Brian Westhouse backstory
13 juillet 1922
Barcelone - Espagne
« La Monumental », seules arènes de la ville de Barcelone, avait été inauguré quelques années plus tôt et elles pouvaient accueillir presque vingt mille personnes. Cet après-midi à la chaleur étouffante, le lieu était bondé de spectateurs impatients. Du haut des gradins, un jeune homme brun d’une vingtaine d’années descendit les escaliers et trouva une place de libre à côté d’un quinquagénaire. À peine assis, le matador fit son entrée, vêtu de son habit à paillettes dorées et de sa cape rouge. Il salua le public enthousiaste, puis le taureau fut lâché. Rapidement, le matador fit une première passe déclenchant l’acclamation des spectateurs.
— Magnifique ! La corrida est un beau sport n’est-ce pas ? commenta le quinquagénaire.
Il avait une petite moustache bien taillée et les cheveux poivre et sel.
— En effet, opina le jeune homme. Ça me rappelle mon enfance, lorsque mon père m’y emmenait.
Le quinquagénaire sourit en entendant son fort accent.
— Tu n’es pas Espagnol n’est-ce pas ? Américain, je dirais.
Le jeune homme hocha la tête.
— Je viens de Boston.
— Ah, le Massachusetts, très beau ! s’enjoua le quinquagénaire. Je me suis rendu aux États-Unis de nombreuses fois et j’espère bien y retourner.
Le matador fit une nouvelle passe et le public applaudit à nouveau.
— Es-tu à Barcelone pour faire du tourisme ? demanda le quinquagénaire une fois le calme revenu.
— Plus ou moins, répondit le jeune homme après un bref silence. Je viens de démissionner de la marine marchande. J’y étais matelot depuis trois ans, mais j’en ai assez de passer ma vie en mer. Maintenant j’envisage de visiter l’Europe, pendant un certain temps.
Surpris, le quinquagénaire regarda le jeune homme. Ce n’était pas banal de s’enrôler dans la marine marchande aussi jeune. Le taureau fonça sur le matador qui, cette fois-ci, ne s’écarta pas à temps. Il tomba à la renverse et le public retint son souffle, tandis que le taureau le labourait de ses sabots. Il réussit à rouler sur le côté à se relever. Il ne semblait pas blesser et reprit le spectacle sous les applaudissements du public.
— Caramba ! Ce matador doit faire plus attention s’il veut faire carrière, lança le quinquagénaire très sérieux. Alors, quel pays as-tu prévu de visiter ?
— Je ne sais pas encore. Mais je recherche surtout de l’exotisme.
— Qu’entends-tu par là ?
Les yeux du jeune homme pétillèrent.
— J’ai envie de découvrir de nouvelles cultures. De nouvelles langues. Percer les mystères de ce monde !
Le quinquagénaire haussa les sourcils, et une lueur d’intérêt brilla dans ses yeux.
— Et combien de temps comptes-tu rester à Barcelone ?
Le jeune homme haussa les épaules.
— Je n’en sais rien. Je vais où le vent me portera.
Le quinquagénaire le regarda avec satisfaction, puis demanda en souriant :
— Est-ce que tu sais écrire ?
— Oui, bien sûr, répondit le jeune homme en regardant le quinquagénaire avec étonnement.
— Il se trouve que je suis à la tête d’un journal international. La Vanguardia. Et je cherche à développer des reportages sur des sujets, disons… peu habituels.
— Peu habituel ?
— Spiritualité, ésotérisme, paranormal. Ce genre de choses commencent à vraiment intéresser les gens. Et j’aurai besoin de quelqu’un pour faire des reportages à l’international sur ces sujets.
— Vous me proposez un job ? demanda le jeune homme incertain.
— Tu es jeune, tu aimes les voyages et tu es curieux de découvrir les mystères que renferment notre monde. Et caramba ! Tu viens des États-Unis, le pays qui sait mieux que quiconque raconter de bonnes histoires. Tu m’as l’air d’avoir le profil idéal et j’ai le nez pour ça !
Le quinquagénaire tapota son nez avec son index.
— Eh bien… réfléchit le jeune homme en se grattant la tête. Il est vrai que je cherche du travail, mais c’est assez inattendu et je viens à peine d’arriver à Barcelone alors...
— Bien sûr, bien sûr ! Prends le temps d’y réfléchir.
Le quinquagénaire se leva tandis que le matador et le taureau quittaient l’arène.
— Et si tu es partant, passe à mon bureau la semaine prochaine. Nos bureaux sont dans la rue Pelai, tu ne peux pas nous manquer. Demander à voir Ramon Godó. C’est moi.
Il lui tendit la main et le jeune homme la serra.
— Brian. Brian Westhouse.
— J’espère te revoir bientôt, Brian.
Il grimpa jusqu’en haut et gradins et quitta l’arène, laissant le jeune homme seul face à sa réflexion.