne peut pas retenir son sourire. Tout est rentré dans l'ordre, et il peut entendre dans la voix des officiers présents un respect qui n'y était pas pour le capitaine. Tous les yeux pétillent d'affection et de fidélité pour le blessé. Celui-ci se rallonge en poussant un soupir de satisfaction tandis que l'Enterprise continue en ronronnant sa route vers la Terre.


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