Prends garde

Chapitre 11

7105 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:41

Il pleuvait à grosses gouttes quand Melissa McCall prit son service aux urgences. Elle consulta la liste des patients dont elle devait s'occuper avant de se tourner vers son ordinateur et de pianoter pendant quelques instants. Il faisait froid dans le service et dans les longs couloirs ; les portes de l'hôpital fermaient très mal. Melissa n'avait plus du tout envie de courir à nouveau après les ouvriers ou autres techniciens propres à son lieu de travail pour demander de faire réparer le mécanisme quelque peu complexe de la fermeture automatique des portes. Même si cet incident semblait totalement anodin pour son travail, cela devenait nettement plus problématique quand l'infirmière réfléchissait à sa propre sécurité. N'importe qui pouvait entrer. Ou surtout n'importe quoi.

La mère de famille était en train d'écrire un email quand débarqua presque en trombe Derek Hale, le loup-garou d'après ce que lui avait expliqué son fils. Elle sursauta, sentit son cœur défaillir pendant un millième de seconde, frôlant la crise cardiaque. Cela démontrait parfaitement le problème de fermeture des portes. Personne ne devait arriver de cette manière dans son service, même pas un louveteau ou toute autre chose de ce genre.

Après s'être remise de la surprise, Melissa afficha un sourire très poli à Derek avant de lui demander d'une voix lente ce qu'il lui voulait et, accessoirement, elle ajouta que son fils était chez sa petite-amie s'il n'arrivait pas à le trouver. Le visage du loup était pâle, beaucoup trop pâle pour ne pas attirer l'attention de l'infirmière plutôt que la mère surprotectrice. Elle le dévisagea avant de se lever et de faire le tour de son bureau d'accueil. Le loup secoua doucement la tête avant de lui assurer qu'il n'était pas venu à l'hôpital, très tôt le matin, pour se faire soigner — ce qui était bien entendu improbable. Melissa fronça les sourcils, mit les poings sur les hanches, prenant un air sceptique avant de continuer sur sa lancée. Derek se mordit la lèvre et expliqua d'une voix monocorde les raisons de sa présence. Melissa écarquilla les yeux avant d'entreprendre de lui secouer les épaules pour en savoir d'avantages. Cependant, elle reprit vite le contrôle d'elle-même. Elle lui donna des directives précises, prit un porte-document et y inséra une feuille d'admission aux urgences. Derek la remercia d'un mouvement de tête en sa direction avant de quitter l'accueil d'un pas précipité.

Melissa remplit d'une main tremblante les informations du patient en déambulant dans le long couloir terne et incroyablement vide de son service. Quand elle arriva à une salle de soin libre, elle poussa un long soupir d'exaspération mêlé à une once d'appréhension. Elle prépara le matériel, le posa dans un chariot avant de l'avancer vers le lit d'examen. Elle devrait appeler un des médecins de garde ; cependant, elle n'était pas certaine de trouver une explication plausible à tout cela. La mère du jeune Scott était néanmoins habilitée pour s'occuper de ce genre de blessures. Ça allait aller. Ça devait aller. Tout ira très bien. Noyé dans la masse de ses contacts professionnels dans le répertoire de son téléphone, le numéro du vétérinaire Deaton paraissait attendre d'être sollicité.

Les bras chargés, Derek poussa la porte de la salle d'un coup de pied, s'y engouffra avant de déposer son fardeau sur la table d'examen. Melissa inspira profondément pour se donner du courage et se pencha vers son patient.

Très pâle et les traits tirés, Stiles gisait inconscient, un pansement grossièrement posé sur sa gorge. L'infirmière leva les yeux vers le loup qui déglutit avec peine, n'essayant même pas de cacher son inquiétude. Elle sourit timidement avant de lui tapoter l'épaule d'un geste qui se voulait à la fois réconfortant et rassurant. Tout allait bien se passer ; il n'y avait pas de raison.

La mère de Scott entreprit de retirer le pansement noirci par le sang. Derek observa ses gestes, les sourcils froncés, gardant le silence. La blessure, non, la morsure qu'avait subie Stiles était profonde et saignait toujours. L'infirmière ne savait pas du tout si cela était bon signe de point de vue des « créatures surnaturelles ». Elle décida de laisser de côté ses interrogations et de continuer de soigner Stiles. Elle désinfecta la plaie, utilisa trois ou quatre compresses pour nettoyer le sang des marques suintantes. Elle fit attention à la moindre réaction de l'adolescent. Elle le connaissait depuis si longtemps qu'elle était capable d'anticiper ses crises d'angoisses. Elle était persuadée que Stiles allait succomber à une violente crise de panique en se trouvant allongé de la sorte aux urgences, saignait abondamment ; lui qui avait toujours détesté le sang.

Plusieurs minutes passèrent durant lesquelles Derek passa le film des derniers événements en boucle devant ses yeux. Après avoir mordu Stiles, ce dernier s'était évanoui. Le loup avait alors pris soin de lui et de sa blessure, l'emmenant dans sa couche — après lui avoir retiré son t-shirt imbibé de sang pour lui enfiler un de sa garde-robe. Il l'avait laissé seul dans la chambre peut-être vingt minutes le temps de se débarrer de son oncle qui avait débarqué à l'improviste comme à son habitude. Heureusement, Peter Hale ne s'était pas aperçu de la présence du fils du Shérif à l'étage et était reparti non sans maugréer contre son neveu. Pendant ce laps de temps où l'Alpha n'avait pas été à ses côtés, Stiles s'était levé, s'était dirigé vers la salle de bain pour enlever son pansement et perde à nouveau connaissance contre la vitre de la douche. Devant cette plaie encore fraîche et absolument pas en processus de cicatrisation, Derek s'était fait violence et avait décidé de l'emmener à l'hôpital. Avec un peu de chance, la mère de Scott travaillait cette nuit et il pourrait lui demander de l'aide sans aller dans les détails sur le pourquoi du comment de cette blessure. Melissa McCall était nettement plus qualifiée que lui pour expliquer à Stiles de ne pas sortir de son lit ou d'enlever ses pansements.

Alors que la mère de Scott continuait à prodiguer des soins dans un silence absolu, l'Alpha avait l'impression que son cœur et son esprit se trouvaient sur un bateau en pleine mer agitée. Il avait mordu Stiles, l'humain qui avait toujours brandi cette humanité comme étant son bien le plus précieux. Il se doutait qu'ils devraient discuter de ce qui s'était passé. Du moins, le loup l'espérait, car il était possible que Stiles décidât simplement de l'envoyer promener non sans lui cracher à la figure qu'il ne voulait plus le voir de sa vie. Derek comprendrait sa réaction, même si son cœur se refusera de l'entendre.

Bon sang, tout serait nettement plus simple s'il n'était pas amoureux de cet adolescent hyperactif, impulsif et terriblement insolent.

Melissa le fit sortir de la salle soin avant de le prier de s'asseoir et d'attendre qu'elle en ait fini avec Stiles. Elle ajouta d'un ton, que le loup reconnut comme étant « le ton d'une mère très sérieuse sur ses propos et dont il était hors de question de négocier », que l'Alpha devait appeler le Shérif et lui expliquer que son fils était à l'hôpital et blessé tout en insistant sur le fait qu'il ne semblait pas en danger de mort. Derek hocha doucement la tête d'un signe approbateur avant de se diriger d'un pas lent vers le téléphone de service, derrière le bureau de l'infirmière. Bien entendu, Melissa aurait pu s'en charger, car cela faisait partie de son travail ; néanmoins, c'était Derek qui avait amené Stiles et de ce fait, il était plus à même de raconter l'accident dans les détails.

L'alpha était conscient que dire la vérité au père de Stiles serait totalement contre-productif. Il pourrait inventer quelque chose comme Stiles qui s'était fait attaquer par un animal sauvage — d'autant plus que Deaton avait précisé que les loups mordaient à la gorge quand ils attaquaient leur proie. Cependant, il n'était pas certain que le Shérif le croirait. De toute façon, vérité ou non, cela ne changera rien à l'état actuel des choses : Stiles était blessé à cause de la morsure qu'il lui avait octroyée. L'adolescent devait le détester du plus profond de son être et il en avait tout à fait le droit.

Dans la salle de soin, Melissa venait de finir le dernier pansement de l'adolescent quand celui-ci se mit à gémir avant de gesticuler doucement et à ouvrir les yeux. Avec un sourire d'une mère attentive, la jeune femme l'ordonna de rester calme et de ne pas bouger. Stiles fronça les sourcils avant de balayer les alentours du regard. Il reconnut les murs froids de l'hôpital ainsi que cette odeur prenante de désinfectant. Il voulut se relever d'une traite, mais fut pris de vertige.

« Tu as perdu beaucoup de sang, Stiles. Reste allongé, souffla Melissa en posant une main sur le front de l'adolescent. »

Le principal intéressé inspira lentement tandis que son estomac se mit à se tordre dans tous les sens. Son cœur devint lourd, battant à tout rompre comme s'il était sur le point d'exploser. Sa gorge resserra tandis que sa respiration devint plus haletante comme si l'oxygène fut soudainement extrêmement rare. À ce moment précis, Stiles eut juste envie de partir en courant de cette pièce, de partir très loin pour sa propre survie. Courir à en perdre haleine, jusqu'à ce que ses jambes meurent de fatigue.

Il était en proie à une effroyable crise de panique et Melissa McCall se refusait de ne rien faire face à cela. Elle lui administra un calmant tout en lui parlant d'une voix rassurante et posée, lui expliquant que tout allait bien et que sa blessure n'était ni infectée ni… cicatrisée — comme l'aurait fait Scott à sa place. Elle ne savait pas exactement pourquoi elle devait préciser ce dernier point au fils du Shérif de Beacon Hills, mais elle sentait au plus profond d'elle que c'était une des choses qui pouvait aider l'adolescent à reprendre pied.

Gesticulant dans tous les sens, Stiles secoua vivement la tête de gauche à droite, indiquant qu'il se fichait pas mal de tout cela. Sortir. Il devait sortir. Partir. Prendre l'air. C'était cela. Il avait besoin de prendre l'air. Et vite. Il bascula sur le côté, retomba sur le sol sur les genoux et les mains devant le regard irrité de Melissa qui fit rapidement le tour de la table d'examen pour lui saisir le bras et le relever. Stiles se dégagea d'un geste brusque, tituba quelques instants avant de pousser les deux grandes portes de la salle de soin et de se mettre à courir d'une manière désarticulée vers l'entrée des urgences. Il ne fit attention à rien ni à personne. Ce fut pourquoi il ne remarqua absolument pas Derek derrière le bureau en grande conversation au téléphone avec le shérif. Quand il passa devant lui, l'Alpha posa le combiné pour se précipiter sur l'adolescent qui s'écroula à deux mètres des portes automatiques. Stiles sentit des bras puissants l'entourer et l'empêcher de tomber sur le sol glacial de l'hôpital. Perplexe, il cligna des yeux avant de se tourner doucement vers son sauveur avant de froncer les sourcils. Il tenta de se dégager, mais l'Alpha l'attira contre lui et l'aida à se remettre sur ses deux pieds avec beaucoup de précautions tandis que Melissa McCall accourut vers eux avant de soupirer. Elle s'épongea le front d'un revers de la main avant de s'approcher de l'adolescent, un sourire qui se voulait rassurant au coin des lèvres. Emprisonné dans les bras de Derek, Stiles pouvait qu'entrapercevoir la mère de son meilleur ami. Le bras droit de l'Alpha l'empêchait de voir plus bas que la masse noire de cheveux ondulés et deux yeux reflétant à la fois de l'inquiétude et du soulagement. La respiration de l'adolescent reprit petit à petit un rythme plus régulier. La sensation de mort imminente disparut à son tour tandis que le loup le serra un peu plus contre lui et lui massa gentiment la nuque. Stiles n'eut pas la force de le repousser. La chaleur et l'odeur de l'Alpha l'envahirent tandis que Melissa McCall prit le combiné du téléphone, le Shérif Stilinski étant toujours en ligne.

Stiles ne sut pas exactement ce qui avait calmé son attaque de panique : était-ce que lui avait administré la mère de Scott ou les bras et la présence du loup-garou ? Pendant quelques secondes, son esprit oublia l'existence même de l'infirmière, du monde autour de lui, de tout ce qui l'avait rendu si angoissé et même, les souvenirs douloureux de cette morsure (qui lui tiraillait encore le cou). Stiles ferma les yeux, enfouit son visage dans le cou de Derek Hale tandis que la main gauche du loup montait et descendait doucement le long de son dos. La mère de Scott ne faisait absolument pas attention à eux, les yeux rivés sur son écran d'ordinateur, essayant d'expliquer au Shérif que son fils était à l'hôpital, que tout allait bien et qu'il avait juste une vilaine blessure au cou qu'il faudra surveiller.

Dos au bureau de Melissa McCall, Derek savoura cet instant, sentant l'odeur de l'adolescent, lui caressant doucement la peau à travers ses vêtements. Quinze ou vingt secondes peut-être avait duré cette étrange étreinte jusqu'à ce que Stiles se ressaisisse et s'écarte doucement du loup avant de faire quelques pas en arrière et de s'asseoir sur une des chaises se trouvant juste en face du bureau. Il passa d'un geste las sa main dans les cheveux avant de la refermer sur son visage. Il avait encore la tête qui tournait et une horrible nausée.

Il se remémora ce que lui avait dit la mère de son meilleur ami au sujet de sa blessure : cela ne se cicatrisait pas. Peut-être était-il comme Lydia maintenant vu que cette dernière n'avait pas non plus cicatrisé comme les loups-garous. Peut-être était-il comme Jackson : un lézard affreux qui était un instrument de vengeance. Ou peut-être qu'il n'était rien de plus de ce qu'il était d'habitude. Il se sentait faible, très faible. Melissa avait raison. Il avait perdu beaucoup de sang. C'était peut-être juste de l'anémie sévère et qu'il devait simplement se reposer.

Néanmoins, son esprit n'arrivait pas à classer tout ce qui venait d'arriver. Il aurait voulu s'énerver sur Derek, lui cracher tout ce qu'il avait sur le cœur et plus encore. Mais il n'en avait simplement pas la force ni l'envie. Du moins, pas pour le moment. Il devait d'abord reprendre des forces et ensuite, il pourra mettre les choses au point avec l'Alpha. Il se sentait vraiment mal. Il avait l'impression que son corps entier cherchait à sortir de son propre estomac. Il avait sommeil ; juste en fermant les yeux, il avait la sensation qu'il s'endormirait rapidement, même très mal assis sur cette chaise dans le couloir froid de l'entrée des urgences.

Stiles entendit la mère de Scott expliquer à Derek que le Shérif allait arriver. L'hyperactif sentit une main chaleureuse sur son épaule et reconnut le parfum de l'infirmière. Ses oreilles bourdonnèrent et il ne put écouter le reste de la conversation. Il s'en moquait même. Il voulait juste s'allonger dans son lit et dormir deux ou trois jours d'affilés.

Il eut un moment d'absence. Il lui fut impossible de savoir combien de temps il était resté assis à ne rien faire. Il retira la main de son visage avant d'apercevoir son père, les bras croisés, les traits tirés par la fatigue, discuter avec Derek. Ses yeux allèrent du Shérif au loup-garou comme si l'adolescent assistait à un match de Tennis. Il voulut attirer l'attention de son père, mais le son de sa voix s'étouffa dans le fond de sa gorge. Il secoua doucement la tête de gauche à droite avant d'entreprendre de se lever et d'aller à la rencontre des deux adultes postés devant le bureau de Melissa McCall qui pianotait furieusement sur son clavier. Ses jambes étaient bien trop faibles pour le maintenir debout et il dût se designer à rester là où il était tandis que son père faisait le point de la situation avec Derek Hale. Au son de sa voix, Stiles pouvait deviner que le Shérif était à la fois en colère et soulagé. En colère, car son chenapan de fils était sorti en plein milieu de la nuit alors qu'il lui avait interdit et surtout, parce qu'une bête sauvage l'avait attaqué et que cela aurait pu tourner à la catastrophe. C'était bien entendu un beau mensonge de la part de l'Alpha et pour le moment, Stiles n'était pas d'humeur à s'en plaindre ou à affronter son père sur les circonstances exactes des marques sur son cou. Il se demanda si la mère de Scott était au courant de l'origine de cette morsure ou s'était-elle contentée de le soigner et attendre qu'il lui dise de lui-même.

L'infirmière avait eu la même version que le Shérif : Stiles rentrait de chez Scott et s'était fait attaquer par un animal sauvage — un loup-garou alpha pour Melissa McCall — ; Derek avait senti sa présence et s'était précipité sur l'adolescent pour l'aider. Dans cette version absurde, Derek passait pour le héros de la semaine, ce qui avait le don d'agacer au plus haut point Stiles. Il devait néanmoins garder la tête froide et ne pas succomber à son impulsivité. S'il craquait maintenant et révélait tout, les conséquences pourraient être catastrophiques. Il ne savait absolument pas pourquoi il devait rester de marbre devant l'absurdité de la situation devant ses yeux, mais il sentait au plus profond de lui qu'il devait simplement le faire.

Il pensait aussi à Scott et à sa réaction. Il saura tout de suite que c'était Derek le méchant loup dans cette histoire. Sans oublier Isaac qui reconnaîtra tout aussitôt l'odeur de son Alpha. L'hyperactif pourrait feindre l'accident, mais face à des loups-garou Beta pas sûr que cela pouvait passer. Et il devra affronter les pourquoi du comment de cet événement, de leur relation, pourquoi cela n'avait pas marché et surtout pourquoi Derek avait semblé si désespéré de leur rupture. Bon sang, ce n'était tout de même pas de la faute de Stiles s'il ne l'aimait pas, même un petit peu ?

Si Derek s'était comporté de cette manière avec Kate, pas étonnant que cela se fût fini en véritable désastre. Et il était hors de question que Stiles devînt une nouvelle « Kate Argent, la psychopathe ». Il allait attendre le meilleur moment pour discuter tranquillement de tout ce qui était arrivé. Discuter. Tranquillement. Il avait l'impression que c'était la chose la plus difficile qu'il soit : discuter avec l'Alpha, se retrouver face à face, échanger des regards.

Pourquoi cela devait-il être si compliqué entre eux ?

Après une longue discussion avec son fils, le Shérif remplissait plusieurs papiers administratifs que lui tendait Melissa McCall derrière son bureau, tandis que Stiles retrouvait quelques couleurs, toujours assis sur cette chaise inconfortable. Derek, quant à lui, faisait les cent pas entre l'hyperactif et son père, jetant de temps à autre des regards furtifs à son ex-petit ami.

Il avait été décidé du retour à la maison de Stiles, mais il devait rester allongé dans son lit jusqu'à la fin de la semaine. La mère de Scott viendra contrôler et changer ses pansements. Au moindre signe d'infection — « lycanthropique » ou non — direction-hôpital sans sommation. L'adolescent avait juste besoin de repos et de calme. À son âge, le sang se fabriquait assez rapidement et si l'hôpital pouvait éviter une transfusion, autant tout miser sur le repos et encore le repos — même si Melissa n'était pas trop d'accord avec cette politique, mais cela venait du médecin en chef des urgences, elle n'avait pas d'autre choix que de suivre ses ordres. Il était cependant clair que l'infirmière surveillerait de très près la blessure du meilleur ami blessé de son fils unique. Stiles lui avait murmuré de ne rien dire à Scott — du moins, il préférait tout lui expliquer lui-même. Melissa avait acquiescé doucement après avoir froncé les sourcils d'un air sceptique. Si un autre Alpha traînait en ville, son fils devait être au courant, non ? Surtout s'il s'en était pris à Stiles. Elle avait préféré ne pas insister. C'était peut-être une notion sur les Alphas et les loups-garou qu'elle n'avait pas encore eu le temps de saisir.

Le Shérif de Beacon Hills aida doucement son fils à se relever. Derek observa les mouvements maladroits de Stiles avant de demander d'une voix qui se voulait neutre :

« Ça va aller, Stiles ? Tu es sûr ? »

L'adolescent plissa les yeux d'un air mauvais avant de l'ignorer totalement. Il afficha un sourire timide à son père avant de lui murmurer qu'il avait juste envie de rentrer et, surtout de se lover sous sa couette bien chaude et de ne pas en sortir avant un jour ou deux. Le Shérif acquiesça d'un air entendu avant de le pousser gentiment vers la sortie tandis que Derek déglutit avec peine en les regardant quitter les urgences.

Stiles avait dû mal à rester debout, ses jambes le soutenant que faiblement. Son lit. Il voulait que son fichu lit.

Arrivés à la voiture de police, le téléphone du Shérif se mit à sonner tandis que l'adolescent tenta d'ouvrir la portière du côté passager. Il s'engouffra fébrilement dans l'habitacle avant de basculer la tête en arrière et d'inspirer longuement. Les effets du calmant que lui avait administré Melissa McCall pour sa crise de panique commençaient à peine à disparaître. C'était exactement pourquoi il avait toujours refusé ce genre de traitement pour ses crises de nerfs, d'angoisses ou de paniques, aussi violentes pouvaient elles être. La crise était certes partie, mais il était totalement assommé pour un long moment. D'ailleurs, il était pratiquement certain que ce médicament n'avait eu aucun effet sur sa dernière crise. Plus les secondes s'écoulaient, plus son esprit était persuadé que ce fut les bras de Derek Hale qui avaient fait partir ce sentiment de mort soudaine et imminente. Dans les bras de ce loup, tout fut rapide, doux, accueillant, rassurant et chaud. Pourquoi se sentait-il aussi bien dans les bras de ce loup-garou borné ?

C'était absurde. Terriblement absurde. Et injuste.

Pour l'heure, il n'avait aucune envie d'y réfléchir. Il attendait que son père montât dans la voiture afin de le reconduire à la demeure Stilinski pour se glisser tranquillement dans son lit et ne plus en sortir.

Après plusieurs minutes d'attente durant lesquelles Stiles s'était presque assoupi, le Shérif monta dans la voiture avant d'y mettre le contact d'un geste fatigué. Il jeta un regard inquiet en direction de son fils dont les sourcils étaient froncés de perplexité. Le père fatigué lui annonça sur un ton amer qu'il le ramenait à la maison, mais qu'il ne pouvait pas rester auprès de lui pour le reste de la nuit. Un accident de la route requerrait sa présence. Légèrement dépité, Stiles haussa les épaules avant d'afficher un sourire forcé. Ce n'était pas comme s'il n'avait pas l'habitude de ce genre d'imprévu. De plus, inutile de s'inquiéter sur une possible évasion du patient. L'adolescent n'en avait absolument pas la force, de toute manière.

D'un geste affectueux, le Shérif tapota l'épaule de son fils avant de se diriger vers la demeure Stilinski.

La nuit avait été très longue et épuisante. Il était presque quatre heures du matin quand Stiles se laissa tomber de tout son poids, le ventre en premier, dans les couvertures duveteuses et accueillantes de son lit. Il enleva ses chaussures en balançant ses jambes en arrière. Il n'avait pas remarqué qu'il portait un t-shirt bien trop ample pour lui. Le t-shirt de Derek Hale. Quand bien même, il ne se préoccupait plus de rien. Il passa un bras sous son oreiller avant d'enfouir son visage dans ce dernier et de fermer les yeux.

Dormir. Enfin.

Un bruit furtif derrière lui le sortit de sa torpeur. Stiles saisit son oreiller de la main droite avant de le lancer de toutes ses forces en direction de la porte de sa chambre. Derek Hale rattrapa l'objet au vol non sans laisser échapper un long soupir d'exaspération. L'adolescent se retourna sur le dos pour lui faire face, se mettant en appui sur les coudes. Il ne savait pas pourquoi exactement il s'attendait totalement à le voir débarquer dans sa chambre. Encore une fois, il avait raison. Malheureusement, il n'était pas du tout d'humeur à discuter ou à se disputer avec lui. Le principal intéressé s'approcha du lit d'un pas lent avant de s'asseoir au bord de celui-ci. Il avait dû pénétrer dans la maison après le départ du Shérif pour son accident de la route. Fichues oreilles de loup-garou.

« Laisse-moi tranquille ! lança Stiles d'une voix terne et très mal assurée. Tu ne crois pas que tu en as assez fait pour cette nuit ? Sérieusement, fous-moi la paix.

— Il faut que l'on discute, Stiles, répliqua doucement le loup-garou en déposant l'oreiller près des jambes de l'adolescent. »

Le principal concerné laissa échapper un gémissement de frustration mêlé à une pointe d'agacement avant de s'emparer de l'oreiller d'un geste brusque, de se retourner et de cacher sa tête derechef.

Mais c'est pas vrai, ça !

« Je t'en prie, Stiles, supplia Derek d'une voix tremblante en lui effleurant le bras droit du bout des doigts.

— Je n'ai pas envie de discuter ni de t'écouter, tu comprends ? Je suis fatigué. J'ai l'impression d'être en permanence sur un bateau. J'ai la tête complètement en vrac et je ne te parle même pas de l'état désastreux de…

— Stiles…, insista le loup. »

L'adolescent inspira longuement avant d'expirer de mécontentement en se tournant à nouveau, se mettant en position assise devant l'Alpha, les coudes sur les genoux.

« Je ne sais pas c'est quoi exactement ton problème, mais cela ne me concerne plus, fit Stiles sur un ton sans réplique. Tu veux discuter de ce qui s'est passé cette nuit ? Bien, mais moi je n'ai aucune envie de t'entendre geindre sur le pourquoi du comment de…. [Stiles secoua vivement la tête, sentant les larmes lui monter aux yeux de rage] Tu t'es conduit comme le dernier… comme le dernier des connards. Et tu espères qu'en venant tout penaud dans ma chambre, j'oublierais tout comme par magie ?

— Je n'espère rien.

— Et tu me veux quoi exactement ? Parce que là, je ne sais plus trop ce que je dois penser de toi, hoqueta l'adolescent en regardant autour de lui, cherchant un point à fixer. Derek, il faut que tu acceptes que je ne souhaite plus être avec toi. Ni maintenant ni dans deux heures ou deux semaines ou deux mois. Et surtout pas après ce que tu as osé me faire. »

Derek déglutit avec peine, évitant l'adolescent du regard. Il ouvrit la bouche un instant avant de la refermer, cherchant les mots qui lui manquaient. Il aurait voulu le prendre contre lui, le serrer fort contre son cœur comme dans l'allée de l'hôpital quand Stiles avait eu cette crise de panique. Il avait besoin de lui, de son contact.

« Et ne me sors surtout pas que c'est parce que tu es amoureux de moi que tu as fait tout cela parce que je te jure sur la tête de ma grand-mère que je sors le flingue du coffre au fort de la chambre de mes parents pour te tirer une balle directe dans ton entrejambe, grommela Stiles entre ses dents. »

Le loup ne put s'empêcher d'afficher un sourire timide et d'étouffer un petit rire en entendant la menace très sérieuse de l'adolescent.

« C'est vrai. Je suis amoureux de toi. Vraiment très amoureux, avoua-t-il en fixant le bureau en désordre de Stiles à l'autre bout de la pièce.

— J'ai juste envie de dire : tant pis pour toi, rétorqua l'adolescent de mauvaise humeur.

— Tu n'as vraiment jamais rien fait d'insensé pour Lydia ? demanda subitement l'Alpha en plongeant son regard dans le sien. Ou de stupide ?

— Je n'ai jamais cherché à la transformer en loup-garou contre son gré.

— Je n'ai jamais cherché à te transformer, Stiles. »

Ce dernier ouvrit la bouche de stupeur avant de désigner d'un doigt accusateur le pansement qui ornait son cou d'un geste très agressif :

« Tu te fous de moi ou quoi ? Et ça, c'est quoi ? Un suçon qui a mal tourné ?!

— Stiles, écoute…

— Non, non, c'est toi qui vas m'écouter ! N'essaie pas de te trouver des excuses ou de te justifier de cette morsure que tu m'as faite délibérément. Je ne sais même pas si je suis devenu un loup-garou ou un autre truc du genre ou si ça n'a pas fait effet ou si ça va faire effet, mais que je le sais pas. Néanmoins, ne te cherche pas de putains d'excuses parce que je ne te croirai simplement pas. Je le vois dans tes yeux, tu sais. Je le lis même très clairement. Ton idée était de faire de moi ton Beta comme ça je n'aurai plus peur de toi et autres conneries de ce genre. Mais bordel, c'est la pire idée du siècle ! Tu crois que Scott ferait une chose pareille à Allison s'il était un Alpha ?! Bordel, qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?… Je.. »

Stiles s'arrêta net dans sa déclaration en constatant la mine totalement abattue et désespérée du loup-garou. Derek Hale… était-il… sur le point de pleurer ? L'hyperactif se refusa à le croire. C'était impossible. Pas venant de cet Alpha obstiné.

« Tu aurais fait quoi à ma place, Stiles ? murmura Derek d'une voix tremblante. Qu'est ce que j'étais censé faire ?

— J'aurais certainement laissé tomber depuis la dispute de l'ascenseur, fit Stiles d'une voix posée. J'aurais donné deux ou trois coups de poing et pieds dans un mur avant de m'énerver sur le premier venu pour évacuer toute ma peine, ma colère tout cela. J'aurais mal dormi, très mal dormi même. Je me serais fait violence vis-à-vis de mon téléphone à ne pas lire et relire les messages que tu m'as envoyés pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. Je me serais pris un bain trop chaud ; j'aurais mangé un truc, qui aurait fait hurler mes artères, devant une série niaise et sans intérêt. J'aurais envoyé chier Scott une ou deux fois. Puis, sans doute, j'aurais cassé deux crayons parce que je devais écrire des rédactions pour un cours, mais en fait, il m'aurait été impossible de me concentrer plus de deux secondes sans penser à cette rupture. [Il murmura d'une voix tremblante] Puis, j'aurais attendu comme un con un appel de toi me disant que tu voulais recommencer quelque chose entre nous. »

Derek scruta le visage de l'adolescent avant de tenter de s'approcher de lui, en posant une main sur la sienne. Stiles émit un hoquet de mécontentement avant de retirer brusquement sa main.

« Tu vois, c'est ce que j'aurais fait, moi, dans ton cas. Dans un cas totalement improbable où je serais amoureux de toi et que toi, bah non, continua Stiles d'une voix terne. J'aurais réagi comme n'importe quel adolescent. Comme n'importe qui de censé.

— Écoute-moi, Stiles, répliqua doucement Derek. Te mordre était une erreur [Stiles leva les yeux au ciel d'exaspération]. Je sais au fond de moi que tout ce que je voulais à ce moment précis était que tu ne me craignisses plus. »

L'adolescent applaudit ironiquement d'un geste lent :

« Je te félicite. C'est une totale réussite.

— Cependant, continua le loup en ne le lâchant pas des yeux. Je ne sais pas si inconsciemment mes crocs ont réfréné la morsure… mais, il y a des chances pour que tu ne te sois pas transformé tout compte fait.

— Oh ? Je devrais m'en réjouir, peut-être ? ironisa Stiles, sarcastique. Mon ex-petit ami m'a mordu parce qu'il n'a pas supporté notre rupture. Mais ! C'est pas grave ! Je suis toujours humain ! Magnifique ! Vraiment. Tu ne vois pas comme un putain de problème, là ?

— Stiles, qu'est ce que je dois faire pour que nous soyons à nouveau ensemble ? demanda Derek, presque désespéré.

— Soit tu remontes le temps au moment où tu tentes de me bouffer ; soit, tu fais comme n'importe qui dans ton cas : tu me laisses tranquille. Vraiment, Derek. Laisse-moi tranquille. »

Le loup se mordit les lèvres avant d'acquiescer lentement.

« Je… te laisse tranquille, murmura-t-il d'une voix d'outre-tombe avant de se lever du lit. Si ta blessure te fait encore souffrir, va voir Deaton, il saura quoi faire pour te soulager au cas où. »

Stiles suivit du regard le loup alors qu'il se dirigeait d'un pas traînant vers la porte de la chambre. Derek s'arrêta un instant, lui tournant le dos. Il voulut ajouter quelque chose, mais se contenta de secouer la tête. Il referma doucement la porte derrière lui avant de descendre les escaliers d'un pas mal assuré.

Stiles eut soudainement très mal au coeur et espéra que cela était dû à sa blessure et au fait qu'il fût extrêmement fatigué.

Et que ce n'était pas ce Derek au bord du gouffre qui lui avait brisé le coeur d'une certaine manière.

Stiles se laissa tomber la tête la première dans son oreiller. Il se mit à pleurer doucement avant de partir en violents sanglots.

Dehors, Derek donna un coup de pied de dépit dans une pierre près de sa voiture. Ses oreilles de loup l'avertirent des pleurs de l'adolescent

Ne pas faire demi-tour.

Surtout pas.

Rentrer chez lui.

Le laisser tranquille.

C'était ce que Stiles voulait, non ? Qu'il le laisse tranquille…

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