Prends garde

Chapitre 12

5679 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:54

La Saint-Valentin possédait tout ce que Stiles détestait en ce qui concernait les niaiseries. Pendant des années, il s’était entiché d’offrir cartes, peluches ou même chocolat à Lydia Martin sans que celle-ci n’eût répondu favorablement à ses attentes — il avait même rempli son casier de fleurs et dès que la jeune fille l’avait ouvert, elle s’était ramassée des centaines de pétales sur la tête et dont elle avait réussi à se débarrasser qu’une fois rentrée chez elle et après une bonne douche. Au bout de quelque temps, Stiles avait simplement décidé d’arrêter les frais et de se contenter d’écrire deux ou trois lignes sur un carton rose bonbon en forme de cœur et de le glisser entre les cahiers de la jeune fille, écrasé entre ses manuels de Latin et de Chimie.

Si cette année, la fête devait ressembler à toutes les autres Saint-Valentin, c’était loin d’être le cas. Vraiment très loin.

Allison et Scott s’étaient disputés la veille à propos d’un devoir d’Économie dont la note catastrophique avait fait baisser la moyenne de la jeune fille tandis que celle du loup-garou avait simplement fait du surplace. Stiles n’avait pas tout bien compris cependant, il était persuadé que Scott avait négligé quelques points dans sa rédaction et qu’Allison n’avait pas fait son travail aussi parfaitement qu’elle le déclarait. Tout de même, Allison avait beau être très douce, très gentille, cela ne lui enlevait pas moins une capacité à être un peu maladroite comme le commun des mortels. Et fréquenter Scott ne risquait pas d’arranger cela. Stiles n’avait pas eu la tête à continuer son enquête sur la possible relation entre son meilleur ami et l’autre loup-garou dont la mauvaise humeur croissait de manière exponentielle à mesure que la prochaine pleine lune approchait. L’hyperactif avait préféré mettre tout cela de côté et réfléchir à un moyen de faire réintégrer Isaac dans l’équipe — même si cela allait totalement à l’encontre de son idée de vengeance, mais de toute façon, l’adolescent n’avait pas du tout l’envie de continuer ce petit manège avec le loup-garou. Le Coach en faisait qu’à sa tête même si le premier match approchait et que la présence du lycanthrope orphelin était plus que requis face à une des équipes les plus agressives de la compétition. A moins d’un gros problème, Isaac restera sur le banc de touche tandis que Stiles tentera de survivre sur le terrain auprès de Scott dont les responsabilités en tant que capitaine commençaient à le stresser de jour en jour.

Lydia avait poursuivi la traduction du bestiaire durant ses moments libres tout en faisant des commentaires sur l’existence de certaines créatures dont rien que le nom donnait froid dans le dos. La jeune fille espérait que beaucoup d’entre elles avaient disparu et que c’était juste à titre d’information qu’elles se trouvaient dans les vieux fichiers du bestiaire des Argent.

Durant sa convalescence qui avait duré trois longues et ennuyeuses semaines, Stiles était resté cloîtré chez lui à regarder des séries ou à dormir. Il avait eu la visite de Scott et des autres qui, pour une raison incroyable, avaient cru à la version de Derek sur l’attaque d’un loup (Isaac et Scott avaient proposé d’aller à la recherche de ce « loup », mais Stiles avait refusé avançant le fait qu’il devait être déjà loin et que cela ne servirait à rien). La mère de Scott avait surveillé avec énormément de précautions l’évolution de la « morsure » de l’adolescent et avait conclu que la blessure se guérissait tout à fait normalement. Stiles ne semblait pas ni plus rapide ni plus fort comme l’avait ressenti Scott lors de sa propre morsure. Tout était resté étrangement normal même si pour l’heure, le cou de Stiles arborait quelques cicatrices que l’adolescent s’empressait de cacher derrière une écharpe.

Et il n’avait plus vu Derek depuis sa sortie de l’hôpital. Il lui avait dit de le laisser tranquille, mais à ce point là ? L’adolescent n’avait reçu aucun appel, aucun message. Il ne l’avait pas croisé ou aperçu et Isaac se moquait bien de voir ou pas l’Alpha depuis qu’il habitait chez Scott.

Certes, ce n’était pas comme si Stiles s’était attendu à quelque chose d’autres de la part du loup-garou. Néanmoins, il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une sorte de vide depuis que son téléphone ne vibrait plus le matin, le midi et le soir à la réception d’un message de l’Alpha. L’adolescent avait failli lui écrire des messages, mais s’était ravisé à chaque fois avant de valider l’envoi. Cela ne servirait à rien même si Stiles ne voulait qu’avoir des nouvelles du loup. En fin de compte, il avait eu ce qu’il voulait : le loup-garou le laissait tranquille pour de bon. Dans ce cas, pourquoi avait il l’impression que son cœur était lourd ou qu’il s’attendait presque à apercevoir l’Alpha à chaque coin de rues ou même à la sortie des cours ?

Et c’était la Saint-Valentin, la fête des « amoureux » et des trucs « niais » et guimauve qui donneraient le diabète à n’importe qui rien qu’en regardant les couples s’embrasser ou à s’échanger des douceurs. Stiles avait déjà du mal à supporter cette journée à endurer touts les démonstrations des amours éphémères de ses camarades de classes — et cela ne concernait pas spécialement Allison et Scott — ; c’était encore plus douloureux (et agaçant) depuis qu’il avait rompu avec Derek dans une mesure que l’adolescent n’arrivait pas à bien comprendre. Certes, il n’avait personne avec qui passer cette fête, comme toutes les autres années. Néanmoins, son sentiment de solitude était à son paroxysme.

Par moment, Stiles avait envie de se donner des claques. Ses propres réactions l’étonnaient et l’énervaient à la fois. Il avait beau se dire que cela avait été sa volonté de tout arrêter avec le loup-garou, que oui, c’était lui et lui seul qui avait souhaité cette rupture pour des raisons fondées — du moins, de son point de vue —, pourtant, son esprit avait pris la sale habitude d’imaginer ce qui se serait passé s’ils n’avaient pas rompu et que si Stiles avait pris sur lui pour ses peurs « irraisonnées » de l’Alpha. Il y avait plusieurs scénarios possibles : Derek aurait fini par rompre de lui-même vu que Stiles ne semblait pas vouloir être aussi affectueux que le loup l’aurait voulu ; Stiles aurait fini par craquer et n’aurait opposé aucune résistance ; Derek et Stiles auraient simplement continué comme ils étaient en train de le faire jusqu’à ce que Scott découvre la vérité et les fasse rompre (ce qui était évidemment totalement farfelu, l’hyperactif en convenait bien). Il était intéressant de remarquer que l’esprit de l’adolescent n’avait pas produit un scénario où les deux principaux concernés s’en sortaient plutôt bien en étant ensemble. En fait, plus il y réfléchissait, plus Stiles était persuadé qu’il aurait fallu un miracle pour que cela marchât entre eux. Bon, peut-être pas un miracle en tant que tel.

Stiles savait pertinemment bien que le nœud du problème venait de lui et de sa méfiance vis à vis du loup et de son instinct de survie un peu trop titillé depuis quelques semaines. Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, il ne comprenait pas pourquoi justement, étant dans les bras d’un loup chef de meute, il ne s’était pas senti en sécurité. C’était même un endroit extrêmement sûr. Si Derek avait été un oméga, peut-être cela aurait il été différent….

Ou peut-être que le problème était tout autre. Peut-être que Stiles avait simplement peur de se faire mordre ? (Ce qui était fait) De perdre son humanité (visiblement, rien n’avait changé). Dans ce cas-là, si ses deux peurs étaient contrecarrées, si les deux scénarios qui le hantaient depuis la morsure de Scott n’avaient plus de raison d’être, si Stiles avait eu la preuve que tout cela n’avait plus lieu d’être, pourquoi ne pouvaient-ils pas être ensemble à nouveau ? Parce qu’il n’était pas amoureux du loup ? Oui, c’était aussi une autre raison à cette rupture et il n’avait aucune once d’idée pour « solutionner » ce problème. On ne tombait pas amoureux sur commande. Stiles avait juste l’impression de tourner en rond, d’être en face à une énigme insoluble. Peut-être qu’avec le recul, en admettant qu’il n’eût plus aucune raison de craindre quoi que ce soit du loup-garou, il pourrait changer d’avis et éprouver quelque chose pour l’Alpha. Néanmoins, rien n’était moins sûr.

S’il devait être vraiment honnête avec lui-même, il reconnaîtrait que Derek lui manquait. Il lui manquait à sa manière ; autrement que si cela avait été Scott, Lydia ou même sa mère décédée. Il avait envie de lui parler ; même sur un sujet inintéressant ou totalement guimauve. Stiles avait simplement envie d’entendre sa voix juste quelques minutes ou quelques secondes.

Durant la pause déjeuner ce jour-là et, tandis que certains couples gloussaient dans leur coin en s’échangeaient leur cadeau contre les casiers des longs couloirs froids de l’école, Stiles s’éclipsa de la cafétéria pour s’enfermer dans les toilettes des garçons. Il fit les cent pas devant les grandes portes des sanitaires individuels pendant que ses doigts s’activèrent nerveusement sur le clavier de son téléphone. Il s’était promis de ne rien tenter pour le contacter avant que le loup ne le fasse. Et surtout aujourd’hui. Pourtant, ce fut plus fort que lui. Il avait juste besoin de savoir si tout allait bien, s’il avait des pistes sur la disparition d’Erika et Boyd, s’il avait trouvé d’autres Betas, s’il avait juste peut-être ne serait ce qu’un instant pensé à lui. D’accord, c’était plus pour la dernière suggestion qu’il se démenait à écrire un semblant de message qui ne parût ni déplacé, ni désespéré, ni ambigu. Il effaça le message à plusieurs reprises, grommelant, râlant contre ses propres doigts tremblants et maladroits.

Bon sang, un simple « salut, Derek. Juste pour savoir comment tu vas depuis la dernière fois » était-ce vraiment si compliqué à écrire, Stiles ?

L’adolescent effaça pour la dixième fois son texte avant de fermer les yeux, d’inspirer profondément pour se concentrer. Il imagina qu’il était en train d’écrire un message pour Isaac — mieux — pour Erika et se remit à pianoter sur son téléphone. Il s’appuya le dos contre le mur du fond, juste à côté d’un grand évier.

Non, ce n’était pas compliqué d’écrire à Derek Hale. Du tout.

« Salut, Derek. J’ai repris les cours depuis que ma blessure est guérie. Elle ne s’est pas infectée. La mère de Scott a été formidable. Je n’ai pas eu besoin d’aller demander de l’aide à Deaton. Je fais des rêves bizarres, mais ça, j’en faisais déjà bien avant de te connaître. Isaac et Scott vivent la parfaite colocation. Lydia a presque fini de traduire une bonne moitié du bestiaire. Allison a cassé trois fois son arc, ne me demande pas comment. Et moi, bah, je me demandais comment tu allais. »

Sommaire. Resté sommaire avait-il pensé. Bien sûr. Tout à fait. Il noyait le poisson avec les nouvelles de ses amis dont le loup devait certainement s’en moquer. Néanmoins, cela permettait à son message de ne pas être trop direct.

Avant même d’avoir appuyé sur le bouton « envoyer », l’esprit de Stiles commença à imaginer les réponses du loup. Peut-être qu’il ne lui répondra même pas. Peut-être se contentera-t-il de lui écrire un « je vais bien » ? Ou peut-être sera-t-il plus direct avec un « à ton avis, est-ce que je suis censé aller bien ? ». Quoi que cela puisse être, l’adolescent ne s’en préoccupa pas. Il inspira longuement avant d’appuyer sur le bouton, le cœur battant à tout rompre, les mains moites et légèrement tremblantes. Il ferma les yeux, tapant doucement deux ou trois fois l’arrière de son crâne contre le mur avant de consulter son téléphone.

Il écarquilla les yeux comme paralysé, l’appareil entre les doigts qui menaça de glisser et de se fracasser contre le sol sale de la pièce. Non, c’était tout bonnement impossible.

Le message n’avait pas pu être envoyé car… le numéro n’était plus disponible. Plus en service. Plus actif. La gorge sèche, l’adolescent trembla de la tête au pied, secouant vivement la tête de gauche à droite comme si cela pouvait aider à faire disparaître à jamais cette vision désagréable.

Derek avait changé de numéro ? Peut-être avait-il perdu son téléphone. C’était sans doute cela. Voilà. C’était cela. C’était aussi simple qu’un vol ou qu’une perte de téléphone. Isaac devait avoir le nouveau. Parler à Isaac. Non. Emprunter le téléphone d’Isaac. Mieux. Bien mieux. Ne rien dire. Ne rien laisser paraître. Le sac d’Isaac. Non. Son casier. Il mettait toujours son téléphone portable dans son casier pendant les cours aussi stupide que cela semblait être à n’importe quel autre adolescent de cette stupide ville. Voilà. Marcher doucement vers les casiers. C’était celui près de la salle de cours d’Économie. La combinaison ? C’était la même que celle de Scott. Brave Scott. Gentil Isaac d’être tête en l’air. Le message. Enregistrer le message en brouillon. Voilà. Maintenant, sortir doucement et aller à ce fameux casier. Éviter le dragon à lunettes chimiste qui ne manquerait pas de donner des retenues à tout va pour avoir éternué trop fort. Voilà. Par là. Juste là. Encore un effort. La combinaison. Tranquillement. Doucement. Forcer un tout petit peu. Les cadenas rouillaient toujours un petit peu. Sales petites bêtes. Ouvrir la porte sans un bruit. Quel bazar. Manuels par-ci, livres par-là. Ah une note de devoir de Physique. Peu mieux faire. Téléphone. Ou était ce fichu téléphone. Pas par là. Un peu en dessous peut-être. Ah ! Le voilà. Il restait de la batterie. Bien. Très bien. Il n’était pas verrouillé. Très très bien. Contacts. Belle liste de contacts. Derek Hale. Voilà. Le numéro. Comparer les deux numéros. Identiques. Ils étaient identiques. Bon Dieu. Cela devait être récent. Il avait changé de numéro et il ne l’avait pas encore prévenu.

Stiles quitta son état second, remit le téléphone d’Isaac en place et ferma le casier d’une main tremblante. Il fit volte-face et s’adossa contre la paroi en fer avant de passer les mains moites sur son visage blême. Il avait l’impression d’avoir perdu le dernier moyen au monde de communiquer avec l’Alpha alors qu’il lui restait plusieurs possibilités comme appeler Peter Hale, aller voir Deaton, passer au loft.

Passer au loft.

Tremblant de la tête au pied, Stiles arpenta les couloirs dans un sens puis dans l’autre, les mains inconsciemment posées sur le crâne. Il avait cours de Littérature dans moins de vingt minutes ensuite deux heures d’entraînement. Il n’arrivait pas à tenir suffisamment en place pour réfléchir à bon escient de ce qu’il comptait faire ou simplement pour se remettre en question. Derek avait juste eu un problème de téléphone ; c’était tout. Pas de quoi se mettre dans des états pareils. Ce n’était pas comme s’il avait délibérément changé de numéro pour couper les ponts de manière nette et précise, hein ?

Et si c’était effectivement le cas ? C’était tout à fait possible compte tenu du fait que Stiles avait tellement insisté pour que le loup le laisse tranquille une bonne fois pour toutes. C’était une démarche normale pour éviter la tentation d’envoyer ou de recevoir des messages.

Il avait eu ce qu’il voulait. L’Alpha lui fichait bel et bien la paix. Alors, pourquoi faire une montagne d’un simple changement de numéro de téléphone ? Stiles avait l’impression que ses réactions étaient totalement disproportionnées, comme pour son idée de vengeance sur Isaac — même si, vraiment, il l’avait mérité et que, tout compte fait, rien ne s’était déroulé comme prévu et que le loup n’avait pas été si puni que cela. Et ce n’était pas à cause de la Saint-Valentin que son côté légèrement fleur bleue et ni’asi était exacerbé. Trois semaines sans aucune nouvelle de l’Alpha. N’importe qui d’autre se serait inquiété. N’importe qui hormis Scott, Lydia, Allison et même Isaac. Oui, n’importe qui y compris Stiles.

Après un troisième aller-retour dans le grand couloir de l’école, Stiles prit la décision de quitter les lieux. Tant pis pour Littérature et l’entraînement de Crosse. Il n’aimait pas la littérature et ses vieux auteurs et poètes ; il était totalement inutile sur le terrain et ce n’était pas avec deux heures de plus à courir dans la boue que cela changerait quelque chose. Il était bien trop secoué de toute façon pour se concentrer ou être efficace. Il voulait juste s’assurer que Derek aille bien. Ni plus ni moins. Sans arrière-pensée. Cela faisait trois semaines ! Cela justifiait bien un petit manquement au règlement intérieur et de filer en douce. Si son père l’apprenait, il trouverait bien quelque chose à lui dire comme il l’avait toujours fait. Ou il demandera à Scott de l’aider pour une fois. Ou même à Isaac s’il le désirait. D’ailleurs, le loup-garou pourra jouer à sa place pendant le match d’entraînement. Une pierre deux coups.

La jeep de l’hyperactif était garée très loin dans le parking de l’école. Stiles s’y engouffra sans rencontrer de problèmes, posa les mains sur le volant, respira un bon coup avant de se mettre en route vers le loft de Derek Hale. Tandis qu’il empruntait les chemins sinueux le conduisant au cœur de Beacon Hills, l’adolescent jetait des regards furtifs dans toutes les directions comme si Derek ou même le Shérif allait apparaître soudainement dans un coin de rue. Plus il se rapprochait de l’immeuble de l’Alpha, plus le cœur et l’estomac de Stiles se resserraient. Il n’avait aucune idée de comment aborder le sujet du « je suis venu, car je voulais de tes nouvelles » ou éviter toutes disputes relatives à leur ancienne relation. Il avisera comme toujours, en espérant que son stresse n’aura pas raison de lui.

Il gara la jeep dans un parking situé à l’arrière de l’immeuble où se trouvait le loft de Derek. Il resta quelques secondes immobile derrière son volant à se demander s’il ne devait pas rebrousser son chemin, car il se trouvait maintenant totalement ridicule à se comporter de la sorte juste parce qu’il n’était pas arrivé à lui envoyer un simple message — totalement inintéressant qui plus est. Seulement, voilà, même si l’écharpe grise lui seyant le cou lui rappelait l’épisode très traumatisant de la morsure, cela n’avait aucune importance. Il voulait lui parler, juste un peu, et il repartirait tout simplement, aussi rapidement qu’il fût venu avec, peut-être, le cœur libéré d’un poids. Il n’y avait aucun mal à cela.

Il sortit du véhicule, claqua la porte d’un geste mal assurée avant de se mettre en route d’un pas traînant. Son corps le porta bien malgré lui à destination, comme si l’adolescent était de nouveau dans un état second. Il prit l’ascenseur non sans avoir un flash de ce qui s’était passé dans le parking le jour de leur rupture, dans un ascenseur certes bien différent de celui qui monta à l’étage du loft dans un fracas presque infernal. Dès qu’il en sortit, Stiles eut un haut-le-cœur en apercevant une affiche sur la porte de l’appartement de Derek Hale. D’un pas fébrile, il accourut vers le papier blanchâtre dont l’écriture avait tout de quelque chose d’officiel : le loft était en rénovation et le propriétaire : Derek Hale n’habitait plus les lieux jusqu’à la fin des travaux. Stiles relut à plusieurs reprises cette fichue note tandis que ses jambes eurent de plus en plus de mal à le soutenir.

Il avait déménagé. Peut-être chez son oncle, cependant, Stiles ne connaissait absolument pas son adresse. Le manoir des Hale dans la forêt. Peut-être que Derek y était retourné pour se ressourcer. Les travaux ne dureront sans doute pas longtemps. C’était temporaire. Simplement temporaire.

Stiles ne perdit pas de temps, reprit l’ascenseur, courut jusqu’à sa jeep avant de se mettre en route en trombe vers la grande forêt de Beacon Hills, là où tout avait commencé. L’adolescent ne prit pas la peine de répondre aux messages de Scott sur son téléphone qui lui demandait où il était passé et si tout allait bien. Stiles avait envie de lui répondre que non, rien n’allait, car Derek semblait avoir totalement disparu et que cela le mettait dans tous ses états pour une raison qu’il lui échappait et qu’il avait une terrible envie de hurler à plein poumon de rage.

Stupide Derek Hale. Stupide Alpha. Stupide Saint-Valentin. Stupide Stiles.

Le ciel se couvrait à peine quand Stiles abandonna la jeep à la lisière de la forêt avant de courir à toute allure à travers les fourrées en direction de la maison familiale des Hale.

Pourvu qu’il y soit. Faites qu’il y soit.

L’adolescent eut un second choc. Une grande clôture avait été dressée tout autour de la demeure tandis que des ouvriers s’affrétaient à la démolition de la bâtisse. Le toit avait été arraché ; la façade avant s’était écroulée. Stiles agrippa les mailles de la clôture en observant d’un air terrifié les énormes appareils qui arrachaient poutre, pierre, fenêtre de cette vieille maison sinistrée. Il resta un long moment devant ce spectacle aussi effroyable que fascinant avant de se reprendre et de lâcher la clôture d’un geste irrité. Il regagna sa voiture en titubant, l’esprit totalement déboussolé. Mis à part chez Peter, il n’avait plus aucune idée de l’endroit où pouvait être Derek. Et il se refusait à ne serait-ce imaginer que le loup pût avoir quitté la ville. L’adolescent s’assit derechef derrière le volant de son véhicule, sentant les larmes lui monter aux yeux. Il n’avait aucune raison de pleurer. C’était juste l’angoisse, le stresse, le choc, l’après-coup. Rien de plus. Il ira voir dans les fichiers de son père à tête reposée l’adresse de Peter Hale. Il demandera à l’oncle où était son neveu. Et tout se passera bien. Derek ne pouvait pas être bien loin.

Reprends-toi, Stiles. Il ne peut pas s’être volatilisé.

L’adolescent roula sans but dans les rues de Beacon Hills avant de décider de rentrer chez lui. Son père terminait tard. Ils ne risquaient pas de se croiser ou d’avoir cette conversation sur le séchage de cours en bon et due forme. Stiles passa la porte de la demeure des Stilinski d’un pas lent, la tête baissée. Il posa ses affaires dans un coin, retira ses chaussures avant de monter les marches de l’escalier d’un air absent. Les mots de l’affiche collée sur la porte du loft et les machines détruisant la maison des Hale défilèrent devant ses yeux tandis que ses jambes oscillèrent sur le vieux parquet. Il entra dans sa chambre dans un état second et referma la porte doucement derrière lui, comme si le moindre bruit pouvait réveiller les morts. Il ne remarqua pas tout de suite l’objet posé sur son bureau. Il dut le fixer du regard d’un air perplexe pendant quelques instants avant de s’en approcher.

À côté d’une note écrite à la main, un loup en chocolat semblait hurler à la pleine lune. La main droite de Stiles trembla avant de se refermer sur la nourriture en forme d’animal mesurant une dizaine de centimètres de hauteur. Il posa les yeux sur la petite feuille avant de l’attraper d’un geste vif. C’était l’écriture de Derek. Son cœur fit un bond tandis que ses jambes vacillèrent dangereusement et il dût s’asseoir afin d’éviter de s’écrouler lourdement sur le sol de sa propre chambre.

« Je pars quelque temps. J’ai besoin de prendre l’air, de réfléchir. Je sais que tu détestes ce genre de chose “niaise”, mais je tenais à te donner ça. Prends garde à toi. »

Stiles lut la lettre — s’il pouvait nommer la note comme telle — d’abord en diagonale puis consciemment à plusieurs reprises, comme si les mots allaient changer de sens à chaque passage de ses yeux sur eux. Il baissa les yeux sur le loup en chocolat dans le creux de sa main avant que cette dernière ne se mette à trembler dangereusement. Il se mordit la lèvre pour étouffer un sanglot lui serrant le creux de la gorge.

Le cœur lourd, les yeux larmoyants, Stiles mordit doucement dans le loup en chocolat avant de se mettre en position fœtale dans son grand lit froid. Il tint la lettre de l’Alpha contre son cœur avant de le maudire du plus profond de son être.

Derek était parti. Sans rien dire. Loin de tout. Loin de lui.

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