Natifs, l'ère d'après

Chapitre 3 : Jeu de dupes ?

1942 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/08/2017 14:36

Préquelle "The 100" - Natifs : l'ère d'après

Par Lexa1983

Chapitre III - Jeu de dupes


La pression du sang qui martelait ses tempes la tira de son état inconscient. Instinctivement, elle voulut ouvrir les yeux, mais cette tentative imprudente n'eut pour effet que de lui donner la nausée. Il lui fallut plusieurs secondes avant que la sensation de vertige ne s'estompe laissant les questions envahir son esprit. Où était-elle retenue ? Combien de temps avait duré sa léthargie ? Constatant que ses paupières refusaient définitivement de se soulever, elle choisit de concentrer son peu d'énergie sur l'inventaire de son état physique. Précautionneusement, elle avança la main droite vers sa cuisse. Ses doigts rencontrèrent la fissure infligée plus tôt par la lame de la Commander. Elle s'étendait depuis la rotule sur une vingtaine de centimètres en direction des adducteurs. Ni large, ni profonde. Rien d’inquiétant. "La suite", murmura-t-elle. Le tiraillement ressenti au moment de prononcer ces deux mots lui rappela que sa trachée n'avait pas été épargnée. Elle la frotta délicatement. Sensible mais sans dommage constaté. "C'est déjà pas mal", s'enhardit-elle à formuler. Son timbre voilé prêtait à sa voix naturellement cassée une mélodie presque caverneuse. Elle sourit. Restait à analyser la zone la plus touchée.


Elle respira profondément. L'inspection de son épaule droite exigeait un mouvement du bras gauche qui promettait de ne pas être agréable. Avant d'engager la délicate opération, Écho s'essaya à remuer les doigts de sa main droite. Leur immobilité prolongée les avait engourdis. Mais elle parvint à les soulever un à un du sol sur lequel ils reposaient. Non sans accentuer la douleur de son épaule. En partie rassurée de constater qu'elle conservait un minimum de mobilité, elle porta sa main gauche en direction de la clavicule opposée. Le sang avait débuté son procédé de coagulation mais se répandait toujours partiellement de la plaie. Elle se risqua ensuite à apprécier l'aspect de la lésion. Spacieuse et creuse. Les chairs qui la cernaient avaient été arrachées. Impossible d'évaluer si l'os était endommagé. Elle s'accorda un peu de répit avant de rassembler ses esprits. Il fallait maintenant considérer l'environnement où elle se trouvait. Renonçant définitivement à se servir de sa vue, et le plus doucement possible, elle balaya le sol de la main. Terre sèche. Pas d'obstacle à proximité. Les acouphènes qui lui obstruaient encore l'ouïe dépréciaient. Elle tendit l'oreille. Des échanges de voix indistinctes et inintelligibles lui parvinrent en langue Trigedasleng, dialecte usité par l'ensemble des clans natifs.


Alors qu'elle parvenait enfin à entrouvrir les yeux sans que cela ne lui perfore le crâne, elle tâcha de se détendre. Il fallait se rendre à l'évidence. Quoiqu'elle envisage d'entreprendre, ses chances de réussite étaient de l'ordre du néant. Quand bien même elle serait apte à se mettre debout et à se battre. Ce qui était loin d'être le cas. Sa situation prenait une trajectoire désespérante. Elle avait pourtant envisagé tous les scénarios possibles le matin même. Un retour dans les cachots d'Igon, le bannissement et le déshonneur ou la mort. La conjugaison des trois n'avait à aucun moment été une éventualité. Et pourtant. Elle se retrouvait captive de l'adversaire, agonisante et sans doute déjà condamnée par son Roi à un exil sans retour possible. « Très fort, Écho », siffla-t-elle dans un sourire mi-amusé, mi-pincé.

Ses réflexions furent soudainement interrompues par l'irruption brutale de deux silhouettes massives. L'éclat d'une torche l'aveugla à nouveau tandis que de larges mains la soulevaient de terre sans ménagement et la traînaient vers l'extérieur. Elle se domina pour ne pas lâcher un commentaire impudent, préférant focaliser ses sens sur l'observation des alentours. Il régnait autour d'elle une mystérieuse effervescence. La pointe du jour était-elle déjà si proche pour que les troupes s'activent aussi promptement ? Les deux colosses l'empêchèrent de collecter davantage d'informations et la jetèrent lourdement sur le sol d'un grand dôme copieusement éclairé. 


La forte luminosité lui brouilla la vue. Tête baissée, elle guettait un son, un mouvement, le signal d'une présence. Mais le silence restait complet. Peu à peu, ses yeux retrouvèrent leur fonction première et elle découvrit le profil gracile et élégant de la Commander. Son visage, débarrassé de ses traditionnelles peintures de guerre, révélait encore davantage le vert gris magnétique des yeux de Lexa. Des yeux qui venaient de harponner le regard aux reflets ardoises d’Echo. Heda l'observait, l'explorait ouvertement. La guerrière Azgeda sentit les pupilles de la Commander détailler la courte cicatrice dessinée au-dessus de son œil gauche, marque d'appartenance au clan des glaces. La tension palpable entre les deux jeunes femmes indisposa soudainement Écho. Pour enrayer la propagation de cette inquiétante sensation de malaise, elle décida d'attaquer la première. 


« Veuillez accepter mes excuses pour l'allure déplorable que je vous impose. La journée a été longue ». Elle eut tout juste le temps d'achever sa réplique. Une main gantée vint fouetter sa joue gauche. Quelqu'un d'autre était présent sous le chapiteau. Mais le choc de la gifle l'avait empêchée d'identifier cette tierce personne. Lexa n'avait pas bougé. Écho, la tête baissée, ne voyait plus son visage mais distinguait parfaitement ses pieds, immobiles, postés à deux mètres devant elle. Elle choisit de demeurer l'échine courbée tandis qu'un épais silence s'installait de nouveau. Au bout de ce qui sembla à la détenue une éternité, Heda reprit la parole. « Quel est ton nom ? ». L’intonation de cette première phrase relevait bien plus de l'impératif que du questionnement.L'orgueil triompha de la raison. En relevant fièrement la tête, Écho s'exprima clairement, les yeux dardés vers ceux de Lexa : « Écho kom Azgeda ».L'inflexion irrévérencieuse dans la voix d'Écho n'avait pas pu échapper à la Commander. Mais elle ne semblait pas lui accorder de crédit. Elle reprit.« Bien, Écho kom Azgeda, peux-tu m'expliquer comment une guerrière aux qualités indiscutables comme toi peut faire son apparition sur un champ de bataille plus de trente jours après le déclenchement d'une guerre aux enjeux considérables. »


Cette nouvelle question déconcerta Écho. Où Lexa voulait-elle en venir ? Attendait-elle des aveux pour justifier sa mise à mort ? Elle décida de s'exposer à une nouvelle salve de la part de l'individu qui se tenait derrière pour gagner du temps.« Heda, dois-je croire que vous n'avez pas envisagé que, malgré l'efficience incontestable des soldats de la coalition, aucun combattant azgédien ne dispose des qualités nécessaires pour survivre aussi longtemps ? » Elle se préparait au châtiment corporel quand Lexa leva la main, signifiant à son obligé de ne pas répliquer.

Puis, la Commander s'avança calmement et s'accroupît face à sa prisonnière. Elle saisit le menton d'Écho entre ses doigts et orienta son visage pour le positionner dans l'axe du sien. « Ton Roi précipite des paysans, des marchands, des anciens et des enfants à peine en âge de monter à cheval à la mort et tu veux, toi, me faire croire que si tu te retrouves pour la première fois face à moi aujourd'hui c'est le fruit du hasard. ». Les mots avaient été prononcés sèchement. Le timbre autoritaire et froid aurait dû trahir la colère qui devait inévitablement inonder la Commander, piquée d'être ainsi raillée par une prisonnière. Mais dans les deux prunelles émeraudes que Lexa avait enracinées dans les orbites d'Écho, une autre tendance dominait. De la sérénité. Une implacable sérénité. Si inflexible qu'un frisson indescriptible parcourut l'épine dorsale de l'azgédienne. Avait-elle peur ? D'où émanait cette sensation trouble qui l'envahissait par vagues. Bien sûr, elle n'ignorait pas l'inquiétude qui grandissait en elle à mesure que l'entretien se poursuivait. Dû en particulier au fait qu'elle ne parvenait pas à cerner les intentions d'Heda. Perdue dans ses réflexions, elle réalisa qu'elle avait gardé le silence un long moment sans formuler de réponse.


Lexa décramponna son regard de celui d'Écho et se releva. Elle tourna les talons pour se diriger vers une petite console. Elle se saisit sans précipitation d'un linge blanc cassé et d'un récipient puis reprit sa position accroupie, face à Écho. Sans un mot, elle immergea le linge dans de l'eau claire pour l'imbiber et l'appliqua sur la cuisse ensanglantée de la jeune femme. Une fois qu'elle eut dégagé la plaie de sa pellicule vermeille, elle rinça le chiffon, l'imbiba à nouveau et dirigea sa main vers l'épaule meurtrie de la détenue. Écho demeurait impassible, ignorant tout à la fois le soulagement et la douleur que chaque va-et-vient du linge soulevait à son passage. Elle sentait ses muscles se décontracter peu à peu quand une vive pression sur la plaie béante lui arracha un gémissement qu'elle s'obligea à contenir. Lexa intensifia la pression. Écho sentit son cœur se soulever, la nausée menaçait de poindre à tout instant. Elle luttait de toutes ses forces pour ne pas hurler.

« J'attends », murmura d'une voix polaire la Commander à son oreille.

À quoi bon résister. Pour témoigner de son courage ? De sa loyauté ? À qui ? Au Roi ? À la cause qu'il défendait ? À son clan ? Mais servait-elle les intérêts Azgeda en s'opposant ainsi ouvertement à la Commander ? Quel rôle voulait-on lui imposer. Le supplice l'empêchait de clarifier ses idées. Quoiqu'elle puisse dire, cela ne changerait vraisemblablement rien au sort qui lui était réservé. Et elle soupçonnait Lexa de connaître déjà une partie des réponses qu'elle formulerait. La perspicacité d'Heda dépassait l'entendement.

« Emprisonnée », articula Écho avec difficulté.

Lexa relâcha progressivement son emprise et déposa le récipient et le linge près de son genou, sans jeter un regard à Écho.

« Donc, tu étais en prison. Jusqu'à ce matin. » Écho opina imperceptiblement.

« Et ce matin, le Roi Igon a jugé approprié, soudainement, de te libérer pour que tu puisses renforcer ses lignes.» Écho leva les yeux vers la Commander. Avant qu'elle ne puisse s'exprimer, Lexa poursuivit.

« Ou, peut-être, avait-il une tâche particulière à te confier. Une mission destinée à le sortir de son inconfortable situation. Une opération qui, l’espérait-il, supprimerait la racine de son embarras. Définitivement. »

Impassible, Echo patientait. Son silence en disait davantage que toute autre réaction. Elle devina un discret sourire sur les lèvres de son interlocutrice.

« Mais, je m'interroge encore sur un détail », continua Lexa. « S'il t'a choisie, c'est, je ne peux en douter, que tu surclasses tous ses guerriers. Que tu excelles au combat. Donc, pourquoi se priver jusque là d'un si précieux atout alors même que son peuple est engagé dans une guerre capitale ? »

Echo refréna un sourire. L'art de la rhétorique l'avait toujours amusée. 

« Divergences d'opinion. Incompatibilité d'humeur. Choisissez », indiqua Echo. 


Lexa ramassa la cuve d'eau et le linge posés sur le sol, se redressa et cligna lentement des yeux. Puis, elle fît tranquillement volte-face et se dirigea vers la console avant de s'adresser au mystérieux témoin de la scène.

« Anya, emmène-là voir Rowan, que l'on soigne ses blessures ».

Et Anya conduisit Echo à l'extérieur de la tente.

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