Le journal d'un assassin

Chapitre 8 : La solution par le sang

2175 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/02/2018 15:46

La solution par le sang


J'ai continué à voir Sina pendant quelques temps en cachette, j’aimais beaucoup discuter avec elle et m’amuser avec son petit frère qui semblait bien m’apprécier de son coté. Je ne savais pas pourquoi je me sentais si bien avec eux, peut être que j’enviais un peu ce petit frère, comme si j’avais désiré avoir une enfance semblable. Sina m’apportait aussi une certaine dose d’innocence, j’avais l’impression que le monde était magnifique quand elle me parlait. Je les enviais presque de vivre de cette manière, dans un sens, tu me rappelles cette étrange famille, Link… Cette candeur et cette gentillesse me touchait un peu, mais comment regretter la seule vie que j’ai vécue ? Au fond de moi, j’étais persuadé qu’ils étaient tout deux en tord mais pourtant, cette opposition de points de vue me plaisait. Elle était presque toujours d’un avis contraire au mien, mais sa répartie et son langage peu fleuri me séduisait. Une personne spontanée, sincère et ne pensant pas qu’à sa gueule était plutôt rare parmi mes fréquentations… 

Un jour, alors que je faisais mon rapport habituel à Mère, elle me demanda de m’asseoir sur le fauteuil en face d’elle. Son ton était entre inquiétude et sévérité.

« Es-tu amoureux d’elle ? » M'a-t-elle demandé en me regardant droit dans les yeux, me faisant comprendre que cela ne servirait à rien de lui mentir.

« Je n’en sais rien, Mère… Comme vous me l’avez dit autrefois, je ne suis pas habitué à des sentiments aussi doux.

- Cela me cause des problèmes Sheik, d’un coté je suis heureuse que tu aies trouvé quelqu’un avec lequel tu te sens bien sans pour autant sombrer dans la violence… Mais d’un autre coté, je suis contre cette relation…

- Vous craignez que je ne prenne de mauvaises décisions à cause d’elle ?

- Oui, tu sais très bien que les sentiments peuvent faire faire des choses plus qu’idiotes…

- Si vous m’ordonnez de ne plus la voir, vous obéirais sans me poser de questions...

- Honnêtement Sheik, je ne sais pas quelle décision prendre… En tant que maître, je me dois de punir mais en tant que mère je me dois de t’encourager… Promets-moi juste de ne pas succomber à tes émotions… 

- Oui mère…

- Si jamais cette fille ou son frère meurt, peu importe par qui et pourquoi, tu ne devras pas t’en mêler, ni chercher le responsable. Tu as eu une vie avant elle, et tu en auras une après. Ne laisse pas une stupide erreur de discernement ruiner tout ce que je t’ai appris… »

Ses paroles ne me blaissaient absolument pas, elle avait raison sur toute la ligne.

« Vous avez raison, je vais réfléchir à ce que je vais faire. M’autorisez-vous à la tuer si nécessaire ?

- Permission accordée, fais ce que tu veux avec elle mais ne me fait pas regretter ma décision… Je la tuerais moi-même s’il le faut… Mais ça tu le savais déjà…

- Vous n’aurez pas à le faire, je vous le promets…

- Bien, je te fais confiance. Ce n’est pas une bonne chose à faire, de tuer tes sentiments, mais c’est la bonne chose à faire dans notre cas… Pour se protéger de soi-même…

- Merci maître, je ne vous décevrai pas...

- Je l’espère bien… »

Je partis sans ajouter plus de paroles. Je me suis posé sur un toit afin de lézarder sous le soleil chaud de ce début d’été pour réfléchir. Grâce à cette douce chaleur et une légère brise, je me suis paisiblement endormi… Mon esprit était plus que confus… Que faire ? Que faire ? Que faire ? Maintes fois je me suis posé cette question… C’est alors qu’une voix familière me parla, la voix d’une jeune enfant qui venait me tourmenter chaque fois que je fermais mes paupières.

« Alors, petit assassin ? Que vas-tu faire ? Tu es bien faible aujourd’hui, même si tu es plus fort que la dernière fois… Pourquoi hésites-tu ? Cela ne te ressemble pas… 

- Sors de ma tête, c’est une affaire qui ne te regardes pas…

- Bien sur que si, je ne suis que tes propres remords que tu désires enfouir au plus profond de ton être…

- Mes remords ? C’est nouveau ça ! Faut avoir un coeur pour ressentir ce genre de choses…

- Oh mon dieu, j’ai peur ! Tu es tellement ténébreux ! J’ai les tellement les chocottes !

- Tu ne fais que faire joujou avec mon esprit, tu aurais dû disparaitre depuis longtemps !

- Réfléchis par toi-même… Mais que comptes-tu faire pour ta petite chérie ?

- Fous-moi la paix…

- Tu connais la réponse… La méthode d’assassinat la plus stupide consiste à foncer sans aucun plan en se laissant porter uniquement par ses émotions et ses désirs…

- Et la deuxième consiste à tuer sa cible en même temps que ses émotions…

- Alors ? Vais-je avoir une petite sœur victime de ta lame ? Je me sens si seule dans ta tête…

- Tu es libre d’en sortir… Je ne te retiens pas…

- Hihihi, tu n’as qu’à te réveiller afin d’aller la tuer ! Je sais que tu vas le faire, je connais ta façon de penser ! »

À cet instant, je me réveillai en sueur. Depuis la nuit où j’avais tué cette gosse, elle hantait chacune des miennes… J’avais eu du mal à m’y habituer au début, mais je réussissais à présent à dormir le minimum nécessaire pour que cela n’ait pas d’impact sur ma forme.

Je suis descendu du toit et me suis dirigé vers la maison de Sina. Une fois devant sa porte, j’ai toqué doucement sur le bois clair, mais il n'y eut aucune réponse. Elle devait sans doute être partie travailler, et Praïde devait traîner quelque part dans les quartiers pauvres… Par habitude, je fouillai un peu chez elle en attendant son retour après avoir crocheté la serrure. Sous le lit se trouvait une sorte de sac de cuir contenant des fioles remplies d'un étrange liquide bleu. D’après l’odeur et mes connaissances, c’était une potion pour empêcher la grossesse. J’ai déjà vu mère en confectionner, mais jamais en boire. Vu le travail de Sina, cela devait être indispensable, personne ne voudrait d’une prostituée enceinte, sans compter que cela serait compliqué à vivre pour elle.

Je me suis alors assis sur le lit, mon kunaï dans une main et la potion dans une autre. Je me suis mis à réfléchir une fois de plus, jusqu’au moment où la porte s'ouvrit, me coupant ainsi dans mes réflexions. Sina entra et sursauta en me voyant, ses yeux se posèrent sur ce que j’avais en main. Par réflexe, je rangeai mon couteau dans son étui.

« Je peux savoir ce que tu fais avec ça ? Tu ne veux quand même pas que l’on… »

Elle rougit et se coupa elle-même la parole, je savais qu’elle était tombée amoureuse de moi depuis un moment… Je lisais en elle comme dans un livre ouvert…

« Non, ne t’inquiètes pas… Tu l’as juste laissée traîner et je l’ai ramassée. Et d’ailleurs qu’est-ce-que-c’est ? Et pourquoi tu pensais à ça ? »

Je lui faisais croire que j’ignorais ce que contenait cette bouteille pour voir sa réaction.

« Ah… C’est ma potion pour ne pas tomber enceinte, c’est pour ça que je me suis emportée, c’est une chose très précieuse pour moi… J’ai cru que tu voulais coucher avec moi... désolée, je me suis emballée. 

- ‘’Emballée’’ ? »

J’étais presque capable de comprendre ses pensées juste en regardant son visage, elle devait se dire un truc comme : ‘’Ouf, je n’avais pas envie de le faire comme ça’’. Elle était soulagée mais un peu frustrée d’un certain coté. C’était presque évident qu’elle voulait de moi, mais pas d'une relation comme avec ses clients. Cette facette de sa personnalité m’avait toujours perturbé, elle parlait souvent grossièrement et agissait sans courtoisie sans que cela la gêne, mais dès qu’il y avait un peu de sentiments, elle partait au quart de tour.

« Enfin, je veux dire que j’ai mal compris ! J’ai beaucoup de clients qui se précipitent beaucoup ! À peine quelques secondes après m’avoir paye, ils me sautent dessus pour me prendre ! Je n’ai même pas le temps de mouiller un peu, c’est pas très agréable comme sensation ! Et faut pas que je crie en plus, sinon ça me ferait de la mauvaise publicité ! »

Je reconnaissais que son rattrapage était plutôt pas mal…

« Sinon, tu ne te demandes pas ce que je fais ici ? »

Elle sursauta de nouveau, cette question avait dû lui sortir de l’esprit.

« Bah je suppose que tu es venu me passer le bonjour !

- Si on le veut, il faut que je te parle… 

- Que se passe-t-il ?

- J’ai un problème… Pour faire simple, tu es devenue un problème pour mon travail…

- Quoi ? Je comprends pas…

- S’il t’arrive quelque chose, je pourrais faire quelque chose d’idiot pour toi, ou encore on pourrait se servir de toi pour faire pression sur moi…

- Tu veux donc qu’on arrête de se voir ?

- Je ne pense pas que cela résoudra le problème… Mais je sais comment faire… Depuis que je suis tout petit, j’ai appris quelque chose… Si quelqu’un pose problème, il suffit de le tuer pour tout régler»

Je me suis alors levé, puis j’ai dégainé ma lame, et en un éclair, je la glissai sous sa gorge. Un petit filin de sang coula de sa belle peau blanche. Elle se mit alors à pleurer, sans bouger. Et alors que j’allais enfoncer ma lame dans sa chair, elle fit quelque chose que je n’avais pas prévu, elle me gifla, mais pas pour se défendre… 

« Espèce d’idiot ! Qu’est ce que je me suis efforcée de te dire depuis tout ce temps ? Tu ne dois pas résoudre tes problèmes comme ça ! »

Elle posa son front contre mon torse en me tenant par le col, enfonçant un peu sa lame dans sa gorge.

« Je ne peux pas, c’est la seule solution que je connais… Je n'ai pas le choix… Je suis un assassin après tout… »

Je retira alors mes lentilles pour dévoiler mes yeux rouge sang. Elle me regarda, affichant toujours son air triste.

« Je le savais…

- De quoi ?

- Je ne pas suis très futée, je sais, mais depuis que je te connais et grâce à nos échanges, j’ai réussi à comprendre… »

Je lâchai mon couteau, le laissant se planter dans le plancher.

« Pourquoi, alors ? Pourquoi es-tu restée si gentille avec moi ?

- Parce que je veux te montrer que tu n’es pas un monstre sans cœur… Que tu peux arrêter cette vie pour… être avec moi… »

Elle posa sa main sur ma joue et la caressa en me regardant droit dans les yeux.

« Ils sont si beaux… »

Ensuite, elle approcha son visage doucement du mien, au moment où ses lèvres allaient se poser sur les miennes, je tournai la tête sur le coté. Son baiser fini sur ma joue.

« P… Pourquoi ?

- Si on franchit ce pas… Je ne pourrais peut être plus prendre de décisions rationnelles…

- Je ne te comprends pas Fitz…

- Sheik… C’est mon véritable nom… »

Elle me regarda d’un oeil sévère avant de s’adoucir.

« Merci…

- Laisse moi encore réfléchir… Je ne sais pas encore à quel point tu comptes pour moi… 

- D’accord… Je t’attendrai le temps qu’il faudra... »

J'ai ramassé mon couteau et m'en suis allé. Plus je croyais que la tuer serais la meilleure solution, plus je me questionnais sur ce que j'allais ressentir en la tuant...Me retournant une dernière fois avant de disparaitre de sa vue, je vis sa bouche bouger, mais n’entendis aucun son en sortir. Néanmoins je savais lire sur les lèvres, elle me disait : ‘’Je t’aime’’.


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