Des ondes dans la nuit

Chapitre 2 : Disparition

6698 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/08/2018 23:12

A la limite de la ville, sur le porche d'une vieille maison, une vieille femme se balançait sur son rocking-chair en souriant. Elle profitait du vent du soir qui rafraîchissait l'atmosphère. Le fait que ce vent se transforme peu à peu en ouragan ne semblait pas la déranger.

Assis en équilibre sur la balustrade de la véranda, deux immenses êtres à moitié immatériels la contemplaient de leur dizaines d'yeux. Ils ne semblaient pas être dérangés par le vent qui aurait pu déraciner un arbre. En fait, le vent semblait s'écarter d'eux, comme s'il craignait de les toucher. L'un des deux êtres, vêtu d'une longue toge noire qui semblait faite d'étoiles éteintes, remplissait une grille de mots croisés en mangeant une part de tarte aux pommes. Le second portait un pull-over au profond col en V d'un bleu électrique où des rennes blancs se transperçaient mutuellement de leurs cors. Son visage dépourvu d'œil, de bouche ou de narines se penchait, concentré, sur un insecte qui s'était posé sur sa main aux doigts trop nombreux et trop longs, couverts de pupilles fermées.

La vieille femme ouvrit les yeux quand le soleil disparut à l'horizon. Son corps tout entier trahissait son excitation.

« Erika, très cher, veux-tu bien allumer la radio ? Cecil va parler ! »

Le premier des deux êtres émit un son étrange qui pouvait passer pour un gloussement. Il se pencha et claqua des doigts et la radio s'alluma. Derrière-lui, la lune qui avait pris la place du soleil en quelques secondes formait comme une auréole.

« Des ondes se forment dans la nuit. Un homme parle, d'autres l'écoutent.

Bienvenue à Night Vale.

La tempête d'incertitude qui s'est abattue sur notre petite ville continue de faire rage. Nous rappelons à tous nos auditeurs de prendre les précautions précédemment recommandées. Il nous est légalement interdit de répéter ces consignes, l'écoute de notre émission ayant été rendue obligatoire par le conseil municipal. Je me contenterai donc de souhaiter bonne chance à tous les contrevenants. J'espère que vos séances de rééducations seront indolores.

Je ne puis qu'espérer.

Chers auditeurs, vous vous souvenez je pense de ces deux hommes mystérieux qui se sont arrêtés hier à l'entrée de notre charmante ville. Et bien, nous avons essayé d'en savoir plus à leur sujet, et nous en avons découvert des choses. Le plus jeune s'appelle Sam, est grand et bien fait de sa personne, et possède une voluptueuse chevelure brune dans laquelle aucune mèche ne semble oser se rebeller. Je pourrais glisser ma main dans ces cheveux sans rencontrer le moindre nœud et je puis vous assurer avec la plus totale sincérité que même mon magnifique Carlos ne peut se prévaloir d'avoir une plus belle chevelure.

En mon âme et conscience, je pense qu'ils sont à égalité. Mais votre avis peut être différent. En ce monde, chacun est autorisé à avoir sa propre opinion. Cela prouve que nous ne sommes pas tous pareil, et cela peut être un bienfait.

Le second se nomme Dean. Il s'est longtemps tenu devant notre station de radio et je l'ai regardé dans les yeux. Il m'a paru étrange, et un peu triste, de voir des yeux si vieux dans un visage si jeune. Il me regardait, et je le regardais, mais j'ai eu l'impression qu'il ne me voyait pas. Peut être est-il impossible que deux êtres puissent se voir réellement.

L'être qui mangeait une tarte se figea, tous ses yeux clignant à de multiples reprises. L'autre avait les yeux fermés mais émit un bruit de gorge qui évoquait le roulement de pierres dans un torrent à sec. Son compagnon lui répondit par un bruit de tonnerre qui secoua les alentours. Il était difficile de dire s'ils riaient ou partageaient leur inquiétude. Sur son fauteuil à bascule, la vieille femme s'était figée et bougeait les lèvres en silence, les yeux révulsés.

La Vielle Femme Josie dit que les anges se sont adressés à elle et lui ont déclaré que ces deux jeunes hommes sont connus sous le nom de ''frères Winchester'' et qu'ils sont armés et dangereux. Selon les anges, ils sont recherchés au Paradis pour avoir commis le crime d'amener ou d'empêcher l'Apocalypse. Ou peut-être pour les deux crimes.

Mais, comme le conseil municipal ne cesse de nous le répéter, les anges ne sont pas réels et leurs opinions ne doivent donc pas être prises au sérieux. Et puis, qu'est ce que ''dangereux'' veut dire ? Les miroirs sont dangereux, et les panneaux de signalisation. Mais les humains ne sont pas dangereux. Tout comme les armes.

Ils sont juste mal employés.

Et maintenant, un mot de nos sponsors.

Ce battement de cœur que vous entendez en permanence ? Ce n'est pas le vôtre.

Ce message vous a été offert par... une compagnie dont le nom est illisible et maculé de sang. Et bien, ce sont des choses qui arrivent n'est-ce pas ?

Ces deux hommes que le monde semble connaître sous l'appellation de frères Winchester se dirigent vers notre station de radio selon plusieurs témoins. Autour d'eux, la tempête d'incertitude semble fuir, oppressée par leur droiture d'esprit.

Sur un tout autre sujet, la crèche va fermer définitivement ses portes le 30 du mois courant. Cette fermeture n'est absolument pas due au nombre grandissant de démons venant tenter nos enfants d'assassiner leurs proches et d'invoquer Lucifer Étoile du Matin hors de sa cage. La directrice, Domenica Green, a déclaré en conférence de presse ''Les démons ? On a l'habitude. Ce sont de grands enfants à qui leur papa manque énormément. Personnellement je me contente de leur donner une petite tape sur la joue et de les mettre en atelier peinture avec les tous petits.''. Quand un reporter lui a demandé pourquoi faisait-elle fermer la crèche alors, Domenica s'est mise à sangloter en répétant ''les petits, les pauvres petits''. Elle s'est ensuite changée en corbeau et a fait trois tours au-dessus de la crèche avant de s'envoler vers le soleil avant de disparaître.

Lundi se tiendra une conférence. Le sujet, l'heure et le lieu ne nous ont pas été communiqués. Mardi, fin du monde. Encore. Jeudi...

Un bruit étrange se fit entendre derrière la voix chaude et rauque de Cecil, le coupant dans son discours. Après un instant de silence, il retentit à nouveau.

Chers auditeurs, avez-vous entendu ? On aurait dit un bruit de hache s'enfonçant dans du bois. J'enverrai bien un interne pour voir ce qui se passe, mais nous sommes à cours d'internes depuis que l'interne Melinda a succombé à la tempête d'incertitude. Peut-être est-ce mon adorable Carlos qui vient me visiter ? Ou bien ai-je encore déplu à me supérieurs ?

Ça recommence. Je vais voir. Prions pour que ce soit mon doux Carlos. Je vous tient au courant. En attendant, chers auditeurs... la météo.

Dans tous les hauts parleurs et les transistors de la ville s'éleva une voix de femme grave, mélancolique, chantant l'amour et l'abandon. Elle transmettait une impression de pluie forte et promettait de faibles éclaircies vers 3 h de l'après-midi. On pouvait raisonnablement s'attendre à des crues de poissons morts dans les plus hauts quartiers.

L'un des deux anges secoua ses ailes aux courtes rémiges d'un brun tirant sur le rouge sang, d'une couleur terriblement sombre et transparentes à la fois. Les ailes du second, dorées comme le miel et bien plus grandes que celles de son compagnon, se mirent à bruisser doucement en réponse tandis qu'un sifflement strident s'élevait, conversation inaudible pour des oreilles humaines. La Vieille Femme Josie leur offrit un sourire aveugle, puis se leva sans un mot pour nettoyer les débris d'une ampoule qui avait explosé sur l'afflux d'ultrasons et d'infrasons.

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Quelques minutes plus tôt...

Devant l'entrée d'un bâtiment en ruine où un panneau « NIGHTVALE RADIO CENTER » tenait encore, à moitié effacée, l'impala était garée, tous feux éteints. La radio diffusait tout doucement l'émission qui émanait du bâtiment voisin. Dean ricana en entendant la description des cheveux de son frère, avant de froncer les sourcils en entendant la voix poursuivre son récit sur sa description puis délivrer des informations soi-disant délivrées par des anges. L'implication des anges dans une affaire était toujours une mauvaise nouvelle, et avec Cas coincé au Purgatoire, par sa faute, Dean était en droit de craindre le pire. Aucun ange ne donnait une information gratuitement et ils étaient nombreux à avoir une dent contre Sam et lui, même si la plupart s'étaient tenus tranquille depuis la disparition de Cas.

« Je suis le seul à trouver cette émission de plus en plus menaçante ?

-Certainement pas, répondit Sam en relevant ses yeux des notes qu'il consultait. Ce... Cecil, qui qu'il soit, sait trop de choses qu'il ne devrait pas. Je ne dis pas qu'il faut tirer à vue sans poser de questions mais...

Il soupira et soupesa un pistolet d'une main experte.

-Je crois qu'il est tend d'aller voir à quoi nous avons affaire, non ? »

Les deux frères quittèrent silencieusement la voiture. Le bâtiment qui se dressait devant eux paraissait particulièrement menaçant à la faible lueur du croissant de lune qui le surplombait – croissant de lune aux nuances violettes étranges – mais aucun des deux frères ne manifesta le moindre signe d'appréhension en s'en approchant. La porte de la bâtisse portait des traces de brûlure mais, contrairement aux volets à moitié écroulés et sortis de leurs gongs, elle tenait encore fermement en place. Quelqu'un avait écrit d'une main mal assurée un énorme message indiquant « Restez o loin ! ». Dean toucha le message dont la couleur rose détonnait avec le contenu puis se pencha par terre pour ramasser un petit tube noir.

« Du rouge à lèvre, murmura-t-il, presque amusé. »

Sam eut du mal à contenir un sourire devant l'absurdité de la situation puis, le plus silencieusement possible, ouvrit la porte. Il s'attendait à un terrible grincement, étant donné l'âge et les dégâts de la porte, mais celle-ci s'ouvrit dans un silence parfait. Les frères Winchester en passèrent le seuil, laissant la porte entrebâillée pour pouvoir sortir facilement sans que leur intrusion ne soit décelée de la rue.

Aucun d'eux ne leva les yeux vers le ciel. Ils ne virent donc pas qu'au croissant de lune violet s'était joint une lune ronde resplendissant d'un vert émeraude.

Étrangement, l'intérieur du bâtiment ne semblait pas avoir subit autant de dégâts de l'incendie que l'extérieur. Le rez-de-chaussée, exploré en quelques minutes, était dans un sale état avec des murs brûlés, mais des planchers intacts et des étagères d'archives brûlées et trempées par la pluie qui s'infiltrait par des fissures dans les murs. Au contraire, l'escalier et le couloir du premier étage étaient intacts quoique poussiéreux. Les premières salles de l'étage que Sam et Dean explorèrent étaient désertes, mais, au bout d'un couloir, Sam entrevit de la lumière percer sous une porte. Sans un mot, leurs armes prêtes à tirer, les deux frères s'avancèrent.

La porte portait indiquée en lettres noires « studio d'enregistrement n°4 » sur un panneau de verre opaque. Accroché à la poignée, un papier indiquait « enregistrement en cours, ne pas déranger ». Sans s'en soucier, Dean ouvrit la porte et jeta un coup d'œil à l'intérieur.

La pièce qu'il voyait n'était pas le studio d'enregistrement lui-même, même s'il pouvait voir celui-ci, séparé du reste de la pièce par une paroi de bois clair et une large vitre. En face du studio, sur le mur, étaient affichées des dizaines photos de chats et de chatons flottant en l'air, tous avec d'immenses yeux jaunes en nombre un peu trop important par rapport à la normale. Un poster proclamait « pas besoin d'être fou pour travailler ici, on en a suffisamment, merci » à côté d'une publicité pour tronçonneuses invisibles. L'aiguille d'un vieux baromètre en bois indiquait « temps : blues, avec une pointe de soul ».

Dean s'avança un peu plus et regarda de l'autre côté de la pièce, vers le studio d'enregistrement lui-même. Assis au milieu des câbles et des boutons, un homme tournait le dos à la porte. Un casque sur les oreilles, un horrible gilet sans manches rayé de violet et une chemise blanche sur les épaules, l'homme parlait dans un micro, en animant son discours de grands gestes de ses longs bras minces.

D'un signe de la main, Dean fit signe à Sam d'avancer. Ils s'approchèrent de la porte de la petite salle du présentateur, s'étonnant en silence de voir tout ce matériel fonctionner à la perfection dans une bâtisse en ruine. Ils s'apprêtaient à ouvrir la porte quand un bruit bizarre retentit dans tout le bâtiment, comme une hache s'enfonçant dans une porte en bois. Les deux frères et le présentateur se figèrent. Ce dernier chuchota quelque chose dans son micro, mit un disque dans un lecteur et se leva et, sans enlever son casque relié à ses appareils par un fil d'une longueur insensée, alla ouvrir la porte pour se retrouver nez à nez avec les deux frères.

Pendant une seconde, tous trois restèrent figés, ne sachant pas comment réagir. Puis, d'un même mouvement, les frères Winchester pointèrent leurs armes vers le front de la créature qui se tenait face à eux.

Assis à son poste, il leur avait paru humain et normal. Mais de près, il était évident que le Cecil qui se dressait là n'était plus vivant. Son visage était celui d'un jeune homme assez quelconque, dont il aurait été difficile de déterminer l'âge et la race. Mince, androgyne il aurait sans doute été très grand si son torse ne flottait pas au milieu de la pièce. À peut près à hauteur du nombril, sa chemise était couverte de traces de sang et se terminait en lambeau. À partir de ce point, le corps semblait avoir été déchiqueté par des dents assez puissantes pour arracher deux jambes et une partie du ventre d'un seul coup de mâchoire. Des gouttes de sang translucides tombaient périodiquement sur le sol où elles semblaient s'assembler pour dessiner des signes mouvant, tantôt un pentacle, tantôt une croix aux formes étranges, tantôt une sorte de chat tricéphale.

« Un fantôme, grommela Dean. On aurait dû s'en douter.

Il rangea son arme à sa ceinture et en saisit une autre, chargée de sel. Pendant ce temps, Sam ne quitta pas le fantôme des yeux un seul instant, prêt à tirer au moindre geste menaçant. Mais le fantôme se contenta d'un petit sourire ravi et remonta ses lunettes sur ses yeux d'un violet phosphorescent.

-Oh. Vous devez être les frères Winchester. Je suis Cecil Palmer, la Voix de Night Vale. C'est un plaisir !

-Qui n'est pas réciproque, le coupa Sam. Où est-ce que tu as eu toutes ces informations sur nous ? Qu'est-ce que tu veux ?

-Une interview ? Peut-être ?, répondit Cecil, l'air incertain. Ou une pizza de chez Big Ricco. Sans anchois bien sûr. Les anchois sont illégaux.

Pendant quelques secondes, Dean eut l'impression de voir le fantôme s'effilocher avant de redevenir tout à fait tangible, autant qu'un être humain. Il jaugea ses deux opposants du regard et son sourire s'élargit.

-Oh, vous êtes des chasseurs, s'exclama-t-il en frappant ses mains l'une contre l'autre. Cela faisait longtemps que nous n'en avions pas vu. La ville semble les... perturber. Je ne sais pas pourquoi, tout ici est parfaitement normal.

-Pas vraiment, non, trancha Dean. Mais ça le redeviendra après ton départ. On va trouver ton corps, le brûler et le saler.

-Oh, murmura Cecil d'une voix secouée. Cela risque de... gêner le déroulement des émissions, non ?

Surpris, Sam abaissa légèrement son arme. Dean lui jeta un coup d'œil rapide avant de redonner toute son attention au fantôme.

-Sam ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

Son frère n'eut pas le temps de répondre. Du couloir dont ils venaient, surgit un homme vêtu d'une blouse de scientifique, armé de quelque chose qui ressemblait très fort à un bec bunsen. Dean le reconnut comme l'homme qui écrivait des équations sur une table de restaurant croisé la veille.

-Cecil !, s'exclama l'arrivant. Tout va bien ? J'ai entendu... à la radio... Je travaillais et...

Cecil se mit à rougir comme une adolescente.

-Je vais bien doux Carlos, répondit-il. Je discutait avec ces messieurs. Il y a eu un bruit. Je crois que c'était le directeur qui s'étirait dans son bureau.

-Oh, émit Carlos en baissant son arme improvisée.

-Ces messieurs sont des chasseurs, continua Cecil, et Carlos raffermit son emprise sur le bec bunsen.

-Je vois le problème. Vous êtes étrangers n'est-ce pas ? Personne ne vous as prévenu sur cette ville ?

-Pourquoi ? Qu'est-ce qu'i savoir ? Et vous ferez mieux de vous écarter, ce fantôme peut être très dangereux. »

Carlos eut un petit rire désolé. Il s'apprêtait à reprendre la parole quand soudainement, Cecil se mit à briller légèrement et un troisième œil s'ouvrit sur son front. Au-dessus de lui, le panneau OFF du studio se mit au même instant à indiquer ON en lettres violettes.

« Chers auditeurs, je suis de retour, déclara-t-il d'une voix soudain plus profonde, plus grave et intense. Et vous ne croirez jamais ce qui vient de se passer, ici, dans cette pièce. Mon doux et tendre Carlos est venu à mon secours. Mon dieu, vous ne pouvez même pas imaginer à quel point il restait beau et ses cheveux parfaits malgré la course qu'il venait d'accomplir ! Est-il possible d'être plus amoureux que je ne le suis ?

Sans plus se soucier des trois humains présents dans la pièce, il pénétra à nouveau dans le studio d'enregistrement, fermant la porte derrière lui. Sa voix continua cependant à résonner comme s'il était encore dans la pièce. Dean fit un pas pour le suivre et achever le travail. Carlos le saisit par le bras.

« Vous devez comprendre, expliqua-t-il à toute vitesse, que Night Vale n'est pas une ville normale. Je suis scientifique, je suis venu pour étudier ces phénomènes, et je commence à peine à comprendre. Vous ne devez pas interrompre l'émission. Les conséquences seraient terribles, peut-être même au niveau mondial.

-Que voulez-vous dire ?, demanda Sam, perturbé.

-Cecil est la Voix de Night Vale. Il faut qu'il y ait une voix, et il faut que l'émission se déroule. Après, après je vous expliquerait. Mais Cecil n'est pas dangereux.

-C'est un fantôme. Tôt ou tard ils finissent tous par devenir dangereux.

-Pas Cecil. Pas ici. »

« … deux jeunes hommes tout à fait charmants, continuait Cecil en leur faisant de grands gestes de la main en souriant depuis le studio. Je crois que l'un d'eux a été touché par un ange, si vous voyez ce que je veux dire...

Dean hoqueta de stupéfaction. Sam lui jeta un drôle de regard.

« Et c'est très bien. Il faut de tout pour faire un monde, même si on préférerait que certains n'en fassent pas partie. Je pense à toi, Steve. Steve Carlsberg. Trouverions-nous le monde aussi beau s'il ne contenait que des choses que nous aimons ? Non. Ce sont les laideurs, les furoncles qui permettent de voir la beauté là où elle se cache. Et je suis ému chaque fois que je la voie, que ce soit dans les cheveux de Carlos, dans un rayon de soleil, dans le goût inimitable d'une tarte invisible... La beauté est là. Regardez-là.

-Il n'est pas dangereux, murmura Sam stupéfait. Devons-nous... Est-ce la bonne à chose à faire ?

Sam était toujours celui qui cherchait à voir l'humanité dans les monstres. Dean n'en était plus capable depuis longtemps, même s'il savait qu'il y avait des exceptions. Mais il ne pensait pas que ce Cecil en soit une. Il s'apprêta à le répéter à Sam, quand celui-ci se mit à trembler. Un vent terrible se leva dans la pièce pourtant fermée. Sam sembla se désagréger, puis disparut, le tout en quelques secondes. Dean n'eut même pas le temps de faire un geste pour saisir son frère. Il resta là, incrédule, les bras ballants. Dans son désespoir, tout semblait avoir disparu, lumière, formes, sons, à l'exception de la voix peinée de Cecil dans la pièce voisine.

« Oh. Il semblerait... Quel malheur ! Sam Winchester vient sous nos yeux de succomber à son tour à la tempête d'incertitude. C'est la sixième victime depuis le début de la semaine. Où qu'il soit, j'espère qu'il va bien. Non, j'en suis certain, cela vaut mieux. Et sur ce, je vous dit bonne nuit Night Vale, bonne nuit. »

En même temps que la voix s'éteignit, Dean eut l'impression de perdre conscience. Tout devint noir.

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Il reprit peu à peu ses sens dans une pièce différente. Ici, tout était recouvert de diagrammes compliqués et d'outils scientifiques. Face à lui se tenaient, l'air concerné, Carlos et le fantôme de Cecil.

« Sam !, cria Dean en se redressant en même temps que ses souvenirs lui revenaient.

Carlos le força à se renfoncer dans le fauteuil où il était assis.

-Calmez-vous. Sam va bien. Raccrochez-vous à cette idée et tenez-vous y. Il y a une tempête d'incertitude dehors et vous ne pouvez pas vous permettre le moindre doute si vous ne voulez pas disparaître comme votre frère. Nous pouvons répondre à toute vos questions, mais empêchez le moindre doute de s'installer en vous.

Dean se força à respirer profondément pour se calmer. Cecil lui plaça dans les mains une tasse de thé et il en but quelques gorgées. Le goût était étrange, comme rien de ce qu'il n'avait bu jusque là.

-S'il va bien, où est-il ?

-Aucune idée pour le moment. On en saura plus demain soir, quand Cecil parlera au micro.

-Qu'est-ce que vous voulez dire ? Pourquoi pas maintenant ? »

Carlos prit une chaise et s'installa face à Dean. Il avait l'air mal à l'aise à l'idée de s'expliquer. Dean réunit toute la patience qui lui restait pour le laisser décider par où commencer et observa la pièce. C'était un laboratoire, probablement sans beaucoup de moyens. La poussière s'accumulait sur les tasses de café vides et des tonnes de papiers griffonnés d'une main pressée. Le fantôme de Cecil errait en silence, laissant de fantomatiques tâches de sang derrière lui. Carlos suivit le regard de Dean, sourit doucement à Ceci et se mit à parler.

« Pour nous autres, étrangers, Night Vale est dangereuse. Pour y vivre il faut accepter que les règles normales ne s'appliquent à rien. Et je veux dire toutes les règles, y compris celles de la gravité.

Il sortit un stylo de sa veste et le lâcha à hauteur de ses yeux. L'objet tomba au sol où il se brisa en plusieurs morceaux. Carlos soupira et enleva délicatement ses doigts de la hanse de sa tasse. Celle-ci resta en l'air, parfaitement immobile.

-Je suis le seul qui reste de l'équipe scientifique. Les autres sont morts, disparus ou changés. Je suis capable de vivre à la fois selon les règles normales et celles de Night Vale. C'est quelque chose de rare. Vous êtes un chasseur et vous vivez dans deux mondes. Celui-ci en est un troisième.

-Tout ça pour dire ?

-Que se volatiliser dans les airs ne veut pas dire qu'on est mort ici. On sait que les disparus ne sont pas morts, mais pas où ils sont ni dans quel état. C'est le genre de questions qu'il vaut mieux ne pas poser à voir haute ici, et peut de gens auraient la réponse. Cecil est la Voix de Night Vale. Il fait partie de ceux qui ont potentiellement la réponse.

-Alors pourquoi il ne la dit pas ?

-Parce qu'il n'est pas à l'antenne. Ce n'est qu'à ce moment là que son troisième œil s'ouvre et qu'il devient omniscient. D'ici-là, la seule chose à faire est d'être patient.

-Patient ?, hurla Dean en se levant brusquement de sa chaise. C'est de mon frère qu'on parle ! Du diable si je serais patient ! »

Sans écouter les deux hommes qui tentaient de le convaincre de rester, Dean sortit en claquant la porte. Au dehors, c'était encore la nuit. Cependant, Dean commençait à mieux voir la réalité sous l'impression de normalité que Night Vale projetait à ses visiteurs. Dean ne se tenait pas sous le ciel, mais sous un vide d'un noir violacé, sans étoiles, sans lune. Seul un étrange nuage flottait au-dessus de la ville, rayonnant d'une infinité de nuances qui n'appartenaient pas au spectre naturel des couleurs.

En silence, les yeux fixés sur le sol, il rejoignit son motel. Il s'assit sur son lit et appela le téléphone de Sam. Il tomba sur le message familier du répondeur. Au bout de plusieurs heures passées à contempler en silence le portable qu'il tenait entre ses doigts, Dean s'endormit d'un sommeil agité.

Les rayons de soleil de l'aube le réveillèrent à presque onze heures du matin. Sans se soucier de manger, Dean s'en alla tambouriner à la bibliothèque. Il était temps qu'il obtienne des réponses, et il n'avait qu'un nom.

À son grand soulagement, il tomba rapidement sur un Cecil Gershwin Palmer dans les registres de naissances et de décès. Né en 1937, mort au début des années 60. La notice nécrologique indiquait « Sa Voix nous accompagnera à jamais ». Dean trouva ensuite une référence à l'incident de la station radio dans une histoire de la ville, mais il s'était produit au milieu des années 80. Au-delà de ces informations, il n'y avait rien d'écrit de clair sur le fonctionnement de la station radio, son animateur, ou quoi que ce soit d'autre concernant la ville. Quel que soit le livre que saisissait Dean, la moitié des mot était censurée par un épais trait noir. Parfois, des pages entières étaient censurées et tamponnées d'un « Ordre de la police secrète du sheriff ».

Énervé de ne rien trouver d'autre, Dean finit par sortir. Dans l'état où il était, il ne remarqua pas les regards meurtriers et avides que lui lançaient les bibliothécaires, ni les armes et les trop nombreux tentacules qui sortaient de sous les vêtements de certains d'entre eux. En regardant plus attentivement, il aurait aussi remarqué que les autres lecteurs de la bibliothèque étaient tous armés et s'arrangeaient pour ne jamais tourner le dos aux bibliothécaires.

Il marcha sans but, incapable de se poser, mais ne sachant que faire sinon attendre l'émission du soir. Encore fallait-il que Carlos ait raison à propos des capacités du fantôme de Cecil. Dean avait vu bien des choses, étranges, mais jamais autant que dans cette ville. Même l'ouverture de la porte des Enfers ou la rupture du sceaux de Lilith paraissaient plus normales et rationnelles.

Il passa à côté d'une haute palissade de bois renforcée de barbelés. Un panneau indiquait « N'approchez PAs du parc à chiens ». De l'autre côté, il entendit une sorte de hululement rauque qui le glaça jusqu'aux os. Intrigué, le chasseur se rapprocha de la palissade, cherchant une porte ou un trou lui permettant de voir ce qui se passait de l'autre côté.

Une main le saisit par le col et le força à reculer.

« Vous ne savez pas lire ou quoi ?, demanda un homme au teint basané, vêtu d'une chemise à grosses fleurs vertes et d'un pantalon fushia. N'approchez pas du parc à chiens !

Le visage de l'homme était familier à Dean.

-Dany Grahms ?

-On se connaît ?

-J'ai parlé à votre femme il y a quelques jours. Mon frère et moi enquêtions sur votre disparition.

-Elle va bien ?, demanda Dany, visiblement avide de nouvelles. Il faut que vous me racontiez ! Mais pas ici, vous êtes encore étranger, mais le coin est dangereux. Il y a des choses dans le parc. »

Voyant qu'on ne lui laissait pas trop le choix, Dean suivit l'homme jusqu'à une petite maison de bois peint, semblable en tout point à ses voisines. Dany Grahms le fit entrer et lui servit un verre d'eau. La cuisine ressemblait à toutes les cuisines de petite banlieue américaine, si ce n'était les pentagrammes dessinées un peu partout. Dean n'en avait jamais vu de semblable.

« Je me suis installé ici à mon arrivée. La maison était vide, ça ne gênait personne. C'est un peu grand pour une personne seule, mais bon...

-Est-ce que vous pouvez m'expliquer ce qui c'est passé ?, demanda Dean en buvant avec avidité après avoir dû subir la chaleur du désert.

-Je ne sais pas si vous aller me croire...

-S'il est question de surnaturel, j'en ai vu un rayon. Allez-y, je vous écoute. »

Si Dean n'avait pas passé déjà plus d'une journée en ville, il aurait eu tout de même du mal à croire le récit de Dany Grahms. Quand il avait entendu l'émission de Cecil, Dany avait ressenti le besoin compulsif de l'écouter à nouveau. Un soir, il s'était senti happé par un trou noir, et quand il avait reprit conscience, il était à Night Vale. Trois de ses voisins pouvaient rapporter une histoire similaire.

« Ma famille me manque, c'est vrai, finit-il par dire, mais... Je n'ai jamais été aussi heureux que depuis que je suis arrivé ! Comme si j'avais rêvé toute ma vie jusque là et que je commençais à vivre. Je suis en retard de trois heures pour un rendez-vous et je m'en fout, alors qu'avant ça m'aurait mis en transe ! Sally, ma femme... elle ne pourrait pas vivre ici, elle. Elle ne s'y habituerais pas. On le sens tout de suite les gens qui peuvent s'habituer et les autres.

-Et vous ne trouvez pas... bizarre cette ville ?

Dany Grahms prit un air étonné.

-Non. Pas plus que la normale. Du moment qu'on boit pour oublier ce qu'on a vu, c'est comme s'il ne s'était rien passé après tout, et ce qu'on a pas pu oublier devient normal au bout d'un moment. Je sais que ce que je dis ne doit pas avoir de sens pour vous, mais croyez-moi, ça en a.

-J'imagine oui, fit Dean en se souvenant d'à quel point rien ne faisait sens aux Enfers et combien il s'y était vite, trop vite habitué.

Il chassa le plus vite possible cette pensée de sa tête. Ces souvenirs là étaient plus que déplaisants. Il revint à ce qui l'intéressait vraiment.

-Et vous vous êtes habitué facilement ? À qui s'adresser quand on est un nouveau venu et qu'on veut des renseignements.

-Le plus simple c'est d'attendre que Cecil parle et penser très fort à ce qu'on veut savoir en espérant qu'il réponde. Steve Carsberg, un gars d'ici est toujours prêt à répondre à vos questions mais c'est un menteur pathologique. À votre place, j'éviterais de poser vos questions à la police secrète. Ils ont tendance à... s'énerver facilement et à vous envoyer en rééducation. Sinon, il y a toujours la Vieille Femme Josie. Elle vit à l'extrémité de la ville, de l'autre côté. C'est la plus vieille habitante du coin, il y en a qui disent qu'elle vit ici depuis au moins cent ans et c'est une autorité sur tout ce qui concerne Night Vale, presque autant que Cecil.

-Vous avez un plan de la ville ?, demanda Dean en se levant. J'aimerais aller la voir tant qu'il fait jour. »

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Muni d'une carte annotée de croix et de têtes de morts pour indiquer les endroits dangereux à éviter – la bibliothèque, la mairie et la forêt étaient indiquées chacune de trois têtes de morts –, Dean se mit en route. Il prit un raccourci à travers un cimetière qui ne portait qu'une tête de mort. Il était chasseur depuis qu'il était en âge de tenir une arme et doutait franchement de croiser en plein jour dans un cimetière quoi que ce soit capable de l'inquièter.

Le cimetière ressemblait à un mélange de tous les cimetières du monde, assaisonné d'une ambiance gothique parfaite, arbres morts, mousse et pins centenaires compris. La végétation rappelait davantage un cimetière anglais dans un mauvais Dracula que le nord de l'Arizona. Il y avait là des pierres portant des croix, d'autres des symboles juifs, musulmans, hindous, indiens, parfois plusieurs symboles religieux s'entrecroisant. Dean reconnut des symboles de religions oubliées depuis longtemps et dont seuls quelques chasseurs et chercheurs connaissaient encore.

Une pierre tombale représentait une femme nue, attachée au sol par des clous et essayant de se redresser. Chaque goutte de sang qui perlait de ses blessures était peinte en bleue. Une autre était sculptée en forme de colonne vertébrale sur laquelle de minuscules personnages grimpaient encordés. Il y avait là des sculptures représentant des choses que Dean n'avait jamais vu de sa vie. Il contourna une crypte avec un digicode à côté de la porte et un paillasson sur lequel était écrit « Choses que l'on oublie et qui goûtent l'orage » à l'encre verte. Il n'y avait aucune cohérence architecturale dans l'ensemble.

La seule cohérence du cimetière, c'était que les tombes s'alignaient en cercles concentriques, les tombes les plus récentes à la périphérie. Aucune n'avait moins de 20 ans. Après quelques secondes d'hésitation, Dean fit un détour dans une allée, se retrouvant dans des tombes datant du début des années 60. Il failli passer à côté de la tombe qu'il cherchait tant elle était discrète à coté des autres.

Un simple carré de terre brune surmonté d'une pierre en forme de lune ronde portait la mention « CECIL GERSHWIN PALMER 1937-196X. Interne. Mort dans l'exercice de ses fonctions. Promu ». La tombe était trop petite pour contenir un corps adulte entier. Sur la terre brune, quelqu'un avait déposé un bouquet de fleurs sauvages, déjà à moitié desséchées par la chaleur, dans un verre doseur de laboratoire.

Faisant un tour sur lui-même, Dean chercha des points de repères au cas où il aurait besoin de revenir nuitamment pour détruire les restes et anéantir le fantôme de Cecil. Peut-être que les gens de Night Vale avaient raison quand ils disaient que Cecil n'était pas dangereux ou devait rester à son poste, songea Dean. Mais en attendant d'être sûr, il préférait prendre ses précautions

Dès qu'il sortit du bois touffu qu'était le cimetière, Dean se retrouva à nouveau dans la chaleur sèche et étouffante de l'Arizona. Octobre approchait, mais la température semblait s'être fixée définitivement autour du 15 août. Tout en s'épongeant le front, Dean continua sa route. Il dépassa les dernières maisons de Night Vale et continua vers une vieille demeure qui semblait dater du milieu du siècle précédent. Avec son porche en bois, son unique rez-de-chaussée, ses murs de bois et le vieux moulin à vent à côté de la terrasse, c'était presque un décor de western. Quelqu'un jouait de l'armonica à l'arrière, renforçant cette impression d'intemporalité.

Assise dans un vieux rocking-chair, une petite vieille femme le regardait s'approcher de ses yeux aveugles en souriant. Sans parler, elle fit signe à Dean de s'asseoir en face d'elle et continua à fumer dans une pipe en terre. Dean Winchester était connu pour son impulsivité et son incapacité à garder le silence quand il voulait des informations. Pourtant, face à cette vieille indienne aux longs cheveux blancs, ratatinée par les années, il se tut.

« Dean Winchester, finit-elle par dire d'une voix frêle en reposant sa pipe. On parle beaucoup de toi sur les radios ces temps-ci.

-Les radios ?

-Il n'y a pas que Cecil qui parle sur les ondes... Il y en a d'autres, même s'ils sont de moins en moins nombreux depuis quelques années... Tous ces enfants qui appellent leur père...

-Vous êtes Josie ?

-Vielle Femme Josie ? Oui... On m'appelle ainsi ces temps-ci... Mais quand j'étais plus jeune on me donnait un autre nom... J'étais jeune et belle, puis vieille, et jeune encore. Mais j'ai vieilli. Je ne suis plus Estsanatlehi. Je suis Vieille Femme Josie.

Le nom disait vaguement quelque chose à Dean. Sam saurait, songea-t-il.

-Je cherche mon frère, Josie. On m'a dit que...

La vielle femme l'interrompit en le frappant sur les genoux de sa cane, sans cesser de sourire.

-Vielle Femme Josie. Si je dois porter ce nom désormais, donne le moi en entier. Je suis une vieille femme, j'ai droit à du respect !

-D'accord ! D'accord, acquiesça Dean. Je cherche mon frère. Sam. Il a disparu.

-J'ai entendu le jeune Cecil le dire hier. L'incertitude peut être mortelle. Mais elle ne tue pas toujours, oui ?

-Il est vivant alors ?

Vieille Femme Josie secoua tristement la tête.

-Jadis j'aurais pu te le dire... Mais l'hiver arrive. Peut être Erika saura quelque chose. Et sinon, Erika saura sans doute.

-Erika ?

La vieille femme se tourna vers la maison.

-Erika, mes petits ?, demanda-t-elle d'une voix plus forte que ce Dean aurait attendu d'elle. Vous venez dire bonjour à votre ami ? »

De l'autre côté de la maison retentit un étrange raclement. De légers bruits de pas se firent entendre, puis, contournant la maison par le balcon, apparurent les deux êtres les plus étranges que Dean avait jamais vu. Immenses, ils semblaient être à moitié solides et à moitié faits de lumière et de transparence. Des dizaines d'yeux parsemaient leur corps, bleus clairs pour le plus grand, d'un brun presque doré pour le plus petit. Leurs visages n'étaient qu'un fourmillement d'étoiles dans une forme presque humaine, sans yeux, ni bouches, ni narines. L'un portait une toge d'une étoffe étrange, l'autre un pull aux couleurs trop vives, au col taillé en V. Chacun de leurs yeux étaient ouverts et fixaient intensément Dean, avec à la fois méfiance et amusement.

« Tu connais Erika et Erika, bien sûr, déclara la Vieille Femme Josie.

Dean allait réfuter cette affirmation, mais pendant une fraction de seconde il avait cru entendre prononcer d'autres noms qu'Erika, à la limite de la perception. Comme s'il aurait dû être capable de reconnaître et entendre ces noms.

Il regarda les deux êtres plus attentivement et remarqua deux détails qui lui avaient échappé. Chacun d'eux portait une plaie à la poitrine, à demi refermée. De cette plaie s'échappait une lueur à la fois faible et violente, hésitant entre le bleu et le blanc. Dean avait déjà vu une pareille lumière.

-Et merde, vous plaisantez ! Pas des foutus anges !

Les deux êtres semblèrent se moquer de lui. Derrière eux, Dean distinguait désormais clairement deux paires d'ailes immenses qui semblaient à la fois être faites de plumes et de lumière liquide.

-Vous voulez du thé mes petits ?, demanda la vieille femme en se levant. Il devrait être chaud maintenant. »

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