De la Force et du Cosmos
Chapitre 1 : De la Force et du Cosmos
4527 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 01/02/2025 06:53
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, à l'aube de la dix-neuvième année avant la Bataille de Yavin, l’Ordre Jedi s’effondra.
Après son cuisant échec contre Dark Sidious, le Grand Maître Yoda trouva refuge sur Dagobah. Pour y être déjà venu pendant la Guerre des Clones, quand l’esprit de Qui-Gon Jinn l'y avait appelé afin de lui apprendre à conserver la vie après la mort, il connaissait bien cette planète. Non seulement, elle était l’une des plus éloignées du cœur de la galaxie, mais elle était surtout une véritable vergence dans la Force. Ce monde marécageux était si puissamment ancré dans le Côté Obscur qu’il dissimulait efficacement l’empreinte du Côté Lumineux de Yoda.
Le Grand Maître Jedi y construisit une petite hutte à partir des débris de sa capsule de sauvetage, de boue séchée et de roches locales. Il comptait sur la protection offerte par les serpents-dragons vivant dans le lagon lugubre au bord duquel il s'était installé, et sur les terribles arbres carnivores de la forêt environnante, les gnarls. Il arrivait que des racines de ces plantes se détachent du tronc principal et prennent alors une forme d'arachnide se nourrissant d'animaux, avant de planter ses huit pattes dans la terre pour devenir un arbre à son tour. L’effet combiné de ce biotope et de cette biocénose était dissuasif à souhait.
Vivre sur une planète aussi hostile ne le dérangeait pas. Après tout, c'était sur une planète du même acabit qu’il avait été formé à la maîtrise de la Force par son professeur, le Hysalrien N'Kata Del Gormo, des siècles plus tôt. C'était dans un environnement similaire qu'il avait fait ses premiers pas comme Jedi, d’abord comme Padawan, jusqu'à être nommé Maître, au jeune âge de cent ans. Il n'était alors qu’un juvénile, selon les critères de son espèce, mais déjà plus accompli dans les arts Jedi que beaucoup de ses pairs plus expérimentés.
Cela ne l’avait toutefois pas protégé de la défaite contre l’Empereur Palpatine, alias le Seigneur Noir des Sith.
Dorénavant exilé, Yoda n’en continua pas moins son combat contre le Côté Obscur. Pendant ses années d’isolement, il entra régulièrement en contact, au travers de la Force, avec les Jedi survivants, comme Obi-Wan Kenobi et Kanan Jarrus et d’autres utilisateurs du Côté Lumineux, comme Ahsoka Tano et Ezra Bridger, tout en prenant soin d'éviter d'être repéré par l'Empire galactique. Il profita également de cet esseulement pour méditer, demandant conseil à la Force, son alliée et guide de toujours.
Ce fut lors d’une de ses inestimables séances de méditation qu’il se sentit invité par un courant de Force. Malgré sa familiarité avec celle-ci, il n’en identifia pas la source. N’y décelant néanmoins aucune obscurité, il ajouta sa propre curiosité à l’attraction de plus en plus pressante et irrésistible, accélérant ainsi une dérive par laquelle il se serait usuellement laissé porter.
À la vitesse de la pensée, dans le monde onirique de son propre esprit, Yoda navigua jusqu'à une galaxie des plus reculées. Même si ce n'était qu’une reproduction dessinée par la Force dans son subconscient, il la reconnut grâce à ses vastes connaissances des anciennes légendes étrangères : la Voie Lactée. Puis, toujours sous l’influence de la Force, les étoiles de la galaxie virtuelle se réarrangèrent en une petite planète tout droit sortie du mythe humain des origines : la Terre.
Le monde légendaire se transforma lui aussi et Yoda se retrouva cette fois dans un paysage montagnard, des constellations inconnues décorant la voûte céleste et des nébuleuses étrangères dessinant une demi-dizaine de pics élégants. Sur le flanc du plus haut d’entre eux, une magistrale cascade d’étoiles se déversait. Face à elle, sur un promontoire tout aussi immatériel et scintillant, le Grand Maître put apercevoir la silhouette d’un individu en pleine cultivation. La Force amena et déposa l’esprit du Jedi auprès de l’étranger.
Il s’agissait d’un vieil homme, d’un très vieil homme, probablement deux à trois fois plus âgé que l'espérance de vie moyenne de l’espèce humaine. Il portait une tunique viride et usée le couvrant jusqu’aux chevilles. Sous un vieux chapeau végétal et conique, l’inconnu arborait un visage encadré par de larges sourcils rejoignant une courte barbe blanche. Une moustache fournie soulignait son nez et l’ensemble ne laissait visible qu’une portion de peau parcheminée, violacée et tannée par les ans. Installé en tailleur, il était serein, totalement absorbé par son état contemplatif.
Respectant cette concentration, Yoda s’assit de façon idoine et attendit que l’ermite prenne conscience de sa présence. Cela ne tarda pas. La face du vieillard s’éclaira d’un regard bleuté que le temps n’avait en rien voilé. Immédiatement, Yoda ne put qu’apprécier la profondeur de ce regard, dans lequel il trouva un miroir du sien, bien qu’il eût certainement trois fois son âge.
— Oh, le Cosmos m’apporte un compagnon bien singulier, aujourd'hui, s’étonna le vieil homme en avisant le petit extraterrestre humanoïde en robe de bure, à la peau verte, aux oreilles pointues et aux courtes griffes qui le dévisageait.
S’il était surpris par l’apparition et l’apparence de son visiteur, il n’en était pour autant pas décontenancé. Considérait-il le Jedi comme une simple divagation de son inconscient ? Le prenait-il pour la personnification d'un concept que sa méditation lui avait permis d’atteindre et avec lequel il devait discuter pour en tirer les préceptes ? Était-ce pour cela que cet humain ne sourcillait pas face à un extraterrestre ?
— La Force en présence l’un de l’autre nous a mis, corrigea Yoda.
Un éclat d’intérêt passa dans les yeux de l’inconnu.
— Je ne sais pas de quelle Force il est question, mais il est vrai que je ressens une grande puissance en vous, admit-il. Pourtant, cela ne me semble pas être du Cosmos. Qui êtes-vous, visiteur ?
Dans le dos de Yoda, un emblème évanescent évoquant un sabre de lumière surmonté d’ailes se mit à briller d'une douce lueur aventurine.
— Yoda, je me nomme. Grand Maître de l'Ordre des chevaliers Jedi, je suis. Le Cosmos que vous mentionnez, je ne connais pas, Maître… ?
— Vieux Maître Dohko des Cinq Pics, chevalier d’or de la Balance, l’informa l’intéressé.
À ces mots, l’aura d’une balance flavescente apparut derrière Dohko.
Les deux totems enveloppèrent les deux anciens de leurs lumières respectives, se défiant d’abord en un tourbillon dual avant de s’unifier en une sphère chartreuse. Les deux interlocuteurs se reconnurent comme des égaux et se levèrent, chacun s'appuyant sur sa propre canne séculaire. Ils quittèrent le belvédère exposé aux embruns astraux pour musarder dans le paysage sidéral qui s’offrait à eux. Leurs pieds éthériques foulaient un sol en poussière d’étoile alors qu’ils arpentaient les layons sinuant dans les montagnes nébulaires des alentours.
— Parle-moi de cette Force à laquelle tu faisais allusion, Yoda, s’enquit Dohko en passant spontanément au tutoiement.
Il semblait avoir compris qu'il avait affaire à la projection d’un véritable être vivant, et non à une abstraction de sa psyché.
— Hmm, la nature de la Force, tu veux savoir ? Simple est la question, mais complexe en est la réponse, oui. Tenter de t'éclairer, je peux néanmoins.
Yoda pointa la sphère céleste de son bâton et traça un large arc de cercle.
— La Force, une entité immatérielle est. L’ensemble de l’Univers en une singularité unique, elle maintient. Un champ d’énergie omniprésent, elle forme, reliant tous les êtres vivants, la matière inerte et même le vide.
Dohko prit le temps de s’imaginer un tel fluide.
— D’où vient cette entité ? demanda-t-il, intrigué.
— Son origine, très mal connue est. Mais sur des fondements aussi scientifiques qu’idéologiques, ce phénomène est basé. Dans tous les organismes vivants, des micro-organismes en symbiose existent : les midi-chloriens. D’un monde appelé Source de Vie et situé au cœur de l’Univers, ils proviennent. Les midi-chloriens, sensibles à la Force rendent les êtres. Mais quelques valeureux seulement, cette ressource invisible parviennent à maîtriser. Ceux dont le taux de midi-chloriens suffisant pour capter la Force s’avère. À eux, des réflexes, des capacités physiques et des facultés psychiques hors norme, elle octroie. Grâce à elle, développer des pouvoirs de télékinésie, influencer les esprits, voir l'avenir, soigner des blessés, absorber l’énergie ou lancer des éclairs, il devient possible.
Yoda s’étonna de la longueur peu coutumière de son discours. Mais à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Il avait affaire à un total étranger à la notion même de la Force. Celle-ci, en l’occurrence, lui soufflait d’ailleurs de ne pas se contenter d’aphorismes à l’égard de Dohko.
— Une énergie qui provient de l’origine de l’Univers et qui améliore les aptitudes de ses utilisateurs ? Cela me fait plutôt penser au Cosmos, releva le Vieux Maître.
— Le Cosmos, tu as déjà évoqué, oui. Me dire de quoi il s’agit, peux-tu ? s’intéressa Yoda.
Du bout de sa canne, le chevalier d’or tapa délicatement sur le sol céleste.
— Le Cosmos, expliqua Dohko, est une énergie inhérente à toute chose dans l’Univers, issue elle-même de l’énergie du Big Bang, source première de tout ce qui existe. Chaque être a en lui une fraction de cette puissance primordiale, mais rares sont les personnes à la percevoir et plus encore celles pouvant l'exploiter. Ceux qui parviennent à la ressentir deviennent capables de créer en eux un microcosme à partir duquel ils tirent une puissance capable de détruire, broyer et manipuler les atomes. Les plus aptes développent des facultés de télékinésie, téléportation et télépathie. Certains peuvent même ouvrir des brèches interdimensionnelles. En résumé, le Cosmos se décrit comme une étincelle divine que chaque individu peut éveiller pour dépasser les limites physiques et mentales humaines.
— Hmm… propre à chacun le Cosmos est donc, comprit le Grand Maître. De la fragmentation de l’énergie originelle, il provient. À l'inverse, entière la Force reste. À ses utilisateurs, elle n’appartient pas, et divine elle n’est certainement pas. À exploiter sa puissance intérieure, le Cosmos semble revenir, alors que la Force, à canaliser une puissance externe grâce aux midi-chloriens consiste.
— Est-ce à dire que les adorateurs de la Force ne possèdent pas d’énergie qui leur est propre ? s’étonna Dohko.
Yoda regarda son interlocuteur qui semblait sincèrement surpris qu’il en fût ainsi, comme s’il n’avait jamais connu que le contraire.
— Cette impression cela peut donner, mais en partie incorrecte est ton interprétation. Deux pans de la Force, il y a en vérité : la Force Cosmique et la Force Vivante. La Force Cosmique, le champ énergétique universel émis par la Source de Vie est. La Force Vivante, le champ d’énergie individuel produit par les organismes vivants à partir de la Force Cosmique captée par leurs midi-chloriens est. Chaque être au travers de sa Force Vivante s’épanouit et quand il meurt, à la Force Cosmique la Force Vivante retourne. Ce tout, la Force est. Le Cosmos, bien limité me semble-t-il comparé à elle.
Le Vieux Maître des Cinq Pics eut un geste de dénégation.
— C’est sous-estimer le pouvoir d’un univers intérieur, rétorqua Dohko. Le Cosmos recèle un potentiel infini. Il amplifie les cinq sens et en révèle cinq autres. Le Sixième, à l’origine des aptitudes dites paranormales. Le Septième, la quintessence pour un mortel qui devient alors capable de réaliser des prouesses similaires aux miracles divins. Le Huitième, celui qui permet de conserver sa volonté dans la vie après la mort. Le Neuvième, le tabou existant aux limites de l’infini, aussi nommé pouvoir du désespoir et du chaos, et qui nécessite de renoncer à son humanité. Et enfin, le Dixième, le Dunamis ou volonté divine, une énergie sans frontière que seuls les dieux disent posséder et avec laquelle rien n’est impossible, allant même jusqu’à muer la destructivité initiale en créativité finale, comme un mandat offert par la Nature et autorisant son détenteur à faire fléchir et remodeler la réalité.
Yoda s’arrêta et regarda Dohko avec une certaine circonspection et une soudaine prudence. Le Jedi ne perçut néanmoins ni malice douteuse, ni orgueil suspect dans les révélations du Saint. Le Vieux Maître lui avait simplement énoncé les potentialités du Cosmos, sans en faire l’apologie. Ces dernières n’étaient d’ailleurs pas si différentes de celles qui avaient amené certains utilisateurs de la Force à être eux-mêmes déifiés, pour la maîtrise extrême qu’ils avaient de cette énergie. Par le passé, cela avait d’ailleurs amené à de nombreuses dérives sectaires qui avaient fortement déséquilibré l’harmonie universelle.
— Dangereux, le Cosmos me semble, oui. Excès de pouvoir, il favorise, hmm ? Trop grand pouvoir aux individus, il donne peut-être. Des dieux, certains peuvent-ils défier ou devenir ? Une menace pour la balance de l’Univers cela pourrait représenter, non ?
Dohko fit un signe d’assentiment.
— Tu soulèves une question intéressante, Yoda. Un tel pouvoir, en effet, peut être dangereux… s’il est utilisé par un cœur corrompu. La faute n’en revient toutefois pas à l’énergie, mais à l’âme de celui qui l’utilise. Le Cosmos est le reflet du dépassement de soi. Il évolue avec les émotions d’un individu et se renforce avec l’intensité de celles-ci. Il est vrai qu’il peut permettre à un mortel d’égaler un dieu, mais ce n’est pas un danger, c’est une responsabilité. L’éveil du Cosmos repose sur la droiture, l’engagement et l’abnégation de son utilisateur. Ceux qui le maîtrisent pleinement subliment leurs désirs égoïstes et épousent une cause bien plus large : protéger l’harmonie cosmique. Les Jedi ne détiennent-ils pas également un immense pouvoir ? Aucun utilisateur de la Force n’a-t-il donc failli ? Aucun d’eux ne s’est-il jamais détourné de la vertu ?
Yoda secoua tristement la tête, cette question ravivant de trop douloureux souvenirs, certains bien plus anciens que les évènements qui l’avaient amené sur Dagobah.
— Hmm, bien que jeune par rapport à moi, clairvoyant, tu es, Vieux Maître Dohko. La Force, également divisée est. D’un Côté Lumineux, Ashla, associé à l’altruisme, la compassion et l’équilibre, ainsi que d’un Côté Obscur, Bogan, affilié à l’égoïsme, la domination et l’anarchie, d’aucuns parlent. Deux philosophies opposées, ils formeraient à partir du même tout. Que ni Ashla, ni Bogan n’existent, les Jedi pensent, mais simplement la Force, correctement enseignée, face aux divagations issues de sentiments bruts mal maîtrisés comme la haine, la douleur ou la passion. Possible il est aussi qu’Ashla et Bogan soient les fruits de l’inconscient collectif de leurs adorateurs respectifs accumulé au fil des générations. Une autre théorie, que la nature même de la Force ait été scindée lors des Guerres de la Force affirme, mais en ça je ne crois pas, non. Le Côté Obscur, aux possibilités offertes par le Cosmos me fait penser. Trop conjugué aux émotions, il est. Pour la Force bien interpréter et de ses enseignements pleinement profiter, oublier ses émotions il faut, oui.
— Mais, renchérit Dohko, les émotions sont ce qui nous définit en tant que personne ! La Force me semble être une entité qui néglige trop l’individu.
— La Force, unité recherche, là où le Cosmos, pluralité cultive, contra Yoda.
— Il m’apparaît plutôt que la Force manipule ses vecteurs en cherchant à harmoniser leurs identités et leurs usages, sous couvert de sa quête d’équilibre universel. Mais le Cosmos permet à chacun de choisir sa voie, de forger son propre équilibre.
— Hmm… Choisir, un grand fardeau est, oui. Manipuler, la Force ne fait pas. Un allié, un guide, elle est, pas un maître. Ensemble, elle et nous travaillons. Un soutien elle offre et à l’ordre cosmique elle contribue. Le Cosmos, son détenteur n’oriente pas. L’inverse c’est, apparemment. Si autant de Cosmos que d’utilisateurs, il y a, comment unifié l’Univers peut-il rester ?
Dohko émit un petit rire de gorge, comme il l’eût fait suite à la remarque d’un disciple aux connaissances incomplètes.
— L’Omega, Yoda, le rassura le Saint d’or. Même le plus puissant des chevaliers n’agit jamais seul. Notre Cosmos ne nous guide pas, mais il est guidé. Par des constellations, des astérismes ou des étoiles gardiennes auxquelles nous sommes rattachés. Par des compagnons d’armes qui partagent notre dévotion également. Cette conscience de groupe, cet effort collectif, bâti sur la conviction que chaque génération peut potentiellement devenir meilleure que la précédente via la transmission des compétences, la passation des connaissances et la succession des expériences, permet de viser l’Omega. C’est un stade hypothétique au-delà de l’ultime que nul être ne peut atteindre isolément des autres. Alors, tu vois, le Cosmos n’est pas forcément synonyme d’individualité.
— Un peu rapide en jugement, j’ai été, s’excusa Yoda. L’Univers vaste est, mais nos différences minimes sont apparemment. Pas une seule vérité, il n’y a. La Force, les êtres enveloppe et oriente ; le Cosmos, de l’individu émane et l’élève. La première, de l’harmonie universelle part dans l’espoir de se retrouver dans les individus. Le second, de l’équilibre personnel s’initie pour se répandre à l’Univers. Par différents chemins, un même sommet nous cherchons à atteindre, il semblerait.
Sous le ciel étoilé, parmi les nébuleuses étrangères et les constellations inconnues du chevalier Jedi, la lumière de la Force de Yoda et du Cosmos de Dohko s’intensifièrent, projetant des ombres dansantes autour des deux vénérables.
— Yoda, une pensée me vient, admit le Vieux Maître. Nos énergies ne seraient-elles pas qu’une même force vue à travers des perspectives différentes ? La Force, le champ qui relie tout, et le Cosmos, l’étincelle qui brûle en chacun de nous, pourraient-elles être les deux faces d’une même réalité universelle ?
— Hmm... profondes, tes paroles sont. Par moi, la Force s’exprime. En toi, le Cosmos brûle. Pas dissemblables, mais similaires, nous sommes. Une fragmentation de l’Un, la Force et le Cosmos pourraient être.
— Si nous poursuivons cette pensée, alors cela signifie que la véritable quête n’est pas celle du pouvoir ou de l’harmonie extérieure, mais celle de la compréhension de cet Un. L’éveil des Cosmos individuels n’est-il pas un premier pas vers le regroupement de toutes ces étincelles pour reformer la flamme originelle ? Et l’étude de la Force universelle n’est-elle pas une étape vers la compréhension et la découverte individuelles de cette unité ?
Maître Yoda tapota doucement sa canne, comme pour marquer le rythme de ses pensées.
— Hmm… Comme la Lumière et l’Ombre, l’Intérieur et l’Extérieur ou le Soi et l’Univers, complémentaires les chemins ouverts par le Cosmos et la Force sont en réalité. Trop en soi, l’un regarde ; trop loin, l’autre cherche. Mais ensemble, peut-être, un équilibre parfait créer pourraient-ils.
Les yeux de Dohko s’éclairèrent soudainement.
— Et si le véritable enseignement était celui de la fusion des deux ? Que serait un guerrier qui allie la maîtrise du Cosmos, cette flamme intérieure, et celle de la Force, cette énergie extérieure ? Un être capable de percevoir aussi bien l’infini du macrocosme que celui de son microcosme ?
Yoda leva un doigt de mise en garde et souleva un point crucial :
— Hmm... un danger aussi, cela serait, oui. Trop de pouvoir, un être ainsi aurait. Connaître ses limites et faire preuve de circonspection, essentiel il serait. Sans cela, une telle fusion, à l’orgueil pourrait mener et destruction cela apporterait.
Le Vieux Maître ne se démonta pas, confiant :
— C’est vrai, mais le pouvoir n’est qu’un outil. Ce qui importe, c’est l’intention. Même le plus humble des hommes, s’il possède la sagesse et le cœur pur, peut porter le poids d’une telle responsabilité. L’univers teste ceux qui s’élèvent, et seuls les dignes atteignent les sommets. La maîtrise de soi est la clé, qu’il s’agisse de la Force ou du Cosmos.
Le Grand Maître Jedi s’inclina légèrement, son visage empreint de respect envers cet être si jeune par rapport à lui.
— Sages paroles, Dohko. Éveil et responsabilité, main dans la main vont. Mais jamais complet, l’apprentissage n’est. Toujours un chemin, il reste à parcourir. Que ni la Force ni le Cosmos ne sont des fins en soi, peut-être l’enseignement ultime est-ce ? Uniquement des outils pour guider les êtres vers une vérité plus vaste, ce sont, vers un mystère que même toi et moi comprendre entièrement ne pouvons pas prétendre. Maîtriser l’énergie, l’important n’est pas, mais de se maîtriser soi-même, de se remettre en question et d’accepter sa propre évolution.
Leur marche parmi les étoiles ramena les deux sages à leur point de départ. De nouveau enveloppés par le grondement de la cascade, ils se rassirent l’un en face de l’autre, en tailleur, leur canne en travers des jambes. Dohko soupira d’aise, comme s’il n’avait pas eu de conversation aussi profonde depuis très longtemps. Le Vieux Maître reprit la parole, un air mélancolique sur le visage :
— Yoda, nos paroles cherchent à saisir l’infini. Mais peut-être que ces mots ne sont que des ombres dans une caverne. En toute humilité, le Cosmos et la Force ne sont-ils pas des vérités au-delà de toute compréhension, y compris la nôtre ?
Le Grand Maître hocha lentement la tête, pensif.
— Hmm... des reflets, nos mots sont, oui. Des fragments, pas le tout. Mais ressentir, nous pouvons. Dans le silence, la vérité se trouve peut-être.
À ces mots, le chevalier d’or ferma les yeux comme pour se concentrer et tout bruit cessa autour des deux érudits, l’environnement mental respectant l’appel au calme contemplatif de Dohko. L’absence totale de son ne perturba pas Yoda qui attendit patiemment la prochaine intervention de son interlocuteur.
— Alors pourquoi cherchons-nous ? finit par demander le Vieux Maître avec une intonation qui faisait ressortir sa jeunesse par rapport au Jedi. Pourquoi ces discussions ? Si l’Univers existe au-delà de notre compréhension et de notre conceptualisation, si ce que nous en appréhendons n’est qu’une illusion née de la perception, à quoi sert notre soif de savoir ?
Yoda eut un sourire énigmatique, une étincelle de malice dans les yeux :
— Hmm... une question, cela est. Mais chercher, une partie de la réponse cela peut être. Le voyage, l’apprentissage, eux-mêmes la vérité sont.
Dohko ouvrit lentement les yeux, comme illuminé par une révélation qu’il avait crue impossible à son âge avancé.
— Peut-être que l’Univers ne cherche pas à être compris. Peut-être cherche-t-il simplement à être vécu. La Force et le Cosmos ne sont pas des clés pour déverrouiller un mystère. Ce sont des outils pour ressentir la splendeur de l’existence, pour participer à cette harmonie infinie.
Le chevalier Jedi sourit et tapota gentiment le chapeau du chevalier sacré comme s’il eût s’agit de l’un de ses jeunes Padawans particulièrement doué.
— Vivre, ressentir, devenir. Oui, Dohko. Pas comprendre, mais être. La vérité, au-delà de l’intellect existe.
Dans ce territoire onirique et spirituel où seule la cultivation demeurait, les deux Maîtres s’estimèrent. L’utilisateur du Cosmos et le vecteur de la Force avaient dépassé les limites de leurs propres philosophies, accepté l’unité sous-jacente à leurs énergies respectives et révélé la réciprocité des liens entre les microcosmes individuels et le macrocosme universel.
Ils poursuivirent un temps leurs échanges, comparant notamment les sacrifices exigés par l’oblativité envers leurs idéaux. Ils allèrent même jusqu’à confronter virtuellement sabre laser et épée de la Balance, compétition qui se solda par un match nul, tant ils étaient accomplis dans la maîtrise dans leurs arts respectifs, qu’il soit martial ou sidéral.
Chacun d’eux, malgré son âge avancé selon les critères de leurs espèces, en ressortit grandi, fort d’une nouvelle expérience dont ils songeaient déjà à faire bénéficier leurs épigones.
La Force montra à Yoda un jeune homme aux cheveux châtains et aux yeux bleus. Celui-ci viendrait sur Dagobah des années plus tard et serait son dernier élève, celui qui ramènerait l’harmonie dans la Force.
Le Cosmos dévoila à Dohko la venue d’un petit garçon aux cheveux noirs et aux yeux pers. Ce dernier arriverait sous peu aux Cinq Pics et deviendrait son héritier, celui qui symboliserait l'équilibre du Cosmos.
Alors, les deux énergies se dissocièrent et séparèrent les deux voyageurs de l’astral, ramenant leurs esprits à leurs corps. Sans un mot, et échangeant dans un dernier regard toute la révérence qu’ils avaient acquise l’un envers l’autre, Yoda et Dohko se saluèrent. Lentement d’abord, puis de plus en plus rapidement, les deux consciences se quittèrent, comprenant qu’elles ne se reverraient pas de leur vivant… et pas tant que la Force et le Cosmos ne les réunissent dans l’Un.