Dans les pas d'un héros

Chapitre 3 : Vous finirez par vous y faire...

5853 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 05:30

Voici un OS plus travaillé que le précédent, qui devait lui aussi résulter d'un défi sur le thème "Palais". Cela dit, ma plume a pas mal dévié et j'ai fini par oublier l'objectif de base, même si le thème reste présent. ^^ Ce texte est un peu plus long que les OS que j'ai l'habitude d'écrire mais j'ai voulu prendre le temps de poser une ambiance, de jouer sur l'émotion et de nourrir les échanges. En espérant que ça vous plaise.

Bonne lecture.

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Vous finirez par vous y faire

 

Personnages : Link, Zelda, Jehd

Genre : aventure

 

Lorsqu’il arriva sur la grande place ronde aux portes du château d’Hyrule, Link libéra un soupir oppressé. Il n’avait pas remis les pieds à la Citadelle depuis la défaite de Ganondorf un mois plus tôt, et avait espéré voir le soleil éclairer son retour. Cependant, le début de l’été se montrait timide et la pluie battait les toits du royaume. La grande place, quoique plus animée qu’à l’époque où il l’avait connue, demeurait grise et froide sous les nuages pluvieux et la découpe immense et tranchante du château se faisait presque menaçante. L’espace d’un instant, il eut l’impression que rien n’avait changé.   

« Regarde, c’est lui. » ; « Lui ? Le héros ? » ; « C’est un gamin… »

Link détacha son regard des murs sombres du château et s’aperçut que tous les yeux de la place étaient braqués sur lui. Ce n’était guère étonnant puisque l’occasion l’avait contraint à revêtir sa tunique et son long bonnet verts qui le rendaient reconnaissable entre tous. Si reconnaissable malgré sa silhouette menue et son minois de « gamin » - comme il avait entendu claquer à ses oreilles pointues, qui pouvaient parfois laisser les foules un peu sceptiques quant à ses exploits. Pourtant, gamin, il ne l’était plus tant que ça. Certes, il n’avait pas de quoi fanfaronner du haut de ses dix-neuf ans, mais son regard bleu et fixe sous ses mèches blondes attestait déjà d’une certaine expérience. Impression exacerbée par une cicatrice qui fendait son œil droit, témoin de son dernier combat contre Ganondorf.   

Le jeune hylien se raidit en sentant le poids des regards curieux peser sur lui. Il n’avait jamais vraiment apprécié les foules, encore moins lorsqu’il devenait lui-même l’objet de toute leur attention. Link pressa le pas en direction du château, préférant traverser la place sous la pluie plutôt que de longer les porches où les gens s’agglutinaient en masse. Alors qu’il sentait toujours les regards lointains le pourchasser, il grimpa à la hâte les larges escaliers blancs avant d’arriver sous une arche en pierre où deux gardes armés de lances surveillaient le passage.

 

« Halte là ! Veuillez décliner votre identité et le but de votre visite » intima machinalement l’un des gardes en voyant l’hylien s’approcher. Si les visites au château n’étaient pas interdites, elles étaient cependant scrupuleusement contrôlées, plus encore lorsqu’il s’agissait d’un homme qui portait l’épée.

« Je me nomme Link. Je suis convié au château sur ordre de la Princesse Zelda », répondit le jeune homme en sortant de sa sacoche en cuir une lettre frappée du sceau royal. Les gardes ne prirent pas la peine de la déplier avant de libérer le passage, reconnaissant sans mal l’emblème de la famille royale et l’accoutrement vert de l’hylien. Ce dernier s’avança dans une grande allée de graviers blancs qui menait à l’entrée du château.

Les lourdes portes cochères s’ouvrirent dans un grincement sinistre, dévoilant les jardins assombris par l’ombre du ciel chargé et l’éminence du château qui se dressait comme une créature malfaisante. L’architecture particulière du palais royal avait déjà frappé le jeune homme la première fois qu’il était venu, avec son bâtiment principal plus haut qu’une cathédrale et encadré de larges tours de guet, reliées au corps par de grands bras de pierre. Il avait toute l’allure d’une araignée gigantesque hérissée de piques d’ardoise. Link avait gardé ce souvenir austère jusqu’à aujourd’hui, en se répétant toutefois qu’il avait été probablement exacerbé par le contexte lourd et angoissant de sa quête. Mais à présent qu’il s’y rendait en ce jour de paix, le château d’Hyrule ne lui semblait guère plus accueillant. La présence hostile des monstres qui grouillaient encore dans les moindres recoins de la cour quelques semaines plus tôt avait tout de même cédé la place aux rondes disciplinées de la garde royale. Pourtant, malgré ce constat rassurant, Link se sentait le cœur serré. Il prit une grande inspiration et marcha dans l’allée centrale d’un pas déterminé jusqu’aux portes gardées du château, bien décidé à pénétrer dans le ventre plein de cette bâtisse orgueilleuse.

 

Lorsqu’il franchit le seuil, l’hylien secoua légèrement ses bras détrempés par la pluie et tapa ses bottes sur le sol, provoquant un bruit sourd qui rebondit sur les hauts murs et réveilla l’attention des gens alentour. Link se figea soudain, de nouveau incommodé par toute cette curiosité. Il avait oublié que les murs voûtés capturaient si bien les sons et rendaient impossible la moindre discrétion. Il ne se sentait guère à l’aise dans ces lieux où chaque frémissement trahissait sa présence, où l’on n’avait pas le droit de faire du bruit avec sa vie sans attirer les regards méfiants et scrutateurs. Tâchant d’ignorer les chuchotements qui naissaient de tous les côtés, Link observa distraitement les lieux. Il reconnut le grand hall principal pavé de dalles marbrées et ses balcons intérieurs au-dessus desquels étaient suspendus des lustres de cristal garnis de bougies. Le jeune homme osa presque un sourire en imaginant la réaction offusquée de tous ces gens bien habillés s’ils avaient pu le voir sauter de lustre en lustre comme il avait dû le faire ici même, quelques temps plus tôt.

C’est alors que deux hommes en armure s’avancèrent vivement vers lui. Ces deux-là étaient pourvus de heaumes bien plus garnis que les autres gardes. Avec des plumes et de jolis ornements. Des gradés, sans doute.

« Pouvons-nous vous aider ? demanda l’un des hommes sur un ton sévère qui tranchait avec sa requête.

- Certainement. J’ai reçu cette lettre signée de sa Majesté, me priant de me rendre au château » répondit Link avec calme tout en plantant son regard froid dans les yeux inquisiteurs du garde qui avait parlé. Ce dernier s’empara du document qu’il lut avec attention.

« Veuillez attendre ici » ajouta-t-il simplement avant de tourner les talons avec son collègue et de disparaitre dans un grand couloir, avec la lettre.

Link soupira doucement. Attendre ici, bien entendu. Au milieu de tous ces regards qui semblaient vouloir lui transpercer l’âme. Attendre et pour combien de temps ? Le jeune homme fut pris d’une soudaine impatience qui lui chatouilla les membres. Il se sentait fébrile et sa tunique humide commençait à lui geler les os. Il avait bien envie de faire demi-tour pour repartir au plus vite dans son village paisible.

« Link ! »

L’intéressé tressaillit en entendant son nom éclater dans tout le hall et se retourna vers l’un des balcons, où il vit un grand homme à lunettes serrant un vieux livre dans une main et lui faisant signe de l’autre.

« Jehd…  souffla doucement l’hylien en affichant un sourire soulagé.

- Quelle surprise de te voir ici ! Ne bouge pas, je descends. »

Le bibliothécaire disparut de son balcon pour reparaitre par une porte du rez-de-chaussée après quelques secondes qui parurent à Link une éternité. La mine réjouie de l’érudit apaisa égèrement l’irritation du jeune homme.

« Mon ami, je suis heureux de te revoir en si bonne forme ! clama Jehd avec bonne humeur avant d’offrir au héros une accolade bienvenue. Mais tu m’as l’air perdu dans toute cette immensité.

- Un peu, avoua Link avec un léger sourire.

- Qu’est-ce qui t’amène au château ?

- Je dois y rencontrer la Princesse, répondit l’hylien en se demandant brièvement combien de fois il devrait encore répéter cette phrase.

- La Princesse ? Oh, quel beau programme ! »

 

C’est alors que les deux gardes avec leurs beaux heaumes revinrent à la rencontre de Link en faisant claquer leurs bottes sur le marbre.

« Nous allons vous conduire jusqu’à la salle du trône. Sa Majesté vous y attend » annonça l’un des gardes en rendant la lettre au jeune homme.

A ces mots, Link sentit comme une main froide lui saisir les entrailles mais il garda contenance et acquiesça calmement.

« Mais avant de nous suivre, nous allons vous demander de bien vouloir nous remettre votre épée. Elle vous sera restituée au terme de votre entrevue avec la Princesse. »

L’hylien fronça les sourcils et adressa un regard interrogateur en direction de Jehd. Comme ce dernier l’encouragea d’un hochement de tête, Link se défit docilement de son arme et la tendit aux deux hommes. L’épée de Légende ayant été replacée sur son socle afin d’y sceller le Mal, il avait revêtu pour l’occasion l’épée de Toal que lui avait confié Moï, son maître d’arme.  

« Je vais vous accompagner, si vous le voulez bien » proposa Jehd qui avait bien remarqué la gêne du héros. Ce dernier salua intérieurement l’initiative de son ami et suivit les deux gardes qui s’engouffrèrent dans un large couloir face à l’entrée. Un air frais enveloppa le petit escadron tandis qu’il pénétrait dans cette grande artère éclairée de torches, arrachant un frisson à Link dont les vêtements étaient encore humides. Mais alors que chaque nouveau pas qu’il faisait semblait donner de la poigne à l’étau qui lui serrait le ventre, un détail turlupinait encore l’esprit du héros.

« Dans la lettre, il m’a été demandé de venir avec mon épée…  murmura Link à l’attention de Jehd qui marchait à ses côtés.

 - Oui, l’usage réclame que les gens d’armes, guerriers, chevaliers ou autres, se rendent au château munis de leurs effets.

- Mais maintenant, on me demande de l’enlever… ajouta l’hylien avec une incompréhension sincère dans la voix.

- Oui… Pas d’arme lors de la première entrevue officielle. C’est le protocole » précisa le bibliothécaire sur un ton de franche compassion face au désarroi du jeune homme.

 

Les quatre hommes progressèrent dans le long corridor de pierre qui donnait accès à plusieurs grandes salles aux plafonds voûtés, illuminées par de hautes fenêtres qui amplifiaient le son de la pluie. Le bruit cristallin des gouttes sur les vitres rappelait à Link l’éclat d’une voix familière qu’il n’avait plus entendue depuis sa victoire sur Ganondorf. Celle de Midona, Princesse du Crépuscule, qui avait accompagné chacun de ces pas comme une ombre dans sa quête périlleuse et étouffé ses doutes de sa voix goguenarde. Sa présence lui manquait terriblement. Et sa voix si particulière qui babillait pour deux, aussi rassurante qu’irritante. Il lui semblait l’entendre encore au quotidien, dans le bruit du vent, l’éclat du verre et même celui du fer. Et dans le son de la pluie. Parfois, Link avait le réflexe de fouiller des yeux les coins sombres, comme s’il s’attendait à y trouver la silhouette de Midona terrée dans une ombre, lointaine mais bien présente. Cela lui arrivait souvent dans les moments où il se sentait seul, comme à cet instant.

Les gardes escortèrent Link et Jehd jusqu’à un grand escalier de marbre qui les conduisirent à deux immenses portes en bois couvertes des cicatrices d’un rude combat. Link savait qu’ils étaient arrivés à l’entrée de la salle du trône. Les deux gardes ouvrirent les portes qui craquèrent sèchement et firent signe aux deux hôtes d’avancer. Link reconnaissait bien les lieux qui avaient été témoins de son premier affrontement avec Ganondorf. Une grande salle au plafond si haut qu’il en faisait oublier le clos, à présent réinvestie par la garde et les gens de la cour. Une longue et fine tapisserie rouge courrait sur le carrelage depuis les portes jusqu’au trône encastré dans le socle d’une immense statue de pierre qui représentait les trois divinités de la Triforce. Une salle majestueuse qui avait beaucoup souffert des violents combats qui s’y étaient déroulés. En effet, l’hylien constatait les fissures profondes dans les murs et la tête d’une statue tombée à côté du trône. Des échafaudages en bois armé de métal avaient été montés un peu partout dans la pièce pour retenir et restaurer des parcelles entières de mur qui menaçaient de s’effondrer. Le trône était bien entendu vide et la grisaille du ciel diffusait une atmosphère lugubre au travers des fenêtres, tandis que le son étouffé de la pluie emplissait tout l’espace. Cette ambiance sombre mêlée à l’inconfort de se retrouver dans ces lieux chargés de souvenirs violents n’aidaient pas Link à apaiser la nervosité qui battait dans sa chair et lui crevait la poitrine.

Alors qu’il luttait contre une agitation intérieure, le jeune homme sentit Jehd se pencher sur son épaule.

« Lorsque la Princesse apparaîtra, tu seras escorté par ces deux charmants messieurs jusqu’au centre de la pièce. Quand ils s’arrêteront, tu feras trois pas en direction de la Princesse, puis tu t’agenouilleras. Tu attendras qu’elle s’avance vers toi et qu’elle te tende la main pour la lui saisir. Ensuite, tu prononceras simplement « Votre Majesté » et tu te relèveras. Tu as compris ? 

- Oui, je crois, répondit Link d’une voix blanche qui trahissait son angoisse. Et après, que dois-je faire ? »

Le bibliothécaire n’eut pas le temps de répondre à cette question que la voix puissante du héraut retentit dans la salle :

« La Princesse Zelda. »

 

Les bavardages épars cessèrent immédiatement. Un silence à peine troublé par le bruit lointain de la pluie s’installa soudainement, durant lequel Link put entendre les battements de son cœur. C’est alors que la Princesse apparut, sortant de derrière le socle de la statue. Elle contourna le grand piédestal d’une démarche princière et s’immobilisa devant le trône, ses bras gantés de blanc joints devant elle. Link admira une nouvelle fois la jeune hylienne aux traits délicats sous sa longue chevelure brune, dont le front pâle était ceint d’une couronne d’or. Elle était vêtue d’une grande robe blanche drapée de voiles bleus qui lui couvraient les épaules et retombaient en cascade sur le jupon.

Les deux gardes encadrèrent le héros et lui firent signe d’avancer vers le trône en suivant le chemin de tissu rouge. Alors qu’il marchait d’un pas déséquilibré, Link sentit une goutte glacée couler sur sa nuque, ne sachant dire si celle-ci provenait d’un restant de pluie ou d’une réelle sueur froide. Comme Jehd le lui avait dit, les gardes s’arrêtèrent à mi-chemin et il compta trois pas de plus avant de s’agenouiller fébrilement, les yeux rivés au sol. C’est alors qu’il entendit avec stupéfaction les deux gardes ainsi que tout le restant de la salle l’imiter comme un seul homme. Toute l’assemblée se retrouva genoux à terre face à Zelda. Le jeune homme, dont les yeux ne quittaient pas la tapisserie, entendit alors le froissement de la robe de la Princesse qui s’approchait de lui à pas feutrés et lui tendit son bras. Il saisit lentement la main gantée d’une étreinte bien plus tremblante qu’il ne l’aurait voulu.

« Votre Majesté » bredouilla Link d’une voix rauque, incapable sur l’instant de la regarder.

Zelda pressa doucement les doigts glacés du héros et se pencha sur lui.

« Détendez-vous » murmura-t-elle alors, incitant l’hylien à river pour de bon son regard clair dans les yeux bleus profonds de la Princesse.

Elle lui fit signe de se relever avant de lui lâcher la main et toute la salle se redressa en même temps, sous le regard intimidé du héros.

 « C’est avec honneur que je vous accueille en ces lieux, Link, dit le Héros du Crépuscule et élu de la déesse Farore. Vous avez combattu avec cœur et c’est par votre main que le Mal a péri. Votre histoire sera célébrée à travers les âges et c’est à jamais que les peuples de Royaume d’Hyrule vous témoigneront leur reconnaissance. Puissent ces jours de paix vous apporter le repos. »

La voix grave et profonde de Zelda avait résonné dans la salle comme une bénédiction et des applaudissements accompagnés de clameurs retentirent aussitôt, faisant monter le sang aux joues de Link qui ne savait pas comment réagir. Tandis que les acclamations fusaient de toutes parts, la Princesse adressa un sourire bienveillant à l’hylien.

« Venez avec moi » dit-elle simplement avant de tourner les talons. Link hésita un bref instant et suivit la jeune femme jusqu’à une porte dissimulée à l’arrière de la statue, laissant la foule reprendre de plus belle ses bavardages excités. Ils se retrouvèrent tous deux dans la soudaine tranquillité des couloirs.

 

« C’est tout ? demanda vivement Link sur un ton aussi spontané que maladroit.

- Vous en vouliez encore ? interrogea Zelda en affichant un grand sourire qui désarçonna un instant le jeune homme.

- Non.

- Alors à quoi bon prolonger votre supplice ? reprit-elle en emboîtant le pas. De toute façon, j’espérais m’entretenir avec vous dans un lieu plus tranquille. A ce propos, je vous dois des excuses.

- Pour quelle raison ?

- J’aurais dû vous préciser dans ma lettre tout le cérémonial ennuyeux qui accompagne les visites officielles. Cela vous aurait peut-être épargné bien des tourments. »

 

Link et Zelda parcoururent ensemble les couloirs du château vers une destination que seule la  Princesse connaissait. Comme il se détendait un peu, Link remarqua mieux les murs en pierre blanche ornés de fines sculptures, les peintures et les dorures qui parsemaient les pieds des colonnades et la couleur des vitraux. Il réalisa qu’il n’avait jamais eu l’occasion de contempler les lieux jusqu’à présent, soit qu’il fût trop pris par l’urgence ou le malaise. Ils arrivèrent devant des portes en bois sculpté que Zelda ouvrit avec une clef de fer, dévoilant une grande pièce au charme paisible, illuminée par une baie vitrée qui donnait l’accès à un balcon.

« Mes appartements » présenta la Princesse avant de refermer la porte derrière son hôte.

Link s’avança lentement dans la pièce en posant autour de lui un regard admiratif. Il pouvait y voir un large bureau de bois emplis de parchemins, une bibliothèque recouvrant presque tout le pan d’un mur, une porte donnant accès à d’autres pièces ainsi que plusieurs sièges disposés autour d’une petite table, près de la baie. Il se demanda un instant combien de fois il pouvait faire entrer le salon de sa petite maison dans cette salle.

« Je ne vous ferai pas visiter ma chambre, ce ne serait pas très seyant, précisa Zelda avec tout le naturel du monde avant de s’installer confortablement dans un des fauteuils près de la grande fenêtre. Asseyez-vous, je vous en prie.

- Si ça ne vous ennuie pas, je préfère rester débout pour le moment, répondit Link en s’approchant timidement du siège qui lui fut présenté.

- Ne soyez pas si nerveux, dit la jeune femme avec un sourire doux. Ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons.

- Le contexte était différent.

- C’est vrai… L’émotion également » songea la Princesse en se remémorant la terreur et la rage du combat contre Ganondorf et le déchirement du départ brutal de Midona. Un contexte qui, pendant une courte période, avait aboli les barrières sociales qui la séparaient du jeune homme.

« J’espère que vos blessures ont guéri et que vous avez retrouvé le repos, reprit-elle en regardant la cicatrice encore vive qui traversait l’œil du héros.

- Pas vraiment, je ne vous le cache pas, répondit Link en plongeant un regard intense dans les yeux de Zelda.

- Je comprends.

Leurs regards échangèrent bien plus que des mots à l’évocation des épreuves douloureuses qu’ils avaient traversées tout deux et que la pudeur les incitait à taire pour le moment.  

« Cela dit, je pense que beaucoup de gens peinent encore à retrouver le sommeil après ce long cauchemar, ajouta Zelda. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je vous ai fait venir ici. 

- C’est-à-dire ? demanda Link en fronçant les sourcils.

- Dans deux semaines, je serai couronnée Reine, annonça la jeune femme en se redressant sur son siège. L’occasion pour moi de rebâtir un Royaume de paix sur des bases nouvelles. De reconstruire ses fondations et refondre ses lois. Et j’aimerais que vous m’y aidiez. Je voudrais que vous y apportiez votre vision et votre ardeur. »

Link resta un instant sans voix. Il n’était pas étonné que son nouveau statut pût l’amener à fréquenter plus assidument la Citadelle mais il ne s’attendait guère à ce que la Princesse lui confiât un poste permanent au château, qui plus est à ses côtés, lui qui n’avait aucune culture des usages de la cour et encore moins de la politique.

« Votre Majesté, je…

- Vous ne serez pas seul, bien entendu, poursuivit Zelda sans tenir compte des protestations de l’hylien. Vous aurez notamment l’appui d’un Conseil exceptionnel qui se composera de visages qui vous sont familiers, comme Jehd qui me semble être déjà un bon allié, ou encore Ashei… Et pourquoi pas votre maître d’arme, qui fut lui-même un membre actif de la Résistance, si je ne me trompe pas. »

Link posa sur la souveraine un regard des plus sidérés, tâchant de mesurer toute l’ampleur d’une proposition qui l’impressionnait autant qu’elle faisait naitre en lui une flamme nouvelle. Il eut même à cet instant la vague impression que la pluie battait moins fort sur les fenêtres de la Princesse.

 « Le peuple a besoin d’espoir, Link. Et personne d’autre que vous ne peut mieux représenter le symbole d’un avenir meilleur. Qu’en pensez-vous ? »

Les yeux bleus du héros brillèrent plus fort, emplis de volonté et d’une certaine curiosité.

« Entendu, j’accepte » répondit-il avec une fermeté qu’il désespérait de retrouver depuis le début de cette journée fatigante.

Un sourire rayonnant éclaira le visage délicat de Zelda.

« Je suis heureuse d’entendre cela. Croyez-moi, vous ne le regretterez pas, assura-t-elle en se coulant de nouveau dans son siège avec décontraction. J’espère que vous me ferez l’honneur de votre présence pour le couronnement. 

- Tout l’honneur serait pour moi, Majesté. Je viendrai, soyez-en sûre… A la condition que vous m’épargniez le supplice de faire un discours public, ajouta Link avec un sourire mal assuré, sentant le piège arriver.

- La foule vous embarrasse-t-elle tant que ça ?

- Elle me met mal à l’aise.

- Vous avez pourtant affronté bien pire.

- En êtes-vous sûre ? » ironisa le jeune homme avec un regard entendu.

La Princesse échappa un rire franc qui réchauffa le cœur du héros. Il réalisa que c’était la première fois qu’il l’entendait véritablement rire.

« Vous avez peut-être raison, dans le fond, reprit-elle plus calmement. Et je n’aimerais pas vous forcer la main. Mais laissez-moi vous dire une chose : vous n’avez à rougir devant personne, Link. »

Le ton sincère de Zelda frappa l’hylien au cœur et il ne sut que répondre à cela.

« Enfin, le couronnement est dans deux semaines, cela me laisse un peu de temps pour vous convaincre, fit la souveraine  en se levant de son siège sous les yeux sceptiques de Link. Et si vous me permettez de vous donner mon avis, je pense que la foule vous effraie parce que vous ne lui prêtez pas les bons sentiments à votre égard. »

Zelda se dirigea vers la baie et ouvrit les portes fenêtres qui menaient au balcon. Un brouhaha confus de voix curieuses s’engouffra dans la pièce en même temps que l’air tiède du dehors. La jeune femme reporta son attention sur l’hylien et lui fit signe d’approcher. Link hésita de nouveau, décidément peu enclin à se prêter au jeu de l’exhibition publique, puis rejoignit finalement la Princesse qui le fit avancer vers l’extérieur. A peine eut-il posé le pied sur la terrasse que des clameurs d’abord timides, et très vite enthousiastes, montèrent jusqu’à lui comme le souffle déchaîné du vent et le pétrifièrent sur place. Le balcon donnait au-dessus des portes d’entrée du château devant lesquelles une foule de badauds exaltés s’était rassemblée sous la pluie devenue fine, poussant maintenant des cris et agitant les bras en direction du héros dont le cœur battait la chamade. Une soixantaine de personnes ? Une centaine ? Peut-être plus ? Il ne saurait le dire.

« Il semblerait que votre venue ne soit pas restée longtemps secrète, observa innocemment Zelda en s’approchant de Link. Je ne l’ai pourtant pas annoncée publiquement. » 

Un frisson parcourut l’hylien alors qu’il contemplait de ses yeux ébahis les visages souriants tendus vers lui. Des marchands, des familles, des enfants dans les bras de leurs parents dont certains brandissaient vaillamment des épées en bois dans sa direction.

« Les gens ne sont pas dupes, Link, murmura la Princesse à l’oreille du héros un peu tremblant. Même s’ils ignorent la majorité de vos actes accomplis, ils savent ce qu’ils vous doivent. »

Zelda se plaça au côté du jeune homme et contempla à son tour les visages rayonnants de son peuple qui goûtait aux joies d’une nouvelle ère qui s’annonçait radieuse.

« Croyez-moi, vous finirez par vous y faire » dit-elle enfin à l’attention de Link tandis qu’un sourire se dessinait sur son visage.

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Alors ne soyez pas si timides. ;)

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