In Medias Res - Star Wars Knights of The Old Republic

Chapitre 1 : Endar Spire - Nouvelle affectation, nouveau Commandant

4379 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/04/2022 20:21

Les premiers chapitres de cette fanfic seront beaucoup de ceux que j'avais publiés dans une histoire précédente. Les évènements se suivent relativement bien, donc pas encore nécessaire de rajouter des scènes. Cela risque cependant de venir assez tôt, car il s'en passe, des choses, sur Taris. 


Ce présent passage rassemble deux chapitres de l'histoire précédente. J'ai effectué quelques modifications dans la forme. Le fond reste inchangé.


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L'Endar Spire était resté stationnaire pendant plusieurs jours. De là où je me trouvais, immobile, je distinguais le Commandant du vaisseau, le Colonel Tavhir. Tête baissée, il arpentait nerveusement l'un des nombreux ponts d'amarrage du croiseur républicain. Le Colonel était un homme grand et élancé. Ses cheveux grisonnants, coupés à la militaire, donnaient à l'homme le rayonnement de l'âge et de l'expérience. Tavhir était un homme de guerre très respecté, appartenant à une petite caste de combattants qui n'avaient plus à faire leurs preuves. Toutefois, Tavhir ne pouvait aspirer à aucune autre promotion, car sa personnalité plutôt franche avait déjà offensé les hauts dignitaires de la République à de nombreuses reprises. Mais il était de notoriété publique que le Colonel se moquait bien de savoir s'il serait promu ou non ; ce qui comptait, c'était de pouvoir exposer ses opinions. Pourtant, ses hommes étaient bien conscients qu'il ne parvenait pas à cacher complètement sa frustration face à l'impossibilité d'agir à sa guise.


Aujourd'hui était l'un de ces jours où Tavhir devait faire preuve de retenue. La République avait certainement donné au Colonel l'ordre le plus intolérable de sa carrière.

L'un de ses hommes se dressait non loin de lui, les mains jointes derrière le dos. Le soldat portait une épaisse veste d'un orange nacré, avec un pantalon foncé qui se terminait par une paire de bottes noires. L'homme, qui devait approcher la quarantaine, affichait en outre une barbe assez remarquable et une chevelure brune courte, quoique relativement fournie. Il suivait des yeux son Colonel, qui ne cessait d'aller et venir au gré de son anxiété.


Derrière les deux individus se tenaient droit une bonne trentaine de soldats, disposés sur quatre rangs, vêtus d'armures républicaines d'apparat. Il s'agissait de la toute nouvelle garnison à laquelle j'avais été affecté au dernier moment ; après deux mois de formation sur Coruscant, on m'avait envoyé sur le croiseur Hammerhead Endar Spire, comme le traducteur et interprète de la garnison qui allait apparemment suivre Bastila Shan dans je ne savais quelles aventures. Quoi qu'il en fût, à cet instant, c'était au troisième rang que je devais rester. Nous étions tous maintenus dans un silence parfait à plusieurs mètres de nos deux supérieurs, mais nous pouvions tous entendre les grognements de notre très amer Commandant.


« Ils sont en retard. » Grogna le Colonel, ne recevant que notre silence en réponse.


« Ils sont en retard. Carth ! » Répéta-t-il plus vivement, en levant les yeux vers l'homme en veste orange.


« Oui, ils risquent d'être en retard. » Corrigea-t-il.


« Ils ont l'audace de débarquer et de m'éjecter de mon propre bâtiment, de me contraindre à renoncer à mes hommes, et ils n'ont même pas la décence d'être à l'heure pour ça ! »


« Commandant, vous savez que cette mesure est temporaire. Vous n'êtes pas démis de vos fonctions. » Ajouta Onasi, dans l'espoir dissimulé de rassurer son supérieur.


« Heureusement. Sans quoi, croyez-moi, je me serais appliqué à lui compliquer la tâche ! Cette fillette se serait cassé les dents ! »


« Elle n'a pas besoin de ça pour se trouver en difficulté. C'est une Jedi après tout. Elle ne connaît rien de la vie militaire. Si vous voulez récupérer vos hommes tels que vous les avez laissés, vous allez devoir être plus pédagogue avec elle.. »


« C'est pourquoi je compte sur votre professionnalisme, Lieutenant. Vous avez des qualités en la matière que je reconnais volontiers manquer. » Termina Tavhir.


Carth hocha la tête, en accord avec les derniers mots du Commandant.


Une alarme résonna. Les officiers levèrent les yeux vers le champ électromagnétique de la très grande baie d'amarrage, qui laissait apparaître au loin une première petite navette se dirigeant lentement vers le croiseur. Tavhir fronça les sourcils. Les choses ne semblaient pas se dérouler comme prévu ; il devait y avoir deux navettes. Carth jeta un coup d'œil vers nous. Nous ne bougions pas d'un pouce, tel que cela nous avait été ordonné. Puis il tourna à nouveau la tête vers son supérieur, qui paraissait au bord de l'implosion. La navette traversa le champ de force et se posa en douceur à plusieurs centaines de mètres des militaires. La rampe du vaisseau se déploya violemment et s'écrasa sur le sol du hangar dans un bruit assourdissant. Deux personnes sortirent, toutes deux habillées de la tenue standard des officiers républicains. Tavhir poussa un soupir et, d'un bref geste de la main, ordonna à son Lieutenant de le suivre pour rejoindre les deux autres officiers. Carth obtempéra, et les deux hommes marchèrent pendant quelques secondes avant de se retrouver face à face avec les nouveaux arrivants.


« Colonel Tavhir, Lieutenant Onasi. » Salua le premier d'entre eux. « Nous vous prions de nous excuser pour ce retard, ainsi que pour le contretemps concernant la passation du commandement de l'Endar Spire. »


« Parce qu'il y a un autre contretemps ? » Demanda Tavhir, qui tentait au mieux de contenir son exaspération.


« Colonel, comme vous pouvez le constater, la navette des Jedi n'est pas encore là. »


« Heureusement que vous êtes là pour me le faire remarquer... Enseigne. » Ironisa Tavhir, qui insista sur le grade bien inférieur de l'homme en face de lui. Ce dernier reprit avec embarras :


« On nous a annoncé que la navette rejoindra l'Endar Spire dans une quinzaine de minutes. »


« Bien. Attendons alors. » Dit le Colonel, les yeux fixés sur l'Enseigne, qui semblait de plus en plus mal à l'aise.


« Colonel. Je suis désolé, mais vous devez quitter votre croiseur. Nous devons vous ramener à bord de l'Arbitre dans les plus brefs délais. »


Tavhir ne répondit pas immédiatement. Carth affichait une moue crispée, mal à l'aise. La suite n'allait pas être une partie de plaisir.


« Aidez-moi à mieux comprendre, voulez-vous ? » Demanda le Colonel sur un ton faussement bienveillant. « Vous me dites que je dois quitter mon vaisseau et mes hommes alors que mon successeur n'est même pas encore arrivé ? Vous me demandez de laisser mon croiseur sans commandement ? »


« N'avez-vous pas nommé un intendant, comme l'Amirale Dodonna vous l'a ordonné ? » Répliqua avec agacement l'autre homme, qui était jusque-là resté muet. Tavhir le fustigea du regard, puis répondit :


« Lieutenant Carth Onasi est mon intendant. Et vous, qui êtes-vous ? » Demanda le Colonel qui scrutait la veste de l'homme, certainement à la recherche d'un insigne militaire.


« Dreshan Norr, Sénateur du système de Taris. Je suis au fait des mesures récemment prises par votre Amirale, qui m'a confié la supervision de cette passation. Vous êtes donc sommé d'obéir, Tavhir. Les Jedi ont eu un léger contretemps, qui n'est en rien la faute du Commandant Shan. »


Tavhir sembla serrer fermement les dents à l'écoute de ces tout derniers mots. Il n'avait pas le choix. C'étaient les ordres de Dodonna. Même s'il était largement connu qu'il ne partageait pas toujours les opinions de son Amirale, il lui vouait un profond respect. Elle s'était toujours montrée digne de son rang. Il devait lui faire confiance.


L'homme soupira, puis dégrafa tranquillement son insigne et le tendit au Sénateur. Il lança un regard cordial à Carth, avant de se diriger vers la navette. Le Sénateur et l'Enseigne le suivirent du regard, comme s'ils s'inquiétaient d'une éventuelle volte-face de l'officier. Une fois que ce dernier eut embarqué dans la navette, le Sénateur ordonna à l'Enseigne de monter également à bord. Norr se tourna ensuite vers Carth, et lui remit l'insigne du Colonel :


« Nous devons partir. Vous remettrez l'insigne au Commandant Shan. Ne vous en faites pas, elle ne devrait plus tarder. Avant de partir, je vais l'informer qu'il faudra qu'elle s'adresse à vous. Nos excuses pour cette passation un peu chaotique. »


« Merci Sénateur. » Répondit simplement le Lieutenant.


Norr acquiesça respectueusement au responsable très temporaire du croiseur, puis rejoignit la navette, qui décolla aussitôt avec Tavhir à son bord. Une minute passa. Carth Onasi se dirigea vers nous, toujours en attente derrière lui. Il annonça alors :


« Mesdames, Messieurs, soyez prêts à très bientôt accueillir votre nouveau supérieur. Veuillez rester en position. »


Nous restâmes silencieux, mais gigotâmes chacun un peu, de façon à retrouver une posture digne de ce nom pour recevoir notre nouveau Commandant.


Il ne fallut pas attendre très longtemps. Comme Norr nous l'avait annoncé, la navette Jedi surgit promptement, et se posa sans heurt. Une nouvelle fois, la rampe s'abaissa avec violence sur le sol du hangar, et deux premières personnes émergèrent : un homme et une femme, tous deux vêtus de bures d'un marron pâle. Ils se mouvaient avec légèreté. Carth semblait comme absorbé par la vue de ces deux individus. Il en était de même pour moi. La plupart d'entre nous étions accoutumés à la lourdeur et la brutalité militaire de Tavhir ; un peu de finesse était bienvenue. Les deux personnes s'arrêtèrent au pied de la rampe, et attendirent la troisième et dernière personne, qui finit par se montrer, qui descendit à son tour du vaisseau. Une fois parvenue tout en bas de la rampe, cette dernière personne prit les devants et se dirigea avec une détermination inspirante vers Carth Onasi, lequel paraissait l'examiner sans s'en rendre compte.


C'était donc Bastila Shan, le nouveau Commandant du croiseur, le cauchemar de Tavhir. Bien sûr, tout le monde ici connaissait la jeune femme. Bastila Shan était, dans son domaine, une héroïne de guerre. Son pouvoir quasi unique de Méditation de Combat avait notamment permis à la République de retarder encore et encore l'échéance fatale de cette guerre contre l'Empire de Dark Malak. La Méditation de Combat de Bastila Shan restaurait la force et la vaillance des troupes alliées, tout en démoralisant les effectifs ennemis. Il s'agissait d'un pouvoir déjà connu des Jedi, mais ce qui était exceptionnel, c'était que Bastila Shan en était incontestablement l'utilisatrice la plus douée de l'histoire de l'Ordre Jedi, et ce même parmi les rares personnes qui pouvaient le maîtriser. Et cela, sans même évoquer sa victoire éclatante face à Dark Revan à l'occasion de leur affrontement sur le bâtiment de ce dernier. La réaction hostile de Tavhir quant à la décision de laisser l'Endar Spire sous le commandement d'une jeune Jedi inexpérimentée était compréhensible, en revanche il était impossible de ne pas éprouver un profond respect voire de la reconnaissance pour cette femme.


Je remarquai que Carth Onasi n'avait toujours pas bougé d'un pouce. Il paraissait toujours hypnotisé par l'arrivée des Jedi. Soudainement, et comme s'il venait de sortir de son état de contemplation, le Lieutenant se hâta, et avec une certaine maladresse, il emboîta le pas en direction des trois arrivants, qui avaient déjà eu amplement le temps de se rapprocher de lui. Je notai en lui un soupçon de nervosité. En effet, ce n'était pas le moment de se faire remarquer par sa future supérieure, qui avait justement la réputation d'être assez peu commode.


« Lieutenant Carth Onasi, je présume ? » Demanda la jeune femme, qui ne laissait rien paraître de son état d'esprit.


« Lui-même, Madame. Je vous souhaite à tous les trois la bienvenue sur l'Endar Spire. Et je me permets de vous remettre immédiatement l'insigne du commandement de ce croiseur. »


Carth présenta solennellement le petit objet qui était accroché à la veste de Tavhir un peu plus tôt. Bastila Shan abaissa les yeux sur l'insigne, le saisit et le glissa dans une poche sous sa bure Jedi.


« Merci. » Dit-elle froidement sans croiser le regard de Carth, ce qui provoqua chez lui un frémissement de malaise. Bastila lança un regard vers notre garnison, en position derrière Carth. Elle laissa quelques secondes s'écouler avant de reprendre d'une voix impatiente :


« Et bien ? Aviez-vous prévu qu'on se regarde dans le blanc des yeux toute la soirée ? La suite, Lieutenant. »


Carth Onasi soutint le regard de la Jedi avec défiance et incrédulité. L'homme parut canaliser une colère qui bouillait en lui, et il poursuivit :


« Commandant, si vous le voulez bien, je voudrais vous présenter à ce groupe de soldats, spécialement choisis pour vous assister et vous protéger. »


Carth Onasi invita la jeune femme à le suivre, ce qu'elle fit. Nous étions tous parfaitement statiques. En tout cas, la majorité d'entre nous l'était. Depuis ma place, je ne pouvais m'empêcher de dévisager la Jedi. "C'est donc elle." Pensai-je à cet instant, mes yeux rivés sur la célèbre jeune femme. En dépit du fait que ma vue était partiellement obstruée par mes collègues des deux autres rangs, j'étais en mesure de distinguer nettement la Jedi. Comme ses confrères, Bastila Shan portait une bure brune. La bure classique des Jedi. Dans ses gestes et ses mouvements, la femme laissait parfois entrevoir son illustre sabre laser double lame, attaché à sa ceinture. Une originalité. Très peu de Jedi s'essayaient à une telle arme, et Bastila Shan était une duelliste reconnue. Je ne pus m'empêcher de sourire, sous le coup de la fascination. Mais je fus tiré de mes rêvasseries par un éclaircissement de gorge indiscret. Je redressai la tête, et réalisai que le bruit désagréable provenait de mon camarade de droite, toujours au garde-à-vous, qui tentait tant bien que mal de me faire regagner une concentration digne d'un tel moment. Mais je ne fis rien de ce qui devait être fait en réponse. Plutôt que de retrouver ma posture et de faire mine de rien, je braquai vivement la tête vers mon camarade, trahissant encore plus ma distraction aux yeux de tous. Mes supérieurs compris. Constatant que mon camarade n'avait pas quitté la posture attendue, je reportai alors mon regard sur le Lieutenant et la Jedi. Ils me tenaient en joue, particulièrement Onasi qui me fusillait des yeux. Bastila Shan fit un pas vers nous et s'adressa à moi d'une voix glaçante :


« Approchez. » Ordonna-t-elle durement.


Stupéfait par cette demande, je lançai une œillade dubitative à mon Lieutenant, qui me répondit sèchement :


« Vous avez reçu un ordre, Aspirant. »


Je quittai alors ma position en douceur, je me faufilai à travers les rangs, et je pris place devant mes supérieurs. Le commandant Shan me regardait avec une gravité sans commune mesure. "Je vais passer un mauvais moment." Pensai-je. La jeune femme semblait m'examiner. Que pouvait-elle bien observer avec autant d'attention ? J'étais un homme, comme les autres. Même si, en jetant un coup d'œil à Carth Onasi, il était vrai que je présentais une stature bien plus imposante. Du haut de mon mètre quatre-vingt se terminant sur de larges épaules, je surplombais mes supérieurs. Hormis cela, je n'étais ni mieux ni pire qu'un autre. La seule originalité résidait peut-être dans ma chevelure brune sombre, que je portais assez longue, toutefois soigneusement attachée pour l'occasion. N'étant pas un soldat de formation, et d'ailleurs à ce moment-là pas engagé pour des qualités de combattant, on me permettait de jouir de cette extravagance.


« Déclinez votre identité au Commandant. » Ajouta Carth, de plus en plus agacé. La Jedi ne détournait pas son regard glacial de moi.


« Aspirant Corem Galhor, Commandant. » Annonçai-je solennellement.


« Où étiez-vous rattaché avant d'être envoyé sur l'Endar Spire, Aspirant ? » Demanda Bastila Shan.


Carth Onasi ne me laissa pas répondre, et me coupa dans mon début d'élan :


« Madame, il s'agit du traducteur que vous avez sollicité. Il n'est pas militaire, il n'est pas très au fait du protocole. » Justifia l'homme auprès de sa supérieure.


Bastila regarda froidement le Lieutenant, sans dire un mot. Puis elle dirigea à nouveau son attention vers moi.


« Où étiez-vous rattaché avant d'être affecté sur ce croiseur ? » Demanda-t-elle à nouveau.


« J'étais en fonction auprès de l'ambassade de la République sur Onderon. J'y suis resté à peu près quatre mois avant d'être affecté ici. Là-bas, il m'a été possible de travailler avec les autorités royales, et je... »


« Je ne vous en demandais pas tant, Aspirant. » Coupa sèchement Bastila Shan, qui semblait à ce moment presque en colère. « Si vous êtes là aujourd'hui, c'est que nous connaissons déjà tout ce que vous vous apprêtiez à raconter. Ici, il n'est pas question d'"autorité royale". Contentez-vous de faire ce qu'on vous dit. Et pour le moment, ce qui est exigé de vous, c'est de rester immobile, à votre place, au troisième rang. Vous êtes un cérébral, non ? Il ne s'agit pas là d'une tâche intellectuellement exigeante, n'est-ce pas ? » Termina alors la Jedi sur un ton particulièrement condescendant, en me lançant un regard noir.


Je ne sus pas comment réagir. Je jugeais l'attitude de la jeune femme pour le moins excessive, mais je comprenais que l'on attendait de moi et de mes camarades de garnison un comportement irréprochable. Je venais de porter atteinte à la réputation de ce corps d'élite. Néanmoins, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle m'avait pris en grippe.


« Reprenez votre place, Aspirant » Ordonna hautainement la Jedi sans attendre plus longtemps ma réponse.


Je me conformai sans attendre et regagnai ma place initiale. Contre toute attente dans ce genre de situation, Bastila Shan adressa un simple signe de tête à Carth Onasi et quitta le hangar sans même toucher un mot à sa garnison. L'officier la scrutait avec effarement ; il ne paraissait pas cautionner une telle conduite provocatrice.


« Cette collaboration ne va pas être de tout repos » Annonça doucement le Lieutenant, avant de nous donner l'ordre de rompre les rangs et de quitter le hangar.


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« Eh bien, mon vieux. Ca n'a pas dû être agréable à prendre ! Tu reluquais ton Commandant ? »


Installé sur l'une des banquettes de la salle commune, je soufflai avec exaspération devant le commentaire moqueur de mon compagnon assis à côté de moi.


« C'est ça. Et cette petite humiliation publique : un vrai moment de bonheur. » Ironisai-je.


« Après, il faut bien admettre qu'elle est bien plus agréable à regarder que ce vieux Tavhir. » Poursuivit mon collègue, s'affalant un peu plus sur la banquette, feignant de ne pas m'avoir écouté.


« Tais-toi un peu, Harden. » Coupa sèchement une autre de mes camarades, assise à une table en face de nous. Elle déposa un bloc de données qu'elle consultait avant de s'immiscer dans notre échange, puis reprit :


« Cette femme n'a aucune espèce de considération pour nous. Elle nous a à peine regardés ! On n'est que de la chair à canon à ses yeux, entièrement dévoués à la protection de sa sainte personne ! Par pitié, les gars, mettez vos cerveaux en route pour une fois ! »


« Tu es injuste, Hannah. » Répondit tout à coup Harden avec gravité. « Tu nous prends pour des singes en rut, à cause de simples plaisanteries. » Ajouta-t-il d'une voix assez dure. Je le vis se lever et rejoindre la table où se trouvait Hannah.


Il marqua un temps d'arrêt, observant sa collègue d'un air déçu, puis, un sourire taquin aux lèvres, il chuchota à l'oreille de cette dernière : « Avec la bure qu'elle portait, Avec la bure qu'elle portait, entrevoir le fessier de la dame, c'était mission impossible. »


« Tu es pathétique. » Répliqua Hannah non sans détachement. Harden ricana, et abandonna ses camarades pour se diriger vers le réfectoire.


Je me levai pour me joindre à la militaire, qui peinait à reprendre sa lecture après cet échange de bas étage. Une fois installé sur une chaise, je pris la parole :


« Je regrette de nous avoir ridiculisés. » Avouai-je. « Ça faisait tout drôle de voir cette femme. On nous a tellement rabâché les oreilles à son sujet. Sa présence m'a distrait. C'était comme si on avait devant soi un personnage de roman : tout le monde ne fait que parler d'elle, mais on n'imagine pas qu'on puisse un jour vraiment croiser son chemin. »


Hannah leva les yeux de son bloc de données et me dévisagea intensément.


« Ça m'a fait drôle aussi » Admit la jeune femme à son tour. « JJe ne supporte pas d'être sous ses ordres. Je la trouve détestable. Mais je ne peux pas m'empêcher de la regarder avec envie. »


J'observai ma camarade avec compréhension.


« Je pense que je suis un peu jalouse, en fait. Je suis certainement plus âgée qu'elle, et qu'est-ce que j'ai à raconter, moi ? Elle, c'est l'étudiante la plus brillante de l'Ordre. On lui doit certainement tous la vie, alors qu'on ne la connait même pas. Et d'ailleurs, le peu qu'on vient de découvrir ne donne aucune envie d'en connaître plus. C'est rageant. »


« Toi, tu appartiens à un corps unique de soldats d'élite, Hannah. Tu as prouvé que tu étais au moins aussi indispensable que cette harpie dans cette guerre... Et une merveilleuse petite famille n'attend que toi, dois-je te le rappeler. Ne les oublie pas. Elle ne pourra jamais en dire autant, elle. »


Les paroles bienveillantes que je venais de formuler semblaient produire un effet presque euphorique sur mon amie. La jeune femme esquissa un sourire tendre à l'évocation de sa famille : son mari, ses deux filles, qui étaient sa raison d'être. Il était vrai que Bastila Shan ne pourrait jamais rivaliser sur ce terrain là. « De toute façon, même si on lui autorisait, qui voudrait bien d'elle ? » Dit doucement Hannah, en poussant un rire nerveux, auquel je répondis, amusé.

« Merci Corem. » Ajouta la jeune femme avec gratitude. « Ce ne sera qu'un mauvais moment à passer. On en rira certainement, quand ce sera terminé. »


« J'en suis sûr. » Lui dis-je en souriant.


Un autre soldat de la garnison fit irruption, et annonça vivement :


« Ne trainez pas ici plus longtemps, ou on vous refusera le repas de ce soir ! »


« Nous arrivons, Lieutenant Ulgo. » Rassura la jeune femme.


Je me levai ensuite, posai une main sur l'épaule d'Hannah :


« Allons-y. »


Hannah acquiesça, reposa le rapport qu'elle tenait toujours entre ses mains et m'accompagna jusqu'au réfectoire, où se trouvait déjà le reste de la garnison.


La salle était immense. Elle pouvait accueillir plusieurs centaines de personnes, toutes installées par unité. J'étais assis avec mes collègues depuis environ vingt minutes. Je n'étais pas particulièrement impliqué dans leurs discussions. Le brouhaha ambiant ne m'aidait pas vraiment à me concentrer sur ce que chacun disait, et je prêtais bien plus attention à ce qui se passait à la table de commandement, à quelques mètres de la nôtre. Je pouvais y voir le Lieutenant Carth Onasi, le Commandant Bastila Shan et les deux autres Jedi qui l'accompagnaient, tous attablés.


Je m'arrêtai de nouveau sur la Jedi, et profitai de ce temps plus calme pour mieux l'observer. Elle avait visiblement troqué la bure de Jedi contre l'uniforme sombre et cintré des officiers généraux de la République, ce qui, je l'admettais volontiers, donnait à la jeune femme une épaisseur convaincante. Néanmoins, je me demandais si ce choix vestimentaire était une preuve de respect de sa part pour son rang et pour les hommes à sa charge, ou si c'était une nouvelle tentative de provocation.


On ne pouvait pas reprocher à un Commandant de se présenter comme un Commandant.

Je me concentrai ensuite sur le visage de la Jedi. Harden, même si son comportement de mâle primitif desservait grandement la qualité de ses arguments, n'avait pas tort : Bastila Shan était une très belle femme. Elle portait ses cheveux châtains foncés fermement attachés en un seul chignon à l'arrière de son crâne, ce qui me laissait tout le loisir d'examiner ses traits. Ils étaient fins, dessinés avec le plus grand soin et la plus grande délicatesse. Mais ce qui était le plus remarquable était sans nul doute ses yeux. Deux grands yeux d'un gris presque opalin surmontés de sourcils foncés minutieusement tracés. Rien à voir avec les miens, qui étaient d'un marron commun et ennuyeux. Je me sentais fasciné. Pas uniquement par les yeux de la femme en eux-mêmes, mais par l'intelligence qui se dégageait de son regard. Certes, Bastila Shan s'était montrée sous un jour peu flatteur jusque-là, mais on ne pouvait nier que, malgré sa froideur, elle avait une présence particulièrement sérieuse.


Je fus soudainement arraché de mon observation par la femme elle-même, qui se leva de table, et, après avoir poliment salué Carth, quitta le réfectoire en compagnie des deux autres Jedi.


« Quand je disais que c'était un beau morceau. » Poussa Harden, en m'assenant un coup de coude complice. Il me fallut quelques secondes pour être bien sûr de ce que je venais d'entendre.


« Ce n'est pas comme ça que je vois les choses, moi. » Répondis-je dans une certaine absence. « Je lui trouve une élégance que j'ai rarement vue chez qui que ce soit. »


« Mmm. » Répliqua Harden, perplexe. Une dizaine de secondes passèrent.


« C'est vrai qu'elle t'a recadré avec élégance, tout à l'heure. » Finit-il par ajouter, en se retenant mollement de rire.


Je portai mon regard sur mon compagnon et marquai un signe de désapprobation. Je pris une profonde inspiration, et décidai de quitter la table, pour me rendre dans les quartiers, sous l'œil déconcerté d'Harden.


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