Fantasy World

Chapitre 2 : Entre réel et virtuel...

3517 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:11

 

A Tokyo, samedi 14 novembre 2026

Braver l'interdit : un nouveau départ.

 

Durant la semaine écoulée, j'ai passé beaucoup de temps à rechercher une AmuSphere pas trop coûteuse. Mes parents ne sont pas et ne doivent pas être au courant de mes projets, je dois donc me débrouiller avec mes pauvres économies... Pas que je sois dépensière d'ordinaire mais mon père est plutôt regardant à ce sujet et je n'ai pas d'argent de poche. Ce que je possède, je l'ai obtenu à la sueur de mon front pendant mon temps libre, quand je ne travaillais pas comme une folle pour rattraper mes deux années d'études, perdues à arpenter les différents étages de la forteresse volante.

En réalité, ce n'est même pas moi qui a trouvé la console. Ce mercredi, alors que je fouinais dans une énième boutique de multimédias, j'ai croisé des élèves de ma classe un peu spéciaux.

Les enfants Hanabusa ont la particularité d'être des jumeaux de sexe différents et ils attirent beaucoup l'attention. Je ne sais pas grand chose sur eux si ce n'est qu'ils sont constamment à la tête du classement aux examens, que je ne les ai jamais entendu parler en dehors du contexte scolaire et qu'ils se mêlent rarement au reste de la classe. Or cette fois-là, ils ont vite compris que je cherchais vainement quelque chose et à mon grand étonnement, ces deux timides m'ont alors proposé leur aide. J'ai accepté parce que j'avais besoin d'un coup de main – ma famille commençait à s'interroger sur les sorties que j'enchaînais ces derniers jours – mais je crois qu'au fond, leur proposition m'a fait plaisir. Il y a bien longtemps que je n'avais plus parlé à des personnes de mon âge...

Je n'en fus pas moins surprise quand les jumeaux vînrent me trouver à la pause de midi, deux jours plus tard. Quelques uns se montrèrent bien curieux de nous voir réunis, nous, les introverties de la classe, mais ça me rendait si heureuse d'avoir quelqu'un à qui parler que je n'y prêtais pas attention. Chieri se cachait à demi derrière son frère et me dévisageait.

Elle est adorable ! Une vraie poupée japonaise. Pas étonnant qu'elle attire autant l'attention. Satsuki est aussi beau qu'elle en plus...

Celui-ci s'adressait justement à moi dans un sourire chaleureux :

 - Tsukiyo, tu as trouvé ce que tu cherchais mercredi ?

 - Bonjour Hanabusa... Non, je n'ai toujours pas mis la main dessus. Je suppose que j'ai un budget trop limité pour ce genre de choses... Je vais devoir trouver un moyen de gagner un peu d'argent, soupirais-je.

 - Ta famille ne peut pas t'aider ? s'étonna-t-il en fronçant les sourcils. Il ne te manque pourtant pas beaucoup pour une console d'occasion.

 - Je sais bien mais mes parents ne sont pas vraiment au courant de ce que j'essai de faire, ils n'aiment pas beaucoup le milieu virtuel. Et je dois aussi acheter un jeu alors ça complique l'achat ! Désolé de vous avoir impliquez là-dedans... dis-je en baissant les yeux.

Le silence qui me répondit me fit relever la tête. Les jumeaux se dévisagaient intensément et reportèrent leur attention sur moi au moment où la sonnerie indiquant la reprise des cours retentissait. Chieri s'empressa de me tendre un feuillet, toujours dissimulée par son jumeau, et m'annonça d'un ton solonnel :

 - Tu as de la chance, une amie à moi tente de se débarasser de son AmuSphere depuis un moment et elle est prête à le vendre pour des clopinettes. Rends-toi dans le café indiqué sur cette carte aux alentours de 11h demain matin, nous t'y attendrons tous les trois avec la console. Il te restera bien assez d'argent pour un jeu.

La porte de la salle de classe s'ouvrit à la volée et alla claquer violemment contre le mur sur le passage de notre professeur.

 - La pause est terminée ! Regagnez tous vos places et dépêchez-vous, le cours commence ! cria-t-il en faisant sursauter tout le monde.

 - Sois à l'heure demain, on ne te prendra pas beaucoup de temps, me chuchota Chieri. Et appelle-nous par nos prénoms, d'accord Tsubomi ?

Sur un dernier sourire, les jumeaux regagnèrent leur places en vitesse, trop rapidement pour leur répondre. A la fin des cours, ils s'éclipsèrent avant même que je puisse les remercier.

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Ce matin, j'ai été à la rencontre des Hanabusa et de leur amie. Tout s'est bien déroulée et comme promis, je suis repartie avec une console en parfait état et suffisamment d'argent pour acheter plusieurs jeux ! J'ai récupérer le jeu Fantasy World dans la première boutique qui s'est présentée à moi. J'étais tellement nerveuse que le vendeur en a rit, je ne me suis pas fais prier pour détaler...

Depuis je me sens étrangement bien. Mon coeur bat à une vitesse incroyable et ce sentiment de liberté qui m'habite depuis lors m'emplit d'une joie débordante. Je fredonnais même en franchissant les portes de la bibliothèque. Les livres empruntés m'ont seulement servis à dissimuler mes achats et le but de ma sortie à mes parents, mais j'ai eu l'impression de commettre le plus immoral des crimes : mentir à mes parents, non pas pour leur cacher mon mal-être mais pour accéder à l'interdit... Et à partir d'aujourd'hui, je devrais même leur cacher mes activités... Un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale. Un délicieux frisson de peur et d'excitation entremélées.

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" Papa, maman, les examens approchent alors je vais aller étudier dans ma chambre maintenant. Ne venez pas m'interrompre d'accord ?"

Un nouveau mensonge pour obtenir une heure ou deux de liberté. Un nouveau pas vers l'Aincrad. J'avoue ne pas être totalement sereine mais je ne peux plus faire marche arrière. Je branchais résolument l'AmuSphere, la positionnais bien sur ma tête et m'allongais en fermant les yeux.

Il est 16h35. C'est reparti.

[Link Start]

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Je traversais une multitude d'anneaux multicolores, portée par le système de jeu qui prenait possession de mes sens. L'immersion se fit en douceur, sans appréhension. Un tintement sonore retentit et un logo apparu au travers de ma route : Fantasy World. Je le survolais et atteris non loin derrière. Par curiosité, je me retournais. Le logo avait disparu. Autour de moi, rien d'autre qu'un large damier orange et doré en guise de sol et un fauteuil amidonné me faisant face. Il semblait un peu déplacé, là, au milieu de nulle part... mais je devais sûrement m'y installer. Lorsque ce fut fait, trois petites fenêtres décorées de lys jaunes apparurent à ma hauteur. Trois fichiers de jeu pour trois personnages jouables. J'avançais la main et sélectionnais le premier fichier.

[Nouvelle Partie]

Le damier se distordit alors et forma une petite pièce, joliment décorée de quelques plantes vertes et occupée par une estrade de bois. Toujours assise dans mon fauteuil, j'écarquillais les yeux. Encadrée de grands rideaux rouges, "Jade" se tenait sur scène et m'observait en souriant. Je savais évidemment qu'il s'agissait de mon reflet mais il me fit l'effet d'une douche froide. J'eus l'impression qu'elle s'était détachée de moi. Durant une poignée de seconde, il me sembla que la "Tsubomi" du monde réel et la "Jade" des mondes virtuels se faisaient face et se dévisagaient... Un nouveau tintement me sortit brutalement de cette illusion. Une fenêtre était apparue devant moi.

[Crée ton avatar !]

Je poussais un long soupir. Je suppose qu'elle ne réapparaîtra pas tant que je n'aurais pas rejoins l'Aincrad. Je levais les yeux sur mon avatar. Je dois vraiment changer son apparence ? Ne peut-elle pas "m'accompagner" cette fois encore ? Je me sentirais plus confiante si elle a la possibilité d'apparaître en cas de problème... J'étudiais un moment la fenêtre de jeu devant moi. J'avais entendu dire que le système de calibrage de l'amu sphere parvenait à définir notre silhouette lors du paramétrage de la console et que beaucoup de développeurs l'utilisaient pour permettre au joueur de conserver son apparence originelle dans le jeu... C'était peut-être le cas dans Fantasy World...

Il est là !

Triomphante, je cochais l'option [Apparence Réelle] et vis mon avatar faire le signe de la victoire. A croire que "Jade" approuvait mon choix ! Cette simple pensée me remplie d'allégresse et je passais à la rubrique suivante.

Lors du choix du pseudo, j'entrais [Jade] sur le clavier sans réfléchir. On me demanda ensuite avec quelle carrière je voulais commencer le jeu. Je discernais trois grosses catégories de carrière : les carrières de combats, celles de collectes et les métiers de l'artisanat. "Jade" combattait au front dans SAO et je voulais me battre aussi, me rapprocher un peu d'elle. Nerveusement, je sélectionnais la carrière de mercenaire. Je vis mon avatar revêtir une armure légère ainsi qu'un casque en fer. Le jeu allait pouvoir commencer.

Autour de moi, tout devint blanc et un message apparut :

[ Il existe un monde magique et paisible appelé Rêveria.

J'observais jadis cet endroit depuis les nuages...

Je contemple désormais ce ciel d'en bas.

Une lune brumeuse y flotte, elle s' appelle Lunares.

Lunares éclaire les paysages de Rêveria de sa lumière argentée. 

L'aube approche...

Est-ce que mon héros est près d'ici ?

Je ressens une présence...

Une personne plongée dans un rêve conflictuel...

Va-t-elle piocher, forger ou couper du bois ?

Va-t-elle cuisiner, coudre ou scier ?

Ou bien peut-être va-t-elle...

Pêcher, chasser, brandir une épée ?

Invoquer, concocter ou se battre vaillamment ?

Ils n'ont qu'à décider vers quelle carrière de tourner...

Le jour va bientôt se lever sur Rêveria...

C'est là que notre histoire commence. ]

 

Le blanc devînt progressivement noir puis... je me matérialisais sous le plafond d'une petite chambre et m'écrasais brutalement sur le plancher !

Aïe aïe aïe... Merci pour l'accueil, j'ai mal partout maintenant ! C'est un bug ? Ils auraient pu penser à un départ plus doux sinon... Aah mon dos...

Je me relevais en me lamentant et détaillais les lieux. La chambre – car c'était bien une chambre – était somme toute assez modeste : assez petite, du bois partout, simplement meublée d'un lit, d'une armoire et d'une chaise à l'entrée. Pas même un tapis. Un peu pauvre donc mais confortable, bien éclairée aussi. Trois fenêtres nues laissaient la lumière du soleil réchauffer la pièce.

Hum... Comme je le pensais, les graphismes sont vraiment beaux, très réalistes. On se croirait dans une de ces chambres d'auberges commune à la plupart des étages de SAO. En plus petit encore. La plupart des jeux doivent avoir ce genre de graphisme maintenant.

Devant ce tableau familier, des vagues de souvenirs affluèrent. Il s'agissait de "ses" souvenirs, je sommeillais dans ces moments-là... Des choses assez marquantes : ses premiers pas en tant que prisonnière virtuelle, la peur qui l'accompagnait à ses débuts ; son premier combat contre un monstre et l'euphorie qui l'avait gagné en abattant son épée ; la joie qu'elle avait ressentis en gagnant son premier niveau ; son attachement pour sa guilde et ses compagnons ; ses nombreuses nuits d'insomnies dans une chambre similaire à celle-ci, passées à se demander si elle s'en sortirait, si elle voulait s'en sortir et finalement ce qu'elle deviendrait quand le jeu mortel aura prit fin... Autant de souvenirs qui m'avaient assaillit à mon réveil, lorsque "Jade" s'était endormie à son tour. Ce jour-là, dans cette chambre froide d'hôpital, les souvenirs de la forteresse me sont tous revenus. Avec eux, une myriade d'émotions : la peur, le désarroi, la joie, la colère, la jalousie, la frustration, l'envie de vivre, celle de ne pas disparaître. La force de ces sentiments était telle que je n'avais pu empêcher un torrent de larmes de couler jusqu'à épuisement...

Je grognais et me secouais, il fallait se concenter sur l'instant présent et non sur le passé ! J'examinais à nouveau les lieux. Un sac à dos reposait sur l'unique chaise de bois. Je parcourue les deux mètres qui m'en séparaient et tendis le bras pour le saisir. Le tissu blanc qui le couvrait m'interpella, j'étais curieuse de savoir ce que je portais. Après examen, j'identifiais une chemise blanche sous un corset de cuir, accompagnés d'une jupe d'un vert profond assez confortable. La tenue était complétée par une paire de chaussures fermées en cuir et du sac à dos que je ramassais. A l'intérieur, une dague. Un équipement de base très pauvre pour une mercenaire ! Je jetais un dernier coup d'oeil circulaire autour de moi et sortais finalement de la chambre.

Je me retrouvais alors sur le palier d'un escalier droit et le spectacle qu'il m'offrait me coupa le souffle. Une vaste ville de style médiéval s'étendait sous mes yeux. Une ville colorée et fleurie qui courrait encore au-delà des remparts. Devant moi s'étalaient des maisons de toutes formes et de toutes tailles. A ma gauche, sur l'autre rive de la rivière, un second quartier ceinturé de remparts laissait apparaître ses hauts fournaux : le quartier industriel sans aucun doute. Sur ma droite, un troisième quartier. J'en discernais seulement une grande place et beaucoup de cheminées fumantes. Des restaurants peut-être ? Fascinée par la vue, je restais immobile quelques minutes, examinant le moindre détail s'offrant à moi, comme le ferait un peintre devant son oeuvre. La rue pavée continuait derrière la bâtisse où je me trouvais et une partie de la ville m'était encore cachée. Je descendis les escaliers tranquillement, savourant chaque seconde passée dans ce nouveau monde et contournais le bâtiment. La vue me laissa une fois de plus bouche bée. Derrière une immense place pavée desservant les différents quartiers, un majestueux château surplombait la ville entière.

Le panorama doit être magnifique depuis l'une des ses tours ! Je me demande si l'on peut y accéder... Commençons par explorer les environs immédiats, allons-y tranquillement...

Je revenais sur mes pas et pénètrais au rez-de-chaussée de la bâtisse. L'endroit était occupé par une petite table et des sofas d'un coté, par un grand comptoir de l'autre. Au fond, une pièce ouverte où bavardaient joyeusement trois femmes. Derrière le comptoir, une quatrième femme assez imposante aux cheveux retenus par un foulard d'un rouge criard s'affairait. Elle m'aperçue et me fit un grand sourire :

 - Jade chérie ! Comment vas-tu, bien dormi ? J'ai entendu dire que tu avais choisi ta carrière ! Je suis vraiment ravie pour toi !

 - Ah, euh bonjour Madame et merci. Mais c'est si important que ça ... ?

 - Madame ?? M'enfin, combien de fois je devrais te répéter de m'appeler Maggie ? Depuis le temps que tu vis sous mon toit ! Et bien sûr que ça l'est, tu es sûr d'être bien réveillée ? soupira-t-elle. Cesse de dire des bêtises plus grosses que toi et vas vite vérifier le courrier ! Tu as sûrement reçu une lettre du roi.

Sur ces mots, elle alla rejoindre les trois commères dans l'arrière boutique. J'en profitais pour fureter un peu. La pièce était décorée dans les mêmes tons que ma chambre – qui se trouvait ni plus ni moins dans le grenier de Maggie – et ressemblait à... une agence immobilière ?

En tout cas, c'est ce que semblent indiquer les affiches aux murs... Et ces couleurs ! Vert et marron, comme mes vêtements. C'est une tradition ?

A l'entrée d'un autre joueur, je m'éclipsais discrètement.

Tiens, un autre joueur ? Il avait l'air de se promener, il ne doit pas venir du grenier. De toute façon c'est ma chambre non ? Est-ce qu'on commence tous dans une chambre différente ? C'est possible, la ville est tellement grande et ma chambre si petite... On commence peut-être pas tous dans la même ville d'ailleurs.

Toute à mes réflexions, j'observais un homme habillé plus ou moins en facteur descendre en courant la place du château et s'arrêter à cinq mètres de la maison. De là, il sortit une enveloppe de son sac, visa et l'envoya valser dans la boîte aux lettres de Maggie ! La situation était si étrange que je ne pûs m'empêcher de rire. Je riais encore lorsque je récupérais la lettre qui, comme je le pensais, m'était destinée. En levant le bras pour retirer mon sac, je remarquais une sorte de montre à mon poignet. Elle me montrait une carte des environs immédiats et une horloge digitale...

Une horloge? Bon sang, il est sept heure et quart, je vais être en retard pour le diner !!

Je rangeais la lettre dans mon sac en quatrième vitesse et me déconnectais en catastrophe. Je savais pourtant que j'avais peu de temps pour cette première immersion. Je devais faire plus attention à l'avenir...

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