Chapitre 13 : L'appât est lancé

Croiseur interstellaire Chimera, système Beheboth

Jix fut tiré de son sommeil par les bips d'un comlink. L'envie lui prit brièvement d'écraser l'impudent objet avec la crosse de son blaster, mais il se trouvait que c'était celui de Lumiya. Celle-ci, déjà réveillée et habillée, était en train de répondre à l'appel.

– Merci de m'avoir prévenue, capitaine, nous vous retrouverons dans le hangar principal d'ici un quart d'heure.

Sur la table de chevet à coté du lit se trouvait une tasse de caf fumante et une barre énergétique. Lumiya devait lui avoir préparé son petit déjeuner pendant qu'il dormait encore.

– Bien dormi mon chéri ? lui dit-elle. Tu as juste le temps de prendre ton petit déjeuner et de te rafraîchir. Le capitaine Pellaeon vient de m'avertir qu'on arrivera dans le système Beheboth d'ici dix minutes. Je lui ai dit de nous retrouver dans le hangar principal d'ici un quart d'heure pour inspecter ce cargo corellien qu'il nous a trouvé.

– Ma foi, je ne me sens pas trop mal. En tout cas, je n'ai pas l'impression d'avoir trop souffert de ton petit tour de sorcière Sith d'hier soir. Et merci pour le p'tit dej.

Jix but son caf et mangea sa barre énergétique, puis il se rendit au rafraîchisseur pour faire sa toilette. En se regardant dans le miroir, il constata néanmoins que sa barbe avait poussé plus que de rigueur, comme s'il ne s'était pas rasé depuis trois jours au lieu d'un. Il avait aussi de beaux bleus sur les épaules, là où elle l'avait serré avec ses mains artificielles.

– J'ai peut-être parlé trop vite mon cœur, dit-il, j'ai des bleus aux épaules et une barbe de trois jours ! Est-ce que cela veut aussi dire que j'ai perdu deux jours de ma vie ?

– Je ne peux pas te répondre avec certitude, c'est la première fois que j'utilise cette technique. Je l'ai apprise dans un traité de sorcellerie Sith que j'ai trouvé sur Ziost et que j'ai soigneusement conservé pour moi. Elle crée une boucle sensorielle qui permet à chaque partenaire de partager le plaisir de l'autre, un peu comme avec certaines drogues. « La passion me donne de la force » comme dit le code des Sith. Cela en valait la peine non ?

– Je dois reconnaître que je n'ai jamais rien ressenti de tel auparavant. Tu m'a vraiment emmené avec toi au septième ciel. J'espère juste ne pas retomber au neuvième enfer ensuite.

– Il n'est pas censé y avoir d'effet à long terme en tout cas, donc tu ne devrais rien risquer de plus. Mais c'est vrai que c'est très fatiguant et qu'il vaut mieux ne pas en abuser.

– Bon, il ne me reste donc plus qu'à me raser.

– Moi je suis prête, je vais aller retrouver le capitaine Pellaeon. Quand tu auras fini, sors par l'appartement de service et viens me rejoindre. Tout le monde à bord n'a pas besoin de savoir que nous partageons le même lit.

Quelques minutes plus tard, Jix et Lumiya inspectaient avec le capitaine Pellaeon le cargo YT-1760 qui se trouvait dans la soute du croiseur.

– Ma foi, dit Jix, il n'est pas tout neuf mais il me paraît en état de voler. Et la capsule de sauvetage est fonctionnelle. Cela devrait convenir.

– Nous l'avons confisqué à un trafiquant de ryll il y a une semaine, répondit Pellaeon. Mais vous ne m'avez pas encore expliqué ce que vous comptiez en faire exactement.

– Nous avons fait courir le bruit que l'Empire allait implanter une base de secteur sur Beheboth, l'informa Lumiya. Nous espérons que l'Alliance enverra quelqu'un pour enquêter, peut-être bien le capitaine Solo avec le Faucon Millenium. Vous allez maintenir le Chimera caché derrière la troisième lune, capitaine, jusqu'à ce que l'agent rebelle arrive et atterrisse sur Beheboth. Lorsqu'il repartira, nous simulerons l'attaque de ce cargo YT-1760 et nous le détruirons tandis que Jix montera dans la capsule de sauvetage.

– Vous voulez que les rebelles le recueillent en le prenant pour un contrebandier en délicatesse avec l'Empire et qu'ils l'emmènent ensuite à leur quartier général, c'est astucieux.

– Oui, et Jix dispose d'un nouveau modèle d'émetteur hyperspatial indétectable, camouflé en cellule énergétique de blaster. Il pourra nous contacter une fois sur place.

– Et bien j'espère que ce plan va fonctionner, dame Lumiya. Il me tarde de faire payer à ces salopards de rebelles la défaite d'Endor.

– J'y compte bien, capitaine.

Ils quittèrent ensuite le cargo corellien pour rejoindre la passerelle. Le Chimera alla ensuite se positionner au dessus de la face cachée de la troisième lune de Beheboth, attendant que le poisson morde à l'hameçon.

Quartier général de l'Alliance rebelle, Arbra

Leïa sortait d'une réunion avec les leaders de l'Alliance qui avait été plutôt tendue. Tout d'abord, les mauvaises nouvelles semblaient s'accumuler. Selon les services de renseignement de l'Alliance, l'Empire avait réoccupé le système Endor et n'y trouvant plus de rebelles, Dark Claria avait ordonné des frappes de turbolasers sur un grand nombre de villages Ewoks. Les alliés que la rébellion avait trouvés sur place avaient donc subi la colère impériale à leur place et la nouvelle Dame Sith semblait suivre les traces de son prédécesseur Dark Vador. Ils avaient aussi reçu un message de leur contact dans le système Beheboth, situé non loin d'Arbra, comme quoi l'Empire allait y renforcer significativement sa présence et y construire un base de secteur. Il était nécessaire d'y envoyer quelqu'un pour vérifier cette information car une base impériale importante dans un système proche constituait une menace potentielle.

Mais le pire avait été la demande par le représentant Bothan Borsk Fey'lya que « la fille de Vador » soit exclue du conseil de l'Alliance car « on ne pouvait pas lui faire confiance ». Cette attaque était survenue après que Leïa se soit opposée à lui à propos du sort à réserver au grand amiral Teshik qui avait été capturé lors de la bataille d'Endor. Fey'lya voulait qu'il soit jugé sommairement pour crimes de guerre et probablement exécuté alors que Leïa avait insisté pour qu'il soit traité correctement comme il convient pour un prisonnier de guerre de haut rang. Il l'avait alors accusée de collusion avec l'Empire en raison de ses origines et demandé son exclusion du conseil. Mon Mothma avait refusé bien sûr, et assuré que Leïa avait toujours sa totale confiance. Mais le poison de la discorde avait été semé et ceux qui avaient révélé publiquement le lien de parenté entre Leïa, Luke et Vador ne s'y étaient pas trompés : cela faisait plus de mal à l'Alliance qu'à l'Empire. Heureusement, Luke l'attendait à la sortie de la salle de réunion. Elle allait pouvoir soulager un peu son stress en discutant avec son frère.

– Alors, comment cela s'est-il passé ? lui demanda Luke.

– Aussi mal qu'on pouvait s'y attendre. Borsk Fey'lya vient de demander mon exclusion du conseil parce que je suis la fille de Vador et que nous sommes en désaccord au sujet du grand amiral Teshik et selon nos renseignements, Dark Claria a fait un beau massacre d'Ewoks à Endor. On dirait que ta nouvelle amie Sith est bien partie pour suivre les traces de notre père.

– Je suis désolé pour nos amis Ewoks, Leïa, mais Claria n'est pas mon amie, elle a déjà essayé de me tuer à deux reprises et je crains fort qu'elle ne continue dans cette voie. Et en quoi consiste ce désaccord entre toi et Fey'lya à propos de Teshik ?

– Et bien, il voudrait un beau petit procès pour crimes de guerre suivi d'une belle petite exécution, histoire de lui faire payer les crimes de Tarkin, Vador et Palpatine et peut-être bien aussi les futurs crimes de Claria et Lumiya pendant qu'on y est. Je lui ai fait remarquer que si on faisait porter à une seule personne tous les crimes de l'Empire, on ne vaudrait pas mieux qu'eux et il m'a alors accusée de sympathie pro-impériale, d'être une fille de Sith prête à rejoindre le Côté Obscur comme mon père et d'être donc indigne de siéger au conseil. Même Mon a failli perdre son sang froid devant tant de mauvaise foi.

– Effectivement, je comprends ta réaction et je te soutiens entièrement. Le simple fait qu'Osvald Teshik soit resté en arrière pour couvrir le retrait de la flotte impériale démontre qu'il est un homme d'honneur. Nous nous devons de le traiter comme tel et non comme l'Empire traite ses propres prisonniers. Mais tu as quand même quelque raison d'être heureuse n'est-ce pas, vu ce qui s'est passé entre toi et Han hier soir ? demanda Luke avec un petit sourire pour dévier la conversation vers un sujet plus léger.

– Eh, comment es-tu au courant pour cela frangin ? demanda-t-elle en le poussant du coude.

– C'est notre lien dans la Force, Leïa. Je sens quand tu souffres, mais aussi quand tu es heureuse. Mais rassure-toi, ce n'est pas comme si j'étais dans la chambre avec vous, juste une vague sensation.

– Je l'espère bien, je tiens à garder mon intimité. Au fait, on a aussi reçu un message de ton amie Darial Anglethorn, notre contact sur Beheboth.

– Darial ? Qu'est-ce qu'elle voulait ? Rien de grave, j'espère ?

– Des rumeurs à propos d'un projet de base impériale sur sa planète. Comme c'est relativement proche d'Arbra, il faudrait envoyer quelqu'un vérifier ; ça t'intéresse, joli cœur ?

– Et bien, Darial est une femme charmante et il n'y a aucun doute que je lui plais beaucoup, dit Luke en rougissant quelque peu. Mais je n'étais pas prêt alors à me lancer dans une nouvelle relation, pas juste après ce qui était arrivé avec Shira. Et je ne le suis guère plus maintenant. Par ailleurs, je sens dans la Force qu'un danger te menace Leïa, et je ne veux pas te laisser seule.

– Un danger ? De quelle nature ?

– Je ne sais pas exactement, ce n'est encore qu'une vague impression, mais cela implique le Côté Obscur de la Force, de cela je suis certain.

Tout en discutant, ils croisèrent Winter qui salua Leïa d'un clin d'œil et d'un sourire en coin. Elle fut immédiatement prise d'un affreux doute.

– Eh, tu as vu le clin d'œil que m'a lancé Winter ? Elle ne peut pas être au courant par la Force, elle ! J'espère que tu n'as pas été raconter tes « vagues sensations », frangin !

– Pour qui tu me prends sœurette ? Tu sais bien que ce n'est pas du tout mon style !

– J'en vois bien un par contre qui en serait parfaitement capable !

Ils croisèrent ensuite Lando qui les salua avec sa verve habituelle.

– Salut Luke ! Mes hommages, princesse Leïa, vous êtes plus ravissante que jamais. Alors ça y est ? vous avez enfin brisé définitivement la glace avec Han ?

En entendant cela, Leïa comprit que ses soupçons étaient fondés : Han n'avait pu s'empêcher de conter ses exploits et toute la base devait déjà être au courant qu'ils avaient passé la nuit ensemble. Elle se sentit envahie pour un violent sentiment de colère.

– J'en étais sûre ! Han n'a pas pu s'empêcher de s'en vanter, n'est-ce pas ? Le kriff de fils de Hutt, je le déteste ! Je vais le tuer !

– Allons Leïa, calme-toi, dit Luke. Souviens-toi que la colère mène au Côté Obscur ! Et puis tu connais Han, tu aurais dû te douter qu'il n'allait pas garder pour lui votre première nuit d'amour.

– J'aurais surtout dû le laisser servir de bibelot à Jabba le Hutt. Je ne sais vraiment pas ce qui m'a prise d'aller le décongeler au péril de ma vie !

– Mais parce que tu l'aimes, voyons, malgré ses nombreux défauts.

– Le pire, c'est que c'est vrai ! Mais il ne va pas s'en tirer comme ça, crois-moi.

– Et si tu l'envoyais sur Beheboth enquêter à propos de cette rumeur de base impériale ?

– Bonne idée, ça lui apprendra à tenir sa langue ! Et vous Lando, vous pourriez l'accompagner. D'après Luke, notre contact sur place, Darial Anglethorn, est une femme charmante.

– Ah, s'il y a une jolie fille dans le coup, je suis toujours partant, princesse !

Lando suivit Luke et Leïa jusqu'à la caverne principale que l'Alliance rebelle partageait avec les Hoojibs, l'espèce indigène d'Arbra, de petits animaux quadrupèdes et télépathes à fourrure blanche. Ils y retrouvèrent Han et Chewbacca, en train de bricoler une fois de plus sur le Faucon, ainsi que C-3PO, R2-D2 et Plif, le porte-pensée des Hoojibs.

– Je vous sens soucieuse et énervée, princesse Leïa, résonna la voix de Plif dans sa tête. Est-ce que tout va bien ?

– Je vais bien Plif, merci de vous en inquiéter. Si je suis soucieuse, c'est parce que les chefs de l'Alliance se déchirent à cause de mon lien de parenté avec Vador. Et si je suis énervée, ajouta-t-elle en haussant la voix pour être bien entendue, c'est parce que le capitaine Solo se permet d'étaler notre vie de couple sur la place publique !

– Mes excuses, Votre Altesse, répondit Han, je ne pensais pas qu'il s'agissait là d'un secret d'état.

– Tout ce que je te demande, c'est un peu de discrétion, Han. Mais il est vrai que ce n'est pas ton fort et que tu ne peux pas t'empêcher de clamer partout tes hauts faits !

Chewbacca émit quelques sons ressemblant fortement à des éclats de rire.

– Oh, ça va boule de poils, le rabroua Han, pas la peine d'en rajouter. Ok, Leïa, je m'excuse, je suis sincèrement désolé. Tu m'aimes toujours ?

– Peut-être, on verra si tu es sage. En attendant, j'ai une mission à te confier. Notre contact sur Beheboth, Darial Anglethorn, nous a informé d'une rumeur à propos d'un projet de base impériale sur sa planète. Il faudrait que quelqu'un aille vérifier sur place et j'ai pensé que toi, Lando et Chewie pourriez vous en charger.

– En plus, cette Darial est une copine de Luke et des plus charmante à ce qu'il paraît, ajouta Lando.

– Encore une ? s'exclama Han. Décidément, le gamin est un vrai tombeur !

– Lando exagère Han, répondit Luke, il ne s'est rien passé entre Darial et moi. Je lui ai juste donné un coup de main contre des pirates voleurs d'eau il y a cinq mois lorsque je me suis retrouvé coincé sur Beheboth. Mais je dois reconnaître qu'elle est charmante et je crois bien qu'elle a un faible pour moi.

– C'est bien ce que je disais, les filles te tombent dans les bras, mais tu es trop bête pour en profiter. Ou alors, tu comptes remettre au goût du jour l'ascétisme des anciens Jedi ?

– Non, cela ne me semble pas une bonne idée, je ne voudrais surtout pas que Leïa se sente obligée de choisir entre toi et sa formation de Jedi.

– Ce serait tout choisi, frangin, dit Leïa, rien ne me séparera de Han, pas même son indécrottable vantardise de contrebandier corellien !

– Je t'adore, mon cœur, répondit Han. Bon, c'est d'accord, nous irons voir cette histoire de base impériale dès que Chewie et moi aurons fini de réviser le Faucon.

– Prend ton temps, répondit Leïa d'un ton piquant, ce serait dommage que ton tas de ferraille vous lâche et que vous vous retrouviez coincés sur Beheboth.

– Et tu devrais emmener 3PO avec vous, ajouta Luke, cela lui changera les idées. Même si la caverne géothermale fournit aux Hoojibs toute l'énergie dont ils ont besoin, cela le rend nerveux d'être tout le temps en présence de créatures énergivores.

– Alors là, si bouton d'or nous accompagne, ce sera une vraie partie de plaisir, pas vrai Lando ? Combien de temps pour finir de réviser le Faucon, Chewie ? Deux heures ? Bien, on se mettra donc en route dès qu'on aura fini.

Luke sentait dans la Force qu'un danger approchait. Il sentait Leïa menacée comme il le lui avait dit, mais il ne pouvait pas exclure que Darial soit également en danger. Il ne pouvait pas les protéger toutes les deux et il devait donc d'abord s'occuper de sa sœur qui représentait l'avenir des Jedi. Il devra compter sur Han, Chewie et Lando pour protéger son amie si elle était menacée.

– Parfait, dit Luke, et soyez prudents, c'est peut-être un piège ! De mon côté, je vais faire travailler à Leïa sa technique au sabre laser, je pense qu'elle a un grand besoin d'évacuer son stress.

– Tu as raison, Luke, cela me fera le plus grand bien.

R2 émit quelques bips sur un ton assez inquiet que 3PO s'empressa d'interpréter.

– Oui, R2, moi aussi je me pose des questions à propos de cette rumeur de base impériale. Beheboth est une planète de seconde zone, ce n'est pas vraiment un emplacement idéal pour une base de secteur. J'ai moi aussi un mauvais pressentiment à ce propos. Mais ne t'inquiète pas, je vais accompagner le capitaine Solo et le général Calrissian comme maître Luke l'a suggéré. Comment ça, tu n'es pas sûr que je sois d'une grande aide ? Ah, ce droïde astronavigateur est vraiment impossible !

Tandis que Luke et Leïa se rendaient à leur séance d'entraînement, Lando aida Han et Chewie à finir la révision du Faucon. Ils chargèrent ensuite dans les soutes de la nourriture, de l'eau et quelques pièces de technologie obsolète prises dans les rebuts de l'Alliance qui leur serviraient de couverture en cas de contrôle à l'arrivée. Quelques heures plus tard, ils décollaient en compagnie de C-3PO en direction de Beheboth.

Cité impériale, Coruscant

De retour sur Coruscant, Claria réfléchissait dans son bureau au sujet des visions de l'avenir qu'elle avait eu dernièrement. La première, un rêve qu'elle avait eu durant son sommeil, la montrait couronnée impératrice et mère d'une princesse héritière. La seconde, qu'elle avait eue en méditant durant le voyage vers Byss, montrait une autre Dame Sith sur le trône impérial, une Leïa Organa qui avait sombré dans la folie en même temps que dans le Côté Obscur et qui serait encore pire que Palpatine. Ces deux visions étaient clairement contradictoires et elle ne savait pas quelle attitude elle devait adopter. Elle savait déjà qu'elle ne pouvait pas en parler à son maître qui n'hésiterait pas à la tuer s'il venait à la percevoir comme une menace sérieuse. Il ne lui restait donc qu'une seule personne à qui elle pourrait en parler : le prophète suprême Kadann, l'un des plus puissants adeptes du Côté Obscur après le Seigneur Sidious, le maître d'un ordre dissident des Sith qui s'était spécialisé depuis neuf cents ans dans l'utilisation du Côté Obscur de la Force pour prédire l'avenir. Mais depuis qu'il s'était opposé à Palpatine il y a quelques mois au sujet du piège d'Endor, Kadann et les autres prophètes avaient disparu de la circulation, se cachant quelque part pour échapper à la colère impériale. Elle n'avait aucune idée de l'endroit où il pouvait se trouver à présent. A son grand regret, elle allait devoir s'adresser aux services de renseignements impériaux. Elle prit donc son comlink et appela la directrice des renseignements.

– Directrice Isard, ici Dark Claria. Veuillez venir me retrouver dans mon bureau, j'ai à vous parler.

– Bien ma Dame, j'arrive tout de suite, lui répondit-elle.

Dix minutes plus tard, Ysanne Isard se présenta et entra.

– Vous souhaitiez me parler, ma Dame ?

– Oui, directrice Isard, je souhaiterais savoir si vos services ont une idée de l'endroit où pourrait actuellement se trouver le prophète suprême Kadann.

– Kadann ? Non, je n'ai aucune information à son sujet depuis qu'il a quitté Coruscant avec les autres prophètes. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ils ne sont pas retournés à leur temple sur Dromund Kaas. On dit cependant qu'ils auraient une autre retraite secrète quelque part dans la bordure extérieure.

– Ce qui ne m'avance pas à grand chose, malheureusement. Mais je sens que vous avez quelque chose d'autre à me dire, n'est-ce pas ?

– Oui, c'est à propos de cette opération pour localiser le quartier général des rebelles, Dame Claria. J'aurais... souhaité y être associée.

– L'Empereur m'a chargée personnellement de cette opération, directrice Isard, et en tant que commandeure suprême, je n'ai pas à vous tenir informée de mes actes. Comment l'avez vous appris, d'ailleurs ?

– Gara Petothel m'en a informée lorsqu'elle m'a fait son rapport, ma Dame. Et je m'étonne que vous ayez choisi comme agent un contrebandier corellien qui entretient des relations très... particulières avec Lumiya. Lumiya qui s'est montrée elle-même plutôt instable et a tenté de vous tuer.

– Je sais parfaitement que Lumiya et Jixton sont amants, directrice Isard, elle me l'a dit elle même. Mais c'était un agent de confiance du Seigneur Vador et il me paraît parfaitement capable d'infiltrer l'Alliance rebelle. Quant à ce qui concerne mes relations avec Lumiya, l'Empereur nous a expressément ordonné de mettre de côté nos querelles et de travailler ensemble.

– Si vous êtes convaincue de pouvoir leur faire confiance, je ne vais pas vous contredire, ma Dame. J'ai pour ma part transmis des ordres à notre garnison sur Beheboth pour qu'ils ne cherchent pas à démentir la rumeur que vous avez fait circuler et j'ai aussi bloqué la messagerie holonet vers Beheboth pour que le capitaine Davani ne puisse pas la démentir non plus. Par ailleurs, je souhaiterais profiter de cette opération pour identifier le contact local des rebelles et procéder à son arrestation. Bien sûr, nous n'agirons qu'une fois que les rebelles seront repartis. Ais-je votre approbation sur ce point ?

– Oui, je n'ai pas d'objection à ce que l'on arrête le contact des rebelles, à condition que vous n'agissiez qu'une fois que Lumiya vous donnera le feu vert. C'est même une bonne idée, si les rebelles soupçonnent un piège, ils penseront alors que nous en avions après la cellule de Beheboth et non leur quartier général. Je transmettrai de nouveaux ordres à Lumiya en ce sens. Autre chose, encore ?

Ysanne Isard hésita un instant avant de reprendre la parole. Claria semblait lire dans son esprit avec presque autant de facilité que l'Empereur, elle ne pouvait plus rien lui cacher.

– Oui, euh... Sa Majesté vous a-t-il informé de cette regrettable affaire de piratage holographique ?

– « Cinquante nuances du Côté Obscur » ? Oui, il m'a parlé de cette déjection de bantha avec un plaisir non dissimulé je dois dire. Il m'a aussi dit avoir confié ce kriff de faussaire à vos soins.

– Dans ce cas, vous serez sans doute ravie d'apprendre que j'ai fait procéder à son exécution et j'espère que vous ne m'en voudrez pas de ne pas y avoir personnellement assisté. J'ai choisi un mode d'exécution que Sa Majesté apprécie tout particulièrement, les scarabées piranhas de Yavin IV. C'est un spectacle des plus fascinants que de voir à quelle vitesse ces insectes dévorent la chair. En moins de cinq minutes, il ne restait plus que des os parfaitement nettoyés, expliqua Ysanne avec une lueur de sadisme dans les yeux.

– Oh, je ne doute pas que vous ayez bien profité du spectacle, ni que vous ayez gardé une copie de son œuvre dans votre holothèque personnelle. Dites-moi, Ysanne, avez-vous eu un orgasme en regardant ce pauvre homme se faire dévorer vivant ?

Ysanne blêmit d'un coup et son regard se changea en une expression de peur.

– Euh... Vous êtes une Sith, ma Dame, je pensais que cela vous ferait plaisir que sa mort ait été des plus horribles.

– Les Sith n'infligent pas la souffrance par plaisir, mais par nécessité. Je voulais certes que cet homme meure, mais de manière propre, d'un coup de blaster ou de sabre laser, et non qu'il soit supplicié pour satisfaire vos pulsions. Vous êtes une perverse et une psychopathe, Ysanne, et vous le savez très bien. Pourquoi croyez-vous que l'Empereur vous refuse son lit malgré vos avances répétées ? Il sait très bien qu'il ne peut vous faire confiance, après tout, vous avez tué votre propre père !

Ysanne resta un moment pétrifiée, ne sachant comment elle devait réagir à l'attaque verbale de Claria. Ses sentiments oscillaient entre la haine féroce et la peur de mourir si elle la provoquait davantage.

– Je... je vous demande pardon, ma Dame, j'aurais dû vous consulter avant de faire procéder à l'exécution.

– Excuses acceptées, directrice Isard ! Mais souvenez-vous bien de ce que je vous ait dit : si vous vous opposez encore à moi, je vous briserai le cou et je crois bien que j'aurai moi-même un orgasme à cette occasion. Veuillez disposer à présent.

Ysanne quitta le bureau de Claria et se hâta de regagner ses quartiers. Elle se déshabilla et prit une vapodouche car elle était en sueur et tremblait littéralement. Elle avait rarement eu aussi peur de sa vie, Claria l'avait percée à jour et semblait capable de lire dans son esprit ses pensées les plus intimes. Il était évident que ses pouvoirs s'étaient considérablement renforcés et qu'elle était maintenant extrêmement dangereuse. Mais elle avait néanmoins appris quelque chose qui pourrait lui servir : Claria cherchait à rencontrer Kadann et il ne pouvait y avoir qu'une seule raison à cela, elle voulait utiliser les dons de divination du prophète suprême pour savoir quand viendrait le moment de se retourner contre son maître. Elle se préparait à trahir comme Vador l'avait fait sans succès avant elle. Cela serait très dangereux, mais si elle agissait au bon moment, elle pourrait peut-être convaincre l'Empereur que son apprentie s'apprêtait à le trahir et ainsi regagner sa confiance.

Une fois Ysanne Isard partie, Claria composa l'indicatif du Chimera sur son terminal holographique. Il fallu une bonne trentaine de secondes pour que la communication s'établisse à travers les relais holonet jusqu'à la bordure extérieure, puis enfin l'image tridimensionnelle du capitaine Pellaeon apparut.

– Rapport de situation capitaine, lui demanda-t-elle.

– C'est un plaisir de vous revoir, Dame Claria, répondit Pellaeon. Nous sommes actuellement en planque derrière la troisième lune de Beheboth et surveillons les vaisseaux en approche. Notre garnison sur la planète nous confirme que la rumeur que vous avez répandue circule activement et est certainement parvenue à la cellule rebelle locale. Mais il n'y a pour l'instant aucune trace du Faucon Millenium ou d'un autre vaisseau rebelle.

– Patience, capitaine, ils viendront, j'en suis certaine. Mais je souhaiterais parler avec dame Lumiya, veuillez me mettre en contact avec ses quartiers.

– Certainement, ma Dame, je transfère la communication.

Lumiya était assise dans le salon de la suite du Chimera tandis que Jix fraternisait avec l'équipage au mess. Elle méditait et essayait de percevoir l'avenir, mais la Force ne lui amena aucune vision. Elle sentait néanmoins deux présences lointaines, à la limite de son champ de perception, probablement Luke et sa sœur, se dit-elle. Elle essayait de cerner plus précisément cette présence lorsque son comlink sonna.

– Excusez-moi de vous déranger, dame Lumiya, dit Pellaeon, mais Dark Claria souhaiterait vous parler immédiatement par holonet.

– Merci capitaine, je prends la communication.

Elle se leva pour se diriger vers le terminal holographique, l'activa et se mit à genoux tandis que l'image de Claria se matérialisait devant elle.

– Vous pouvez vous relever Lumiya, tout se passe-t-il comme nous l'avions prévu ?

– Oui ma Dame, le capitaine Pellaeon a mis à notre disposition un cargo YT-1760. Jix l'a inspecté en détail et nous pensons qu'il fera l'affaire.

– J'espère que je ne vous ai pas dérangés tous les deux, demanda Claria avec un sourire coquin.

– Non, il est actuellement avec l'équipage, en train d'offrir des tournées de whisky corellien et de les plumer au sabacc ou au dejarik, comme tout bon vaurien qui se respecte. J'étais quant à moi en train de méditer. Nous attendons que les rebelles se manifestent.

– Ils viendront soyez en sûre. J'ai de nouveaux ordres à vous transmettre. La directrice Isard m'a demandé l'autorisation de faire arrêter le contact des rebelles après leur départ et j'ai accepté son idée. Ses agents sur place surveilleront donc discrètement les rebelles sans intervenir. Une fois que l'infiltration de Jix aura réussi, vous leur donnerez le feu vert et ils procéderont à l'arrestation de leur contact. Il sera transféré sur le Chimera et vous le ramènerez à Isard sur Coruscant, vivant.

– Nous ne resterons donc pas dans le système ?

– Non, nous repartirons avec l'ensemble de la flotte vers Arbra une fois que Jix aura réussi à nous contacter. J'ai également de nouveaux ordres pour lui que je vous charge de transmettre. L'Empereur veut que la princesse Leïa Organa soit capturée vivante lors de l'assaut, Jix devra donc garder discrètement un œil sur elle pour être prêt à nous aider à l'enlever.

– C'est entendu, Dame Claria, je ferai selon vos instructions.

Claria coupa la communication. Pour l'instant, elle n'avait pas d'autre choix que de suivre les ordres de son maître concernant Leïa même si elle en redoutait les conséquences. Il lui fallait vraiment retrouver Kadann pour savoir quelle attitude adopter. Et puisque la directrice Isard ne savait rien à son sujet, elle allait demander audience à l'homme de confiance de son maître, le grand vizir Sate Pestage.

Note: Le personnage de Darial Anglethorn apparaît dans le comic Marvel Star Wars #66 : Les voleurs d'eau. Nous ferons plus ample connaissance avec elle dans les chapitres suivants.