La Légende du Phénix Bleu [Twilight Princess]

Des heures s'étaient écoulées depuis que l'armée de Zelda avait arraché le royaume du Crépuscule des griffes de Gilgamesh et de ses acolytes. Mais dans ce monde où régnaient les ombres en permanence, la notion du temps était plus que confuse. Il était difficile de savoir s'il faisait jour ou nuit car la différence entre les deux était inexistante.

Au palais de cette dimension obscure, chacun se remettait peu à peu de la bataille livrée précédemment contre leurs ennemis communs, à commencer par la princesse du Crépuscule qui était soulagée d'avoir récupéré son lieu de vie et son peuple. Mais l'inquiétude générale demeurait présente car bien que le camp du héros d'Hyrule avait atteint l'objectif qu'il s'était fixé, son combat n'avait laissé personne indemne. En particulier Epon et Gray qui étaient toujours inconscients avec leurs marques divines brillant de toute leur splendeur. Ils n'étaient pas les seuls dans ce cas: Leviah, qu'on avait enfermé dans les geôles du palais sur ordre de Midona, se trouvait également plongée dans cet état d'inconscience, la marque verte de Farore luisant au milieu de sa poitrine.

Les élus de Nayru et de Din étaient chacun placés dans l'une des nombreuses chambres du château. Ash et Moï veillaient sur l'argenté pendant qu'Impa et Link se trouvaient au chevet d'Epon. Le héros d'Hyrule commençait à croire que le mauvais sort s'acharnait sur lui et ses compagnons. Deux d'entre ces derniers étaient à présent dans le coma alors qu'il venait à peine de sauver enfin Midona.

« Impa, l'appela le jeune homme sans délaisser Epon du regard. N'as-tu pas l'impression que les déesses se jouent parfois de nous ? »

De telles paroles de sa part surprirent la sheikah qui le regardait d'un air stupéfait. Mais après réflexion et en se remémorant ce qui est arrivé à son ancienne élève et à Gray, la blanche se disait qu'une telle question était légitime. Après tout, pourquoi les déesses avaient-elles élu des personnes pour semer le chaos alors qu'à côté, elles en avaient choisi d'autres pour justement protéger le royaume d'Hyrule ? De plus, pourquoi avoir choisi un être aussi vil que Ganondorf parmi les élus supposés bienfaisants, et des personnes aussi bienveillantes qu'Epon et Gray dans le rôle des destructeurs ? En songeant à tout ces faits, il était normal de s'interroger sur la véritable nature des déesses Hyruliennes.

« Ton silence en dit long sur ta pensée, parla de nouveau Link en la regardant.

– Désolée, s'excusa Impa pour ne pas avoir répondu. Je t'avouerai que je suis encore sous le choc de tout ce qui s'est passé, et de toutes les révélations auxquelles nous avons eu droit. Je vais être franche avec toi, Link: Je ne sais plus vraiment quoi penser de tout cela. »

En la voyant aussi confuse que lui, l'homme vêtu de vert poussa un léger soupir avant de se tourner de nouveau vers Epon, tout en s'adressant à la sheikah:

« Il y a de cela plusieurs jours maintenant, Epon m'a révélé la vérité au sujet de son statut d'élue maudite et de tout ce qu'elle traverse à cause de ça. Elle m'a également raconté qu'elle devait passer par des épreuves mortelles. Les psysalis. Je n'arrive pas à oublier cette terreur dans ses yeux à chaque fois qu'elle les mentionnait. Ni cette grande tristesse qui l'habite en se disant qu'en plus, une créature qu'elle ne peut contrôler réside en elle. Pourquoi les déesses s'acharnent-elles autant sur elle ? Et sur Gray ? Qu'ont-ils bien pu faire pour mériter un tel destin ? »

Tout en parlant, le jeune homme avait serré ses poings et ses dents. Pour lui, ce que subissaient ses deux amis était injuste et cruel.

Impa, bien qu'elle préférait avoir une réponse à toutes ces interrogations avant de juger les choix des divinités, comprenait l'énervement et la frustration de Link. Elle s'apprêtait à lui confier quelque chose lorsque la porte de la chambre s'ouvrit doucement, laissant apparaître la princesse du Crépuscule.

« Si ce n'est que maintenant que tu remets en question ta vision de divinités, tu t'y prends un peu tard, Link. »

En prononçant cette réplique, Midona s'était rapprochée du groupe avant de tourner sa tête en direction d'Epon.

« À leurs yeux, nous ne sommes que des pions qu'elles façonnent à leur guise en leur attribuant des destins différents. Et plus particulièrement les personnes comme elle... ou comme nous. »

Le blond ne répondit pas mais son visage s'était assombri. Des pions des déesses... Était-ce vraiment ce qu'ils étaient, tous ? Alors qu'il y réfléchissait, sa Triforce du courage se mit à luire sur sa main gauche, à son étonnement et à celui de la sheikah et de la princesse des twilis. Les trois remarquèrent que la relique luisait en résonance avec le symbole de Nayru sur la cuisse gauche d'Epon.

« Qu'est-ce qui se passe ? demanda Midona, intriguée.

– Ce n'est pas la première fois que ce phénomène se produit. » répondit Impa en repensant à la grande bataille qui s'était déroulée au domaine Zora auparavant, lorsque le phénix bleu avait pris le dessus sur Epon. C'était grâce à cette Triforce si Link avait pu sauver l'hybride. En se rappelant de ce détail, la blanche se tourna vers l'homme vêtu de vert:

« Link, peut-être que...

– J'y ai pensé, la coupa celui-ci qui savait pertinemment où la plus âgée voulait en venir. Et je vais le faire. »

Il s'était approché du lit de la princesse des Zoras, puis assis sur le bord de ce dernier. Doucement, il porta sa main gauche sur le front de la bleue. L'artefact doré était visible sur le dessus de sa main, et brillait plus intensément au fur et à mesure que Link l'approchait d'Epon. Lorsqu'il toucha le haut du visage de cette dernière, une puissante et vive lumière émana brusquement des marques, aveuglant temporairement Impa et Midona qui ne s'étaient pas attendues à cela. Mais lorsque cette illumination s'éteignit peu à peu, les deux femmes furent choquées: Link, allongé et la tête posée dans le creux du cou de la demi-Zora, avait perdu connaissance. Toutefois, sa Triforce, ainsi que le glyphe de Nayru continuaient à luire.

« Link ?! » paniqua Midona. Mais Impa lui fit signe de garder son calme:

« Il ne s'est peut-être pas juste évanoui. Je pense que ce qui est en train de se produire est nécessaire pour réveiller Epon. »

La princesse du Crépuscule demeura dubitative vis à vis de tout cela. La sheikah avait-elle raison ? De toute manière, la twili à la chevelure flamboyante ne pouvait rien faire pour le moment. Mais elle faisait confiance à Link, et se disait qu'il allait réussir ce qu'il avait entrepris de faire.

Link n'avait pas vraiment compris ce qui lui était arrivé. Alors qu'il s'était attendu à voir Epon se réveiller de son coma, voilà qu'il se retrouvait à l'intérieur de ce qui semblait être une vieille cave ou une prison abandonnée. Le paysage s'offrant à lui était à la fois lugubre, humide et dégoûtant. Une grille se dressait juste devant le jeune homme. Et derrière elle se trouvait Epon, qui était assise le dos collée contre un mur, et qu'on avait ligoté et bâillonnée comme une vulgaire prisonnière.

« Epon ? » fit Link en s'approchant de la cellule dans laquelle l'élue de Nayru était enfermée. Il voulu dégainer son épée pour tenter de la libérer. Mais à sa grande surprise, ses armes avaient disparues.

« Qu'est-ce que c'est que ce délire... » se demanda-t-il, stupéfait. Mais pour l'heure, il préféra se concentrer sur son amie aux cheveux bleus. Il l'appela à plusieurs reprises, mais Epon ne réagissait pas à ses appels. C'était comme si elle ne le voyait pas.

« Frustrant, n'est-ce pas ? » lui parla une voix féminine juste derrière lui. Sursautant, le héros d'Hyrule se retourna vivement, et se retrouva face à une silhouette féminine toute vêtue de rose. D'abord surpris par la présence d'une personne aussi singulière, il prit le temps de la dévisager avant de se rendre compte qu'un tel physique ne lui était pas complètement inconnu.

« Tu... es Alys ? demanda-t-il alors que celle-ci souriait sournoisement.

– Je vois qu'Epon t'a parlé de moi, répliqua la rose. Je ne pensais pas qu'elle aurait parlé des psysalis à quelqu'un, et encore moins au célèbre Link. De plus, je ne m'attendais pas à ce que tu viennes dans ce lieu spirituel. Ce n'est pas très poli vis à vis de ton amie de plonger au plus profond de son esprit. »

Le jeune homme ne répondit rien et se tourna de nouveau vers la demi-Zora, qui tentait de se débattre pour se défaire des liens qui l'attachaient. Ces derniers étaient solides mais elle persévérait.

« Où sommes-nous ? interrogea Link. Que se passe-t-il ici ? Et pourquoi Epon est enfermée là-dedans ?

– Tu me croirais si je te disais qu'on se retrouve dans une psysalis particulière qui fait revivre à cette jeune fille l'un de ses souvenirs les plus sombres ? »

Les yeux du blond s'écarquillèrent de stupéfaction devant une telle révélation. Il avait un peu de mal à y croire tant tout cela lui paraissait surréaliste. Au même instant, il remarqua qu'Epon était parvenue à défaire les liens qui attachaient ses poignets. Et de ses mains ainsi libérées, elle enleva son bâillon, puis les cordes entourant ses jambes. Elle se releva ensuite tout en observant la cellule. Elle s'était même rapprochée de la grille de l'autre côté de laquelle se trouvait Link. Mais elle ne semblait pas voir celui-ci, ni même Alys.

« Pourquoi elle ne nous voit pas ? demanda l'homme en vert.

– Parce que j'ai dissimulé la présence de tout ce qui est étranger à son souvenir.

– Pourquoi donc ?

– N'es-tu donc pas curieux de découvrir certaines choses sur Epon ? » lui retourna Alys d'un air malicieux, alors qu'elle lui faisait signe de regarder la demi-zora. Celle avait tendu sa main en direction des barreaux en fer, probablement dans le but d'utiliser ses pouvoirs pour les rouiller afin de les briser plus facilement ensuite. Mais au moment de le faire, et à la surprise de Link, elle remarqua une étrange petite chaîne attachée à son poignet droit tel un bracelet. Un puissant enchantement en émanait alors que la jeune princesse tentait en vain de l'enlever.

« Ce bracelet envoûté... murmura l'hylien. Il ressemble aux chaînes qui ligotaient Midona et qui l'empêchaient d'utiliser ses pouvoirs. »

Cela expliquait donc pourquoi Epon les avaient déjà vues et connaissait plus ou moins leurs mécanismes. La bleue se rendit rapidement compte que ce faux bijoux la privait de ses pouvoirs et qu'elle était complètement désarmée.

« Merde ! » grogna-t-elle, impuissante face à cette situation. Mais soudain, des bruits de pas se firent entendre et s'approchèrent petit à petit. En tournant la tête, Link remarqua la silhouette plutôt baraquée d'un homme qui marchait jusqu'à la cellule dans laquelle était enfermée l'hybride. Étant donné ses vêtements un peu négligés et son air à la fois espiègle et menaçant, le héros d'Hyrule et la princesse des zoras en déduisirent rapidement qu'il s'agissait là d'un bandit.

« La princesse est réveillée à ce que je vois ! » parla-t-il d'une voix grave alors qu'il venait d'ouvrir la porte de la prison pour y entrer et s'avancer vers Epon. Link voulu se précipiter vers l'intérieur pour empêcher ce brigand de faire du mal à son amie. Mais Alys, toujours derrière lui, le freina.

« Cela ne servirait à rien, vu qu'il ne te voit pas ou ne t'entend pas non plus. Et puis, un souvenir ne peut-être altéré. Encore plus si on le revit par l'intermédiaire d'une psysalis.

– Pourquoi lui faire revivre un moment pareil ?! » s'emporta Link en se tournant vers la rose. Il en avait assez de cette mascarade et ne souhaitait qu'une chose en cet instant: Que tout cela s'arrête. Mais Alys ne semblait pas disposée à faire quoi que ce soit pour remédier à cette situation. De plus, ce qu'elle lui révéla ensuite glaça le sang du blond:

« Ce n'est pas moi qui ai provoqué cette psysalis, contrairement à ce que tu crois. »

Si ce n'était pas la gardienne des psysalis qui était à l'origine de ce qui se passait à cet instant, qui était-ce donc ? Les déesses ? Le jeune homme se le demandait alors que le brigand s'approchait de plus en plus d'Epon, qui commençait à reculer. D'ordinaire et connaissant la jeune fille, Link savait qu'elle aurait pu se défendre face à un tel individu si elle avait ses armes et ses pouvoirs. Mais ce n'était pas le cas. De plus, et probablement comme la bleue, il avait remarqué une hache accrochée derrière le dos du délinquant, ainsi qu'un poignard rangé dans un fourreau pendant sur le côté de sa ceinture. Tenter quoi que ce soit dans ces conditions relevait du suicide.

« Si on m'avait dit un jour qu'on mettrait la main sur la princesse des zoras, je n'y aurais jamais cru ! se réjouit l'inconnu. On peut dire que c'est un gros poisson qu'on a attrapé, avec toi ! Tu ne ressembles certes pas à une zora, mais ce n'est peut-être pas plus mal. Je pense que tu pourrais nous rapporter beaucoup, si on arrive à te vendre au plus offrant. Toutefois, tu sembles intéresser une certaine personne au plus haut point ! »

À l'entente d'une telle réplique, Link se remémora son précédent face à face avec ses ennemis à la salle du trône du Palais du Crépuscule. Il se souvint particulièrement d'une phrase prononcée par Alvaro:

« J'ai demandé l'aide à un gang de brigands de te kidnapper, lorsque tu devais avoir quinze ou seize ans, tu te souviens ? Ils t'avaient enfermée dans une cave abandonnée, tout en utilisant un mécanisme crée par mes soins pour confisquer tes pouvoirs. »

Tout devenait de plus en plus clair pour le blond. Ce qu'il était en train de visualiser, et ce qu'Epon était en train de revivre, c'était ce moment où le gang des brigands engagé par Alvaro avait capturé puis enfermé la jeune fille.

« Le salaud... » pensa Link en serrant ses poings, furieux à l'égard du violet. Au même instant, le brigand s'était tellement rapproché d'Epon que celle-ci se retrouva le dos collé au mur. Son agresseur avait ensuite plaqué sa main contre ce dernier juste au dessus de l'épaule de l'hybride, et avait rapproché son visage du sien:

« Tu es mignonne ! Ce serait du gâchis de laisser partir un si beau spécimen sans en profiter. »

En prononçant ses mots, il posa son autre main sur le ventre de la jeune fille, comme pour l'empêcher de bouger, tandis qu'il s'était approché de son oreille pour lui murmurer:

« On en a beaucoup discuté avec le reste de ma bande. On se disait que tu pourrais nous donner satisfaction à tous aujourd'hui. À commencer par moi ! »

Bien qu'il avait parlé à voix basse, Link était parvenu à l'entendre et en était resté bouche-bée. Mais ce n'était pas fini: Il vit le voyou déposer un baiser sur le cou d'Epon qui grimaçait, probablement écoeurée par ce qu'on lui faisait subir. Le blond bouillonnait de rage face à un tel spectacle.

« Je vais tellement te baiser que tu en redemanderas encore, lorsque j'en aurais fini avec toi. » répliqua le bandit avant de l'embrasser à nouveau au niveau du cou tout en caressant le ventre de la demi-Zora.

« Alys, grogna Link qui se retenait vraiment de laisser éclater sa rage. Arrête ça tout de suite.

– N'as-tu donc pas écouté ce que j'ai dis tout à l'heure ? Je ne suis pas à l'origine de cette psysalis !

– Tu veux me faire croire que tu ne peux rien faire ?! » s'écria le jeune homme en avançant brusquement vers elle. Mais une barrière invisible l'empêchait d'atteindre la fille aux cheveux roses.

« Du calme, jeune héros, le prévint-elle. Il se peut qu'Epon garde quelques séquelles si tu te mets à faire n'importe quoi dans son esprit. »

L'homme vêtu de vert était réellement énervé. Mais en reconsidérant ce qu'Alys venait de lui dire, il tenta de garder son sang froid du mieux qu'il pouvait, même si cette vision d'Epon se faisant abuser par un bandit l'insupportait. De son côté, la fille aux cheveux bleus, qui ne voulait pas se laisser faire, avait discrètement tendu sa main vers la dague de l'individu dans le but de la sortir discrètement de son fourreau. Puis, d'un coup sec et précis, elle enfonça l'arme dans les côtes de son assaillant, lui arrachant un terrible cri de douleur.

« Argh ! Salope ! » hurla-t-il. Mais Epon lui donna un coup de genou dans une partie très sensible de son anatomie pour l'empêcher de faire quoi que ce soit, avant d'enfoncer la dague au niveau de son coeur. Le délinquant, mort sur le coup, s'effondra mollement au sol aux pieds de l'élue de Nayru. Cette dernière était sous le choc. Probablement parce que ce type avait failli lui faire, mais aussi par le fait qu'elle venait de tuer un être humain de ses propres mains.

« Cet homme n'était que sa première victime humaine d'une assez longue liste. » raconta Alys à Link qui semblait tout aussi ébranlé qu'Epon. La bleue dut prendre quelques instants pour se remettre de ses émotions. Sa main qui tenait la dague maculée de sang tremblait. Mais la jeune hybride tenta de se calmer en respirant lentement et en regardant ailleurs que le cadavre étendu devait elle. Finalement, après avoir reprit consistance, elle tenta de briser le bracelet attaché à son poignet avec l'armée dérobée. Mais en vain. Poussant un soupir, elle s'accroupit ensuite près du corps du brigand qu'elle venait d'abattre. À vue d'oeil, elle ne semblait pas fière de l'avoir tué aussi salement. Elle avait même l'air de s'en vouloir.

« C'était lui ou toi sur ce coup, princesse... » pensa tristement Link en entrant dans la cellule pour se rapprocher d'elle. Il observa la jeune fille fouiller les affaires du bandit. Elle avait trouvé une bourse contenant cent-cinquante rubis, et s'était également emparé de sa hache, probablement pour avoir une arme efficace avec laquelle se défendre en plus de la dague. Ce qui n'était pas bête, car des complices de cet homme rôdaient sans doute dans les parages.

Une fois armée, la princesse s'aventura hors de sa prison, déterminée à sortir de ce trou à rats. Link la suivait de près, sous l'air amusé d'Alys qui avait préféré disparaître, estimant que sa présence n'était plus nécessaire pour le moment. Mais soudain, Epon s'arrêta de marcher en entendant des bruits de pas venir en sa direction, ainsi que la voix de deux hommes.

« Il en met du temps, avait parlé l'un d'entre-eux.

– J'espère qu'il ne va pas garder cette petite pour lui tout seul et qu'il va partager avec nous, avait répliqué l'autre. Je suis curieux de savoir ce que ça fait de faire tanguer le lit avec une princesse ! »

Tandis qu'Epon s'était cachée derrière un tonneau à proximité, la hache en main, Link observa la scène. Il était répugné par l'attitude et les paroles de ses brigands. La demi-zora attendit patiemment que le duo s'approchent suffisamment d'elle. Lorsque les deux avaient dépassé le tonneau derrière lequel elle se trouvait, elle abattit sa hache dans le dos de l'un d'entre eux, faisant probablement de gros dégâts au niveau de sa colonne vertébrale. L'homme touché s'écroula au sol, inerte, sous les yeux terrifiés de l'autre qui venait de dégainer un sabre. Mais l'hybride ne lui laissa le temps de réagir: Avec sa hache, elle donna un puissant coup sur l'épée de son opposant pour le forcer à la lâcher. L'impact était tellement violent qu'elle avait fait reculé le bandit contre un mur. La jeune fille en profita pour le plaquer contre ce dernier, la dague positionnée au niveau de sa gorge.

« Si tu ne veux pas finir comme ton pote, je te conseille de ne pas faire de chose stupide et de m'écouter attentivement, le menaça-t-elle. Tu vois cette chose ? »

Elle désigna la chaîne enchantée attachée à son poignet.

« Comment on fait pour l'enlever ?

– Je... Il... bégaya le bandit.

– Dépêche ou je t'égorge comme un porc ! »

Le bandit semblait terrorisé. Link le voyait trembler comme une feuille de là où il se trouvait.

« Il y a... un cristal dans la salle principale de notre repère, répondit-il. Il suffit de le briser... et cette chaîne pourra s'enlever.

– Exactement comme ce qui s'est passé avec les chaînes qui ligotaient Midona, se dit Link.

– Et mes armes ? Où sont-elles ? »

Doucement, il avait pointé du doigt son acolyte au sol. Epon ainsi que le blond en vert regardèrent dans cette direction, et constatèrent que l'homme à terre avait les tonfas de la jeune fille accrochés à sa ceinture. Voyant la bleue ainsi distraite, le bandit immobilisé en profita pour tenter de renverser la situation à son avantage, mais à peine avait-t-il bougé que la lame que tenait la princesse entailla sa gorge, faisant gicler du sang en abondance alors que l'homme poussait des grognements étouffés. À l'instar des deux précédents bandits, celui-ci s'effondra au sol sans vie, son sang se répandant lentement au sol. Link semblait horrifié par un tel spectacle. Mais Epon l'était encore plus. Elle avait lâché la dague qu'elle tenait et reculé de quelques pas. Elle avait l'air terrorisée par ce qu'il venait de se passer et s'était effondrée au sol à genoux, des larmes coulant de ses joues.

Link ne savait pas quoi faire. En fait, il ne pouvait rien faire étant donné que sa présence était complètement imperceptible pour la demi-Zora, et qu'un tel souvenir ne pouvait pas être altéré. Il poussa un léger soupir avant de s'accroupir auprès de la jeune fille.

« Je sais que tu ne m'entends probablement pas, lui murmura-t-il toutefois. Mais tu ne dois pas te laisser abattre maintenant. Il faut que tu sortes à tout prix de cet endroit pour survivre. »

Il voulut poser sa main sur l'épaule de son amie, mais se ravisa au dernier moment en se disant que ce n'était peut-être pas une bonne idée de le faire. Néanmoins, et à son étonnement, Epon tourna sa tête vers lui et ses yeux bruns larmoyants plongèrent dans les iris saphirs du héros d'Hyrule.

« Qui va là... ? » demanda-t-elle d'une petite voix. Link, pensant qu'elle le voyait enfin, lui parla calmement:

« C'est moi. Link. Tu te souviens de moi ? »

Mais l'hybride demeura silencieuse et détourna son regard du jeune homme, avant de balayer ses larmes d'un revers de la main.

« Voilà que je me mets à entendre des voix, maintenant... » parla-t-elle à voix basse, tout en se tournant vers le corps du brigand qui possédait ses tonfas afin de récupérer ces derniers.

« Je dois partir d'ici... » fit-elle en se relevant lentement pour reprendre sa route. Link demeura dans sa position quelques instants, abasourdi. Epon ne l'avait pas vu, mais disait avoir entendu une voix. Était-ce celle du jeune homme ? Est-ce que la princesse des zoras pouvait l'entendre malgré tout et ce, en dépit de ce qu'Alys lui avait dit ?

« Décidément tu es vraiment têtu, Link ! retentit la voix de la rose qui était réapparue devant lui les bras croisés et la mine boudeuse. Tu n'arrangeras pas les choses en intervenant d'une manière ou d'une autre ! Tu risques même de mettre Epon réellement en danger, si tu persistes autant à vouloir modifier ce qui ne peut être modifiable. »

Le jeune homme ne répondit rien. Agacé par l'attitude d'Alys, il préféra l'ignorer et suivre l'hybride qui s'était déjà bien éloignée. Mais la rose passa devant lui pour l'empêcher d'aller plus loin:

« Et en plus, tu me snobes ? Tu es bien culotté !

– Qu'est-ce que c'est que tout ça ? lui demanda finalement le blond. Pourquoi Epon est-elle forcée de revivre un souvenir aussi atroce ? Ça vous plaît tant que ça, à toi et aux déesses, de la faire souffrir de la sorte ? »

Un peu prise au dépourvue par cette avalanche de questions, Alys ne dit rien et préféra disparaître, libérant le passage à Link. Celui-ci était déçu de ne pas avoir eu de réponses à ses interrogations, même s'il s'y attendait un peu. Mais il ne perdit pas plus de temps et partit en courant à la suite d'Epon.

Après avoir parcouru pendant une minute un couloir qui lui paraissait interminable, il arriva finalement dans une grande salle ressemblant à une vieille taverne désaffectée. Mais le jeune héros fit face à une horrible scène: Epon était debout au milieu de la pièce, haletante. Mais autour d'elle, c'était un véritable carnage: cinq autres bandits avaient été mis à terre. Et tous étaient dépourvus de vie. Certains avec de multiples blessures sur tout leur corps, d'autres avec des membres ou la nuque carrément brisée. Les tables et les chaises présentes dans cette salle avaient été réduites en morceaux, ce qui témoignait de la rude et violente bataille qu'avait livré la bleue face à tous ces hommes soudoyés par Alvaro.

Link vit alors la jeune fille se diriger vers un coin de la salle où se trouvait le fameux cristal qu'elle devait à présent éliminer. Il était identique à celui qu'il avait lui-même détruit au palais du Crépuscule, sauf qu'il était posé sur une sorte de piédestal au lieu d'être suspendu au plafond. Mais alors qu'elle s'approchait de son objectif, le sang de Link se glaça à nouveau. Lentement, une silhouette qui lui était familière sortit de nulle part et s'approcha d'Epon, armée d'une épée à deux mains. Cette personne, un jeune homme, possédait une longue chevelure violette attachée en une queue de cheval.

« Alvaro ?! »

Profitant probablement que l'hybride était affaiblie par tout ce qu'elle venait de traverser, il s'approcha dangereusement d'elle sans qu'elle ne s'en aperçoive.

« Epon, attention ! » cria tout à coup Link, sa main tendue vers l'avant pour empêcher le violet de l'abattre. C'est alors que la Triforce sur sa main se mit à briller. Le jeune homme passa au travers le corps d'Alvaro et toucha directement Epon à l'épaule. Au moment du contact, tout autour des deux se mit à s'illuminer. Et tout deux ouvrirent simultanément leurs yeux, alors qu'Impa et Midona les regardaient d'un air inquiet. Mais leur soulagement fut immense en constatant que Link et Epon étaient enfin réveillés.

« Comment vous vous sentez ? demanda Impa.

– Tu nous as vraiment fait peur, Link ! » le réprimanda gentiment Midona. Celui-ci se redressa pour se retrouver assis, imité par Epon qui semblait complètement sonnée par l'épreuve qu'elle venait d'endurer.

« Hé... » lui parla doucement Link. Mais il remarqua, tout comme la sheikah et la twili, que l'élue de Nayru tremblotait légèrement. Elle semblait tellement sous le choc qu'elle ne parvenait pas à prononcer le moindre mot. C'est alors que la porte de la chambre s'ouvrit, laissant apparaître Moï.

« Pardon de vous déranger, parla le nouveau venu, mais Dame Zelda vient d'arriver dans ce monde. »

Cette annonce étonna tout le monde, en particulier Link et Midona. Zelda ? Au royaume du Crépuscule ? Voilà quelque chose qui n'était pas prévu.