Les mémoires des masques
On m'appelait Darmani III.
Je vivais dans les Pics des Neige au nord de Termina.
Et j'étais le Héros des Gorons.
J'étais en effet le plus grand guerrier que ma tribu eût connut. Avec moi, les dodongos n'avaient qu'avaient bien se tenir.
Ce fut d'ailleurs en empêchant à moi seul une attaque de dodongos sur notre village qu'on m'avait attribué le titre de Héros des Gorons.
À l'époque, je n'étais encore qu'un jeune Goron ordinaire qui cherchait encore sa place au sein de sa tribu et avait la fâcheuse tendance de n'en faire qu'à sa tête. Et puis ce jour avait considérablement ma vie.
J'avais le respect et l'admiration de toute ma tribu. Même notre doyen et patriarche, celui qui se faisait appeler l'Ancêtre, m'avait un jour confié qu'il voyait en moi un successeur potentiel. Vous vous rendez compte ? Moi, futur patriarche des Gorons ? Ce serait un honneur !
Mais mon plus grand fan restait de loin le fils de l'Ancêtre. Ce n'était encore qu'un bébé, il portait encore des couches et venait de faire sa première dent — et je ne vous raconte pas le tapage qu'il nous avait fait quand c'était arrivé, on en avait tous mal aux oreilles !
Mais bon, la fascination qu'il démontrait à mon égard ne cessait de me toucher, me rappelant qu'à son âge, je n'étais pas différent.
Je n'étais jamais parvenu à lui faire dire correctement mon nom et il persistait à m'appeler "Darmi".
Cela étant dit, je n'étais pas seulement reconnu pour mes prouesses héroïques. J'ai été aussi un champion incontesté à la course de Goron qu'on organisait à chaque retour de printemps.
C'était notre sport nationale et de loin mon passe-temps préféré.
Mais cette année, l'hiver fut rude. Genre anormalement rude et long.
Même pour nous qui vivions dans ces montagnes et étions habitués aux hivers.
Pas un signe de dégel et le petit s'impatientait d'assister à la nouvelle saison de courses. Ce qui ne pourra se faire avant le dégel.
Pour ne rien arranger, on m'informa qu'un des nôtres, Biggoron, avait tenté de se rendre au Temple du Pic des Neiges pour comprendre pourquoi le printemps se faisait aussi tardif et il n'en était jamais revenu. Il avait dû lui arriver quelque chose.
Cela me préoccupai de plus en plus.
Alors, je parti à mon tour pour le Temple du Pic des Neiges, dans l'espoir de trouver une explication à cet hiver aussi long et rude.
J'étais le Héros des Gorons, après tout ! Si quelque chose posait problème à ma tribu, c'était de mon devoir d'y remédier.
D'autant que l'Ancêtre était trop vieux pour s'en charger lui-même, le pauvre ne pouvait plus quitter le village sans être gelé.
La route fut aisé. Du moins... Rien que je ne puisse surmonter. Juste des crevasses à traverser, des boules de neiges à repousser et des tektikes à écraser.
Encore une fois, j'étais le Héros des Gorons, je m'étais frotté à plus coriaces et dangereux que des araignées bondissantes. Qu'il s'agissait des dodongos, des dinolfos ou des lobos blancs.
Mais c'est en arrivant en vu du temple que je fus surpris par un blizzard que je dus braver pour avancer jusqu'au temple.
Je n'ai jamais de blizzard aussi puissant. J'en avais pratiquement les os gelés.
Je fus tellement concentré à me doubler d'effort pour avancer dans ce blizzard tout en me protégeant de son souffle glacial que je ne fis plus attention à où je mettais les pieds. Mais plus j'avançai, plus le blizzard doublait d'intensité. C'était comme si "on" ne voulait pas que j'atteigne le temple.
Et comme si ça ne suffisait pas, je m'aventurai sur un passage étroit et glissant qui traversait un précipice.
Je fis un mauvais un pas et ce fut le drame. Le blizzard eut raison de moi.
Mon corps fut projeté d'une force comparable à celle de 100 Gorons contre les parois de la vallée avant de tomber dans le précipice. Dans ma chute, je sentit un rocher coupant me lacérer l'estomac avant de me briser en contrebas.
C'en était fini de moi. C'en était de Darmani, le Héros des Gorons.
Je m'en étais rendu compte dès lors que je quittai mon corps brisé et froid comme la pierre.
Sitôt devenu un spectre, je réalisai à mon grand étonnement l'origine de ce blizzard qui avait signé mon arrêt de mort.
C'était Biggoron.
Je ne comprenais ni comment ni pourquoi mais voilà qu'il gardait le temple en soufflant sur les intrus et qu'il était devenu invisible.
Cela me surprenait. Biggoron était un de mes potes. Il n'avait peut-être pas inventé l'eau chaude mais ça restait un brave type. Malgré sa grande taille — on ne l'appelait pas "Big-Goron" pour rien — il serait incapable de faire du mal à une mouche.
Une chose était sûr, il n'était pas dans son état normal. Je le voyais à ces yeux. Quelqu'un ou quelque chose l'avait ensorcelé.
Mais cela ne changeait rien. Le temple restait inaccessible à cause d'un Goron gigantesque rendu invisible par je ne sais quel magie et soufflant du blizzard.
Et moi, j'avais échoué. Et par la même occasion, j'avais déçu ma tribu qui avait porté tous leurs espoirs en moi ce jour-là.
La nouvelle de mon trépas parvint jusqu'aux oreilles de l'Ancien qui ordonna à ce qu'on érigeât une tombe en mon honneur dans le cimetière Goron mais qu'on dise rien au sujet de ma mort à son fils. Officiellement, j'étais retenu au Temple du Pic de Neige. Apprendre que je n'étais plus de ce monde et que je ne pourrais pas participer à la prochaine course aurait rendu le petit inconsolable.
Cela ne me consolait pas pour autant. Mon peuple était condamné à un hiver rude qui ne voulait pas se finir.
Ces braves Gorons qui de mon vivant étaient mes amis, mes frères étaient en proie au désespoir.
Ceux que j'avais juré de protéger et de servir. Que je venais de décevoir et d'abandonner à leur sort.
Et moi je fus condamné à hanter mon village sans que personne ne se doutât de ma présence, rongé par mes regrets et mon chagrin.
Pour m'être laissé aveugler par mon arrogance.
Seul un mystérieux hibou semblait me voir. Et m'entendre. Il pouvait même me parler.
Il me prédit que mes tourments allaient prendre par l'arrivé d'un jeune Hylien tout vêtu de vert et qui irait délivrer mon peuple de cet hiver infernal.
Je fus tellement sceptique devant cette prédiction que le hibou m'affirma que ce n'était pas la première fois que cet étranger venait en aide au peuple Goron.
N'ayant d'autres choix, j'attendis patiemment l'arrivé de ce jeune Hylien tout vêtu de vert. Et quand je le vis arrivé, je fus encore plus surpris à l'idée que ce serait petit bonhomme qui allait sauver mon peuple. Il était à peine plus grand que le fils de l'Ancêtre. Et je l'imaginais assez mal tenir une seconde face au blizzard causé par Biggoron.
Mais une fois de plus, je n'avais pas d'autres solutions. Et puis, pour être parvenu jusqu'à mon village par ses propres moyens en ces temps difficile, il devait être plus fortiche qu'il en avait l'air.
Une fois qu'il prit contact avec moi, je me décidai de risquer le tout pour le tout et le guidai jusqu'à ma tombe.
Là bas, je lui parlai de ma situation et lui supplia de mettre un terme à ma malédiction ainsi que de réussir là où j'avais échoué.
Puis il sortit un ocarina de sa poche et entonna une mélodie qui apaisa mon âme et me fit revivre l'époque où j'étais acclamé en héros par mes semblables.