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Chapitre 2 : Les arts de la diplomatie

3775 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/08/2021 20:59

Chapitre 2 Les arts de la diplomatie


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Tous les présents retinrent leur respiration en guettant une éventuelle réaction de Spock apprenant la présence urticante d'un représentant de ce qu'il fallait bien appeler, toujours métaphoriquement, un frère ennemi de son peuple. Le commandeur ne broncha pas lorsque le capitaine désigna d'une paume ouverte l'ingénieure romulienne qu'il ramenait de la raffinerie voisine.

Svelte et de taille moyenne, elle portait un uniforme droit sans attrait marqué au logo des exploitants de l'usine. Si l'on faisait abstraction de sa grande beauté, un détail frappait de suite chez elle : l'absence de frange traditionnelle droite ou en pointe. Ses cheveux lisses et très bruns étaient relevés en chignon et son front dégagé ne présentait pas d'excroissances osseuses. Cette coiffure allongeait son visage carré, à l'expression posée et légèrement hiératique. Sous ses sourcils inclinés, les deux yeux sombres et profonds s'arrêtèrent un instant sur Spock avec étonnement.

Avait-elle décelé dans les traits du commandeur tout ce qui leur manquait de « vulcanité » ? Au fond de ses pupilles intenses semblait briller la même lueur que dans celles du chat venant de tomber sur un canari. Les Romuliens étaient fort différents de leurs lointains cousins. En comparaison, ils étaient bien plus proches des humains sur le plan des émotions.

Elle s'avança d'un pas vers lui.

— Je me nomme T'Priss. N'y voyez pas d'offense si je vous corrige, capitaine Kirk, mais je ne suis qu'à demi-romulienne par ma mère. Mon père était Vulcain.

Peut-être un quart de seconde décontenancé par l'audace absolue d'une telle « mésalliance » certainement plus mal acceptée encore que la sienne, Spock se reprit vite. Il inclina brièvement la tête avec un « commandeur Spock », la main levée pour exécuter le salut de son peuple assorti du rituel « longue vie et prospérité ». Elle l'imita mais utilisa une autre formule, en vigueur d'ordinaire dans d'autres circonstances solennelles :

— Vous servir… est un honneur.

Kirk contint un sourire en imaginant cette réplique peut-être plus suggestive qu'elle ne l'était en réalité. En la voyant dévorer le grand brun des yeux, il lui prit la fantaisie d'imaginer un monde parallèle où Spock serait devenu, avec la destruction de sa planète, le plus beau parti qui fût : jeune, fils de diplomate haut placé, sorti major de sa promotion malgré son « handicap »... Envolé le mépris des caciques coincés réprouvant tout de lui, de son métissage « exotique » à son excentricité choquante (travailler volontairement avec des Terriens stupides et en plus sous les ordres de l'un d'eux ?). Pour les dames, il aurait été, à n'en pas douter, l'équivalent d'une célébrité, un objet de fantasme nimbé d'une aura sulfureuse de bad boy rebelle…

Le capitaine effaça l'image mentale et vint à la rescousse, témoignant ipso facto d'une connaissance insoupçonnée du protocole. Il aimait se faire passer pour un paresseux alors qu'il était en réalité très studieux.

— Allons, pas tant de formalisme, nous ne sommes pas en mission diplomatique que je sache. Si vous le permettez, je vous présente notre médecin, le Dr McCoy…

— Leonard, corrigea l'interpellé subitement très aimable sous les prunelles veloutées qui se posaient sur lui. Je ne peux vous tendre la main, mais je suis ravi de vous rencontrer. Une autre enfant née d'un Vulcain prêt à braver préjugés et traditions, c'est inespéré...

Kirk lui flanqua un coup de coude, devinant que Spock serait extrêmement mal à l'aise face à cette divulgation de son ascendance à une inconnue, même métissée comme lui. La réaction coupante de ce dernier confirma la chose :

— N'ennuyons pas la chef-ingénieure avec des frivolités dénuées d'intérêt… Étant donné l'état de vos compagnons, j'imagine que vous avez été seule à gérer la situation.

Quoiqu'il trouvât la question pertinente, le capitaine se racla la gorge pour rappeler qu'il n'était pas là pour la forme, et que c'était un peu son rôle de mener l'entretien.

Reprenant la main sur la situation, il se tourna galamment vers l'ingénieure pour l'inviter à s'asseoir, soucieux de développer plus avant les raisons de leur présence.

— Starfleet nous a dépêchés ici car votre grand isolement dans ce secteur limitrophe du quadrant, nous a fait envisager un scénario où vous auriez pu tomber sur des commerçants peu scrupuleux ou soutenus par des ennemis de la Fédération. L'épice indigo est un bien inestimable dont l'existence reste encore discrète. Le cas s'est déjà présenté. L'une des toutes premières cargaisons a été interceptée par des Andoriens… *

— Rassurez-vous, tel n'a pas été le cas, capitaine.

— Il manque pourtant quelqu'un d'après le journal du personnel... souligna-t-il toujours affable.

T'Priss acquiesça en baissant un instant les paupières. Le capitaine se demanda si ses regards directs et incorrigiblement appréciateurs pouvaient l'incommoder. Il avait du mal à déterminer si elle était timide ou trop bien élevée pour lui signifier que ça ne se faisait pas...

Comme exprès, McCoy continuait derrière eux sa petite tambouille bruyante. Avec un sourire satisfait, il ébouillanta soigneusement quatre tasses, avant d'y jeter plusieurs cuillères d'une poudre brune prélevée d'un mystérieux pot de métal émaillé au dessin fané. Puis il ajouta quelques centilitres d'eau très chaude avant de touiller le mélange.

Les narines de Stevens et Kirk tournèrent automatiquement en direction des mugs fumants. Emportant un petit plateau à déjeuner, il s'excusa en prévenant qu'il allait relever Chekov et ausculter les patients.

— Euh… Peut-être serait-il poli d'en proposer à notre… hôtesse ? dit-il en espérant que ça l'autoriserait à en avoir une aussi.

Toujours penché sur la lunette du microscope, Spock retourné à ses analyses, éleva une voix suave légèrement sarcastique :

— Ou peut-être serait-il prudent de n'en rien faire. J'ai entendu le docteur émettre de nettes réserves concernant l'ingestion de tout aliment présent sur les lieux.

Avec un regard en coulisse, ledit docteur embarqua ses tasses qui embaumaient. Il n'avait pas la moindre envie d'argumenter. Un, il avait vérifié l'innocuité de cette boisson importée au pot scellé, essentiellement composée de 50% malt d'orge, 25% de lait en poudre et 25% de cacao.** Et deux, il avait accordé un soin particulier au nettoyage des mugs dans l'hypothèse où ils auraient pu être en contact avec une boisson d'algue quelconque, thé ou soupe légère.

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Il trouva les trois chercheurs assis sur leurs lits qui discutaient tranquillement en s'étirant ou se massant le front. Le docteur se présenta et leur proposa de boire chaud pour faire diversion. Et pendant ce temps, il en profita pour les scanner de son tricordeur et leur demander comment ils se sentaient – cherchant à leur faire décrire les premiers symptômes. A sa surprise, ils s'indignèrent qu'on les soupçonne de beuverie et réfutèrent tous vigoureusement.

— Docteur, voici le menu de ces derniers jours.

— Merci lieutenant, dit-il en acceptant le pad des mains de Chekov pour l'examiner. Et où est votre autre collègue ? demanda-t-il à celui qui semblait être le chef et s'était présenté sous le nom de RaKarepe. Nous ne l'avons pas retrouvé.

— Keshichian ? C'est normal, c'est lui le spécialiste de la faune maritime. Il est sorti en mer pour pêcher !

— Vous consommez du poisson local ? Mais ce n'est pas indiqué là-dessus !

Le chef de l'avant-poste ignora le ton réprobateur. Il avait très certainement des ancêtres polynésiens car il lui lança un regard de Maori en plein Haka pour se défendre avec humeur :

— Quand vous aurez mangé les mêmes rations quotidiennement pendant des semaines, croyez-moi, vous envisagerez d'agrémenter l'ordinaire de quelques crustacés de temps en temps !

— Croyez-le ou non, j'ai aussi droit à des rations insipides à mon bord. Mais j'aimerais comprendre pourquoi et comment vous étiez dans un tel état sans avoir consommé une goutte d'alcool…

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Avec un grand naturel, le capitaine faisait le service et le joli cœur, attribuant des mugs fumants à chacun, sauf au Vulcain obstiné.

— Spock ! le héla-t-il. Vus n'en voulez toujours pas ? Pas de regrets ?

— Non, capitaine. Je préfère rester pleinement opérationnel pour le cas où vous vous verriez tous affectés de la même manière que les hommes que nous avons découverts…

— Amen. Messieurs dames, à la vôtre !

Les Terriens avalèrent quelques gorgées avec plaisir. Le breuvage exécuté par Kirk était battu à la fourchette pour être légèrement plus onctueux et mousseux ; il exhalait pour eux une réconfortante odeur de goûters d'enfance.

La chef-ingénieure observa leur réaction d'un œil plutôt curieux, trempa des lèvres prudentes dans une tasse et déclara qu'elle trouvait cette saveur très sucrée inhabituelle « mais pas forcément désagréable ».

— Si vous n'aimiez pas, nous ne nous sentirions pas offensés, intervint audacieusement Stevens, d'habitude taciturne.

— Je vous avoue volontiers que la nourriture terrienne me semble souvent un peu fade.

Le dos tourné et courbé sur les résultats, Spock multitâche hocha la tête en roulant des yeux. Même s'il ne l'aurait pas exprimé crument devant l'équipage, il ne pouvait qu'être d'accord sur ce sujet précis. Kirk le savait et ne se faisait pas d'illusion, le Vulcain trouvait leur bouffe dégueu.

Le capitaine le suivait du coin de l'œil et subodorait que l'ambiance décontractée le froissait de plus en plus. Etait-il, quoi qu'il dise, un peu affecté par la présence inattendue de T'Priss ? Voyait-il cette rencontre comme un douloureux rappel de l'inexorable anéantissement de sa race au travers d'une lutte fratricide ? Ou un cruel retournement du couteau dans une plaie encore à vif ? Spock n'en parlait bien évidemment jamais.

Il sentait qu'il avait manqué l'occasion de se taire en affirmant qu'ils n'étaient pas en mission diplomatique. Fallait-il qu'il s'étonne que Spock ne se montre donc pas diplomate envers une ennemie héréditaire ? Et s'il s'était attendu à retrouver un compatriote épargné, tomber sur une Romulienne devait relever de la douche froide… Enfin, ça l'aurait été pour un humain.

Laissant sa place à Stevens resté debout depuis un moment faute de sièges en nombre suffisant, Kirk se leva de table en s'excusant pour aller parler à son second dans le labo attenant.

— Où en êtes-vous ? questionna-t-il à voix basse par courtoisie en sirotant toujours son breuvage à petites lampées.

— Presque terminé, capitaine. Si j'en crois ces relevés, la chair du poisson et des crustacés présente des concentrations chimiques particulières qu'on ne trouve plus dans les spécimens stockés dans la chambre froide ; ce qui se voit, là et là… Je dois le faire vérifier par le Dr McCoy… ou par l'un des spécialistes de cette base.

— Spock, vous commencez à me perdre. Qu'est-ce que vous êtes en train de dire ? Que la congélation des denrées dénature un poisson pêché du jour ?

— Non l'inverse… C'est le poisson frais qui semble altéré. Par ailleurs, il a bien été effectivement assaisonné d'épice indigo au moment de le consommer, c'est ce marqueur là, ce qui est cohérent avec la coloration bleue des langues observée tout à l'heure.

— Et d'après votre intuition, ce serait une combinaison fatale ?

— Les intuitions sont étrangères au raisonnement vulcain.

— Spock ! s'impatienta le capitaine. Vous me voyez comme une personne extrêmement illogique, et ça ne m'empêche pas d'obtenir des résultats… Faites travailler votre moitié humaine pour une fois. Qu'est-ce que vous croyez que c'est ?

Une longue plainte, similaire à celle qu'ils avaient entendue en arrivant, résonna cette fois beaucoup plus près et le grondement se fit plus intense. Ils sursautèrent en sentant le sol vibrer.

— C'est encore les baleines qui font ça ?

Sans rien dire, l'officier scientifique leva un sourcil intéressé, considérant l'hypothèse intuitive assez sérieusement. Il retourna néanmoins vers le plan de travail pour finir de ranger le matériel. Kirk crut bon d'insister.

— Pourquoi vous faites la tête ? Vous êtes déprimé à cause de…

Il désigna discrètement l'ingénieure d'un petit mouvement de la tête.

D'un geste millimétré et sans même regarder, Spock retira une dernière lamelle de dessous la lentille du microscope. Sa voix posée aux inflexions moelleuses transpirait la patience qu'on montre envers les jeunes enfants.

— Pas plus hier qu'aujourd'hui, je ne saurais l'être, capitaine. Toutefois, je vous sais gré de l'intérêt que vous manifestez pour ma capacité à remplir mes fonctions.

— Hey. Je peux comprendre le passif historique entre les Vulcains et les Romuliens, vous savez. Mais T'Priss n'a montré aucune hostilité, au contraire de l'intérêt et de la curiosité. Ok, je ne sais pas si c'est seulement parce qu'elle nous étudie en tant que primates évolués, plaisanta-t-il. Mais selon des critères humains, je suis désolé de vous le dire : vous vous comportez comme un rustre.

Malgré le regard d'azur décidé du capitaine, sa franchise désarmante et l'autorité qui exsudait de toute sa jeune personne, Spock regimba. Parce qu'il était touché, il décocha un regard intensément noir, suivi d'une pique énoncée d'une voix de velours :

— Comme le Dr McCoy s'est plu à le claironner impoliment, je ne suis qu'à moitié concerné par ces critères.

— Soit, mais une moitié de rustre, c'est encore un peu trop.

Ils s'entre-regardèrent, pas vraiment comme en duel, mais chacun pensant être dans le juste. Le capitaine soupira et empiéta cette fois franchement l'espace personnel du Vulcain, pour parler encore plus bas.

— Écoutez, soyez réservé tant que vous voulez mais faites un effort pour être au moins poli. Vous n'êtes pas un simple Vulcain ici, Spock, vous êtes notre Vulcain… Enfin je veux dire… avant tout un membre de Starfleet comme les autres, que vous représentez auprès de tous ceux que nous rencontrons, quels qu'ils soient.

Appuyé contre le plan de travail, le Premier Officier médita cette évidence quelques instants, navré d'avoir à se le faire rappeler par son supérieur.

Cet homme-là, presque un enfant selon des critères vulcains, savait comment le fragiliser sur le plan émotionnel. C'était arrivé une fois, lorsqu'ils venaient de se rencontrer mais le capitaine n'en avait pas fait une habitude. A chaque fois qu'il le poussait, ce n'était pas pour le tester, c'était pour lui faire quitter ses œillères et uniquement dans des situations qui dépassaient leurs petites personnes. Il occupait certes le fauteuil du commandement mais il entendait fonctionner en équipe et s'assurer de pouvoir compter sur celui qui le secondait. Ce qui était logique.

— Vous avez raison, capitaine. Mon comportement n'est pas digne de l'officier que je suis. Je vous prie de m'excuser.

— Bien ! Venez un peu avec nous. Allons, ne faites pas cette tête, vous n'allez pas à l'abattoir… Cette jeune femme n'est-elle pas charmante ?

Spock ne répondit pas. Il se contenta de feindre la plus grande concentration pendant qu'il allait se verser un fond de concoction marron dans le seul bol propre qu'il trouva. Il était rose bonbon.

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La grande salle éventrée servant de bureau commun et de poste de communication était en train de se couvrir à nouveau d'une fine pellicule de bruine. Pour protéger le matériel qui pouvait encore l'être, le docteur avait accepté d'aider le chef RaKarepe à tout recouvrir avec des bâches qu'il fallait aller chercher près de la porte du sas.

A sa grande déception, le scientifique n'était pas capable d'expliquer ce trou gigantesque au plafond et ne pouvait que supposer qu'il s'était produit, Dieu savait comment, après leur perte de conscience.

Pendant qu'ils sortaient des toiles cirées salies, ils tombèrent nez à nez avec un autre homme trapu, bien couvert de la tête aux pieds, avec dans les bras l'une de ces caisses orange au fond desquelles s'agitaient encore quelques pinces et tentacules…

— Keshishian ! Alors, ç'a été comme tu voulais ? La pêche a été bonne ?

L'interpellé opina et tendit la caisse d'un air réjoui en guise de réponse avant de la poser pour retirer son écharpe, ses gants et son bonnet. Sans attendre, il se dirigea vers la cuisine dans l'intention de mettre ses fruits de mer au frais et intrigué par les éclats de voix qui parvenaient jusqu'à eux.

Comme si c'était une formalité, McCoy déclara qu'il voulait en disséquer quelques-uns et se heurta à l'opposition farouche du chef de mission et de Keshishian qui s'interposèrent en enveloppant la caisse d'un geste protecteur.

— Ah non ! Nous prélevons à peine de quoi faire quelques repas pour nous cinq. Si vous en voulez, allez vous pêcher les vôtres, toubib !

Le docteur se renfrogna face à leur obstination et continua à faire valoir son point de vue pendant le court trajet.

— Mais enfin, il y a manifestement dans ces crustacés quelque chose qui est responsable de votre coma ! Une vésicule contenant du fiel comme dans le fugu ? Êtes-vous stupides ? C'est la seule variable de votre régime !

— Sauf votre respect mon vieux, ça fait des semaines que nous en mangeons et nous sommes en parfaite santé ! Les relevés médicaux que vous avez consultés sont clairs, non ?

Un gros éclat de rire bien sonore les interrompit, qui adoucit un peu l'humeur de chacun. Difficile de rester contrarié quand d'autres avaient l'air de s'amuser autant.

Pensif, le docteur soupçonnait qu'il y ait eu une erreur mais il ne voyait pas laquelle. Une partie de lui se laissait convaincre car les types de cette base étaient francs, pragmatiques et en plus ils ne trahissaient aucun signe de dissimulation... Toutefois, les faits étaient les faits. À l'exception du biologiste Keshishian qui était en mer et de la romulo-vulcaine, tous étaient dans un état préoccupant à leur arrivée.

Disposé à chouraver quelques nouveaux spécimens à leur insu, il les suivit impatiemment jusqu'au frigo dans l'espoir de réexaminer tout ça avec le Gobelin au sang vert. Mais quand il s'arrêta sur le seuil, il oublia l'idée. Sa mâchoire se décrocha et son sang ne fit qu'un tour.

Il sut avec une absolue certitude que la situation avait complètement dérapé en voyant Spock renversé sur une chaise, le bras familièrement passé autour de l'épaule de T'Priss nichée contre lui, en train de se taper sur la cuisse en riant de la blague affligeante qu'il venait de raconter.

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Manifestement, le docteur McCoy n'appréciait pas le tableau autant que lui. Le capitaine l'intercepta avant qu'il ne fasse une attaque, sous couvert de lui demander son rapport sur l'état de santé des chercheurs à présent réveillés.

Tous deux se mirent à l'écart, à proximité des microscopes et de la petite centrifugeuse. Le doc ignora temporairement les autres résultats et se précipita sur son pad pour y lire ce qui concernait la fricassée rhombolienne, puis il compara avec les autres. La perplexité le prit.

— Alors Bones, comment vont-ils ?

— Bien mieux, heureusement. Mais ils protestent qu'ils ne se sont pas enivrés… Même si l'état des stocks de la station semble le confirmer, ça n'exclut pas la contrebande. La bonne nouvelle, c'est que notre navigateur est bien remis. Ses coupures sont déjà en train de désenfler et de cicatriser. Mis à part un petit épisode fiévreux de quelques dizaines de minutes, ses analyses ne montrent aucune irrégularité. Dès que nous serons à bord, je vais lancer un programme de recherche sur ce gel d'algues sur lequel nous sommes tombés ; il est possible qu'il fonctionne comme un calmant et cicatrisant rapide. J'ai trouvé également dans le prélèvement une concentration importante de ce qui me semble être de la bave de gastéropode… J'espère qu'on enverra quelqu'un poursuivre ces recherches car c'est prometteur.

— D'accord, d'accord… Donc plutôt de bonnes nouvelles ?

— Oui, Jim. Mais tu as vu Spock ?! Bon sang ! La seule fois où je l'ai vu ricaner bêtement, ça a duré trois secondes, et il délirait de fièvre parce qu'il avait une sale blessure qui s'infectait. Regarde-le… Il a l'air complètement shooté et de s'être bien assis sur sa discipline vulcaine !

— Allons, Bones, tu exagères ! Je le trouve tout à fait sympathique maintenant. Il est juste plus détendu…

McCoy roula comiquement de gros yeux avant de tendre la main pour désigner discrètement le Vulcain.

— Détendu ? Ah, ça oui ! Le mot est faible ! On dirait qu'il a bu autre chose que de la chicorée ! Qu'est-ce qui se passe sur cette planète ?…

Réunissant le meilleur de ses deux patrimoines culturels, Spock avait entremêlé ses doigts à ceux de T'Priss tandis qu'il l'embrassait gentiment sur la bouche, à répétition, comme si c'était un simple jeu. Ils gloussèrent en reposant leur front l'un contre l'autre. Et puis, sous le regard médusé d'absolument tous les présents, la demoiselle romulienne ravie l'agrippa aux épaules pour un baiser plus fougueux auquel il répondit avec le même entrain.

— Jim, avertit tout bas le docteur, si jamais il se souvient de ça, il va nous tuer et se débarrasser de nos corps en les jetant dans un trou noir ! Sortons ! N'importe où mais ailleurs qu'ici...

D'un geste pressé et autoritaire, il fit signe aux autres de faire retraite dans le couloir pour ménager un peu d'intimité aux signataires du premier traité de paix romulo-vulcain jamais entamé dans l'univers.

Kirk se retourna et chuchota d'un ton faussement innocent :

— Dis voir, le Vieux Spock, c'était un fervent militant d'une réunification des deux peuples, pas vrai ?

— Chut !

— Non, parce que maintenant on comprend bien pourquoi…

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Notes de l'auteur

* Allusion à la couleur curaçao de la bière andorienne (cf TV Star Trek Enterprise)

** Pour information, il s'agit à la louche de la recette de l'Ovomaltine. Il traine dans le fandom, certains mythes non canon à propos de l'ivresse causée par le chocolat sur les Vulcains. Ce qui est plus canon, c'est qu'ils digèrent mal le sucre (?) et il peut y en avoir dans le chocolat…

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