Une mélodie a la mer

Chapitre 1 : Une mélodie a la mer

Chapitre final

1599 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/07/2023 16:57

Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Une bouteille à la mer - (juillet août 2023).



Le fier navire USS Enterprise croisait non loin de la zone neutre. Le vaisseau cinglait au travers une nébuleuse d'un mauve lumineux dont les éclats semblaient se refléter sur les courbes blanches du bâtiment. Filant tranquillement à distorsion cinq au milieu des étoiles, l'équipage s'était vu confier une mission diplomatique visant à apaiser les tensions entre les nations dominantes d'un monde espérant rejoindre la Fédération des Planètes Unis. Si il s'agissait pour le Capitaine Jean-Luc Picard d'un exercice de routine, il y accordait cependant toute son attention. Après plusieurs jours d'inactivité, cette mission était la bienvenue.


La vie à bord entamait sa nuit artificielle, et le Commander Riker, beau brun à la barbe finement entretenue, second sur l'échelle de la hiérarchie, fut plus que ravi de laisser le poste de commandement à l'officier scientifique, Mr Data. De par son état d'androïde, le Lieutenant Commander Data effectuait des quarts plus longs que les autres membres de la passerelle. N'ayant nullement besoin de sommeil, il effectuait généralement les quarts de nuit.

-La barre est à vous, Monsieur Data, annonça William Riker.

L'androïde fit de son mieux pour signifier son incompréhension d'un léger mouvement de tête. Les interactions humaines n'étaient pas son fort. Mais il comprit rapidement :

-Une analogie maritime ? Finement trouvée, Commander.

Will sourit amicalement, puis, d'une tape sur l'épaule de son camarade synthétique, pris congé. Data œuvrait constamment à améliorer sa compréhension des interactions humaines. L'humour et le second degré lui posaient un véritable problème. La majeure partie de l'équipage s'en était accommodé. L'androïde était un officier consciencieux et son cerveau positronique était capable de prouesses, mais Data découvrait le monde avec des yeux d'enfant.


Les heures s'écoulèrent sans heurts, et les quelques officiers commençaient à trouver la nuit longue. Voulant se montrer présent pour ses compagnons, Data faisait des aller-retour tranquilles entre les postes, s'assurant également que la lassitude n'entrave nullement le bon déroulé du travail à effectuer.

L'officier supérieur se pencha, un peu brusquement, au-dessus de l'épaule de la chargée de communication. La jeune Andorienne eut les antennes qui se contractèrent. Elle fit cependant son possible pour masquer son inconfort. Il s'agissait non seulement là d'une violation de son espace personnelle, mais le physique du Commander la mettait véritablement mal à l'aise : le jaune de sa peau et de ses yeux ne faisant qu'ajouter à la froideur de l'individu. Ce dernier lui indiqua :

-Vous avez une communication en attente, Enseigne.

La jeune Jhali pesta intérieurement. L'androïde avait raison, aussi se confondit elle en un marmonnement d'excuses. Data s'éloignait lorsqu'elle le rappela:

-Monsieur, il y a une anomalie avec ce signal.

Il s'agissait d'une simple correspondance comme le vaisseau en recevez tous les jours. À ceci prêt que le fichier était anormalement lourd. Et pour cause : un message vidéo s'y était greffé.

-Très certainement un résidu ayant rebondi sur une nébuleuse voisine, supposa Jhali.

-Isolez l'anomalie puis diffusez sur écran, Enseigne, ordonna calmement Data.

Il ne fallut pas longtemps à l'Andorienne pour s'exécuter.

L'écran géant qui faisait face au fauteuil du capitaine dominait la passerelle. L'image qu'il venait de commencer à diffuser était marquée par les interférences. On distinguait sans peine un être à la peau grise, au visage élancé qui s'adressait à la caméra d'une voix monocorde. Visiblement triste, la créature parlait un dialecte ponctué de claquements de langue et de sons gutturaux. D'une voix forte, Mr Data ordonna à l'ordinateur de bord :

-Ordinateur, traduction.

Précédée d'un sifflement, une voix féminine digitale sembla s'excuser :

-Ce dialecte ne fait pas partie de la base de données. Toutes tentatives de traduction pourraient en fausser le message.

L'homme sur l'écran tenait à présent un petit instrument de musique, semblable à une petite flûte chromée, et en tira une mélodie empreint de tendresse qui sembla captiver l'androïde.

Data se tourna vers la jeune Andorienne :

-Enseigne Jhali, pourriez-vous me faire une copie du message, je vous prie?


...


Le reste du service nocturne ne réserva plus de surprises. L'enseigne Jhali et ses camarades purent finalement prendre un peu de repos, à l'inverse du commander Data qui avait rejoint ses quartiers afin d'analyser l'étrange message. Après de nombreux visionnages, il en avait déduit, en s'aidant de la lumière qui filtrée par la fenêtre derrière le musicien, que l'étoile de ce monde était en train de s'effondrer. En fin de matinée, l'androïde s'excusa auprès de son fidèle chat roux :

-Je suis désolé, Spot. Ton soutien m'a été d'une grande aide, mais je vais devoir pousser mes investigations auprès d'un technicien.

Quittant sa chambre, l'homme synthétique traversa les couloirs blancs du navire, emprunta le turbolift et arriva enfin en salle des machines.


C'était une pièce circulaire, tout en hauteur, bâtit autour du cœur de réacteur qui illuminait l'endroit tantôt de rouge tantôt de bleu. Ayant toute confiance en ses subalternes, Mr La Forge les laissaient s'activer à leurs tâches respectives. Geordi La Forge était un jeune terrien plein d'énergie. Large d'épaule, la mâchoire volontaire, il était affublé d'un visor, un appareil permettant aux non-voyants de se repérer dans l'espace. Le chef mécanicien de l'Enterprise était perplexe face à la vidéo que venait lui montrer son ami :

-Si cette vidéo est un résidu recupéré par hasard par nos senseurs, il va nous être compliqué d'en déterminer l'origine.

Face à la mine désemparée de son ami, Geordi mit ses méninges en ébullition :

-Si nous pouvions évaluer le nombre de "rebond" que cette émission a effectuée au cœur de cette nébuleuse, nous pourrions en estimer la date d'émission...

Le visage de Data s'illumina et abonda dans le sens de la théorie de son ami :

-Oui, évaluons le pourcentage de dégradation...

Les deux amis restèrent des heures, à écouter en boucle la mélodie et sa douceur. Mais le pauvre androïde qui s'était mis en tête de retrouver le musicien n'allait pas être satisfait des résultats de l'analyse du fichier.


...


Data venait de reprendre son poste pour son quart nocturne. L'ennui s'installait lentement sur la passerelle lorsque retentit l'appel dans les haut-parleurs :

-Mr Data dans mon bureau, je vous prie.

La voix calme du capitaine Picard n'indiquait en aucun cas une urgence. Mais la nature exceptionnelle de cette demande à cette heure tardive était de nature à surprendre. L'officier fit un point rapide, puis ordonna en quittant calmement les lieux :

-Enseigne Jhali, la passerelle est à vous. Je ne serais pas long.



Meublé de banquettes et d'une bibliothèque fournie, le bureau du Capitaine Picard était chaleureux. Lorsque son officier scientifique le rejoignit, Picard observait la faune de son aquarium entre deux gorgées de Earl-grey.

-Vous vouliez me voir Monsieur ?

Jean-Luc Picard était un homme digne, élancé et d'apparence sévère.

-On m'a rapporté que vous utilisiez les ressources du vaisseau ainsi que le temps des officiers pour l'un de vos projets personnels ?

-Je suis navré Capitaine, si j'avais su…

Picard eu un rire distingué qui effaça son apparente sévérité :

-Je plaisante Data.

Il posa sa tasse trop chaude, passa une main son crâne dégarni et invita son officier à prendre place sur l'un des fauteuils, à l'écart du bureau. Puis, il résuma :

-L'enseigne Jhali a rapporté au Commander Riker cette histoire de message. Mr La Forge m'a également confirmé que vous aviez tous deux passés un temps considérable à l'analyser pour finalement découvrir que cette vidéo était vieille d'au moins trois cents ans.

-C'est exact, Monsieur.

-Pourquoi tant d'intérêt pour cette transmission, Data ? Demanda le capitaine avec bienveillance.

L'androïde sembla chercher ses mots puis :

-Ne pouvant avoir la teneur exacte du message, je me suis fié aux émotions, Monsieur. La contradiction entre ce qui pouvait être interprété comme de la tristesse et la douceur de la mélodie m'a laissé...

-Perplexe ?

Data considéra la supposition de son mentor et acquiesça. Il ajouta :

-Son monde était mourant, Monsieur. Pourquoi prendre la peine d'envoyer un message ayant une visée artistique ?

Jean-Luc prit place face à son ami, visiblement confus.

-Ce message est une bouteille à la mer. Ce flûtiste n'attendait pas de réponse. C'est un cri du cœur.

Il allait reprendre et développer son argument, mais Data le coupa dans son élan :

-Le but serait de signifier une dernière fois la douceur dont son peuple était capable ?

Le bon capitaine approuva d'un signe de tête.

L'androïde se leva et remercia son mentor pour cet éclairage nouveau. Il allait sortir lorsqu'il interpella calmement son supérieur, toujours installé dans l'un des fauteuils.

-L'art est-il un cri du cœur, Monsieur ?

-Cela ne fait aucun doute.

Data fit mine de repartir avant de demander une dernière fois :

-L'art serait-il... une bouteille à la mer ?

Jean-Luc eut un sourire, il n'avait jamais vu les choses sous cet angle.

-Peut être bien Data, peut-être bien…


De nouveau seul dans son bureau, Picard perdit son regard sur ses étagères chargées de littérature.

Tant de cri du cœur. Tant de bouteilles à la mer.

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