Sept océans

Chapitre 1 : 2152, Jonathan Archer

1275 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/02/2024 00:28

Chapitre premier

Petite brise sur mer calme



La porte se referma automatiquement derrière lui, le séparant des petits désagréments et des grandes satisfactions d'une journée de capitaine de navire.

Jonathan Archer s'épanouissait au milieu des étoiles, fier de servir à bord de l'Enterprise Nx01, le vaisseau porte-drapeau de la Terre Unis, propulsé par le moteur créé par son père et Zefram Cochrane. Il mesurait en permanence la chance qu'il avait d'être là: là où nul homme n'était jamais allé.


A cet instant, il n'avait qu'une idée en tête : s'effondrer sur sa couchette et se laisser bercer par le ronronnement incessant de la machinerie.

À peine eut-il le temps d'ouvrir le haut de sa combinaison bleu que son colocataire l'accueillit avec un enthousiasme débordant.

Porthos, son petit beagle, montrait autant d'intérêt pour son maître que pour la petite boîte en plastique que celui-ci venait de ramener dans la chambre. C'était un petit chien énergique marron au dos noir, au bout des pattes et a la truffe blanches.

Le contenant avait beau être hermétique, son flair ne le trompait pas: son maître avait encore l'odeur du fromage sur les doigts.

Face aux suppliques canines, Jonathan se montra ferme :

-Non, Porthos. Pas de fromage avant de dormir.

Il s'agissait là plus de prudence que d'autorité aveugle. En effet, si Porthos raffolait de produits laitiers, son estomac, lui, les digérait mal. Et l'aération de cet espace exigu n'était pas étudié pour évacuer rapidement les gaz d'une digestion contrariée.

Archer glissa donc la boîte derrière la porte d'un petit compartiment sous son lit, puis se dirigea vers l'étroite salle de bain, tout en prenant soin de garder la porte entre-ouverte.

Non pas que Porthos ait pu ouvrir le compartiment, mais Archer préférait garder une oreille sur son chien le temps de ses ablutions.

Les couinements de Porthos ne se firent évidemment pas attendre.


Être capitaine de navire offrait quelques privilèges. Le chef en charge des repas avait pu lui mettre de côté un fromage, proche du cheddar Terrien, trouvé lors de leur dernière escale. Jonathan n'était pas certain de l'origine du lait, mais le goût de la précieuse denrée avait suffit à faire taire ses interrogations.

Porthos lui n'était sûr que d'une chose : il y avait du cheddar sur son territoire, et le lui refuser, après des jours de privations, s'apparentait à de la haute trahison.

Trouver du fromage mangeable aux confins de l'espace n'était pas un miracle en soit. Mais en trouver du bon en était un.

Un long aboiement sonore fit sortir Jonathan en trombe de la salle de bain. Le beagle faisait maintenant des bonds sur la couchette.

Désormais vêtu d'un boxer et d'un t-shirt blanc, du dentifrice plein la bouche, le grand brun aux tempes grisonnantes menaça son chien du bout de sa brosse à dents :

-Ne me parle pas sur ce ton !

Il se pencha en arrière pour cracher dans le lavabo en acier, puis ajouta :

-J'ai dit non, c'est non.

Porthos se roula sur les draps pour signifier son mécontentement. Puis, couché sur le dos, il émit un grognement désespéré.

-Ho, je t'en prie. Tu ne meurs pas de faim !

Jonathan indiqua les deux gamelles métalliques généreusement garnies disposées à côté du panier, à côté du lit.

Vexé, le beagle sauta à terre pour rejoindre d'un pas lent son coussin gris. Il s'y laissa tomber puis poussa un long soupir lourd de sens.

Retrouver son chien après une longue journée de travail était toujours un moment agréable, et se coucher fâché ne plaisait pas au capitaine.

Il y avait une mission d'exploration prévue pour le lendemain, les capteurs ayant repéré une planète de classe M a priori déserte.

Comme souvent dans des cas similaires, Jonathan avait prévu emmener Porthos faire un tour au grand air.

Il s'agenouilla près du coussin.

-Demain matin, tu auras du fromage et une longue balade, annonça-t-il en grattant l'animal derrière les oreilles.

Le chien soupira de nouveau. Archer abandonna :

-Très bien, boude.

Il se releva, coupa la lumière et s'installa sous les draps.


Une fois de plus, bien que parasité par les couinements réprobateurs de Porthos, le bruit de la machinerie fit son office, plongeant Jonathan dans une agréable torpeur.


Se dessina doucement sous ses yeux l'énorme moteur à distorsion de l'Enterprise. Ce moteur, Jonathan le connaissait bien pour l'avoir vu naître, griffonné sur les schémas de son père, puis prendre vie a bord de son vaisseau.

De la fumée s'élevait de ce grand tube cuivré aux grillages teintés de la lueur mauve du dilithium.

De la fumée noire.

En lieu et place de l'écran de contrôle se trouvait une épaisse porte de fonte, crachant dans un grondement flammes et fumerolles. Sur la passerelle, la dégaine élancée face à la trappe, Trip Tucker, le torse nue ruisselant de sueur, chargeait de lourdes pelletées de cube jaune dans le brasier. Ingénieur en chef du vaisseau, et meilleur ami de Jonathan, Trip planta sa pelle dans la gueule du lourd sac de jute qui vomissait des cubes de cheddar sur le grillage fin de la plateforme.

Appuyé sur la rambarde, il interpella Archer, de la démence au fond des yeux :

-Tu as raison ! Donner ça au chien aurait été du gâchis !


À demi conscient de l'absurdité de la scène, Jonathan, vêtu de son uniforme, recula d'un pas, percutant mollement T'pol. Se tenant derrière lui, la grande Vulcaine était restée jusqu'à présent silencieuse. Archer fit face à son officier en second qui le toisa en retour.

La brune aux oreilles en pointes retroussa le nez, avec dégoût :

-La fumée, la sueur, commença-t-elle, le fromage, le chien... Il y a trop de mauvaises odeurs chez les humains.


Jonathan se réveilla en sursaut. Se passant les doigts dans les cheveux, il ordonna d'une voix claire :

-Ordinateur, lumière.

Et précisa :

-Faible.

La pénombre laissa place à une douce clarté.

Repoussant les draps, Archer pivota, posa ses pieds nus sur le métal froid du sol puis balaya la pièce du regard.

Il pouffa de rire.

Le beagle s'approcha timidement.


Inquiet, il posa sa truffe sur le bord du lit. Son maître le rassura d'une gratouille entre les oreilles, puis d'une tape sur les draps l'invita à monter sur le lit.

Jonathan se pencha, sortit la boîte hermétique du compartiment sous le lit et l'ouvrit.

-Ça reste entre nous, d'accord ?

Porthos sembla acquiescer en gobant le premier cube de fromage directement dans la paume de son maître, tout en remuant la queue.

Jonathan et Porthos se resservirent, une fois, deux fois...

-Tu sais, si cette planète s'annonce agréable, on pourrait y passer quelques jours.

Archer avala un nouveau morceau de fromage, puis reprit :

-On pourrait emmener Trip et T'pol faire du camping ? Ça ne leur ferais pas de mal de souffler un peu.

Porthos aboya de joie, puis se colla contre son maître. Celui-ci lui glissa dernier cube de cheddar.


La boîte était vide désormais. Jonathan pencha le contenant sous la truffe de son compagnon, pour qu'il puisse constater par lui. Le beagle le renifla avant de le lécher.

La flatulence qui suivit fut aussi sonore qu'odorante.

-Allez, au panier, ordonna Archer.

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