Le Cyclope (extrait)

Chapitre 1 : Le cyclope (extrait)

Chapitre final

4573 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/10/2018 22:40

Ce texte a été composé pour le Défi par l’image (Garibaldi Lake) de septembre octobre 2018. Il constitue une sorte de crossover avec le film « Ulysse » (de Mario Camerini, 1954).

 

LE CYCLOPE (extrait)

 

— Passerelle à la salle des machines. Rapport d’avaries, Scotty ?

— Cette tempête magnétique n’a pas fait de bien à nos instruments, Capitaine ! Je vais devoir recalibrer toutes les bobines manuellement et ça va me prendre plusieurs heures si l’ordinateur principal ne se relance pas très vite !

— Et les systèmes de survie ?

— Très affectés, la moitié des ponts grelotte, on a perdu de l’oxygène dans certains hangars heureusement vides... Le Dr McCoy a déjà organisé un transfert dans les quartiers d’habitation vers les zones les plus sûres et les plus chauffées… Il se plaint également que les synthétiseurs sont entièrement déréglés et ne peuvent fournir ni boissons chaudes, ni médicaments pour ceux qui ont été blessés par la perte momentanée des stabilisateurs inertiels… Malheureusement, je ne peux pas m’en occuper pour l’instant…

— Ne vous inquiétez pas, Scotty. Continuez les réparations sur la propulsion, je vais voir ce que je peux faire pour le Dr McCoy… Kirk terminé.

La communication coupée, le capitaine James T Kirk se tourna aussitôt vers son premier officier qui stabilisait sa position verticale d’une main sur la console. Comme d’habitude, le Vulcain conservait son masque impassible. Seule une légère estafilade vert sombre, prolongeant son sourcil déjà dangereusement incliné, signalait qu’il s’était coupé en tombant la tête la première sur son analyseur de données, quand le vaisseau s’était mis à girouetter, comme un fétu de paille emporté dans la tourmente.

— Avez-vous une idée d’où nous sommes, M. Spock ?

— Pas encore, capitaine. L’attraction de cette étoile naine, ajoutée à la tempête magnétique de la Nébuleuse de la Boîte, nous a expédiés à l’équivalent d’une distorsion 7 dans un secteur relativement encore mal connu par les vaisseaux de la Fédération… Toutefois, les dernières données des détecteurs avant la remise à zéro de l’ordinateur, indiquaient qu’il y a un système planétaire à proximité.

— Nous verrons cela, laissons le temps à M. Scott de réparer au moins l’impulsion. En attendant, allez faire soigner votre arcade sourcilière à l’infirmerie et profitez-en pour voir si vous pouvez être d’une quelconque utilité au Dr McCoy. Je descends à l’Ingénierie… M. Sulu, vous avez la passerelle.

— Oui, capitaine.

Kirk contourna son fauteuil de commandement anguleux pour se diriger vers l’ascenseur aux portes rouges où il entra d’un pas alerte, son premier officier sur les talons. Ce dernier n’avait pas dit un mot mais suintait la réprobation muette par tous les pores : juste en dessous de sa frange noire, son regard fulminait juste un peu.

Infirmerie, commanda le capitaine en s'agrippant à la poignée. Vous avez une remarque à me faire, Spock ? demanda-t-il en le dévisageant avec un léger sourire.

— Ce n’est qu’une simple coupure, capitaine, je pouvais tout à fait continuer à travailler...

— Je sais. Mais si vous voyiez la tête qu’elle vous fait… J’avais du mal à conserver mon sérieux.

— Capitaine... le Dr McCoy va encore me dire que je le dérange pour rien alors qu’il est débordé…

— D’où l’idée que vous lui proposiez vos services pour les synthétiseurs… Si tout se passe bien, il verra tout cela comme une simple expression de votre fierté… Une excuse pour ne pas lui demander directement s’il a besoin d’aide…

Kirk fit une légère pause, l’air assez content de son petit stratagème mais son vis-à-vis ne s’en laissait pas conter. Le capitaine poursuivit donc :

— Ne croyez pas que je ne remarque pas votre petite brouille depuis la mission de sauvetage de l’USS Beagle. Je ne sais pas ce qui s’est passé là-bas et je ne veux pas le savoir, mais j’ai besoin que vous régliez ça maintenant ! Vous êtes arrivé, l’informa-t-il nuançant d’un sourire la fermeté de son propos précédent.

La porte de l’ascenseur s’ouvrit et le Vulcain parut hésiter sur son seuil, infime symptôme s’il en était de la lutte intérieure qui se déroulait en lui, à l’instant même. Il se contenta de répondre un “oui, capitaine” peu enthousiaste face à l’amusement de ce dernier qui ajouta, taquin :

— Et sinon, vous pourriez toujours demander à l’infirmière Chapel qu’elle vous donne ces soins… Vous seriez bien le seul à ne pas avoir remarqué qu’elle n’y verrait aucun inconvénient...

La brève lueur d’alarme très vite maîtrisée dans l’œil sombre du lieutenant commandeur Spock Je Vous Épargne Mon Patronyme, premier officier de l’USS Enterprise, acheva de dérider son capitaine. Techniquement, ce n’était pas comme si Spock n’avait rien remarqué, bien sûr. C’était juste que...

— Allons, allons, on croirait que je vous demande une chose insurmontable ! Choisir entre Charybde et Scylla ? Convenez que Christine est nettement plus charmante et plus douce que notre bon docteur, non ?… Salle des machines !

Les portes se refermèrent sur le commandeur et son expression insondable. Le capitaine était néanmoins content d’avoir pu en profiter pour faire passer son message. Il n’aimait pas que ses deux officiers les plus proches se battent froid depuis des jours.

Ils étaient en train de procéder à une observation scientifique planifiée autour d’une étoile naine, quand une poussée parfaitement imprévue, due à une panne matérielle dans les stabilisateurs, les avait déportés au-delà de la distance minimale de sécurité requise. Quand l’étoile avait commencé à les attirer inexorablement avec une force implacable, il avait fallu pousser les moteurs à plein régime pour échapper à son attraction. Rien d’insurmontable, jusqu’à ce que le bond qu’ils avaient fait, en passant en distorsion maximale, les propulse au beau milieu d’une tempête magnétique déréglant copieusement leurs instruments…

En charge de la mission scientifique, le Pr Argolis embarqué depuis la dernière base stellaire, avait été d’une humeur massacrante en quittant la passerelle, clamant qu’il attendait mieux d’un vaisseau comme l’Enterprise qui venait de saboter une mission essentielle, qu’il ferait son rapport à Starfleet sur les manquements qu’il avait observés, et la légèreté avec laquelle on ruinait le travail d’une vie… Il s’était gagné juste une prunelle polaire de Spock, qui n’avait pas dit un mot, peaufinant son outil tactique de désapprobation muette.

Kirk restait philosophe. Il avait confiance dans son équipage. Son objectif immédiat n’était pas ce scientifique chagrin mais de faire le tour des différents points névralgiques du vaisseau car l’intercom fonctionnait par intermittence. Il afficha son air le plus avenant et le plus énergique en débarquant en salle des machines comme en terrain conquis, pour assurer fermement l’ingénieur Scott de sa plus totale, et indéfectible, confiance dans ses capacités.

.°.

Le petit carillon subtil accompagnant la téléportation les déposa d’un jet lumineux scintillant sur la planète Trenzel. Modeste petite sphère pâle possédant deux lunes, quelques anneaux, et orbitant hors de la zone d’écliptique de son étoile jaune clair, la surface n’était que peu éclairée par son astre très brillant, à peine quelques heures par jour. Le reste du temps, elle était plongée dans une pénombre similaire à celle qui existait aux pôles de la Terre. Mais apparemment, ça suffisait bien.

A part McCoy et le capitaine, l’équipe d’exploration était composée de deux botanistes auxquels Sulu s’était joint, de Chekov, ainsi que d’un petit détachement de trois membres de la sécurité. Trop heureux de rester quelques temps hors de portée des vociférations du docteur, Spock avait décliné avec son couplet habituel sur l’urgence des réparations à accomplir à bord. Prendre un peu l’air lui aurait pourtant fait du bien.

Mais en contemplant le paysage où ils venaient d’arriver, Kirk ne put s’empêcher d’oublier sa contrariété et d’avoir un instant le souffle coupé devant la beauté du panorama qui s’offrait sans honte à ses yeux avides de tout embrasser. Son cœur tressaillit un bref instant face à la splendeur des monts enneigés, reflétés dans l’eau cristalline violemment bleutée d’un grand lac qui baignait leur pied. Sur les berges encombrées de rochers bruts, des conifères épais dressaient fièrement leur éternelle verdure à l’assaut d’un ciel pur où quelques nuages peu nombreux flottaient dans un azur limpide et vertigineux… La lumière vive mais un peu froide durcissait les contrastes, mais qui aurait songé à s’en plaindre ? Pas lui !

— Que c’est beau ! laissa-t-il échapper malgré lui. On dirait un peu… le Canada !

Kirk inspira à fond plusieurs profondes bouffées d’un air si peu pollué qu’il lui paraissait entêtant. Il se serait trouvé seul, il aurait volontiers tombé l’uniforme et piqué une tête dans l’eau du lac.

— M’oui, bof, ça ne vaut pas la Sibérie, commenta Chekov blasé, levant à peine le nez de son tricordeur. Faites attention, koptiyne, la concentration en oxygène est légèrement plus élevée que la normale…

— Des formes de vies ?

— Peu nombreuses et très disséminées. Les plus proches semblent se trouver actuellement de l’autre côté de ce grand lac, nous ne devrions pas les rencontrer si nous faisons vite.

— Tant mieux, car vu leur faible niveau d’industrialisation, la Directive Première nous aurait contraint à quelques efforts vestimentaires pour passer inaperçus… Oh, regardez par ici ! C’est... un sanglier !?

Un membre d’équipage dégaina son phaseur et envoya une petite décharge vers l’animal qui s’effondra le groin le premier dans un tapis d’aiguilles et de pommes de pin. L’animal ayant disparu depuis longtemps de la Terre, tous accoururent et McCoy passa son scanner au-dessus du petit corps tout chaud.

— Comestible et en bonne santé, ce marcassin est très gros mais sans danger, maugréa-t-il. Vous pouvez l’emporter...

McCoy s’attendait à moitié aux commentaires implicitement moralisateurs de Spock-le-végétarien sur la pratique barbare consistant à ingurgiter des animaux morts. Mais évidemment rien ne se passa puisque le Vulcain boudait sur le vaisseau...

— Hé, capitaine ! Venez-voir un peu ça ! appela une tunique rouge accroupie un peu plus loin du groupe.

Bien décidé à suivre Jim comme son ombre, ce qui lui offrait un dérivatif à ses ruminations, le docteur lui emboîta le pas, un hypo d’antihistaminiques à large spectre déjà paré au creux de la paume. L’enseigne de sécurité désigna par terre ce qui avait attiré son attention et qui ressemblait quand même à une très grosse empreinte de pied nu de soixante-dix centimètres, parfaitement moulée dans tous les détails par la glaise. Le capitaine eut un léger sourire en coin pour commenter :

— Et quoi ? Serions-nous encore tombés sur la demeure d’un dieu ? Très honnêtement, Apollon m’a bien suffi...

— Allons, ça ne devrait pas vous impressionner, c’est à peine plus grand que les péniches de Spock… Ne nous dispersons pas, nous avons peu de temps. Avançons dans cette direction pour aller puiser de l’eau ! les pressa McCoy.

Mais l’air de rien, après avoir reconsidéré l’empreinte et jeté un petit coup d’œil à Bones, le capitaine donna l’ordre à tout le monde de régler les phaseurs sur “Assommer”.

.°.

Par équipe de deux, la petite troupe s’égailla pour commencer son exploration du terrain, en appariant autant que possible un enseigne de sécurité et un botaniste. Assez vite, Sulu, toujours à portée de voix, s’écria qu’il venait de trouver du raisin sur des ceps particulièrement impressionnants et vigoureux. C’était assez étrange car les conditions climatiques fraîches ne lui paraissaient pas très propices à faire pousser quelque chose d’aussi propre aux pays chauds...

Climat continental ou pas, le docteur eut toutes les peines du monde à les empêcher de s’empiffrer jusqu’aux yeux avant qu’il n’ait vérifié les grappes. Fort heureusement pour eux, il ne trouva rien d’inquiétant ‒ si ce n’était des fruits indécemment gros, sucrés et quasiment déjà alcoolisés. Dommage que l’ordinateur de bord n’ait pas pu fournir tout de suite une analyse plus détaillée de la zone pour répondre à ce qu’il percevait comme des incohérences, même à son niveau de non spécialiste.

C’est en s’approchant pour cueillir plus de raisin que l’équipe d’exploration entendit ensuite distinctement retentir ce qui ressemblait à s’y méprendre à des bêlements, confirmant si besoin que les habitants devaient être des fermiers et des cultivateurs… C’était tout de même une veine de pendu d’être tombés sur une planète de cette sorte, alors que le vaisseau avait justement un petit problème de ravitaillement...

En se dirigeant à l’oreille pour trouver la ou les bêtes qui s’étaient peut-être égarées, ils arrivèrent vite à l’entrée d’une grande ouverture rocheuse dont ils s’approchèrent avec prudence en formation resserrée.

— A part des animaux, je ne détecte rien, assura Chekov, le sourcil froncé.

— Pourquoi ne les avez-vous pas signalés tout à l’heure quand j’ai demandé s’il y avait des formes de vie ? questionna Kirk.

— C’est ça qui est bizarre… J’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui perturbe toujours les instruments… Regardez, un coup les bêtes sont là… et un instant après, elles n’y sont plus…

Il secoua l’appareil et refit un tour sur lui-même pour scanner les alentours. Kirk lui adressa un sourire rassurant avec une tape sur l’épaule, avant de les conduire à l’intérieur.

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Passant du clair au sombre, il leur fallut un instant pour ajuster leur vision avant de constater que des brebis étaient bien là, parquées dans un petit enclos fait de branchages mal taillés à l’intérieur de cette caverne où l’on n’y voyait guère.

— Prenez-en juste une ou deux, on a déjà le sanglier, recommanda Kirk.

S’approchant d’un membre d’équipage qui avait trouvé une jatte énorme, manifestement pleine de lait, il commença à considérer l’intérieur de l’habitation troglodyte, et surtout la taille des objets manufacturés qui lui sauta soudain aux yeux. Cette jatte, les paniers tressés... Il s’approcha d’un pilier contre lequel il s’appuya un instant avant de réaliser que c’était le manche d’une hache en silex, une fois et demie plus grande que lui ! Avec la trace de pied de tout à l’heure, son esprit sautait vite aux conclusions...

Sulu s’approcha de lui, les bras chargés d’une grande tomme de fromage.

— Capitaine, nous avons ce qu’il faut au niveau des protéines, mais si on veut trouver des plantes intéressantes pour d’éventuels remèdes, il vaut mieux y aller maintenant. Je ne sais pas pourquoi, j’ai un mauvais pressentiment ici.

— Très bien, M. Sulu, organisez la remontée de ces vivres à bord pendant que nous occupons de l’eau et des plantes…

— Entendu, capitaine.

— McCoy, Riley, Ross, avec moi. On ressort pour la collecte médicinale...

Le jeune enseigne navigateur les rattrapa en courant, soulevant son tricordeur à bout de bras comme pour le sauver des eaux.

— Koptiyne ! Avant que vous partiez... Ces relevés sont anormaux, vraiment. J’ai l’impression qu’il y a une forme de vie qui s’approche…

— Quoi ? Mais vous avez dit que les premières étaient à une heure d’ici…

— Je suis aussi surpris que vous…

Jim se saisit de son intercom portable accroché à sa hanche, pour en ouvrir le clapet grillagé.

— Kirk à Enterprise, répondez.

Ici Enterprise, fit la voix grave et posée de Spock.

— M. Spock, préparez-vous à faire remonter la moitié de l’équipe au sol en verrouillant sur les coordonnées de M. Sulu à son signal. Nous restons pour collecter quelques plantes médicinales et suffisamment d’eau… Par ailleurs, je voulais vous demander, est-ce que les senseurs sont en mesure d’effectuer un balayage de la planète ?

Affirmatif, capitaine.

— Faites-le, s’il vous plaît. Le tricordeur de M. Chekov semble défectueux et affiche des résultats d’analyse aberrants. Faites-moi un rapport quand ce sera prêt. Kirk, terminé.

.°.

Le Dr McCoy avait obligé le capitaine à porter des gants. Et pour faire passer la mesure comme non discriminatoire, tous les botanistes devaient en porter aussi. Il suffisait qu’il veuille filer un coup de main pour qu’il tombe sur la seule espèce d’ortie du coin… Ne pouvant se montrer particulièrement utile à part pour détecter naïvement toutes les variétés les plus dangereuses et urticantes en un temps record, le capitaine s’était éloigné de quelques pas et s’attelait à comprendre ce qui clochait avec le tricordeur dont il avait dévissé le capot.

L’envie le démangeait d’appeler Sulu pour s’assurer que tout allait pendant bien car l’appareil fournissait des données par intermittence et il ne savait s’ils devaient se préparer à un premier contact sous peu ou pas du tout...

En dirigeant l’appareil sur la roche où il était assis pour faire un test, il sursauta brusquement en constatant qu’il s’agissait d’une pierre tombale parfaitement nette et bien formée qui se changea en un clin d’œil en une vieille roche moussue.

— Ça par exemple ! s’exclama-t-il en se relevant pour s’agenouiller à côté.

Une exploration manuelle sommaire lui permit de découvrir que le minéral ancien était gravé de lettres qu’il avait du mal à identifier en raison de l’érosion. Autour de lui, le paysage qui s’était avéré enchanteur à leur arrivée le frappa brutalement par sa désolation. De la terre retournée et grêlée de cratères, pas une once de végétation, un ciel bas d’apocalypse… Très circonspect, il rappela l’Enterprise mais sans succès, n’obtenant que des grésillements inaudibles. Impatienté, il se leva et dès que son mouvement fut achevé, le paysage autour de lui était redevenu parfaitement normal.

Il s’approcha de McCoy qui examinait une racine.

— Bones, appela-t-il à voix basse pour ne pas alarmer les autres, parvenez-vous à joindre l’Enterprise ? Je n’ai que des parasites...

Le médecin lui adressa un coup d’œil surpris avant de lui tendre son appareil avec lequel il parvint à joindre sans difficulté le vaisseau. Spock expliqua que tout était stocké dans des salles de chargement.

— Très bien M. Spock, pourriez-vous envisager de nous rejoindre avec un autre tricordeur, s’il vous plaît et nous faire descendre des paniers ? La récolte est plutôt bonne... Par ailleurs, vous pourrez me faire directement votre rapport sur les scans de la planète, j’ai vraiment besoin d’en savoir plus…

J’arrive, capitaine.

Kirk rendit son communicateur au médecin et se dirigea vers la grotte pour aller relever le personnel de sécurité. Ses yeux légèrement hésitants se posèrent sur une portion du paysage au-delà du lac, qu’il n’avait une fois encore, pas remarquée plus tôt.

— Bones ? questionna-t-il calmement pour s’assurer qu’il n’avait pas d’hallucination. Vous avez vu cette grande formation cubique là-bas ? Qu’est-ce que ça peut être ?

— Où ça ? demanda le docteur en mettant la main en visière.

— Sur la colline, je viens de la remarquer à l’instant. Un immeuble peut-être ?

Spock se matérialisa dans un halo vertical scintillant tout près d’eux. Il leur tendit l’appareil noir qu’il portait à la main pour procéder à un échange, effectua quelques manipulations et confirma :

— Je pense que vous avez raison capitaine, de toute évidence, cet appareil ne fonctionne pas correctement… Il signale la présence d’une très grande forme de vie près des deux gardes et si c’était le cas, ils n’auraient pu manquer de la voir et nous auraient appelés…

— Qu’est-ce que c’est ? Un animal ?

— Non. Partiellement humanoïde.

Jim allait essayer d’en savoir plus sur ce “partiellement” quand il vit Spock froncer les sourcils et porter la main à son front prématurément ridé par la vie au milieu d’humains idiots qui ne comprenaient qu’à moitié la justesse de ses formulations.

— Un problème, Spock ?

Malgré lui, le capitaine s’était approché, prêt à le retenir au cas où tomberait. L’officier en second ne répondit pas et écarquilla les yeux en secouant la tête comme pour s’ébrouer ou en proie à un vertige. Kirk lui serra le biceps pour le maintenir debout. Il héla le médecin.

— Ça va aller capitaine, protesta Spock en tâchant de se dégager maladroitement. J’ai juste été surpris.

Posant délicatement ce qu’il avait ramassé, McCoy afficha une moue préoccupée dont il n’avait pas conscience et procéda à une lecture rapide des constantes de Spock.

— Surpris par quoi ? Le taux d’oxygène ? demanda-t-il d’une voix professionnelle en passant son scanner de poche devant le visage du premier officier.

— Non il y a une sorte de… champ télépathique dans le périmètre… et ça vient… (Spock se tourna dans toutes les directions) de cette tour carrée, là-bas.

— Un champ télépathique ? répéta Kirk, content que quelqu’un d’autre voie aussi le bâtiment. Je ne peux parler que pour moi évidemment mais je ne perçois rien d’audible…

— Hum, ça je l’avais bien deviné, capitaine, répondit Spock. J’ai l’impression que ça diffuse une sorte de message de bienvenue.

— Vous n’en êtes pas sûr ?

Il est donné dans une langue qui m’est inconnue mais j’ai l’impression que la traduction m’arrive instantanément comme en surimpression mentale… En fait, au début pendant une seconde d’inattention, j’ai cru même que c’était en vulcain…

— Bon, nous verrons plus tard quand le vaisseau sera de nouveau pleinement opérationnel. Bones, si vous avez tout ce qu’il vous faut, passons reprendre les gardes et remontons à bord immédiatement.

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Pendant qu’ils se dirigeaient vers la caverne, Spock resta en arrière en retenant son capitaine pour le sonder de ses yeux noirs inquisiteurs, mais pleins de déférence. Il s’était composé un visage neutre, mais ce dernier restait frappant. Entre son teint jaune, ses paupières semblant fardées de violet et ses oreilles pointues, cette neutralité n’était qu’une vue de l’esprit.

— Qu’est-ce que vous ne m’avez pas dit ?

— Spock, je veux en savoir plus à propos de ce champ télépathique... Serait-il possible qu’il nous pousse à voir des choses qui ne sont pas là ? J’ai aperçu quelque chose tout à l’heure qui a disparu aussitôt et je m’inquiète que nous soyons potentiellement tous soumis à une forme d’illusion collective ou de manipulation mentale. Hey, ne faites pas cette tête, ce n’est pas comme si ça ne nous était jamais arrivé...

Spock ouvrit la bouche pour répondre qu’il ne “faisait aucune tête” mais un grand cri d’appel à l’aide déchira l’air, très vite relayé par la voix tendue de McCoy réclamant une téléportation d’urgence :

McCoy à Enterprise ! Un homme sévèrement blessé, verrouillez sur mon signal ! Jim, venez vite !

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Reconnaissant des tirs de phaseurs, les officiers se précipitèrent en direction de la caverne l’arme à la main et ils ne furent pas plus tôt à l’intérieur qu’ils ressentirent un déplacement d’air important au-dessus de leurs têtes. Une grande forme dont ils ne voyaient que deux énormes jambes se plaça derrière eux, en posant un monumental rocher devant l’ouverture pour les empêcher de ressortir.

Sur le qui-vive, les nouveaux venus parvinrent à distinguer les deux gardes assommés ou morts à terre auprès desquels le docteur s’était agenouillé. En confirmation, il secoua la tête d’un air lugubre en regardant les autres membres de l’équipage. Il ne prononça pas un mot mais le capitaine savait que ça équivalait à un “Ils sont morts, Jim”.

— Mais qu’est-ce que nous avons donc là ? fit une voix étrange dont le propriétaire sortit de l’ombre pour exhiber une apparence déconcertante

Une créature gigantesque, semblant principalement humanoïde mais dotée de greffes bioniques, les toisait en surplomb depuis une sorte d’œil unique monté au bout d’une tige qui lui sortait du front. Ses deux yeux semblaient avoir été crevés mais remplacés par un senseur optique

— Ce sont des petits voleurs… déclara-t-il avec colère.

— Non ! Nous ne sommes pas des voleurs mais des voyageurs égarés, dit Kirk en s’approchant pacifiquement les mains levées.

— Menteurs ! Vous avez pillé mon garde-manger ! accusa-t-il d’une grosse voix. Voyons voir si, au moins, vous êtes assez bons à manger !

Faisant reculer McCoy, la menace mortelle d’une main large comme trois battoirs plana au-dessus d’eux et propulsa deux doigts en direction des gardes au sol. Elle en cueillit un dont le géant cassa en deux la colonne comme une brindille, avant d’enfourner une moitié dans sa bouche et de l’avaler en mâchant à peine.

— Mh, un peu fade mais ça croustille. C’est pas mal finalement, dit-il avant de gober l’autre moitié du malheureux enseigne de sécurité.

Quand il fit mine de vouloir manger le second, sans même s’être consultés, tous les présents valides braquèrent leurs phaseurs vers lui et se mirent à tirer à pleine puissance en concentrant leur feu en direction de sa poitrine. Le géant poussa un rugissement de douleur et de rage, se protégea de son bras robotique et lança l’autre un peu au hasard dans l’espoir de les écraser comme des insectes.

— Bien, bien, bien, s’étrangla McCoy d’une voix blanche, je crois qu’on a juste réussi à énerver Gulliver. D’autres idées ?

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