Les mémoires des masques

Chapitre 1 : Le fils du Majordome Mojo

2239 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 13/02/2021 12:04

On me surnommait le fils du Majordome Mojo.

J'étais une Peste Mojo du Marais du Sud de Termina.

Et on ne peut pas dire que je sois des plus populaire au sein de mon royaume.


Le simple fait d'être le fils du majordome du Roi Mojo m'avait valu pas mal de moqueries de la part de mes camarades. Mais en plus de ça, j'était réputé pour être un véritable trouillard, le genre à m'effrayer pour un rien, et surtout un vrai faiblard. Et quand on sait que les Pestes Mojo sont loin d'être des costauds de base, c'est dire à quel point j'étais considéré comme un canard boiteux.


Cela dit, je n'avais pas que des ennemis.

J'avais bien sûr mon père, le Majordome du Roi, qui a toujours été attentionné avec moi et avec qui on s'amusait à faire la course dans le Sanctuaire Mojo... du moins quand il avait du temps à me consacrer. Car en tant que majordome, il devait également servir le Roi Mojo et ainsi gérer ses sautes colères et ses caprices qui étaient particulièrement fréquentes, d'aussi loin que je m'en souvienne.

C'était comme s'il devait s'occuper d'un bébé géant particulièrement difficile et ça obligeait mon père à lui consacrer plus de temps qu'à moi.

C'est assez dur, mais j'ai fini par m'y habituer.


Il y avait aussi la fille de Roi, la Princesse Mojo, qui de tout les enfants Mojo de mon âge était celle avec laquelle je m'entendais le mieux.

Et probablement la seule avec laquelle je m'entendais bien. Elle et ses amis singes avec lesquels elle aimait jouer quand elle sortait du palais.

Très souvent, sans que nos pères ne sussent quoi que ce soit, on faisait le mur et on partait explorer le marais avec nos amis singes, récoltant des champignons (un de mes passe-temps préférés) ou bien d'autres trésors.

Sûr, elle n'était pas non plus facile de caractère, il lui arrivait fréquemment de me faire la morale, me répétant que je dois prendre confiance en moi et ne pas laisser les autres me marcher dessus, mais malgré ça, on a toujours été en bon terme. Et je me doute qu'elle fait ça simplement pour m'aider.

De plus, elle a toujours pris ma défense quand les autres se moquaient de moi. Et elle savait faire preuve d'autorité.

Ça aide parfois, d'avoir la fille du roi en personne en tant qu'ami.

Si seulement j'avais autant d'assurance et d'autorité...


Et puis un jour, on s'est aperçu que quelque chose n'allait pas dans le marais.

L'eau était empoisonnée.

Un simple contact avec nos doigts en bois et c'était comme si vous, êtres de chair, touchiez de l'acide.

Traverser ces eaux devenaient une épreuve. Plus personne n'osait sortir du palais.


Le soir venu, je surpris la princesse sortir du palais en douce. En compagnie d'un de ses amis singes. Sans moi.

Je partit la rattraper, malgré les eaux empoissonnés, sautant de nénuphar en nénuphar jusqu'au Bois-Cascade, une tourbière située au cœur du marais et dans lequel serait situé notre temple sacré.

Quand je parvins à la rattraper, elle m'expliqua qu'elle était parti au temple enquêter sur l'origine de cet empoisonnement.

Mais quand je lui demandai pourquoi elle était parti sans moi, elle ne voulait pas me répondre. À part pour dire que ce serait trop dangereux.

Et je reconnais l'avoir un peu pris de travers, pensant qu'elle insinuait que je ne serais ni assez fort ni assez courageux pour la suivre jusqu'au temple. Elle avait peut-être raison sur ce point mais après tout ce temps passé ensemble, ce fut trop dur à encaisser. De me faire à l'idée qu'elle ne voyait en moi qu'un faiblard et un trouillard — comme les autres en fait — et que pour cette raison elle ne me faisait pas assez confiance pour l'accompagner dans son enquête. Et ce alors qu'elle ne se gênait pas de faire le mur et d'embarquer un de ses amis singes pour seul escorte.

Du coup, nous nous sommes légèrement disputés, moi lui reprochant de ne pas me faire confiance et de me traiter comme un fardeau, elle reniant ce que je reproche sans pour autant se justifier davantage et insistant pour que je rentre au palais sans que je la dénonce.

Au final, on s'est quitté en très mauvais terme, et je partis bouder dans le marais bouder, malade à l'idée de m'être fâché avec la seule amie que j'avais jamais eu.


Et ce fut là que je surpris une discussion entre un étrange lutin masqué et deux fées que je n'avais encore jamais vu errer dans ses marais.

Je ne comprenais rien de ce qu'ils racontaient entre eux mais quelque chose m'indiquait qu'ils avaient quelque chose à voir avec l'empoisonnement du marais.

Avant de disparaître, j'eu un bref un aperçu du masque que portait le lutin, et jamais de ma vie je n'avais vu quelque chose d'aussi effrayant. Non seulement le masque était orné de piques, mais ses yeux ronds et oranges au regard fixe... Brrr !


J'hésitai à en informer mon père ou le roi ou bien la princesse. Et puis je me suis dit : et puis zut !

Ce lutin me faisait peut-être peur avec son masque mais mon père m'avait expliqué un beau jour expliqué qu'être courageux ne voulait pas tant dire être sans peur mais de savoir dominer sa peur et la vaincre.

Alors, peut-être que si je rattrapai ce lutin au masque si effrayant et que je le ramenai au palais par mes propres moyens, tout le monde cesserait de me traiter comme un moins que rien.


Je partis donc sur la piste de cet étrange lutin, m'aventurai au-delà des marais, dans les plaines de Termina, jusqu'à cette ville nommé Bourg-Clocher, habitée par ces êtres de chair qu'on appelait Hyliens.

J'en avais déjà vu se promener dans le marais mais jamais en aussi grand nombre.

Heureusement, il ne semblaient pas gênés de ma présence, juste intrigué, et me laissèrent même entrer dans leur ville, à condition que je n'y fisse pas de grabuge ou de quelconque désordre.

Par contre, je dus me confronter à un de ces bestioles à fourrure qui errait dans la ville, grognait à mon approche et poursuivait.


J'échappai donc à cette vilaine bestiole en me réfugiant dans la tour de l'horloge, où je trouvai un sombre tunnel qui menait je-ne-savais-où.

Et ce fut en empruntant ce tunnel que je tombais nez-à-nez avec... lui.

Ce lutin que j'avais surpris dans le marais et que je pourchassai, toujours avec son horrible masque qui me fixait de ses gros yeux jaunes-oranges brillant dans le noir.

"Dis-donc, toi, tu ne m'aurais pas suivi depuis le marais ?" me demanda-t-il d'un air sévère.

Cette voix. Aigüe. Crispante. Qui résonnait sous son masque. Ce ton malicieux. J'en avais les feuilles qui se hérissaient et se jaunissaient rien qu'en l'entendant.

J'étais pétrifié de terreur. Je n'osais lui répondre. Je ne pouvais ni crier ni appeler à l'aide.

"Tu sais que ce n'est pas très poli de filler les gens comme ça ?" disait-il en me réprimandant. "De se mêler de ce qui ne te regardes pas ? Attends un peu, je vais te faire passer l'envie d'espionner ! "

Et il s'est mis à secouer son horrible masque avec sa tête tout en continuant de me fixer avec ses gros yeux jaunes.

Je fus comme hypnotisé.


Je me retrouvai plongé dans un cauchemar qui n'en finissait pas.

Mes camarades Mojo m'encerclaient, me harcelaient et se moquaient inlassablement. Nul trace de mon père ou de la princesse pour prendre ma défense. J'étais livré à moi-même.

Je ne pouvais rien faire. Leur résister, m'enfuir, me cacher ou même me réveiller de cet affreux cauchemar, rien à faire. Non seulement ils persistaient mais ils se firent de plus en plus nombreux, de plus en plus gros, de plus en plus menaçants et méchants.


Lorsque le cauchemar se termina enfin, je me retrouvai dans une grotte, et fut surpris quand j'aperçut mon reflet dans une flaque d'eau à mes pieds. Depuis quand je portais un bonnet et une tunique verte ?

Et puis je réalisai un truc affreux. Voire deux trucs. Ce n'était pas mon corps. Ou bien ça l'était mais je n'en avais plus le contrôle. C'était quelqu'un d'autre qui le contrôlait. Moi, je ne pouvais qu'assister passivement à ce qui se passait autour de moi et voir mon hôte agir à ma place.

Il me fallut un moment avant de réaliser que j'étais de nouveau en présence du lutin masqué, de nouveau en compagnie de ses deux fées-acolytes, qui une fois de plus disparut en ricanant, laissant derrière lui une des deux fées qui dût se résigner à "nous" servir de guide.

Nous nous frayâmes un chemin à travers les galeries pour sortir de cette grotte et au moment d'atteindre la sortie, notre attention se reporta sur un arbrisseau fané sur lequel on pouvait percevoir un visage triste et sur le point de pleurer.


Ce fut dès cet instant que je compris l'effroyable vérité.

Ces galeries menaient vers la tour de l'horloge où je m'étais réfugié. C'était le même endroit où j'étais tombé nez-à-nez avec le lutin masqué.

L'arbrisseau... c'était moi.

J'étais mort.

Je ne savais comment, mais j'étais mort. Réduit à une âme coincé dans un recoin sombre de ma propre conscience, dans un corps qui n'était pas le mien, avec lequel je pouvais à peine interagir.

Mon cauchemar ne faisait que commencer.

J'étais sous le choc.

J'étais en colère et bouleversé.

Je ne pouvais l'accepter.

Et pourtant, ça s'était bel et bien passé. Et je ne pouvais rien n'y faire à présent.

Tout ce que je pouvais faire c'était d'attendre qu'on me libérât de ce fardeau et de penser à ceux que j'avais laisser derrière moi. À mon père qui à l'heure qu'il est doit se préoccuper de mon absence et risque d'être anéanti en apprenant ce qui m'est arrivé. Pauvre papa ! Jamais je ne voulais infliger autant de peine. S'il savait à quel point j'étais désolé. Si je n'avais pas eu cette stupide idée de jouer les héros...

Et puis il y avait la princesse, qui fut ma seule amie et avec laquelle je venais de me disputer. Au vu de ma situation, je crains fort que ce ne soit définitif. Et le pire était que, maintenant que j'étais prisonnier avec moi-même, je comprenais enfin la raison pour laquelle elle ne voulait pas que je l'accompagne au Bois-Cascade. En tout cas, je pensais comprendre... Pourvu qu'il ne lui arrivait rien de grave au temple !


Quant à mon hôte, bizarrement, il n'avait aucune conscience que j'existait. Pas même durant les trois jours qui avaient suivis, durant lesquels il explorait la ville de Bourg-Clocher, à la recherche du lutin afin de récupérer quelque chose qui lui appartenait.

Je n'avais pu m'empêcher de sonder ses mémoires afin de mieux le connaître et de comprendre comment il s'était retrouvé dans une telle situation. Je ne pouvais rien faire d'autre de toutes façons et lui même ne s'en était jamais rendu compte.

Il s'agissait en réalité d'un jeune garçon Hylien, venant d'une contrée lointaine, à la recherche d'une amie — une autre fée semblable à celle qui nous guidait — qu'il aurait perdu de vue depuis qu'il avait sauvé tout un royaume d'une entité maléfique et qui fut victime d'un mauvais tour du lutin masqué. Ce qui l'avait amené à être transformé en Peste Mojo.

En consultant ses mémoires, je fus surpris de constater à quel point nous étions proche, ce garçon et moi. Lui aussi avait grandi dans un milieu forestier et reculé. Lui aussi avait subi des brimades durant son enfance pour être différent des autres. Lui aussi avait dû quitter les siens après qu'un mal étrange eût frappé sa forêt. Et lui aussi avait noué des liens très fort avec une certaine princesse dont le nom continuait de m'échapper. Était-ce Hilda ? Ou Helga ? Il me semblait que ça sonnait pareil.

Mais s'il y avait une chose qui nous différenciait, c'était que ce garçon s'était révélé beaucoup plus courageux et fortiche que je ne le serais jamais. Et je l'enviais pour ça.


J'espère qu'il aura plus de chance que moi contre le lutin.

Ça, par contre, je crains n'avoir aucune chance de le savoir.

Aussitôt qu'il ait récupéré un instrument que le lutin lui avait chipé lors de son arrivé à Termina, il entonna une mélodie qui nous ramena trois jours en arrière. Le jour de son arrivé à Termina.

Puis un mystérieux vendeur de masques lui enseigna une autre mélodie qui non seulement lui rendit son apparence normal mais me libéra de mes tourments, apportant la paix à mon âme.

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