Star trek : Constantes

Chapitre 1 : Constantes

Chapitre final

2217 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/09/2023 19:39

Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Le fil du destin - (septembre octobre 2023).




Les parois de la navette vibraient. Le petit vaisseau entamait sa rentrée dans l'atmosphère et allait être malmené durant quelques minutes. Léonard avait l'habitude. Une vie entière à servir Starfleet ne lui avait pas rendu les voyages spatiaux plus agréables, mais il savait à quoi s'attendre.

À quelques mètres de lui, les pilotes étaient nerveux, vérifiant les différents cadrans, ajustant la vitesse.

La seule chose qui avait changé aux fils des décennies, c'était le nombre de passagers. De plus en plus de personnes se détournaient des transporteurs, préférant les téléporteurs, de plus en plus nombreux et fiables. Il gèlerait en enfer avant que Léonard emprunte une de ces machines de morts de son plein gré.

Le minuscule vaisseau ne proposait que trois larges banquettes, alignées derrière le poste de commande. Cette antiquité devait dater des premières classe Galilée.

Il n'avait pour compagnons de voyage qu'une mère et sa fille. Malgré lui, le vieil homme avait entendu leur conversation : la pauvre enfant devait se rendre dans un centre hospitalier au nord de San-Francisco. Une anomalie génétique lui pourrissait l'existence, l'empêchant, entre autres, d'utiliser un téléporteur. Derrière lui, la pauvre mère faisait tout son possible pour rassurer la gamine, en vain. McCoy se tourna vers la fillette. Les traits rudes du médecin s'adoucirent:

-Ne t'inquiète pas ma grande, ça secoue un peu, mais ça passe vite. J'ai fait ça des centaines de fois dans ma vie.

Elle essuya ses larmes. Le vieil homme ajouta avec un franc sourire :

-Et je suis arrivé jusqu'à mon vieil âge sans encombres.

Les soubresauts cessèrent. Léonard leva l'index, comme pour indiquer les parois du vaisseau.

-Là, voilà. Tu vois ?

La petite brunette acquiesça en secouant la tête, les yeux moins humides.

D'ici à quelques minutes, la navette se poserait à la gare de transport, de là, il emprunterait un taxi. Être en retard à un enterrement est la plus triste des impolitesses.


Lorsque les nuages grisâtres laissèrent place au Golden Gate dans les hublots, le vieil homme remonta le fil de ses pensées, près d'un demi-siècle plus tôt, lorsqu'il officiait en tant que médecin-chef à bord de l'Uss Enterprise.

-Allez vous reposer, Christine.

Sa voix était fatiguée, autant que le visage de l'infirmière Chapel. La jeune femme l'avait assistée huit heures durant et était visiblement à bout de force lorsqu'elle quitta de mauvaise grâce l'infirmerie.

Quelques jours plus tôt, une petite navette médicale avait subie les assauts Klingon avant d'être secourue par l'Enterprise. À son bord ne se trouvait qu'une survivante sur la dizaine de passagers : une femme enceinte dont les multiples fractures allaient compliquer l'accouchement imminent.

Et l'accouchement fut compliqué.

Ses yeux bleus ne lâchaient pas l'écran des constantes, fixant les sursauts de la ligne de l'électrocardiogramme. McCoy se sentait usé, son visage ciselé déformé par l'inquiétude. Son épaisse chevelure noire devait s'être fait quelques mèches blanches ce soir-là. Fin, élancé et, par miracle, toujours debout, il tenait encore la serviette couverte de sang et de liquide amniotique avec laquelle il s'essuyait les mains depuis vingt minutes. Il avait fait tout son possible, et même au-delà, mais dans ces moments, Léonard McCoy avait l'impression d'être un boucher. Dans un léger bruit de glissement, la double porte orange de l'infirmerie laissa passer un homme en uniforme moutarde.

Jim était son capitaine, mais plus encore, Jim était son ami. Ce dernier ne lui fit pas l'affront de lui demander comment il allait, il se contenta d'annoncer calmement :

-Nous serons en approche de la station K-7 dans deux jours…

Kirk était un gaillard avenant, d'un naturel optimiste. Il n'avait, ce soir là , pas la force à sourire.

K-7 avait une installation médicale dernier cri, mais la station était encore loin.

D'ordinaire lumineuse, l'infirmerie était plongée dans l'obscurité. Seul le respirateur de la patiente et le bip des machines rythmaient le silence.

-Par miracle, la gamine va bien.

D'un mouvement du menton, Léonard indiqua un petit berceau de plexiglas dans lequel reposait un petit corps emmailloté.

-Elle semblait en danger également. Mais lorsque Christine a sectionné le cordon, la petite a eu comme un second souffle.

Le médecin annonçait les faits mécaniquement. Il n'osait imaginer les difficultés supplémentaires si ses patientes n'avaient pas étées Terriennes.

Jim posa la question :

-Et sa mère ?

Pour la première fois depuis des heures, McCoy tourna le dos à sa patiente. Il lança sa serviette sale sur son bureau. La fatigue empêchait toute colère de faire surface.

-Je suis médecin Jim, pas marabout. Je ne peux qu'attendre.

Il avait eu l'occasion de discuter avec sa patiente, le Docteur Debra Berry, durant les deux jours qu'elle avait passée sous sa surveillance après le sauvetage. C'était une femme à l'esprit vif mais au corps brisé. Elle était parcourue par des os fracturés, des contusions, des hémorragies internes, diverses commotions. Elle n'avait rien perdu de son sens de l'humour. Jusqu'au premières contractions.

-Debra a tout supportée pour que naisse ce bébé, résuma le médecin.

-On peut mettre quelqu'un à surveiller... Commença Jim.

Léonard secoua la tête. Son ami posa une main sur son épaule et repris :

-Tu dois te reposer, Bones.

Repoussant doucement son capitaine, McCoy transigea :

-Je vais dormir ici, sur l'une des banquettes.

James observa son ami traverser l'infirmerie pour rejoindre l'un des petits lits blancs aux draps orangés, puis s'y coucher.

Avant que Kirk n'ait quitté les lieux, McCoy dormait déjà.

Il fut réveillé quelques heures plus tard.


Grand, silencieux, le visage fermé, les oreilles pointues, un nouveau visiteur en uniforme bleu était penché sur le berceau, les mains dans le dos.

Se redressant péniblement pour s'asseoir sur la banquette, McCoy, surpris, demanda d'une voix éraillée :

-Spock? Qu'est-ce que vous faites ici?

L'officier avoua :

-La naissance est un processus fascinant.

-Ce n'est pas le moment de jouer les anthropologues, s'impatienta le médecin. Tout Vulcain que vous êtes, vous n'êtes pas venu vous extasier devant un poupon.

Levant un sourcil circonspect face à cette hypothèse, Spock, toujours d'une voix monocorde, concéda :

-Certes, non. Bien que la raison de ma visite soit tout aussi triviale : je suis venu voir comment vous alliez ?

Léonard eut un léger rire nerveux :

-Voilà qui est trivial en effet. Vous faites de l'humour, Spock?

La doctrine de son monde d'origine était telle que l'officier scientifique était effectivement connu pour être peu démonstratif.

-Je ne fais qu'obéir aux ordres du capitaine, objecta t'il calmement.

Il toussota, gêné, avant d'ajouter :

-J'ai tout de même pris la liberté de vous apporter une collation.

McCoy qui s'était rapproché, constata la présence d'un plateau métallique sur son bureau proposant une tasse de café noir et quelques petits pains. Son visage s'illumina :

-Voilà qui est prévenant de votre part, mon ami.

-Il me semblait logique que vous puissiez avoir faim.

Léonard ne releva pas cette remarque, pour ne pas mettre son ami plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà.

Le médecin se dirigea vers un petit panneau mural afin d'élever doucement l'éclairage de la pièce, puis alla vérifier les constantes de ses patientes. L'électrocardiogramme de Debra était calme et régulier, mais elle semblait toujours inerte. À ses côtés, dans son berceau, la petite dormait, paisible.

Bones se tourna vers Spock, se frottant les mains :

-Vous avez raison, vous savez, elle est fascinante cette petite.

Le Vulcain comprenait sans peine que son ami évoquait le bébé pour ne pas parler de Debra.

-Je ne suis pas médecin, mais vous auriez toutes les raisons d'être confiant au sujet de sa mère.

Le regard de McCoy s'assombrit. Spock s'éclaircit la voix et s'expliqua :

-Dans son malheur, le Dr Berry est tombé sur l'un des médecins-chefs ayant le meilleur taux de rémissions parmi ses patients.

Le médecin croisa les bras, accusateur :

-Seriez vous pris de fièvre, Spock? Vous n'êtes tout de même pas en train de me parler de chance ou de destin?

-Je vous parle de statistiques, Léonard. Voyez-vous, si nous prenons en compte la moyenne de survie de vos patients, vos capacités ainsi que le retour imminent de l'infirmière Chapel, nous pouvons calculer sans mal une espérance de survie de 88,5%.

Devant de tels arguments, McCoy resta coi. Son ami ajouta :

-Nous pourrions ajouter 2% si vous prenez le temps de vous détendre avec une bonne douche et un bon café.

Il termina son exposé en indiquant la tasse toujours fumante.

Ne supportant pas que Spock puisse lui clouer le bec, Bones prit place derrière son bureau et lança :

-Au moins ce n'est pas un petit déjeuner Vulcain.

-Vous n'auriez pas le palais assez délicat, rétorqua l'officier aux oreilles pointues.

Le sarcasme resta sans réponse, interrompu par les pleures de la petite anonyme du berceau. Léonard se pencha, sorti un petit biberon tiède de derrière son bureau et le tendit à son supérieur hiérarchique.

-Ce serait-ce trop vous demandez ?

Le sourcil du Vulcain se leva à nouveau. McCoy insista, amusé :

-Je dois déjeuner, vous comprenez, pour les statistiques. Et puis, vous allez voir, c'est fascinant sur le plan scientifique.


Kirk apprit plus tard ce jour-là que l'équipe médicale de la station K-7 faisait face à une quarantaine sanitaire. Un transporteur Andorien avait propagé un virus respiratoire: les médecins de K-7 n'étaient plus en mesure de recevoir la blessée du Dr McCoy.

Lorsque Kirk vint prévenir son ami de la situation, il le trouva en pleine discussion avec sa patiente.

-Je vous assure que vous pouvez augmenter le dosage, lui tenait-elle tête, légèrement relevée dans le lit, son enfant dans les bras.

-Ça, j'en suis seul juge, Debra.

Il ajouta, sur le ton de l'humour :

-Et n'allez pas donner de contre-ordre à mon infirmière !

McCoy était pour le moins jovial lorsqu'il accueillit Jim.

-Les médecins sont les pires malades, lui annonça-t-il avec légèreté en guidant son ami le long des quelques pas qui séparait la porte du lit.

La bonne humeur générale fut contagieuse :

-Inutile de vous dire, Debra, combien nous sommes rassurés de vous voir toutes les deux aussi radieuse.

La patiente, dont l'imposante chevelure rousse accentuait le teint pâle, savait qu'elle avait moins bonne mine que la petite tête blonde qu'elle tenait contre elle. Ce petit être plein de vie qui tétait son minuscule biberon avec avidité. La petite Lucille, qui avait accaparé le médecin durant ces quelques jours, était entré dans sa vie pour ne plus vraiment en sortir.

En effet, une correspondance écrite s'instaura entre Léonard et cette petite famille, dans un premier temps sous couvert de suivi médical pour finalement se muer en amitié sincère.

Les années qui suivirent, les visites à la famille Berry se firent régulière. McCoy n'aimait pas revenir sur terre, mais pour la petite Lucille il le faisait, un sourire aux lèvres.


Aujourd'hui cependant, le médecin ne trouvait plus la force de sourire.

Debout sur le bitume dans son costume marron mal ajusté, Léonard McCoy contemplait les clochers de l'église St Paul s'élevant sous les nuages gris.

Le taxi venait juste de le déposer. La foule s'amoncellait, sombre, au pied de l'édifice. Il était à l'heure, c'était une consolation.

Lucille était devenue une belle femme qui, comme sa mère, avait embrassé une carrière médicale. Dix ans plus tôt, en dépit des opinions rétrograde de Léonard, elle avait épousé un médecin Klingon. Ensemble, ils avaient eu deux enfants. T'Kal était un bon époux, et un très bon père de famille. Il avait su faire taire les aprioris du vieux médecin.

La foule s'écarta. L'espace d'un instant, les yeux de Lucille croisèrent les yeux bleus du vieil homme. Elle était visiblement épuisée, moralement et physiquement, mais elle était entourée de ses proches, de sa famille et de ses amis.

Ce sont ces instants qui nous poussent à l'introspection. Léonard avait sauvé la vie Debra, lui permettant de vivre un demi-siècle de plus, jusqu'à la semaine passée, auprès d'une enfant merveilleuse. Une enfant que le vieil homme voyait toujours lorsqu'il regardait Lucille. Il se demandait en quoi la vie de Lucille aurait été différente si Debra n'avait pas survécu ce jour là? Ses choix auraient ils étaient les mêmes ?

La gorge serrée, Léonard McCoy repensa aux statistiques de Spock. Drôles d'interprétation de ce qu'était le destin.

Entre ses dents, il grogna, nostalgique :

-Satané Vulcain.

Laisser un commentaire ?