In Medias Res - Star Wars Knights of The Old Republic

Chapitre 2 : Endar Spire - Responsabilité

2465 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/04/2022 18:54

Notes:


Un chapitre qui sort du point de vue de Corem. La scène se passe dans les quartiers du Commandant, où Carth Onasi vient en quelque sorte jauger Bastila Shan.

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Un bruit retentit, puis un second, et d'autres encore. Ils étaient sourds. Puis une insolente clarté se fixa dans son esprit, rugissante et douloureuse.


Elle osa enfin se rappeler. Des bottes solides qui cognaient l'acier ; le rythme qu'elles imposaient la replongea dans le souvenir qu'elle gardait encore enfoui au plus profond de son être. Des images lui revinrent, sommaires, puis de plus en plus précises. Elle se revoyait, le pas précipité et déterminé, entourée de trois de ses frères d'armes, qui affichaient une expression à la fois figée et chargée d'émotion ; la peur, cela ne pouvait être autre chose. Cette forme de peur, avant l'abdication, qui parcourait tout l'être au moment où celui-ci réalisait que la mort l'attendait au terme de sa course, et que ce n'était plus qu'une question de minutes. Les souvenirs se bousculaient, comme si son cerveau avait décrété qu'il prendrait le pouvoir total et qu'il s'amusait à entraîner son âme et son esprit vers leurs plus sombres réminiscences, qu'il avait méticuleusement ciblées. Elle revoyait la scène. Le corridor, le sas s'ouvrant sur le pont du vaisseau. Des cadavres, l'odeur du sang, une grande figure sombre, son sabre laser rouge éclatant à peine dressé, et pourtant tellement menaçant.


À bord de l'Endar Spire, le Commandant Bastila Shan fut tirée de sa torpeur par le bruit métallique de la crosse d'une arme frappant légèrement contre la porte de ses quartiers. Elle prit quelques instants pour recouvrer ses esprits, empoigna son sabre laser qu'elle attacha soigneusement à la boucle de sa ceinture et parcourut les quelques pas qui la séparaient de la porte des quartiers des officiers supérieurs qu'elle occupait, puis elle l'ouvrit non sans soulagement ; elle ne supportait pas de ressasser ces moments, mais parfois, en dépit de sa formation de Jedi, elle ne trouvait pas la volonté de tenir ces images à distance. Elle loua la Force d'avoir été dérangée une énième fois.


La porte s'ouvrit sur un garde d'âge presque adolescent, qui, à la vue de Bastila Shan, adopta une posture solennelle, traduisant un respect presque disproportionné pour la jeune femme. Bastila, amusée par le comportement modèle du très jeune soldat, esquissa un sourire presque imperceptible.


« Commandant, le Lieutenant Onasi souhaiterait s’entretenir avec vous. »


Bastila ne répondit pas immédiatement. Elle avait conscience que converser avec l'officier n'était pas toujours une expérience plaisante. Elle savait pertinemment qu'il n'appréciait guère que les Jedi se mêlent des affaires de l'armée de la République. Et, dans une certaine mesure, elle comprenait son opinion. Toutefois, elle était convaincue qu'elle avait sa place sur l'Endar Spire ; il y avait une mission à mener à bien.


« Savez-vous ce qu'il veut ? » Demanda Bastila, d'un ton assez réticent.


« Non, madame. »


Résignée, la jeune Jedi autorisa le garde à faire entrer l'officier. Le jeune homme, après avoir salué respectueusement son Commandant, obtempéra et s'éloigna des quartiers de la femme en direction du vestibule où patientait Onasi. Bastila se détourna et profita du court instant qui lui restait pour enfiler la veste de Commandant qu'on lui avait remise peu après son arrivée sur l'Endar Spire, et qu'elle avait choisi de revêtir pendant le dîner. Elle avait honte de le reconnaître, mais elle était quelque peu amusée par son choix de se présenter dans cette tenue. Il était évident qu'Onasi considérait cette action comme une autre provocation de sa part, et Bastila éprouvait une envie puérile de le contrarier plus qu'il ne l'était déjà.


Elle se rassit ensuite à son bureau et reprit son travail lorsque le son des pas de l'homme se fit entendre. La jeune femme leva les yeux et vit l'officier debout sur le pas de la porte, s'appuyant nonchalamment sur son encadrement ; il attendait de toute évidence que Bastila lui donne la permission d'entrer. La jeune Jedi se réserva quelques longues secondes pour scruter l'homme avant de lui adresser la parole. Elle devait de toute façon asseoir son autorité, même si cela devait passer par de petites actions futiles. En particulier face à Carth Onasi qui était un soldat chevronné : l'officier approchait de la quarantaine, quand Bastila Shan dépassait de peu son quart de siècle ; une différence d'âge qui renforçait le malaise général de la situation.


Bastila constata qu'il s'était vraisemblablement résolu à participer au même jeu qu'elle. Il avait visiblement renoncé à porter la tenue réglementaire. Il se présentait à elle dans cette même épaisse veste orange : un équipement de pilote. Un ensemble qui était en principe tout à fait inapproprié en présence d'un officier supérieur, dans un contexte où l'homme n'était pas amené à piloter quelque vaisseau que ce soit. Cependant, Bastila Shan n'était pas un officier formé, et elle le savait très bien. Tout en elle était susceptible de susciter une profonde remise en question de ce haut statut qui lui avait été accordé à titre provisoire ; elle n'avait jamais fait partie du corps de l'armée de la République, et, bien qu'elle ait été entraînée au combat, elle n'avait jamais reçu la moindre instruction dans les arts militaires proprement dits, et son très jeune âge ne plaidait pas non plus sa cause. Bastila Shan n'était même pas encore véritablement une Jedi ; malgré tous ses talents, elle restait seulement une Padawan, et il n'était pas encore question de franchir l'étape suivante. La guerre accaparait trop l'attention des Maîtres de l'Ordre pour se soucier de cela pour le moment.

Carth Onasi prit à son tour une poignée de secondes pour examiner la jeune femme qui le fixait avec une mine qui lui paraissait plutôt exaspérée. Il pensait qu'elle attendait que ce soit lui qui prenne la parole en premier. En son for intérieur, Onasi jubilait. Il ne nourrissait aucun mépris particulier pour Bastila Shan à titre individuel - en dépit de son arrivée quelque peu déroutante - mais cette situation ne lui convenait pas du tout ; il était parfaitement conscient qu'elle n'avait rien à voir avec ce désordre et qu'elle n'avait pas choisi de se trouver à cet endroit à ce moment-là. Mais s'il pouvait incommoder les responsables Jedi par le biais de la jeune femme, il le ferait sans le moindre scrupule.


Carth Onasi afficha un sourire amusé lorsqu'il réalisa que son Commandant avait une fois de plus pris soin de se présenter dans une tenue qu'elle n'était pas légitime de porter. Il aurait pu s'en trouver profondément agacé, mais il avait préféré considérer cet acte avec philosophie. Après tout, il jouait le même jeu qu'elle à cette heure. Peut-être avaient-ils plus en commun qu'il ne l'imaginait.


Bastila Shan, toujours dans l'attente d'un début d'échange, se dressa et, les deux mains solidement plaquées contre le plateau de son bureau, continua à fixer l'homme - lequel se trouvait toujours appuyé sur le cadre de la porte et observait la femme en silence. Il pouvait désormais mieux distinguer la Jedi, et fut une fois de plus frappé par sa jeunesse. Outre le fait que Bastila Shan était beaucoup trop jeune pour occuper un tel rang, Carth ne parvenait pas à s'empêcher de ressentir une once d'enthousiasme vis-à-vis d'elle. Certes, sa place n'était pas là, mais si on l'avait installée à ce poste, ce n'était pas sans raison valable. La Padawan, bien que très inexpérimentée, n'était pas pour autant incompétente. Après tout, elle avait su se forger un nom grâce à sa Méditation de Combat. Et la République lui devait la mort de Dark Revan un an plus tôt : un immense choc pour les Sith. Toutefois, Dark Malak, l'ancien apprenti de Revan, avait depuis récupéré le pouvoir et exerçait une pression colossale sur la République, qui ne tenait plus que grâce à la Méditation de Combat de Bastila Shan.


« Êtes-vous venu ici uniquement pour me dévisager, me mettre mal à l'aise et me faire perdre mon temps, ou bien avez-vous une réelle raison de venir me déranger, Onasi ? » Lança finalement Bastila, dont les yeux retournèrent alors à ses dossiers étalés sur le bureau, sur un ton qui témoignait d'une légère déception d'avoir dû engager cette conversation à laquelle elle aurait si volontiers échappé.


« Bien que l’idée m’enthousiasme au plus haut point, je ne viens pas vous voir pour vous indisposer, Madame. Pas cette fois. » Répondit Carth d’une voix taquine.


Bastila redressa les yeux vers le soldat, consternée. Le regard impatient mais assuré, elle ordonnait tacitement à Carth d’aller à l'essentiel.


« Commandant, » reprit-il sur un ton plus solennel et recouvrant une posture plus adaptée à la situation, « j’outrepasse certainement mes fonctions, mais je suis venu m’assurer que tout se déroule convenablement. Ne le prenez pas mal, mais votre présence ici ne me rassure pas. Le Seigneur Malak vous traque sans relâche partout dans la galaxie depuis la mort de Revan. Comment puis-je être sûr que les Sith ne nous repéreront pas ? Pardonnez-moi, Madame, mais je suis soucieux de la vie des hommes sur ce bâtiment. »


Bastila continuait à fixer le militaire, mais cette fois-ci par un regard qui évoquait plutôt un certain embarras. Toutefois, elle paraissait également avoir conscience de la situation que Carth cherchait à lui exposer.


Le Jedi prit la parole plus calmement : « je sais les dangers que nous encourons. Et je sais les risques que ma simple présence fait peser sur l’Endar Spire et sur son équipage. Et, croyez-moi, ce ne sont pas là des paramètres qui me mettent très à l’aise. Mais je suis comme vous, et comme tout l’effectif du vaisseau: on m’a donné des ordres, on ne m’a pas demandé mon avis. J’entends vos craintes, et je ne serai pas de ceux ou celles qui vous diront qu’elles ne sont pas fondées. Je ne peux pas vous assurer que les Sith ne nous trouverons pas. Je ne peux pas vous dire qu’il n’y a aucun risque. Il est probable que l’opération se déroule mal. Auquel cas, vous devez tous vous tenir prêts. Ce sont là les ordres que vous avez reçus. »


Une atmosphère très différente s’était soudainement installée entre les deux officiers ; les regards qu’ils s’échangeaient s’étaient adoucis. On pouvait ressentir de la compréhension et du respect, d’un côté comme de l’autre. Bastila savait que Carth était un homme loyal et digne de confiance, et qu’il allait mener sa mission jusqu’au bout, malgré ses réticences. Quant à Carth, il comprenait maintenant que Bastila était une femme sensée, très consciente de sa position actuelle et des dangers qu'elle pouvait faire courir à tout un équipage ; elle ne ferait rien qui puisse compromettre l'intégrité physique ou morale de quiconque. Néanmoins, comme elle venait de le préciser, elle n'avait malheureusement aucun pouvoir sur le cours des choses.


« Merci pour ces mots, Madame. Vous pouvez bien sûr compter sur mon professionnalisme. Si je puis me permettre une dernière remarque… »


Onasi cessa de parler, attendant que son Commandant lui donne la permission de poursuivre. Bastila fit aussitôt un signe de tête approbateur. L’homme reprit alors :


« Ne vous isolez pas des hommes de ce vaisseau. Vous êtes un Jedi, certes, mais vous êtes leur Commandant. Ils ont besoin de vous voir, ou au moins de vous apercevoir. Ne soyez pas de ces officiers généraux qui se cachent continuellement dans leurs quartiers. Les soldats n’aiment pas ça. »


« Bien reçu, Lieutenant. » Répondit la Jedi solennellement, et ajouta avec gratitude : « merci à vous. »


Carth Onasi acquiesça respectueusement une dernière fois avant de faire demi tour, pour sortir des quartiers de Bastila Shan. Avant qu'il ne parvienne à s'éloigner, la Padawan le sollicita une dernière fois :


« Lieutenant ! » S’exclama la jeune femme. Carth Onasi reporta son regard sur elle, dans l'expectative. Bastila entreprit alors de faire quelques pas pour se défaire de son bureau, qui avait été jusqu'alors un socle sécurisant - une espèce de fondement symbolique garantissant son autorité - et rejoignit l'officier à la porte de ses quartiers. Arrivée face à lui, elle poursuivit :


« Je suis sincèrement désolée de l'impression que j'ai donnée à mon arrivée. Je sais qu'on attendait de moi davantage que ce que j'ai donné ; je ne souhaitais pas paraître indifférente, mais la situation ne me rassurait pas du tout. Aussitôt que j'en aurai l'occasion, je présenterai mes excuses aux militaires qui m'ont accueillie. Et aussi auprès de cet homme qui ne méritait peut-être pas un tel traitement de ma part ; je n'ai pas su mesurer mon autorité. »


À ces mots, Onasi afficha un sourire comblé. Peut-être y avait-il quelque chose à faire avec elle finalement. Peut-être était-elle plus raisonnable qu'elle ne l'avait laissé entendre jusqu'à maintenant.


Seul le temps le dira.


« Je comprends, Madame. Les hommes recevront vos excuses avec sagesse, j'en suis sûr. Quant à Galhor... ne vous en faites pas trop. Tavhir aurait fait bien pire que vous. »


Bastila Shan lâcha un rire sourd. Les dernières paroles du Lieutenant l'avaient apaisée.


« Puis-je disposer, Commandant ? » Demanda Carth, qui sembla sortir Bastila de ses pensées.


« Bien sûr, Lieutenant. Merci encore. » Répondit-elle simplement.


Onasi tourna une ultime fois les talons et quitta définitivement les quartiers du Commandant. La jeune femme retrouva sa place à son bureau, et se résolut personnellement à se confronter à son régiment aussitôt que l'occasion se présenterait. Pour le moment, elle devait se remettre au travail.

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Notes:


Passage assez court. Je n'étais pas certaine de le publier. Mais tant pis, je l'ai quand-même fait !Il donne aussi un peu plus de sens à un dialogue prochain entre Corem et Carth.


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