Le bouffon et le pantin

Chapitre 1 : Le bouffon et le pantin

Chapitre final

3822 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/02/2022 19:43

Le bouffon et le pantin

 


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Le cross-over improbable - (janvier février 2022)

 

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Avait-ce été un rêve, ou bien une hallucination ? Peut-être, le cas échéant, le fruit d’un puissant sort d’illusion comme seuls les mages des académies savaient en concevoir. Celle de Fordhiver était apparemment réputée, mais aucun de ses membres n’avait rejoint la Famille. Aucun frère ou sœur de la Confrérie n’aurait pu se jouer ainsi de lui.

Quoi qu’il en fût. Lorsque Cicéron ouvrit les yeux, il sut tout de suite que quelque chose d’anormal s’était déroulé lors d’une de ses pertes de conscience ordinaire que l’on nommait habituellement « sommeil ».

Il se souvenait pourtant précisément de ce qu’il avait fait la veille ; comme chaque soir, il avait préparé les onguents pour sa chère Mère. Un peu de cire d’abeille, une dose d’huile d’olive, et quelques pétales de lys des cimes – de toutes les couleurs ! – donnaient un onguent spécial qui protégeait la Mère des saletés de ce bas monde tout en entretenant son enveloppe corporelle.

Le Gardien avait soigneusement mélangé ses ingrédients dans un bol de bois finement vernis, et s’apprêtait à enduire le corps de la momie d’huile…

Et le souvenir qui suivait était celui qu’il venait d’imprimer dans sa mémoire, à l’instant. Celui d’un environnement si coloré, si lumineux, qu’il lui était difficile de croire qu’il fût réel. Ce devait forcément être un rêve, une hallucination ou une vision de l’Oblivion – le tour de passe-passe d’un prince daedra, une de ces fâcheuses entités immortelles aux puissances incommensurables, qui voulait se jouer de lui.

L’humidité froide mais néanmoins rassurante du sanctuaire avait laissé place à la vive clarté d’une journée ensoleillée comme il n’y en avait jamais eu en Bordeciel depuis qu’il y avait immigré, deux ou trois ans plus tôt. Il avait perdu le compte des mois et des années, même si la frontière entre passé et présent commençait à se faire de plus en plus distincte depuis quelques temps.

Il s’était retrouvé là, étendu à-même la terre sèche – mais néanmoins confortable – à une longueur de bras d’une vaste plaine verdoyante. Les yeux encore embrumés de sommeil, il s’était redressé et assis sur son séant, avant de se masser le visage – sourcils arqués, tempes gonflées, nez camus – en cherchant à comprendre dans quel endroit il avait bien pu se retrouver.

Rien n’y faisait, il ne parvenait à mettre de nom sur ce lieu inconnu. Non pas qu’il fût extrêmement cultivé quant aux différentes contrées du continent, ou même au sujet des plans des immortels qui veillaient sur les petites gens comme vous et moi, mais il avait suffisamment entendu les autres évoquer leurs contrées natales, ou bien leurs différents voyages ici et ailleurs, pour savoir que cette ville colorée et aux bâtiments à l’étrange structure n’étaient en aucun cas tamrieliques – ou juste nirniens.

Peut-être se trouvait-il alors dans un plan quelconque de l’Oblivion. Mais malgré tout ce qu’il avait entendu au sujet du domaine des princes immortels, rien d’aussi coloré, vif et vivant ne pouvait leur appartenir. Il y avait forcément une erreur quelque part, probablement d’interprétation des signaux transmis à ses yeux fatigués.

Perdu dans des réflexions qui ne menaient à rien, l’homme se gratta le cuir chevelu ; son bonnet de bouffon, rapiécé de toutes parts et aux teintes passées, glissa le long de ses cheveux roux, et tomba au sol dans un faible bruit de protestation. Il posa sur le vêtement un regard fatigué, las. Alors qu’ils venaient tout juste de trouver le repos dans leur sanctuaire…

Quelquefois, Cicéron se demandait s’il n’avait pas vexé les Divins dans une ancienne vie. Tout ce qui lui arrivait semblait bien trop surréaliste. Si les forces qui jouaient au-delà du plan mortel s’étaient prises d’affection pour lui, et lui infligeaient les destins les plus effrénés, alors il ne pouvait que se laisser faire. Il n’avait, après tout, pas tellement d’autres choix que de se laisser faire. Il n’était qu’un personnage insignifiant entre leurs mains, juste le Gardien de la Mère de la nuit. Un bouffon lié à cette dame momifiée.

« Bonjour monsieur ! Est-ce que vous allez bien ? »

Une voix fluette, un peu prise comme si l’individu était enrhumé, lui parvint. Il tourna machinalement la tête. Il n’y avait personne aux alentours, alors la personne devait assurément s’adresser à lui.

« Est-ce que Cicéron a l’air d’aller bien ? grimaça-t-il en remettant en place son bonnet, tirant légèrement les mèches de cheveux mi-longs qui lui tombaient le long du visage pour que le vêtement les coinçât. On dirait un mélange entre une gueule de bois et un manque de sommeil. À moins que je ne sois encore en plein dedans. »

Il laissa sa phrase en suspens, incapable de faire taire cette voyelle nasale, tandis que ses yeux parvenaient enfin à saisir le sens de ce qu’ils observaient. Quand bien même ils tentassent de le saisir, c’était peine perdue. Certaines choses ne pouvaient être comprises par un simple humain. Et le pauvre Cicéron n’était que le Gardien de la Mère, un humble serviteur. Il existait bien des choses qu’il ne saurait jamais comprendre.

La personne – car cette chose avait forme humaine, et s’exprimait dans une langue parfaitement structurée et compréhensible, du peu d’échanges qu’ils avaient eus jusqu’alors – lui évoquait visuellement un mannequin d’entraînement comme ils en disposaient dans l’un des recoins du sanctuaire. Leur seul point commun était ce bonnet pointu qu’ils portaient tous deux – celui de Cicéron était néanmoins bicorne et rouge et noir, tandis que son vis-à-vis possédait un simple bonnet bleu, semblable à ceux que portaient les hauts dignitaires la nuit, et affublé d’un grelot irritant les oreilles à chaque son qui s’en échappait.

Sa tenue était tout aussi incongrue. Un foulard jaune à pois rouges, une tunique courte d’un rouge vif tel qu’il n’en avait jamais vu sur des vêtements, et le reste de son corps était dissimulé par une étrange charrette dotée de quatre roues, mais qu’aucun cheval ne tractait. Comment cela pouvait-il avancer ? Il était incapable de le dire. De sa tenue à son moyen de locomotion, cet individu était tout bonnement fabuleux – mais peut-être pas dans le sens positif du terme, à ses yeux.

« Est-ce que vous avez besoin d’un taxi ? renchérit la voix – il sembla qu’il s’agissait là d’un jeune garçon. Vous pourriez avoir besoin d’aller à l’hôpital, vous n’allez pas très bien. »

Cicéron ne releva pas. Déjà parce qu’il ignorait ce qu’était un « hôpital », si ce n’était qu’une suite de sons qui n’avaient aucun sens une fois mis bout à bout. Ensuite parce qu’il n’avait qu’une envie, celle de se réveiller de ce cauchemar qui l’aveuglait par ses couleurs criardes et ses formes incongrues. S’attarder auprès d’un individu tout aussi bizarre que l’endroit où il s’était éveillé ne faisait pas partie de ses priorités.

« Je ne vous ai jamais vu à Miniville. Vous venez d’arriver ? Si vous voulez, je vous fais visiter ! »

Les grands yeux ovales et bleu ciel de l’enfant pétillaient de joie, et le grelot fixé au bout de son bonnet ne cessait de faire savoir sa présence lorsque se secouait, au fil des hochements de tête, la tignasse châtain qui dépassait et tombait sur le front au teint clair.

« Miniville ? répéta Cicéron, les yeux rivés sur son interlocuteur, et ses mains occupées à réajuster son bonnet de bouffon à sa place, sur sa tignasse bien trop longue et bien trop emmêlée.

— Bienvenue dans la plus belle ville du Pays des Jouets ! s’exclama alors le gamin.

Le Gardien fronça de plus belle les sourcils, tirant de ce fait un peu plus la peau fatiguée de son visage usé par les jours et les années. Il était devenu fou, mais il savait que ce rêve, cauchemar ou hallucination, ou quoi qu’il en fût réellement – n’oublions pas que ce pouvait être une farce de l’un de ces princes Daedra qui aimaient tant se jouer des mortels –, relevait d’autre chose que de la folie.

« Je m’appelle Oui-Oui ! Et vous, comment vous appelez-vous ? »

Cicéron resta un instant interdit. « Oui-Oui » ? Avait-il imaginé cela, ou bien y avait-il eu un jour un couple suffisamment atteint par l’hydromel, le skooma – ou les deux ! – pour nommer ainsi son enfant ? Quel serait alors le nom du petit-frère ? « Non-Non » ?

Trop, c’était trop.

« Cicéron, répondit-il à demi-voix.

— Comme il est drôle votre prénom ! Il sonne comme celui de mon ami Potiron. Il a une grande barbe et de grandes oreilles, c’est un nain, vous savez ! »

Un nain. Il ne manquait plus que ça – les Nains avaient disparu depuis des siècles, au moins ! Qu’allait ajouter cet enfant à présent ? Que les habitants de cette « Miniville » étaient des poupées de chiffon, des peluches maladroitement cousues à l’effigie d’animaux, ou que sais-je encore, des mannequins d’entraînement au combat ?

« Est-ce que vous voulez que je vous conduise quelque part ? Mon beau taxi peut aller partout où vous le voulez ! »

Comme pour montrer son approbation, la cariole à quatre roues et sans cheval fut prise d’un mouvement, d’une étrange courbure de son bois brillant peint en jaune criard, et sembla esquisser un geste de salutation de sa roue de métal noircie par un épais bord qui paraissait mou, à vue d’œil. Puis, pour couronner le tout, un étrange bruit s’en échappa, à mi-chemin entre une voix féminine haut perchée et un crissement mécanique.

« Je veux rentrer au sanctuaire, soupira Cicéron dont l’esprit ne pouvait plus encaisser tout l’étrange et l’inconnu auquel il se confrontait d’une manière plus qu’indésirable, depuis trop longtemps à son goût.

— Au sanctuaire ? répéta Oui-Oui en inclinant la tête, et faisant murmurer son maudit grelot dans le même geste. Est-ce que vous savez plus précisément où il se trouve ?

— Aubétoile, ça te parle ? Bordeciel, Tamriel, Nirn, tu vois où on se trouve ou je dois te faire un dessin ?

— Ici nous sommes à Miniville monsieur. Je ne connais pas ces endroits dont vous parlez. »

La mine du bouffon s’affaissa. Ses lèvres, déjà pincées, semblèrent disparaître lorsqu’il les serra un peu plus afin de contenir cette émotion indescriptible qui le gagnait. Ses yeux, soulignés par des cernes qu’aucune nuit de sommeil ne saurait rattraper, se figèrent sur la mine rougie de l’enfant qui ne perdait de son sourire innocent. Et les joues tombantes de l’homme d’une quarantaine d’années s’effondrèrent un peu plus, creusant toujours plus cette mine sombre et lasse.

Non, il ne parviendrait jamais à comprendre ce qui se tramait là.

« C’est une farce de Babette ? Ou alors c’est Nazir qui a glissé un truc dans le dîner de Cicéron pour l’assommer et lui faire faire ce cauchemar ?

— Je ne connais pas ces gens, répondit Oui-Oui sans perdre de cette expression de joie et de bonheur pur qui ne l’avait pas quitté un seul instant depuis son arrivée. Mais peut-être que Monsieur le Gendarme ou encore monsieur Culbuto peuvent nous aider. Vous voyez, Monsieur le Gendarme connaît tout le monde puisqu’il fait la loi dans la ville et veille à ce que tout le monde aille bien. Et monsieur Culbuto, je le connais bien, il sait tout ce qu’il y a à savoir sur tout ce qu’il y a à savoir, donc il a sûrement entendu parler de vos amis.

— Écoute petit… »

Cicéron déglutit. La gorge sèche, il ne parvenait à formuler ses pensées d’une manière cohérente et polie. C’était un enfant, il ne fallait en rien céder à la vulgarité – bien qu’il aurait apprécié pouvoir lâcher un juron ou deux pour faire passer sa colère. Mais ce gamin semblait aussi vieux que Babette, bien que le contexte ne fût pas le même – comment diable pouvait-il comparer cet enfant qui ressemblait à une poupée de bois à une fillette vampire âgée de trois siècles qui avait connu le déclin de la précédente Ère impériale et l’avènement de la Quatrième ? Cet endroit lui faisait encore plus perdre la raison. Lui qui croyait que Cicéron ne pouvait être plus atteint, voilà que son état empirait.

« Est-ce qu’il y a des adultes dans ta ville ? Ou au moins des humains, des elfes, à la limite des hommes-bêtes s’il le faut. N’importe qui ferait l’affaire. Même un mage, Cicéron est prêt à se laisser embarquer par des sorts.

— Ha mais oui ! Mon ami Potiron peut lancer des sorts, même s’il ne le fait que rarement. Il dit qu’il n’aime pas trop ça, qu’il préfère quand les choses rentrent toutes seules dans l’ordre. Je peux vous amener chez lui si vous voulez, c’est un nain qui habite en-dehors de la ville. »

Un nain ? Et puis quoi encore. Les Nains avaient disparu plusieurs millénaires de cela, tout le monde le savait, même Cicéron, dans des circonstances plus que mystérieuses. Alors comment pouvait-il y en avoir un là, dans cet endroit aussi horriblement douloureux à observer ?

« Montez dans mon taxi, je vous amène chez lui ! Gratuitement, puisque c’est votre première course !

— Non, je… – Cicéron balaya les environs du regard, à la recherche d’une issue, en vain. – Écoute, petit…

— Oui-Oui, corrigea l’enfant en secouant la tête, toujours dans cet horrible couinement de carillon qui vrillait les tympans du bouffon. Je m’appelle Oui-Oui.

— Écoute, Oui-Oui, reprit Cicéron, bien qu’appeler ce pantin-enfant par un tel prénom lui coûta bien des forces, je vais rester là, là où j’étais à mon réveil. C’est sûrement les vapeurs d’huile d’olive, peut-être qu’elle était périmée, ou de mauvaise qualité. Je suis en plein rêve, en plein délire, ou alors c’est Sanghin qui me joue des tours. Oh, par Sithis, Cicéron ne mérite pas ça… »

Il n’avait pas eu la force de se lever, et ne l’aurait probablement jamais. Enfouissant son visage entre ses paumes abîmées, il se laissa aller à un instant de désespoir passager. C’était à peine s’il s’était remis des dernières émotions, il fallait lui laisser du temps, par tous les diables. Tout ce qu’il voulait était un sanctuaire où se réfugier, une famille auprès de laquelle être à l’abri des intrus, et une Oreille Noire pour écouter ce qu’avait leur Mère à dire. Si par chance elle acceptait qu’il la suivît lors de ses voyages, Cicéron était le plus heureux des Gardiens. Le cas échéant, il resterait sagement aux côtés de la Mère, à s’occuper de sa dépouille, veiller à ce qu’elle ne fût pas touchée par la salissure de ce bas-monde, en attendant de lui faire regagner une crypte…

Une petite main, rigide, sans chaleur, lui tapota gentiment l’épaule. C’était l’enfant, le pantin de bois qui secouait sa tête, bien qu’à y regarder de près, on eût presque dit que son corps était recouvert de peau. Deux ridicules jambes dépassaient de braies bien trop courtes et de la même teinte que son bonnet de nuit qui n’en était pas un. Et à ses pieds étaient nouées d’étranges sabots aussi rouges que le sang qui giclait sur la blanche neige d’Aubétoile. Il pencha son petit nez rond par-dessus l’épaule de Cicéron, et afficha un large sourire.

« Si vous voulez, je vais rester avec vous en attendant. Ma copine Mirou m’a donné rendez-vous ce soir, je n’ai rien à faire en attendant. »

Il s’assit nonchalamment sur la terre, soulevant un très léger nuage de poussière, aux côtés du bouffon.

« Elle est comment, cette Mirou ? lança-t-il pour faire la conversation, espérant que la réponse fût sensée, bien qu’il s’attendait à ne pouvoir en saisir la logique – ce monde le dépassait.

— C’est une oursonne en peluche toute douce et très gentille ! J’aime beaucoup son chapeau rose, il y a des fleurs bleues dessus, et il lui va si bien ! Et ensemble on a un chien, il s’appelle Zim, et j’aime beaucoup caresser son pelage ! Et puis il y a… »

Oui-Oui déblatéra pendant de longues minutes, présentant chacune de ses connaissances avec ferveur. L’homme ne l’écoutait que d’une oreille distraite, peu enclin à accepter que toutes ces insanités fussent réelles. Non, il aurait aimé voir de ses propres yeux ce Potiron, cette Mirou ou encore ce Monsieur le Gendarme pour accepter que cela pût être réel. Par Sithis, aucun d’eux ne lui avait fait cet honneur – il ne pouvait que croire qu’il rêvait, que c’était un sortilège quelconque qui lui faisait subir cette torture mentale.

Les yeux fatigués par ces couleurs et formes, et les oreilles lasses d’entendre la voix aiguë de l’enfant, ainsi que les couinements étranges et inopinés de la cariole laissée là, sur un chemin grisâtre lisse duquel ne ressortait pas une pierre ni un pavé, il s’étendit sur le dos, ignorant la terre qui viendrait salir sa tenue. Le ciel bleu vif n’arrangeait pas les choses, alors il ferma les yeux. Et lentement, lentement, s’imaginant le décor accueillant du sanctuaire, les rires lointains de Babette qui raillait Nazir, l’humidité des plantes qui poussaient dans l’entrée et à partir desquelles l’on pouvait concevoir poisons et potions, il se sentit partir, emporté par le sommeil salvateur.

La voix de Oui-Oui se fit de plus en plus lointaine, de plus en plus vague. Il ne discerna bientôt rien de plus que de simples notes de musique, comme un sifflement, ou une voix qui humait une mélodie passagère le temps de réaliser une simple action.

Et lorsqu’il rouvrit les yeux, ce fut pour distinguer le visage d’une teinte cadavérique de la fillette vampire. Un large sourire étirant ses lèvres, laissant entrevoir ses canines pointues qu’elle adorait planter dans le cou de ses victimes pour se nourrir, lorsqu’elle constata que l’homme s’était réveillé. Autour de lui, l’humidité réconfortante du sanctuaire, les pierres qui le constituaient, le cercueil de la Mère dont il aimait tant s’occuper.

« Alors, Cicéron, railla Babette, tu as forcé sur la nirnroot ? Je croyais que tu n’en avais pas besoin pour les onguents de la Mère ! »

Les moqueries bon enfant de la gamine vampire lui avaient presque manqué, et lui arrachèrent un maigre sourire.

Le temps que ses rétines se réhabituassent à l’obscurité et la douceur des courbes des pierres de la demeure de la Famille, il resta étendu à-même le sol, sur les marches pointues qui menaient au cercueil où reposait la momie. Finalement, ça n’était peut-être pas si mal, de rester là…

« Nazir veut te voir, lança-t-elle en lui tendant la main pour l’aider à se relever. Tu devrais peut-être te dépêcher avant qu’il ne perde patience.

— Et l’Oreille Noire ?

— Elle devrait être sur le chemin retour. Avec un peu de chance, elle sera là demain. »

Il l’avait déjà entendue mentionner une fiction qu’on lui avait racontée dans son enfance, au sujet d’une mage ayant visité d’autres mondes, au-delà de Mundus, de l’Oblivion et de l’Aetherius. Avait-il par le plus grand des hasard effectué la même prouesse, sans rien tenter pour ? Il ne pouvait y croire, ce n’étaient que des histoires pour enfants. Il n’y avait aucune raison pour que de telles choses se produisissent en réalité. Il aurait cependant bien aimé pouvoir lui en toucher deux mots – il savait que l’Oreille Noire ne rirait pas de ses aventures.

Non, ce devait avoir été un rêve, une mauvaise hallucination de son esprit défaillant et déjà malade. Il ne pouvait en avoir été autrement. Il était inimaginable que quelque part, au-delà de la voûte céleste qui s’étirait chaque soir et se repliait à l’aube, existait une cité peuplée de jouets conscients et vivants, dont l’un des habitants, un pantin de bois nommé Oui-Oui, s’amusait à conduire à droite à gauche des passagers qui accepteraient de monter dans sa charrette qui n’était tractée par aucun animal.

Il haussa les épaules, et prit la direction, d’un pas peu motivé, de l’endroit où aimait s’installer leur camarade à ses temps perdus, afin de voir ce qu’il voulait.

Derrière lui, Babette s’abstint de lui faire remarquer que de la terre salissait le dos de ses vêtements.

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