Le Secret D'Aya
Lars m’avait longuement expliqué ce qu’il pensait de tout cela. De cet esprit. Un esprit bienveillant… mais terrifiant à la fois.
Un être de lumière qui habitait mon corps, une force gigantesque, assez puissante pour repousser les démons.
Ce pouvoir… il m’appartenait, et pourtant je ne le contrôlais pas. Il m’effrayait. Comme si je n’étais plus maîtresse de mon propre destin.
Il m’apprit également que Yuki m’avait envoyé un message et qu’il s’était permis de lire. Je ne lui en voulais pas, même si je détestais qu’on fouille dans mes affaires.
Le contenu de ce message pesait bien plus lourd que ce détail.
Yuki me donnait rendez-vous.
Sur le toit de la compagnie.
À huit heures précises.
Un combat à mort… où aucune de nous ne pouvait reculer.
J’avais simplement répondu à Lars : oui, je m’y rendrai. Je n’avais pas le choix. Ce duel déciderait du chemin à suivre.
Après cette longue discussion, il m’avait laissée seule. Seule avec mes pensées. Seule avec cette peur qui grandissait.
Je devais reprendre mon rôle, mes responsabilités. Il restait tant de choses à régler : la trahison de Yuki, le vrai visage de Kazuya, et maintenant l’ombre de Heihachi qui planait au-dessus de nous.
Et Jin… mon frère jumeau, obstiné, enfermé dans ses idéaux.
Le repos n’était pas pour moi.
Je sortis de la salle de bain, la vapeur encore accrochée à ma peau.
L’eau chaude m’avait apaisée un instant… mais toute bonne chose avait une fin.
J’aurais aimé profiter de ces moments banals sans réfléchir à l’avenir.
Mais le destin ne me le permettait pas. En relevant la tête vers le miroir, je m’arrêtai net.
Une tâche.
Je frottai ma peau. Rien. Encore plus fort, jusqu’à en rougir. Toujours là.
Une marque sombre. Deux paires d’ailes. Un tatouage ? Un symbole ? Ou… une malédiction ?
Je soupirai. Sans doute la trace de ce pouvoir qui s’était manifesté pour la première fois. Un rappel gravé sur ma chair.
Je m’habillai rapidement. Pas le temps de m’attarder. Il fallait agir. Kazuya était affaibli : c’était le moment de frapper.
Je sortis de ma chambre, errant dans les couloirs sans fin du manoir. Un domestique me guida finalement jusqu’au laboratoire où je m’étais réveillée le matin même.
Lee m’attendait. Je lui demandai à le voir avec Lars pour mettre en place un plan. Il accepta immédiatement et nous mena au centre de contrôle.
Autour de la table, je pris une inspiration.
— J’aimerais, avant de m’opposer à Kazuya, récupérer ce qui me revient de droit. Nous pouvons nous introduire dans le sous-sol de mon entreprise. C’est le seul endroit auquel Yuki n’a pas accès.
— Qu’y a-t-il dans ce sous-sol, pour qu’elle en soit tenue à l’écart ? demanda Lars, intrigué.
— Disons… mes réserves et quelques équipements très performants, gardés en cas d’extrême nécessité, répondis-je avec un sourire énigmatique.
— J’aimerais bien voir ça, renchérit Lee.
— Pour cette mission, j’aurai besoin de quelques hommes, dis-je à Lars.
— Combien vous en faut-il ? Je pourrais même vous accompagner.
Je secouai la tête.
— Non. Vous avez un autre problème à résoudre avant cela.
Le regard appuyé de Lee confirma mes propos. Lars serra les poings, partagé entre frustration et devoir.
— Il me faudra une dizaine de soldats, les plus compétents. Et, en plus, Alisa, Xiaoyu et Hworang seront à mes côtés.
Je laissai un silence planer avant d’ajouter, plus bas, presque pour moi-même :
— Ce combat… je ne peux pas le mener seule.
— Que comptez-vous faire après cela ? demanda Lee, sceptique.
— Trouver un moyen d’en finir avec Kazuya, répondis-je en soupirant. Mes pouvoirs pourraient nous aider, mais je ne les maîtrise pas encore.
— Je pense à quelqu’un… dit Lars, pensif. Quelqu’un qui pourrait nous éclairer.
— Bien. Je partirai demain matin, décidai-je en me redressant.
Lee croisa les bras, son éternel sourire ironique aux lèvres.
— Fais comme bon te semble, jeune fille. Mais tâche de ne pas regretter tes actes.
Puis il disparut dans l’ombre du couloir.
Lars se leva à son tour.
— Nous nous verrons ce soir, au dîner, dit-il simplement, avant de quitter la pièce.
Je restai un moment seule, face à mes doutes.
Le silence du manoir pesait, et dans ce silence, une certitude grandissait : la prochaine bataille me coûterait cher. Peut-être plus que je ne pouvais l’imaginer.
***
Je soupirai. Il était peut-être temps de me reposer. Et de me préparer.
Mentalement et physiquement.
Je quittai la pièce et demandai à l’un des domestiques de me conduire à une salle d’entraînement. Après avoir descendu ce qui me semblait être des milliers de marches, nous arrivâmes enfin devant une série de portes. Je restai bouche bée : ce manoir regorgeait de pièces aux usages innombrables. Je choisis l’une d’elles, refermai la porte coulissante derrière moi et soupirai de soulagement. Un calme paisible emplissait la salle.
Une atmosphère que j’adorais.
Je retirai ma robe noire ornée de motifs blancs ainsi que mes chaussures à talons, pour enfiler un simple tee-shirt et un jogging. Je me concentrai, enchaînai quelques mouvements de combat, testant la souplesse de mes bras, la rapidité de mes jambes. Un sourire se dessina sur mon visage : j’étais totalement remise.
Puis, je m’assis, jambes croisées, et fermai les yeux. La méditation me plongea dans mes souvenirs. Je perdis la notion du temps, glissant au plus profond de mes pensées.
Je devais prendre des décisions.
Éliminer Yuki et son équipe. Reprendre ce qui m’appartenait.
Puis… aviser. Un souffle glacé caressa mes jambes. Je rouvris les yeux, remis ma robe, mes chaussures, et fis coulisser la porte donnant sur l’extérieur. Mes yeux s’écarquillèrent. Devant moi, s’étendait une mer blanche à perte de vue.
De la neige.
Un immense sourire étira mes lèvres. Je me mis à courir, à toute vitesse, riant presque comme une enfant. Je n’arrivais pas à croire que je touchais enfin de la neige.
Moi qui ne la voyais que sur des cartes postales, à travers des vitres ou sur des écrans…Mon rêve d’enfant devenait réalité. Mon insouciance, mon innocence, refaisaient surface. Je dévalai une pente, l’air pur fouettant mon visage, mes cheveux virevoltant au vent. Puis, je perdis l’équilibre et roulai jusqu’en bas de la colline. Recouverte de neige, j’éclatai de rire.
Un rire sincère, incontrôlable.
Dans cet instant, j’étais redevenue une enfant. Sans responsabilité. Sans carapace. Sans rôle à tenir.
Je battis des bras et des jambes, formant une silhouette dans la neige. Fière de moi, je me mis ensuite à modeler un bonhomme de neige.
Quand je redressai la tête, mon sourire s’effaça. Je m’étais égarée. Devant moi, s’élevait une forêt dense, ses arbres immenses régnant sur les lieux.
La neige se remit à tomber. D’abord doucement.
Puis de plus en plus fort.
Le froid que j’avais ignoré s’infiltra dans mes os, et mes tremblements me trahirent. Je serrai les dents et me mis en mouvement, espérant retrouver mon chemin. Mais la tempête s’intensifiait. Le vent hurlait, giflant mon visage, m’aveuglant. Je n’en pouvais plus. Chaque pas était une épreuve.
Le soleil se couchait, la pénombre gagnait du terrain.
J’atteignis la lisière d’un bois, peut-être le même que tout à l’heure… je n’en savais rien. Je me laissai tomber contre un arbre, ramenant mes jambes contre ma poitrine. Je plongeai ma tête dans mes bras. Je ne sentais même plus la neige sous moi. Mon corps s’engourdissait.
Ma vision se brouillait.
Je luttais pour garder les yeux ouverts…
Mais je n’avais plus de force.
— Oye ! Tu m’entends ?! hurla une voix, au loin.
Je ne pus répondre. Tout sombrait.
— Tiens bon ! cria-t-il encore, juste avant que je ne perde connaissance.
***
J’avais besoin de chaleur. De flamme. De feu.
Je me sentais bien. Mes sens revenaient peu à peu.
Des pas se faisaient entendre, discrets. Je sentais une chaleur au bout de mes doigts.
J’ouvris difficilement les paupières. Ma vue se fit floue. Quelques minutes plus tard, elle revint à la normale.
La pénombre recouvrait la chambre, seuls les rayons de lune filtraient par les volets. J’avais repris mes esprits. Je reconnus alors les chambres luxueuses de Lee.
Je laissai échapper un soupir, tournai délicatement la tête…
Il était là, sur une chaise, les bras croisés, à moitié endormi. Un fin sourire s’étira sur mes lèvres : c’était une image douce et attendrissante.
Ses longues mèches de cheveux chatouillaient son nez. Sa peau était blanche, immaculée, ses lèvres fines. Le simple tee-shirt blanc moulait parfaitement son torse.
Je détournais les yeux, rouge de honte.
De quel droit m’autorisais-je à le contempler ainsi ? Bordel.
— J’espère que t’as fini de me mater ? murmura-t-il d’une voix rauque.
Il ouvrit les yeux, un regard malicieux accroché à moi. Un hoquet de surprise m’échappa, et je détournai complètement le visage, totalement gênée.
Il rigola légèrement, puis s’installa au bord du lit.
— Tu te sens mieux ? demanda-t-il doucement.
— Hm… dis-je en me redressant contre le dos du lit.
— Tu as l’air d’avoir repris des couleurs, soupira-t-il.
— Où sont les autres ? demandai-je soudain.
— Eh bien… ils étaient tous à ta recherche. Je me suis rappelé t’avoir vue sortir, alors avec Alisa, nous sommes partis te retrouver… tu étais au bord de la mort.
— Je suppose qu’ils dorment alors.
— Effectivement. Lars est le seul à avoir quitté les lieux, il doit régler ses affaires. De toute façon, il est trois heures trente-sept. Toi aussi, tu devrais te reposer encore un peu, dit-il avec un regard compatissant.
— Et toi ? Tu ne te reposes pas ? J’ai assez dormi pour le moment, ne t’inquiète pas, dis-je en souriant.
Il détourna le regard, se leva et alluma une lampe.
Puis il revint avec une tasse fumante, me la tendit.
Je la pris, remerciant silencieusement, et bus quelques gorgées de chaleur réconfortante.
— Dis-moi… j’aimerais te demander quelque chose, dit-il en baissant les yeux.
— Je t’écoute.
— Tu n’es pas comme lui, n’est-ce pas ?
Je baissai le regard.
Pourquoi voulait-il savoir cela ?
Nous sommes liés par le sang… mais étais-je vraiment le même que lui ?
Je regardai le contenu de ma tasse entre mes mains.
Non. Je ne suis pas un monstre.
Non. Je ne ferais pas les mêmes erreurs.
— Je ne suis pas comme lui, dis-je fermement.
— Tant mieux alors. Je ne voudrais pas que tu suives son chemin.
— Quelle relation avais-tu avec lui ? demandai-je.
— Simple rival. J’espérais être son ami… mais je crois que c’était peine perdue.
Je posai délicatement ma main sur la sienne, lui offrant un sourire. Il me regarda, légèrement gêné.
Je retournai à ma place initiale, sirotant mon chocolat chaud.
— Tu me connais bien plus que je ne te connais, parle-moi de toi, dis-je, enthousiaste.
— Il n’y a rien à dire…
— Allons, ne sois pas modeste. Je suis sûre que tu as plein de choses à me raconter. Parle-moi de ta famille.
Son regard s’assombrit.
Je grimacai face à sa réaction : j’avais posé la mauvaise question.
— Je ne voulais pas, désolée… dis-je, anxieuse.
— Je peux te faire confiance, n’est-ce pas ?
Je le regardai, étonnée.
— Bien sûr, dis-je, rassurante.
— Avant de rencontrer mon maître… oui, j’étais un voyous. Mais avant même cela, j’avais une famille.
Sa voix, habituellement enjouée, s’était éteinte. Triste.
— Ma famille est toujours vivante, mais ils ne m’acceptent plus. Ce qu’ils attendent de moi était impossible. J’ai suivi le chemin qu’ils avaient tracé… mais ce n’était pas le mien. Je voulais être libre. Heureux. Mais ils ne comprenaient pas. Mes passions leur semblaient idiotes… Alors, j’ai choisi ma voie, peu importe les obstacles. J’ai quitté le domicile familial. Peut-être n’avais-je plus de nom, mais j’étais enfin libre.
— Pourquoi ? murmurai-je.
— Au départ… j’hésitais à partir. Je ne voulais pas laisser mon trésor le plus précieux là-bas.
— Ta petite sœur ? devinai-je.
Il me regarda, choqué.
— Comment le sais-tu ?
— C’est ce que je racontais à Chihiro en Amérique… mon trésor, mon tout. J’étais désemparé à l’idée de la laisser seule avec ma mère, souris-je doucement.
— Je vois… tu t’en es douté, dit-il en rigolant légèrement.
— Tu n’es pas revenu la chercher ? demandai-je soudain.
— J’ai déjà essayé, mais mes parents m’ont interdit de la voir. Je ne suis pas l’un des leurs. J’ai même voulu l’emmener avec moi… mais elle m’a convaincu de la laisser. Elle serait contrôlée, façonnée pour devenir parfaite, sans choix… je ne pouvais pas la priver de ça, même si je savais qu’ils la manipuleront sans scrupules.
— Je crois qu’au fond, tes parents regrettent… mais sont trop fiers pour se l’avouer, soupirai-je.
— Peut-être… mais pour moi, ce sont des inconnus sans cœur, depuis que j’ai quitté leur toit.
— Comment s’appelle ta petite sœur ? demandai-je, curieuse.
Il haussa les épaules, perdue dans ses souvenirs.
En une soirée, j’avais découvert la facette cachée de Hwoarang : la solitude, l’incompréhension, la tristesse… et j’étais prise d’affection.
— Kim Jieun, dit-il, la tête baissée.
Je retirai délicatement la couverture et m’assis au bord du lit. Il ne remarqua rien, absorbé par ses pensées.
Doucement, je m’approchai et entourai mes bras autour de son cou. Il avait besoin de réconfort.
Je le sentais.
Je me revoyais, seule, dans un pays lointain…
Mon cœur avait été seul, et je savais combien un geste tendre pouvait réchauffer l’âme.
Son corps frémit à mon contact.
Il sursauta légèrement, mais je ne dis rien, resserrant l’étreinte. Même assis, il était grand.
— Ne sois plus triste pour ta sœur… murmurai-je.
Je déposai ma tête contre son cou. Son hésitation se lisait dans ses yeux, mais il finit par me serrer contre lui.
Il m’installa sur sa cuisse, posant doucement sa tête contre la mienne, sans briser l’étreinte.
— Merci… murmura-t-il à mon oreille.
Un rouge me monta aux joues.
Je ne répondis rien.
Après quelques minutes, il desserra l’étreinte… mais ne me lâcha pas. Son regard amusé me fixait.
Ne comprenant pas, je lui tirai la langue. Il fit semblant d’être choqué, puis bouda en mine d’enfant.
— Allons, ne faites pas l’enfant… tu n’es plus si jeune, dis-je, voix sévère.
Il pouffa de rire. Je me détachai complètement et me postai devant lui.
— Je me sens d’humeur à me battre. Que dis-tu ? Prendre une raclée ? provocai-je.
Il se leva, sourire arrogant collé aux lèvres.
— Ne te crois pas pousser des ailes… tu redescendras brusquement au sol, dit-il, défi dans le regard.
Nous nous dirigeâmes vers la salle du sous-sol, pour éviter de réveiller quiconque…
Nous entrâmes dans la salle du sous-sol. L’air y était frais, presque chargé d’électricité.
Des tatamis recouvraient le sol, et des armes, soigneusement rangées, brillaient faiblement sous la lumière tamisée.
— Bien, commençons, dit-il avec un sourire en coin, le regard pétillant de défi.
Je pris position, mes muscles tendus, mon cœur battant un peu plus vite.
Ce n’était pas seulement un entraînement. C’était un duel de complicités et de provocation.
— Ne crois pas que je vais te faire des cadeaux, annonçai-je, un éclat malicieux dans les yeux.
— Haha… moi non plus. Prépare-toi à voler, dit-il en s’élançant.
Le premier contact fut brutal. Ses poings volaient avec précision et rapidité, mais je les esquivai, sentant mon corps retrouver son agilité.
Chaque mouvement était une danse, un mélange de puissance et de souplesse.
— Pas mal… tu as progressé, dit-il, haletant légèrement, ses yeux ne me quittant pas.
— T’as encore beaucoup à rattraper, répondis-je en esquivant un coup circulaire et en lui donnant un léger coup d’épaule.
Nos échanges étaient rapides, presque trop rapides pour les yeux non avertis. Et pourtant, à chaque contact, une chaleur particulière traversait mes bras.
Il y avait ce frisson, cette tension qui n’était pas uniquement due à l’effort physique…
— Aya… murmura-t-il, sa voix plus basse, presque intimiste, pendant que je le bloquai contre le tatami.
Je relevai les yeux et rencontrai son regard. Une fraction de seconde où le temps semblait s’arrêter.
Ses muscles se détendirent imperceptiblement, et mon cœur bondit.
— Tu te retiens… dis-je, la voix teintée de provocation.
— Peut-être… répondit-il, un léger sourire aux lèvres, presque imperceptible.
Nous reprîmes le combat, mais chaque attaque, chaque esquive portait un mélange de jeu et de tension. Je sentais que, derrière ses gestes compétitifs, il y avait quelque chose de plus tendre, de plus humain.
— Tu te souviens de ta chute dans la neige ? demanda-t-il soudain, haletant.
— Comment pourrais-je oublier ? répliquai-je en lui donnant un léger coup de pied.
— T’as l’air d’une enfant… sourit-il, un peu amusé et un peu attendri.
Je rougis, mais je ne laissai rien paraître, me repositionnant. Il s’approcha, et pour une fraction de seconde, nos regards se croisèrent à nouveau.
Puis le combat reprit, mais je sentais qu’il y avait plus que de la compétition dans son énergie.
— Tu sais… murmura-t-il pendant un instant où nous étions à quelques centimètres l’un de l’autre, juste après un échange de coups, je ne voulais pas que tu te sentes seule.
Je restai silencieuse, surprise par l’ombre de tendresse dans sa voix.
Puis je souris légèrement.
— Merci… murmurai-je.
Il me lança un petit sourire, puis esquiva mon attaque suivante, reprenant le rythme du duel. Mais quelque chose avait changé. Ce n’était plus juste un combat, c’était un échange. Un mélange subtil de défi et de complicité, d’attention et d’affection silencieuse. Nous continuâmes à nous battre, nos mouvements s’harmonisant sans que nous ayons besoin de parler. Chaque esquive, chaque frappe, chaque souffle rapprochait nos mondes respectifs, mais laissait planer cette tension douce et ambiguë.
Le jeu était physique, mais l’émotion était partout.
Et à la fin, haletants, le sol recouvert de poussière de tatami, nous restâmes face à face, sourires en coin, regards complices. Un instant suspendu, où le duel devenait confidence, et où la chaleur humaine remplaçait la froideur du sous-sol.
— Tu te surpasses… murmura-t-il enfin, un ton presque intime dans la voix.
— Toi aussi… répondis-je, un sourire sincère sur les lèvres, le cœur encore battant à tout rompre.
Nous savions tous les deux que ce moment était unique.
Ni combat, ni jeu, juste une parenthèse où les mots n’étaient pas nécessaires
Je ris de bon cœur, et l’annonce que je comptais aller me préparer pour le combat à venir ne tarda pas. L’heure approchait, et je devais être au sommet de ma forme.
La douche me ranima. L’eau chaude glissait sur ma peau et mes cheveux longs, relâchant les tensions accumulées. Je pris soin de les coiffer en un haut chignon, fixé par les baguettes offertes par Chihiro. La simplicité et l’élégance se mêlaient parfaitement à ma détermination.
C’est alors que mon regard tomba sur un paquet posé sur la table, à mon nom.
Je l’ouvris et un sourire sincère se dessina : un kimono noir orné de pétales blanches et roses, exactement comme je l’avais souhaité.
L’attention de Lars me toucha profondément. Il avait pensé à tout, sans poser de questions.
Devant le miroir, je m’efforçai d’enfiler la tenue correctement. La ceinture me résistait, malgré mes efforts répétés.
— C’est pourtant simple d’enrouler une ceinture, non ? dit-il, prenant le tissu de mes mains.
Je le laissai faire, surprise par sa dextérité. Il ajusta la ceinture autour de ma taille avec soin, et nos regards se croisèrent dans le miroir.
— Tu es très belle dans cette tenue… dommage que tu veuilles l’abîmer, dit-il avec un sourire au coin des lèvres.
Je rougis, détournant le regard, et remarquai un sac posé à ses pieds.
Il s’installa dans un fauteuil dans l’ombre, et je pris place en face de lui, l’air concentré sur mes bas noirs.
— J’attends, dis-je en commençant à ajuster mes vêtements.
— J’ai réfléchi… tout comme toi, j’ai besoin de la revoir, de savoir ce qu’elle est devenue, dit-il en me regardant avec sérieux.
Je comprenais. Son ton trahissait autant l’inquiétude que le devoir.
— Tu veux t’assurer que tout se passe bien et soulager ta conscience, dis-je doucement.
Il hocha la tête. Avant qu'il pose un genou à terre et se saisit du tissu de mes mains.
— Oui… j’ai un combat qui m’attend, et je dois être prêt.
Mes joues brûlèrent au contact de sa main sur ma jambe, un frisson parcourant mon corps. Je baissai les yeux, reconnaissante pour cette proximité silencieuse.
— Tu peux le faire, dis-je, le regardant droit dans les yeux.
Nous nous levâmes. Il récupéra son sac, tandis que le soleil commençait à percer l’horizon, illuminant doucement la pièce.
— Comment comptes-tu t’y rendre… et pourquoi maintenant ? demandai-je, légèrement inquiète.
Il caressa ma joue avec douceur.
— Je ne sais pas quand je reviendrai… et puis j’aime partir et voler comme le vent. Ne t’inquiète pas pour moi.
Je fermai les yeux, sentant le contact de son front contre le mien. Quand il retira ses lèvres, le rouge me monta aux joues.
Un petit rire s’échappa de lui en voyant mon embarras.
— Reviens vivante, dit-il avec un sérieux tendre.
— Fais-la sourire… et tu feras de même, répondis-je en serrant son bras avec chaleur.
Je lui offris un dernier sourire avant qu’il ne referme doucement la porte derrière lui.
Un mélange de fierté et d’angoisse m’envahit : ses départs étaient toujours imprévisibles, mais je savais que je pouvais lui faire confiance.
Je me sentis seule un instant, mais cette solitude était différente. Elle n’était plus vide.
Elle portait la trace de notre lien silencieux, de cette proximité partagée entre force et vulnérabilité, et de l’imminence d’un combat où nos vies seraient mises à l’épreuve.
Les événements allaient changer, et moi, je devais être prête à y faire face.
Pour Yuki. Pour Kazuya. Pour moi-même.
Le souffle court, le cœur battant, je me préparai mentalement et physiquement.
Chaque mouvement, chaque pensée, chaque respiration me rapprochait du moment où je devrais affronter mon destin.