Fantasy World

Chapitre 3 : Panique !

5317 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:00

A Tokyo, dimanche 22 novembre 2026

Conversation avec un papillon et Première rencontre

Une semaine s'était écoulée depuis ma première immersion. Assise à mon bureau, le menton négligement posé sur mon poing et un stylo à la main, j'étudiais. Enfin c'est ce que je faisais cinq minutes auparavant. A l'heure actuelle, j'épiais la bataille qui faisait rage à l'extérieur.

Un orage avait éclater il y a peu et la nature se déchainait, impossible de se concentrer. La grêle frappait mon carreau avec force et le bruit venait s'ajouter au tonnerre. Les plombs avaient sautés, plongeant la maison dans le noir. Seuls les éclairs qui déchiraient le ciel projetaient leur lumière à intervalle réguliers. A la fenêtre, le paysage avait quelque chose de lugubre. Une pluie torrentielle brouillait la vue et inondait les rues en emportant une voiture. Des spectres d'eau tourbillonante apparaissaient dès que je posais les yeux quelque part. Le vent hurlait et balayait tout sur son passage. Je vis les pauvres arbres fruitiers des voisins se plier dangeureusement et espérais qu'ils ne céderaient pas.

La tempête était impressionnante, voire effrayante, mais le plus intéressant se déroulait dans le jardin d'en face. Les propriétaires étaient sortis voilà un quart d'heure en tenue de combat – cirés et bottes de pluie – et armés d'une grande bâche pour tenter de protéger leur minuscule potager. Sûrement trempé jusqu'aux os, le couple se battait de toutes ses forces contre le vent qui cherchait à lui arracher la bâche des mains. La scène avait quelque chose de désespéré et je me surpris à les encourager. J'envisageais même un court instant d'aller leur prêter main forte... Avec cette tempête ? En fait non. Le temps était vraiment pourri. Un temps idéal pour geeker, si l'occasion se présentait.

On frappa à la porte de ma chambre. Mes parents étaient sortis tôt ce matin et aux vues de l'ampleur de la tempête, ils ne risquaient pas de rentrer avant la soirée. Mon frère allait donc encore pointer le bout de son nez chez moi.

Depuis mon manquement au diner du week-end dernier – "manquement" étant le mot utilisé par ma mère pour désigner mon arrivée au moment précis où ils s'asseyaient, ce qui était selon moi un tout petit peu exagérer – mon frère me collait aux basques. Ordre des adultes ? Sûrement, mais être suivis à longueur de journée n'est pas quelque chose que je qualifierais de plaisant. C'est d'ailleurs tout à fait ennuyant.

Et c'est la raison pour laquelle je n'avais pas eu l'occasion de rejouer en une semaine.

Je soupirais et invitais l'étudiant à entrer. Hakuo suivait un cursus sportif dans la fac qui était venue prolonger mon lycée l'année passée. A 19 ans, il est le genre de garçons qui n'assume pas tout à fait leur popularité. Il est moyen pour les études mais c'est une bête en sport, et ce quelque soit l'activité. Sous ses airs doux et docile, le gentil Hakuo cache un côté assez sauvage et se laisse souvent porté par ses instincts lorsqu'il entre sur un terrain de sport. Petite, je le suivais partout où il allait. Mon admiration pour lui ne faisait qu'augmenter avec le temps et je ne le quittais jamais des yeux. Hakuo était un grand frère protecteur et nous étions très liés, totalement inséparables.

Aujourd'hui, les choses sont différentes. Lui n'a pas changé d'un pouce. En fait si, il est devenu plus beau, plus fort, plus gentil... Et il se montre encore plus protecteur avec celle que je suis maintenant qu'avec celle que j'étais enfant. Autrement dit, le problème, c'est moi. Je m'en veux terriblement de me montrer si froide avec lui mais je ne peux pas m'en empêcher ! Simplement parce que celui qui s'oppose le plus à mon retour dans le virtuel, c'est Hakuo... Alors oui, je peux comprendre qu'il ait eu très peur de ce qu'il m'est arrivé par le passé, seulement au fond, je suis aussi déçu de ne pas avoir reçu son soutien quand j'en avais besoin. Je ne pense pas que l'on puisse sortir de quelque chose comme SAO sans séquelle, aussi infime soit-elle. Or ma séquelle personnelle est plutôt encombrante et j'aurais préféré que l'on m'aide à l'affronter... Bon faut que j'arrête de penser négativement ! Si Hakuo était au courant pour Jade, il m'aurait aidé !!

 - Tout va bien ? s'inquièta-t-il.

 - Hm ? Ah euh, oui désolée... Je pensais à toutes sortes de chose, ricanais-je bêtement.

 - Ah bon ? Ok...

Et voilà. Depuis mon retour, là plupart de nos discussions s'arrêtaient là. Sauf cette fois :

 - Je suis désolé, un ami a besoin d'aide chez lui à cause de la tempête. Je sais que nos parents sont sortis et que tu vas rester seule mais je dois vraiment y aller...

 - T'inquiète, ça ne va pas me tuer de rester ici alors vas-y, marmonnais-je.

 - Prends le temps de manger d'accord ? Le frigo est plein, je serais rentré avant 18h et...

 - C'est bon, ne t'inquiète pas pour moi ! Je vais continuer de réviser alors sors de là !

Il hésita, sembla vouloir ajouter quelque chose, se résigna et sortit. Je le regardais partir sans quitter ma chaise. Ses pas s'éloignèrent rapidement, le vieil escalier protesta lorsqu'il descendit puis la porte d'entrée claqua. En silence, je le vis s'éloigner en luttant contre le vent, déjà trempé par la pluie battante. Il tourna à l'angle de la rue et je m'autorisais un sourire : j'étais seule pour un long moment ! Mon regard se posa sur le tiroir où attendait gentillement l'AmuSphere depuis samedi dernier... Je repris le jeu où je m'étais arrêtée.

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J'ouvrais lentement les yeux. Après mon départ en catastrophe, mon avatar n'avait pas bougé. J'étais donc toujours devant l'agence de Maggie, au milieu d'une ville colorée et fleurie. La lettre du roi était normalement en ma possession, quelque part dans mon inventaire. Mon premier objectif devait consister à la lire, voire à répondre à ses instructions. En parlant d'objectif, où s'affichait mes quêtes ? Ou plutôt, comment ouvre-t-on le menu de jeu ?

Attends voir... Peut-être que... Ce système s'est largement répandu donc c'est possible qu'ici aussi...

Reproduisant un geste effectué des dizaines de milliers de fois dans le passé, je tendis alors la main droite devant moi, index et majeur joints, et d'un mouvement souple les fis glisser de haut en bas. La fenêtre de menu, dessinée sur le même damier orange et doré que l'écran titre du jeu, apparut sous ma main. Divisée en deux, on voyait la quête actuelle, les différents stats, l'argent possédé et la place disponible dans l'inventaire sur la partie supérieure. La partie inférieure nous permettait d'accéder à différentes options. Je pouvais ouvrir mon inventaire, ma fenêtre de compétence et mon statut mais d'autres fenêtres étaient encore bloquées : mon équipement et mes licences.

Je récuperais la fameuse lettre et fermais la fenêtre d'un nouveau mouvement du poignet. Le petit carton blanc à dorures que j'y trouvais me demandait simplement d'aller chercher ma licence et de me rendre à la cour royale. Maggie sortit de chez elle pour me demander :

 - Tu sais où aller chercher ta licence ? La Guilde des carrières se trouve sur la place du château, c'est juste derrière la maison.

 - Merci Maggie, j'y vais de suite ! dis-je en tournant les talons.

La Guilde des carrières. Cet endroit gérait les licences de tous les habitants de la ville (dont je ne connais toujours pas le nom) et je devais donc y passer avant de paraître devant le roi.

 - Attends un peu jeune impatiente !! s'écria la femme.

Je la rejoignis en deux enjambés. Elle me tendit un bonbon et une sacoche à porter à la ceinture en souriant avant de me souhaiter bonne chance. Je la remerciais encore et m'éloignais rapidement. Je m'arrêtais devant la grande place de la ville pour accrocher la sacoche au cordon de ma jupe et ranger le bonbon.

Maggie est aimable et rapide, c'est agréable. J'ai eu affaire à des PNJ bien plus longs et ennuyants dans l'Aincrad. Hum... J'aime pas du tout cette jupe. Enfin ce n'est qu'un détail, je me trouverais vite un pantalon !

Je repérais vite le bâtiment recherché, avec ses grosses pierres et son toit rouge. Dès que j'y mis les pieds, le maître de guilde m'appela depuis son comptoir et me donna une licence de mercenaire novice. Il me détailla un peu le système de carrière : il faut se rendre à la Guilde des carrières pour changer de métier. Les novices se voient attribués un maître spécifique à chaque carrière qui leurs permet de monter en grade et de débloquer de meilleures techniques. Les compétences uniques des carrières peuvent être utilisées dans n'importe quelle carrière du moment qu'on les a développé. On peut échanger nos licences à tout moment sans perdre notre progression dans les autres professions.

Forte de ces nouveaux renseignements, je me préparais à me rendre au château – dont la visite me tentait depuis sa découverte, samedi dernier – quand un cri retentit. On entendait des éclats de voix en provenance de la place principale, quelqu'un semblait être agressé. Un joueur ?

Le maître de guilde me demanda d'aller voir, j'en déduisais qu'il s'agissait d'un PNJ. Je sortis donc et m'approchais des fautifs. Deux hommes louches s'en prenaient à... un papillon ?

Ils lui disaient "Calme-toi un peu, on va pas te faire de mal. Mais on ne peut pas te laisser partir après ce que tu as dis !"

Et au papillon de leur répondre "Mais je ne voulais pas vous vexer !"

Il doivent être grand et noble ces gars là ! Pour être vexer à cause des dires d'un papillon ! Et puis... C'est un papillon qui parle les gars !! Dites moi que ça vous semble pas normal ?!

 - C'est trop tard ! Arrête de te défiler !

 - Je vous en prie, ne me collez pas dans une vitrine avec une aiguille plantée dans chaque aile ! Ne me transformez pas en broche ! Soyez cléments !

Ahah ! Je suis la seule a trouver la situation loufoque ? Ah moins que ce ne soit complètement dérangeant... Un papillon qui cherche à se défendre par les mots. Qu'est ce qu'il attend pour fuir à tires d'ailes ?

Lorsqu'ils le menacèrent de le manger, puis de le vendre (parce que c'est rare un papillon qui parle quand même !), le papillon me demanda de l'aide. Je me doutais que je devais le faire, bien que j'aurais volontiers passé mon chemin. De mauvaise grâce donc et dans un profond soupir, je m'approchais du groupe et refermais mes mains sur l'insecte. Je m'immobilisais dans cette position et m'adressais aux deux voyous avec indifférence :

 - Vous ne m'avez pas l'air bien malin tous les deux, même pour des PNJ. Je suis désolée mais j'emmène ce truc qui parle avec moi. Tenez, je vous donne ça en échange. Y'en a qu'un alors je le donne au plus intelligent des deux !

Je sortais le bonbon de Maggie et le leur lançais avant de tourner les talons vers le château.

Ces idiots sont en train de se disputer pour savoir qui est le plus intelligent... C'est possible pour des PNJ ça ? Bah au moins je peux me sauver comme ça ! Plus important, je sais que ce ne sont que des PNJ mais je ne me savais pas capable de parler sur un tel ton... Si quelqu'un d'autre avait agit ainsi, je l'aurais trouvé cool ! Pourquoi je me sens si fière de moi?

Toute à mes réflexions, je traversais la place et arrivais finalement aux portes du château. Celui-ci était entouré d'une belle et imposante muraille. Il me semblait que l'on pouvait la visiter, je verrais ça après ma visite au roi. À première vue, le palais n'était pas bien grand mais je me referais là encore au dimension vertigineuse de SAO, ce qui n'était pas très intelligent en soi.

J'allais ouvrir les grandes portes du château lorsque quelque chose me chatouilla la paume de la main.

Miiiince ! Le papillon ! Il doit être complètement écrabouillé maintenant...

J'ouvris délicatement les doigts et vis l'insecte s'en échapper.

 - Non mais ça va pas la tête ?! Tu voulais me tuer ou quoi ?? C'est pas parce que je te demande de l'aide que tu peux faire ce que tu veux !! Et puis c'est quoi ces manières ? J'aimerais bien rencontrer ceux qui t'ont...

 - Boucle-la le papillon ! Tu ne t'arrêtes jamais de parler !? fulminais-je. Bon écoute... Tu ferais mieux de mesurer tes paroles à l'avenir. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais les deux gars de tout à l'heure sont trop idiots pour t'agresser sans raison. Tu leur as dis quelque chose ?

 - Rien qui ne mérite un tel traitement, de leur part et de la tienne ! Je suis venue à Castel parce que je m'intéresse aux carrières de Rêveria mais quand j'ai vu ces deux-là, je n'ai pas pu m'empêcher de leur demander s'ils avaient choisis la carrière de lourdaud !

 - C'est pas vrai... On appelle ça une insulte, le papillon ! Et c'est normal qu'un humain réagisse comme ça à une insulte. Bien que tu sois un papillon, tu dois pouvoir le comprendre non ? m'exaspérais-je. Et c'est quoi Castel ?

Si ma famille apprennait que je converse  avec un insecte, ils m'enverraient définitivement chez les fous...

Le papillon me regardait. Enfin vous voyez quoi... Il... papillonnait dans ma direction. C'est vraiment étrange comme sensation. En plus il me faisait la morale !

 - Soit. J'y réfléchirai dorénavant. Mais j'ai un nom figures-toi, et c'est Flotillon ! Et puis je suis une fille, pas un garçon comme tu as l'air de le penser ! Ensuite, Castel est le nom de cette ville. Tu vis ici et tu ne le sais pas ? Comment t'appelles-tu ?

 - Euh Jade...

 - Et bien Jade, je te remercie de m'avoir sauvé, et ce malgré toute la barbarie dont tu as fais preuve. Au revoir !

Je le... enfin la regardais s'approcher du château et entrer par une ouverture creusée dans le mur puis lui emboîtais le pas.

Si je la recroise, je l'ignore ! Après tout, ce n'est pas ma faute si on va au même endroit. 

Je poussais les lourdes portes du château et allais enfin entrer quand un nouveau cri résonna :

 - Attends !!!!!!

Quoi ? Encore un PNJ bizarre ? Ce sera quoi cette fois, une chèvre ? Non... Un écureuil peut être...

Je me tournais vers l'origine du bruit en retenant la porte par réflexe. Ce n'était ni un écureuil, ni une chèvre qui courait vers moi mais un autre joueur. Grand, brun-roux, les cheveux mi-longs tout ébouriffés, il était assez mignon... Le physique même d'un dragueur dans un manga pour fille ! En arrivant près de moi, il ralentit pour reprendre son souffle. Il portait une chemise écru sur un pantalon vert avec un gilet en cuir et des chaussures semblables aux miennes. J'en concluais qu'il débutait comme moi. C'était un autre joueur. Un homme, pas un PNJ. Et il me parlait.

 - Excuse-moi d'avoir crié hein... Tu vas voir le roi aussi ? On pourrait y aller ensemble, ça te dit ? Et continuer  à deux après. À moins que tu ne veuilles faire autre chose évidemment, proposa-t-il en m'adressant un clin d'oeil.

Ne me dites pas que son physique va de paire avec son caractère ? C'est incroyable de tomber sur ce genre de joueur dès le début d'une partie ! Et ne me dites pas non plus qu'il est seul ?! Non sérieusement, pourquoi vient-il me parler ?? Je ne le connais pas moi !

Je commençais à paniquer. Comment faire pour me débarrasser de ce joueur indésirable ? J'étais certes ici pour me faire des amis mais il était trop tôt...

 - KAITOOO !!! hurla une voix.

 - Arrg... Haha, Lilou ! Dis donc, quel bon vent t'amène ? interrogea le joueur dans un rire jaune.

La dénommée Lilou arrivait en tapant du pied, visiblement enragée. Je reculais instinctivement d'un pas et observais le dragueur. Il affichait un sourire crispé et avait l'air de chercher un échappatoire. Il n'en menait pas large tiens ! Pas plus que moi en fait, ils étaient deux à présent.

 - Ce qui m'amène ?? TU TE FOUS DE MOI ?? Tu étais censé M'ATTENDRE sur la place avant d'aller rejoindre les autres avec moi et je te retrouve en train de minauder avec une nana !! Et tu OSES me demander ça ???

 - Mah mah... Calme-toi mon coeur, je lui proposais juste de l'aide, elle avait l'air perdu... Pas vrai ?

Il se tourna vers moi en me faisant des clins d'oeil appuyés. La fille me dévisagea à son tour, attendant une réaction de ma part, l'air impatiente.

 - Euh oui c'est... euh vrai... Je suis perdue, balbutiais-je d'une toute petite voix.

La situation ne me plaisait pas, mais alors pas du tout. Où était passé mon flegme de tout à l'heure ? Elle me fixa un moment puis se radoucit. Elle me sourit et reprit :

 - Je vois. Tu es nouvelle ici je suppose. Tu as besoin d'une info ? Ou d'une aide quelconque ? N'hésite pas à me demander.

 - Je... Non, c'est...

Ah... C'est moi qui suis dans le pétrin maintenant, je ne dois pas paniquer... Parler aux jumeaux ne m'avait pas tant gêner pourtant. Elle m'intimide... A sa tenue, je devine qu'elle joue à Fantasy World depuis un moment. Et elle a parlé des "autres", sa guilde peut-être ? Rha, calme toi Tsubomi !!!

Je restais muette, le regard vicé au sol, incapable d'émettre le moindre son. Des images de ma propre guilde me revinrent à l'esprit, vives et puissantes. Les images floues de leurs silhouettes armées au combat, celles de leurs sourires. Je sentis les larmes monter, la honte me gagner. Je serrais les poings contre mon ventre, tentant d'éliminer ce malaise, lorsqu'un doigt effleura légèrement ma main gauche. La jeune guerrière s'accroupit devant moi et me parla :

 - Tout va bien, tu n'as pas à répondre. Je m'appelle Lilou et je te remercie d'avoir couvert cet abruti de coureur de jupons, dit-elle en appuyant sur les derniers mots et en lançant un regard furibond à son ami. Pardonne-nous si nous t'avons mis mal à l'aise. Assure-toi de me donner ton nom la prochaine fois que l'on se croisera d'accord ? souffla-t-elle avec douceur.

Surprise, je redressais la tête. Elle me sourit, essuya tendrement une larme qui glissait silencieusement sur ma joue et se détourna. Derrière elle, Kaito nous observait, mi-sourire mi-repentissant. Lilou attrapa son ami par l'oreille et l'entraîna vers la ville en le sermonnant. J'entendais encore ses suppliques quand ils disparurent de ma vue. ("Aieaieaie... Lilou, s'il te plaît lâche mon oreille ! Tout sauf l'oreille ! Tu vas me l'arracher... Je suis désolé !!")

Eh bien... Quelle honte ! Il y a longtemps que je n'avais plus réagis ainsi... Et si je n'étais plus capable de parler normalement à quelqu'un ? Jusqu'à présent, ma famille a été la seule exception mais depuis cet épisode avec les jumeux Hanabusa, je pensais pouvoir enfin faire face aux autres...

Je m'asseyais au sol, devant le palais, afin de reprendre un peu mes esprits. Il fallait se montrer optimiste pour la suite !

La fille... Lilou ? Elle avait un beau sourire. Le genre de sourire qui te donne envie de te confier, celui d'une grande soeur. Hum, c'est décidé ! A notre prochaine rencontre, je lui parlerai convenablement ! Et ce gars là, il doit être toujours comme ça... Pauvre Lilou, quel drôle de couple en tout cas ! Ils étaient haut en couleur tout les deux...

Après quelques minutes à respirer en silence, les yeux dans le vague, je me redressais et entrais dans le hall du palais. Je passais les soldats et l'homme qui trônait entre deux escaliers, taillés dans la même pierre jaune que le reste du bâtiment, sans chercher à leur parler et montais directement à l'étage. Le palier était uniquement occupé par une double porte et ses deux gardes. On m'arrêta lorsque je voulus entrer. Je n'étais pas suffisamment bien habillée pour paraître devant le roi...

Bon sang ! Maggie, sale traîtresse ! Tu pouvais pas me prévenir ?

Au même moment, un énième cri résonna dans la grande pièce. Oui, encore... Je me penchais à la balustrade et aperçu le papillon. Un homme lui interdisait l'accès au château et tentait de le chasser. Je lâchais un gros soupir et redescendis donc, apercevant diverses portes dans le fond de la salle au passage, toutes gardées par des soldats armés. D'après notre homme (en réalité un ministre), le château était simplement interdit aux insectes et le roi avait de toute manière mieux à faire que de parler à un papillon ! Il demanda à Flotillon de quitter les lieux avant de s'en retourner d'où il venait.

Lorsque le papillon apprit que l'on me renvoyait,  elle me proposa de faire la paix.

 - Il faut à tout prix que je vois le roi et tu as besoin d'une cravate ou d'un noeud papillon. Faisons équipe ! Je peux me faire passer pour un  accessoire en me mettant sur ton col !

 - Euh Flotillon... Tu penses vraiment que ça peut marcher ? Bizarrement moi je ne pense pas...

 - Comment compte tu t'y prendre alors ? s'exaspéra t-elle.

 - Je vais forcer le passage. Accroche toi à mon épaule, je vais te faire passer. Mais c'est juste pour m'excuser de t'avoir écrabouillé tout à l'heure, je te préviens !

 - D'accord, si tu es sûre de ton coup alors j'accepte ta proposition.

Elle se posa sur mon épaule et m'ordonna d'avancer.

Tu ne calcule pas la chance que tu as. Je hais les insectes et je sors juste d'une situation de malaise, pourtant tu es encore en vie !

Prenant sur moi pour ne pas l'écraser, je remontais les escaliers quatre à quatre et m'arrêtais devant les portes. Je regardais ma montre-carte : 14h36. Ça faisait déjà presque quatre heure que j'étais plongée dans Fantasy World ! Mes flâneries m'auront prit du temps.

Je me dirigeais vers un soldat et lui affirmais, tout en agitant la lettre du roi sous son nez, que cette visite ne demandait aucune tenue particulière. Profitant du temps qu'il mettait à examiner la lettre, je le dépassais discrètement et entrais dans la salle du trône au moment où son collègue tentait de m'attraper. Je claquais la porte derrière moi pour ne pas être dérangée.

J'eus une surprise en m'approchant du trône. Le roi était un gosse ! Ce gosse me fit son discours de bienvenue, sûrement rabâché à chaque jeune qui débute sa première carrière. Le roi Erik, tel est son nom, me présenta ensuite sa femme Ophélia et sa fille Laura, malheureusement absente car elle s'était sauvée.

Donc, pour résumé tout ça, le roi est un gosse qui est marié à une femme adulte et il a une fille. Une princesse rebelle de surcoît. Je suis la seule que ça dérange ? D'abord Flotillon, ensuite la famille royale... J'aimerais bien avoir le scénariste du jeu devant moi. Histoire qu'il m'explique quel genre de drogue il prend ! Enfin, ça a le mérite d'être amusant et c'est sûrement l'effet escompté. 

Je reçue ensuite 300 rêvah (la monnaie courante de Rêveria), une carte du monde et un équipement de mercenaire novice que j'enfilais de force. Je fermais la fenêtre m'expliquant comment utiliser l'équipement après l'avoir parcouru en vitesse et une grande bannière en damier la remplaça :

[Prologue Terminé !]

Enfin libre de mes actions ? J'en profitais pour visiter le palais, bien plus grand qu'il n'y paraissait avant de quitter le château en vitesse. Flotillon me demanda si on pouvait rester ensemble et j'acceptais. Elle animait un peu le jeu et je n'avais pas l'impression de parler à un PNJ avec elle. Ça me rappelait des rumeurs qui couraient sur certains PNJ quand je vivais dans l'Aincrad...

Je descendis quelques marches et inspirais profondément l'air extérieur. Une odeur d'aventure me parvint. Je pouvais enfin commencer l'exploration ! Ma montre indiquait 15:59.

Parfait ! Une pause s'impose ! Et mieux vaut s'arrêter avant que mon frère ne rentre.

J'ouvrais le menu en faisant glisser mes doigts dans ce geste si familier et me déconnectais.

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Allongée sur mon lit, je n'avais pas bougé depuis mon retour de Fantasy World, dix minutes auparavant. La tempête était terminée mais il pleuvait toujours. Ni Hakuo, ni mes parents n'étaient rentrées. Il n'était que quatre heure, trop tôt finalement. Je laissais mes pensées vagabonder, ressassant mes différentes expériences de la journée.

Bilan : Le jeu me plaisait. Je m'étais plutôt amusée. Ma première rencontre n'était pas réellement un échec, mais ce n'était pas grâce à moi que les choses s'étaient arrangées. Je devais faire des efforts pour contrôler mes sentiments et mes souvenirs. Et je ne savais pas quand je pourrais me reconnecter...

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