Apocalypse

Chapitre 5 : Pertes

8731 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/04/2024 09:01

Andrea n'avait pas bougé de toute la nuit. Elle avait veillé le corps de sa sœur. Elle lui tenait toujours la main fermement dans la sienne. Elle n'avait pas dit un seul mot. Elle restait là sans bouger, à regarder le corps sans vie de Amy. Elle entendait les autres rescapés empilés les cadavres des rôdeurs et y mettre le feu. Elle les entendait aussi abréger les souffrances de certains encore en vie mais qui n'avaient aucune chance de s'en sortir. Une fois mordu, la mort était inévitable. La fièvre se manifesterait bientôt et ils se transformeraient en ces horribles choses. Ces abominations qui lui avaient pris sa sœur. La seule personne qui lui restait ici bas.




Par la fenêtre de la chambre, Carl et Duane ne manquaient rien de ce qu'il se passait à l'extérieur. Ils regardaient les frères Dixon enfoncer leurs lames dans la tête des morts de leur groupe pour ne pas qu'ils reviennent à l'état de zombie. Ils virent Glenn et T-Dog les transporter sur la colline où leurs pères creusaient les tombes manquantes. La nuit avait été longue pour tout le monde. Assise sur le seuil du camping-car, Carol serrait Sophia dans ses bras. Elle la berçait doucement pour calmer ses pleurs. La petite fille ne quittait pas des yeux le corps de Amy. Il y avait eu tellement de mort en une seule nuit. Carl se recula de la fenêtre et se posa sur le lit.

- J'aurais pu être étendu sur le sol moi aussi.


Duane se retourna et regarda son ami.

- Tu ne dois pas penser à ça. Tu as survécu. Nous sommes vivants. Nos pères aussi. Ta mère également.

- Ma mère ? Elle s'est enfuie en me laissant. Sans Ivy, je serais mort. Et, on m'enfoncerait un couteau dans la tête. Ou un coup de pioche.


Il ne savait pas quoi répondre à Carl. Derrière la fenêtre, ils avaient assisté à tout hier soir. Le combat contre les rôdeurs. Les membres de leur groupe tombés les uns après les autres. Le retour de Shane et de Lori après la bataille. Il pouvait comprendre que son ami vive mal la situation. A ses yeux, une maman n'abandonnait pas son enfant. Sa mère à lui ne l'avait pas laissé. Elle était juste morte et était devenue une de ces choses car son père n'avait pas réussi à la tuer. Elle devait toujours errer à King County où elle avait péri.




Shane tournait comme un lion en cage dans son bungalow. Il savait qu'il avait merdé grave cette nuit. Lori en voulait à Ivy. Elle répétait en boucle que tout était de la faute de cette fille. Il avait tenté d'expliquer la situation à Rick. Qu'il avait eu peur pour leurs vies. Qu'il avait préféré fuir. Son ancien ami n'avait rien voulu savoir. Il ne voulait plus leur adresser la parole. Il savait qu'il aurait dû se battre à leurs côtés peut-être que des morts auraient été évitées. Il en était conscient. Mais, il refusait de mettre en jeu la vie de sa femme et de son enfant à naître. Il entendait Lori casser tout ce qui se trouvait à porter de main. Il mettait ses accès de colère sur le compte des hormones des femmes enceintes. Il préférait se dire ça que de penser que sa femme vouait une jalousie maladive envers Ivy.




Morgan jeta sa pelle et s'assit sur le sol. Il était exténué. Il voyait les corps s'empiler autour des tombes. Ils avaient perdu beaucoup de personnes lors de l'attaque. Des enfants avaient péri. Il avait loué le seigneur que son fils n'ait rien. Il avait veillé à ce qu'aucun rôdeur ne rentre dans le bungalow. Il avait suivi le combat acharné que Ivy avait livré. Ils s'étaient tous bien battus mais cela n'avait pas été suffisant. Il l'observa au loin. Elle portait toujours son débardeur tâché de sang et se tenait debout devant le brasier où brûlait les corps des rôdeurs. Daryl et Merle les balançaient sans ménagement dedans. A chaque cadavre, les flammes montaient en puissance. Il regarda Rick qui sortait du trou qu'il venait de finir. C'était le dernier. Il savait que son ami en voulait amèrement à Shane et Lori. Et, il y avait de quoi. Ils s'étaient enfuis sans un regard en arrière. Ils avaient sauvé leur peau et rien d'autre. Ils avaient laissé Carl derrière eux et cela était tout simplement impardonnable. Jamais, il n'aurait laissé son fils.

- Je vous dois beaucoup, dit-Rick. Vous avez sauvé mon fils.

- Tu aurais fait exactement la même chose. Tu n'es pas du genre à t'enfuir devant le danger. Ceux qui ont survécu à cette nuit sont de la même trempe. Même si nous avons eu tous très peur. Nous avons combattu. Nous avons survécu mais nous avons perdu tellement de monde.


Ils regardèrent les corps allongés sur le sol, entourés de draps blancs. Tellement de vies. L'attaque avait été brutale et inattendue. Tout avait été si vite. Ils avaient failli se retrouver submergé par le nombre. Le bruit de cette nuit allait en attirer d'autres et ils ne pourraient pas livrer une deuxième bataille. Ils n'étaient plus assez nombreux pour cela.




Ivy se demandait encore comment ils avaient réussi à s'en tirer. Surtout quand elle voyait le nombre de rôdeurs en train de brûler. Les frères Dixon en ramenaient toujours plus. Elle ne bougeait pas. Elle n'avait pas dit un seul mot. Elle restait là à les regarder flamber. Elle observait à travers les flammes le corps de Amy et Andrea qui lui tenait toujours la main. Elle avança vers elle et s’agenouilla à ses côtés.

- Je sais ce que tu ressens, murmura-t-elle. J'ai aussi perdu toutes les personnes qui m'étaient chères.


Andrea tourna la tête légèrement vers elle, les larmes aux yeux.

- Ils attendent tous comme des vautours autour d'elle. J'ai besoin de temps pour lui faire mes adieux. C'était ma petite sœur. Je sais que c'est dangereux pour tout le monde mais laissez-moi juste avec elle. Encore un peu.


Ivy lui posa sa main sur l'épaule et rejoignit les autres survivants.

- Nous ne pouvons pas la laisser continuer à veiller le corps, dit Morales. C'est une bombe à retardement. On devrait s'en occuper. Proprement. Tout le monde appréciait Amy.

- Laissez-la tranquille, intervint la jeune femme. C'est sa sœur. Laissez-la faire son deuil. Elle fera le nécessaire elle-même.

- Tu parierais quoi là-dessus, joli cœur, répliqua Merle.

- C'est ce que je ferais si c'était un de mes proches.


Elle s'éloigna et emprunta le sentier menant au lac. Elle avait besoin de se nettoyer. Elle puait la mort à des kilomètres. Des morceaux de cervelles étaient accrochés à ses cheveux. Elle retira ses vêtements et se jeta à l'eau. Elle se frotta tout le corps et se mit à pleurer.




Jim observait les survivants autour de lui. Tout était comme dans son rêve. Le nombre de morts. Le nombre de personnes restantes. Les discussions au sujet du corps de Amy. Sa blessure au bras suite à la morsure du rôdeur qu'il avait reçu. Jacqui vit le sang sur son tee-shirt.

- Tu es blessé ?

- Oui, j'ai dû m’égratigner pendant le combat cette nuit.

- Non, le sang est frais. Montre-moi ta blessure, Jim. Si tu as été mordu, tu dois nous le dire.

- S'il te plaît, Jacqui. Ne fais pas ça. Tu sais ce qu'ils me feront. Je n'ai pas envie d'être achevé comme un animal.


Elle se mit à hurler autour d'elle que Jim était infecté. Les hommes se précipitèrent sur lui pour voir la blessure.

- Je vais bien, insista-t-il. Je vous jure, je vais bien. Je n'ai pas encore de fièvre.


Daryl et Merle l'attrapèrent et le montèrent de force dans le camping-car. Ils lui attachèrent les mains, ne sachant pas trop quoi faire d'autre pour le moment. La fièvre pouvait arriver à n'importe quel moment. Aucune des personnes du campement ne se sentait le courage de mettre fin à ses jours. Ils en avaient trop fait et trop vu pour aujourd'hui.




Rick et Morgan redescendirent de la colline. Le groupe les mit au courant de l'état de Jim. Ils étaient tous à cran. Et savoir qu'un autre infecté était parmi eux cela n'arrangeait pas la situation.

- Et si nous allions au CDC. Ils travaillent sur un remède à tout ça, dit Rick.

- Ce ne sont que des rumeurs. Nous ne savons même pas si il est toujours opérationnel, répliqua Glenn.

- Nous devrions aller à Fort Benning, rajouta Shane. Là-bas, nous serons en sécurité. Il y a des milliers de militaires qui pourront nous protéger. De hauts murs. De la nourriture.

- Ton avis, je m'en moque royalement, répliqua sèchement Rick. Le CDC est notre meilleur option pour sauver Jim. Si il y a un remède à tout ça se sont les mieux placés pour nous aider. Je ne laisserais personne d'autre mourir. Nous avons enterré assez de morts pour aujourd'hui.


En colère, il s'éloigna du groupe. Merle le rattrapa et lui tendit le katana de Ivy.

- Tiens, je l'ai fauché hier soir après l'attaque. Elle sera sûrement contente de le retrouver.

- Merci Merle. Merci pour ton coup de main d'hier soir. Je ne pensais pas un jour te remercier. Comme quoi tout arrive. Tu n'étais pas obligé de nous prêter main forte.

- Je n'étais pas obligé. J'étais parti et je suis revenu. J'ai pensé à mon frère. Pensé aux mots que Ivy m'avait balancé. Et, j'ai entendu les tirs. Il n'y a pas que des pourris comme moi. Il y a aussi des gens biens. Des êtres humains qui se battent pour sauver les autres. J'ai envie de faire partie de ces personnes. De ne plus être un salopard égoïste.


Rick posa sa main sur son épaule. Heureusement qu'il restait des gens avec une once d'humanité. Merle, malgré tous ses actes passés, avait défendu le campement au péril de sa vie. Il aurait pu continuer sa route sans regarder en arrière. Mais non. Il était revenu et avait combattu avec les autres. Il suivit le sentier qui descendait au lac et vit Ivy, assise au bord de l'eau.

- Merle m'a remis ça pour toi, lui dit-il, en tendant le katana.


Il vit les larmes dans ses yeux. Il s'assit près d'elle.

- On a tous eu peur cette nuit. J'ai eu moi aussi très peur. Peur de ne plus revoir mon fils. Peur de ne plus te revoir non plus. Morgan. Duane. Et tous les autres.


Elle tourna la tête vers lui et plongea ses yeux verts dans les siens. Les larmes coulaient le long de ses joues. Il passa sa main sur sa joue pour les essuyer.

- Je ne pleure pas parce que j'ai eu peur. Je pleure parce que justement je ne l'ai pas ressenti. J'étais comme une automate. J'ai vu Carl, terrorisé, au milieu de la foule qui se faisait dévorer. Je l'ai attrapé. J'ai couru aussi vite que je le pouvais. Pas un seul instant, je me suis dit que sa mère le rechercherait. Je l'ai mis en sécurité car je savais que c'est ce que tu aurais souhaité. Qu'il ne lui arrive rien. Une fois que je me sois assurée qu'il l'était. Je suis partie. J'ai égorgé des rôdeurs. J'en ai étripé. Je les ai achevé ensuite. Je n'entendais même plus les cris d'agonie des personnes autour de moi. La seule chose à laquelle je pensais c'est à toi. Je me demandais si tu faisais partie des victimes. J'ai ressenti une telle rage. Une telle colère en moi. Je me suis acharnée sur un rôdeur. J'en ai fait de la bouillie. Ça fait de moi quelqu'un de mauvais ?

- Non, murmura-t-il. Regarde ce que tu as accompli cette nuit. Tu as sauvé des vies. J'aurais été là, je n'aurais pas fait mieux. L'attaque a été soudaine et ils étaient très nombreux. Tu n'es pas quelqu'un de mauvais. Sinon nous le serions tous aujourd'hui. Nous avons survécu. Nous sommes vivants. Nous sommes un vrai groupe. Et, je sais que nous pourrons compter les uns sur les autres.




- Je viens lui rendre un dernier hommage, dit Dale à Andrea.


Il s'assit à côté du corps de Amy et lui caressa doucement la joue.

- Je t'ai déjà raconté comment j'ai perdu ma femme.

- Un cancer je crois.

- C'est ça. Un foutu cancer. Nous avons vu les meilleurs spécialistes. Elle a fait toutes ses séances de chimio. Elle a vu ses cheveux tomber. Sa belle chevelure. A la fin, elle s'était résignée. Elle avait compris qu'il n'y aurait pas d'issue favorable à son histoire. Moi, je n'ai jamais pu. Je la poussais à continuer à se battre. J'étais rongé par la colère. J'avais l'impression que l'on m'avait trompé. Menti pendant tout ce temps. Depuis qu'elle m'a quitté, ta sœur et toi vous êtes les deux seules personnes pour qui je ressens de l'affection. Vous avez été ma famille. Mon pilier pour ne pas sombrer doucement dans la folie.


Andrea lui sourit faiblement. Les mots de Dale la touchait. Elle ressentait la même chose pour lui. Elle sortit le cadeau de sa musette.

- C'est son anniversaire aujourd'hui. C'était quelque chose de très important pour elle. Elle le préparait longtemps à l'avance. Je le ratais tout le temps. J'avais toujours une bonne raison pour ça. Cours à la fac ou seulement pas l'envie d'y assister. Les anniversaires d'enfant se n'étaient pas vraiment mon truc. Elle m'appelait toute contente et je lui jurais que je serais là. Mais, je n'y allais jamais.

- Tout ça est déjà assez difficile pour toi sans que tu te laisses envahir par les regrets ou les remords. Elle savait que tu l'aimais. N'oublie jamais ça.


Andrea ouvrit le papier cadeau et en sortit le pendentif sirène qu'elle lui attacha au tour du cou. Elle se pencha légèrement en entendant un léger râle sortir de la bouche de sa sœur. Ses mains se mirent à bouger frénétiquement. Elle ouvrit les yeux. Des yeux d'un bleu vitreux. Dale voulut éloigner Andrea qui le repoussa. Amy leva une main.

- Ma petite sœur, murmura-t-elle. Je suis tellement désolée de n'avoir jamais été là pour toi.


Amy agrippa les cheveux d'Andrea pour l'attirer à elle. Tout le monde s'était rassemblé autour prêt à intervenir au cas où les choses dégénéreraient.

- Je suis là maintenant pour toi ma petite sœur. Je t'aime, dit-elle, en lui tirant une balle dans la tête.




Carol demanda à sa fille de rester dans le camping-car avec Jacqui. Elle devait s'occuper du corps de Ed. Elle s'y dirigea, les larmes aux yeux. Elle prit des mains de Daryl la pioche. Elle devait le faire elle-même. Elle regarda le corps dévoré. Les chairs de ses jambes avaient été rongées jusqu'à l'os. Il avait été étripé. Ses intestins s'étaient déversés sur le sol. Son visage n'était que bouillie. Elle leva la pioche et la rabattit sur le crâne.

- Espèce de salaud, cria-t-elle, en continuant de le frapper.


Elle avait besoin de passer sa colère. Toutes ses années de femme mariée à cet homme sans cœur. Tous les coups qu'elle avait reçu. Toutes ses visites à l'hôpital. Toutes ses chutes dans l'escalier que les médecins ne croyaient plus. La pioche se levait et se rabattait tout aussi vite.

- Carol, arrête, lui murmura Daryl, en la prenant dans ses bras. Arrête. Il ne te fera plus jamais de mal. Il a eu ce qu'il méritait.




Shane attendait Rick en haut du sentier. Il avait besoin de parler avec lui. Ils avaient été ami dans le temps. Ils avaient été collègue aussi. Tout cela ne pouvait pas s'effacer aussi rapidement à cause d'une erreur.

- Tu fais une grosse connerie en voulant emmener tout le monde au CDC.

- Je crois que j'ai été assez clair tout à l'heure. Ton avis je m'en contrefous.

- Vous ne savez même pas ce que vous allez trouver là-bas.


Rick continuait son chemin, sans rien dire. Ivy les devança et alla rejoindre Andrea qui enveloppait le corps de sa sœur.

- Rick, tu vas m'écouter pour une fois, s'exclama Shane, en lui attrapant le bras. Il y a des vies en jeu. Tu ne peux pas tout miser sur un coup de tête.

- Tu te préoccupes des vies maintenant ? Alors que tu as pris la fuite hier soir, laissant tout le monde se débrouiller seul. Tu n'avais pas pensé à eux. Et aujourd'hui, tu t'es trouvé une conscience. Tu serais resté pour les aider, des vies auraient été épargnées.

- Et toi ? Ta conscience, elle est comment ? Car si je ne m'abuse tu n'étais pas là non plus. Monsieur était parti chasser avec Daryl. C'est bien beau de me remettre tout sur le dos mais toi aussi tu étais absent lors de l'attaque.

- Je n'ai pas pris la fuite comme un lâche. Avec Daryl, nous sommes revenus aussi vite que nous le pouvions. Et, nous avons combattu jusqu'à ce que le dernier rôdeur tombe.




Dale observait les deux hommes se disputer au loin. Il s'en voulait d'avoir eu une confiance aveugle en Shane. Il avait pensé qu'il était un homme fiable. Cette nuit, il avait montré qu'il était très loin de l'être. Il repensa à sa conversation de la veille avec Jim. Il l'avait mis en garde pourtant. Et, lui n'avait rien voulu entendre. Il l'avait pris pour un fou. Il s'avança au milieu du groupe.

- Nous ne pouvons plus rester ici. Les coups de feu de cette nuit vont en attirer d'autres. Beaucoup d'autres. Nous devons réfléchir à ce que nous allons faire ensuite. Deux options se présentent à nous. D'un côté Fort Benning. D'un autre, le CDC. Je ne peux pas vous dire quelles décisions prendre. Je ne sais pas laquelle est la bonne. Tout ce que je sais, c'est que nous sommes plus forts en groupe. Qu'isolé chacun de notre côté. Jim est mon ami donc je pars au CDC avec Rick.


Tout le monde l'écoutait. Il voyait les gens autour de lui réfléchir aux options. Il ne croyait plus au miracle. Si le CDC avait réellement trouvé un remède, toute cette merde serait déjà terminée. Mais Fort Benning était encore une plus mauvaise idée. Il avait entendu Glenn et T-Dog parler de leur retour d'Atlanta. L'armée avait été très vite submergée malgré leur préparation militaire. Personne n'était préparé à tout ça.

- Finissons d'enterrer nos morts dans le respect, dit Glenn. On réfléchira à nos options ensuite.


Daryl prit dans ses bras le corps de Amy. Il ne restait qu'elle à enterrer. Ils avaient attendu que Andrea soit prête. Ils gravirent la colline où la dernière tombe attendait. Il la déposa au fond et chacun d'eux mit une pelleté de terre, sans un mot. Il n'y avait rien à dire. Andrea enfonça la croix fabriquée avec des branches au-dessus du monticule. Elle regarda autour d'elle. Douze tombes. Douze croix. Ils avaient perdu douze personnes pendant ce raid. Mais, elle était la seule à avoir perdu un de ses proches.




Dans le camping-car, Jim ressentait les premiers effets de la fièvre. Jacqui lui tamponnait le front avec un linge humide. Il arrêta son geste.

- Non, Jacqui. C'est inutile. Je vais mourir. Ma femme et mon gosse me réclament. Je vais enfin aller les rejoindre. Je ne veux pas que l'on m'achève. Laissez-moi devenir comme eux. Je dois le faire. Je leur dois bien ça.


Elle lui déposa un baiser sur le front et sortit du véhicule. Cela lui faisait mal de le voir dans cet état.

- Je pars au CDC aussi. Je ne veux plus voir mourir quelqu'un à qui je tiens.


Glenn et T-Dog s'avancèrent aussi et annoncèrent qu'eux aussi suivraient.

- Moi, je vais où Dale ira, annonça Andrea. Il veut aller là-bas. Je vais là-bas. Il ne me reste que lui aujourd'hui.


Morgan et Ivy se regardèrent. Ils savaient déjà où ils iraient. Ils suivraient Rick l'un comme l'autre. Ils étaient ensemble depuis le début, ils ne se sépareraient pas aussi facilement.

- En ce qui nous concerne, nous avons décidé de vous quitter, annonça Morales. Nous souhaitons rejoindre le Mexique où réside le reste de notre famille. Nous sommes désolés de vous abandonner. Mais, nous devons penser à la sécurité de nos enfants. Les options proposées nous paraissent vraiment foireuses.




Lori écoutait les personnes autour d'elle. Shane et elle en avaient discuté pendant une partie de la nuit. La meilleure solution a leur yeux restait Fort Benning. L'armée et tout ce qu'ils pouvaient faire pour les aider. Elle était enceinte. Elle devait penser à ce petit être grandissant dans son ventre. En cas de complication lors de la grossesse, ils seraient les mieux placés pour l'aider. Ils partaient tous pour le CDC sur une hypothétique promesse de remède. Pour aider Jim. Elle s'en fichait de lui. Elle s'en fichait des autres. Elle se leva et se dirigea vers le bungalow de Rick. Elle le trouva en train de préparer ses affaires pour lever le camp au plus vite.

- Nous devons parler.

- Nous n'avons plus rien à nous dire, Lori.

- Et bien, tu vas m'écouter quand même. Shane et moi ne te suivrons pas au CDC. Nous partons pour Fort Benning. Nous ne voulons pas miser tout sur une hypothèse. Je suis enceinte, Rick. Je ne peux pas mettre la vie de mon futur bébé en jeu. Regarde-moi et dis-moi que tu es sûr qu'il y a quelque chose de bien qui nous attend là-bas et nous te suivrons.

- Je n'en sais rien, Lori. J'espère qu'un remède existe. J'espère pouvoir sauver Jim. Et sauver tous les autres aussi.

- Tu vois, tu n'es même pas sûr de toi. Es-tu sûr au moins de quelque chose ?

- Je t'ai aimé ça c'est une certitude. Je t'ai vraiment aimé, Lori. J'ai essayé de sauver notre mariage. Je me suis rendue compte qu'il n'y avait plus rien. Nous nous faisions juste mal mutuellement. Nous faisions souffrir notre fils aussi. Et ça à mes yeux ce n'était pas possible. Je savais au fond de moi que tu voyais quelqu'un d'autre mais je ne pensais pas que c'était Shane. Je ne t'en veux pas. Notre mariage était un échec. Je n'étais pas assez présent pour toi. Nous nous sommes mariés trop jeunes. C'était voué à l'échec dès le début. Pour le CDC, je ne sais pas ce que l'on trouvera là-bas. Je dois y aller. Je dois essayer cette option. Ceux qui voudront venir avec moi seront les bienvenues. Mais, j'irai quoi qu'il m'en coûte. Je suis comme ça. Je me sens responsable de tout le monde. J'ai toujours été ce genre d'homme. Et, si il n'y a que des ruines, nous ferons demi-tour et nous irons ailleurs. Mais pas à Fort Benning. L'armée a été submergée à King County et à Atlanta. J'ai vu les cadavres de tous ces militaires. Ils n'étaient pas préparés à ça. Personne n'est préparé à tout ce qu'il se passe aujourd'hui.


Elle le prit dans ses bras et lui posa un baiser sur la joue.

- Carl ne voudra pas nous suivre. Pas après ce que nous avons fait cette nuit. Il refuse de me parler. Je veux que tu me promettes de veiller sur lui. Sur mon grand garçon.

- Carl ne craindra rien avec moi. Je ferais ce qu'il faut pour sa sécurité. Tu as ma parole.




Allongé sur la banquette dans le camping-car, Jim délirait de plus en plus. Il revoyait sa famille se faire dévorer vivants. Il les voyait assis près de lui à l'état de zombie. Il sentait le linge humide sur son visage. Il ouvrit les yeux et rencontra le regard de Ivy.

- Tu savais ce qui allait se passer cette nuit ?

- Oui. Je fais souvent des rêves depuis que je suis gamin. Des rêves qui se réalisent par la suite. J'ai tout fait pour les effacer. J'ai pris des tonnes de médicaments. J'ai suivi autant de thérapies. Mais, ils revenaient inlassablement toutes les nuits.

- Ça doit être affreux à vivre. De savoir à l'avance et de ne rien pouvoir faire pour éviter que les choses se produisent.

- La veille de l'invasion d'Atlanta, j'avais rêvé que ma famille se faisait dévorer à l'intérieur de chez nous. J'ai voulu les sauver. Nous sommes sortis. Nous n'avons même pas réussi à atteindre la voiture au bout de la rue. Je les ai vu mourir devant mes yeux. Quoique je fasse, ça finit toujours de la même manière. Ceux que je vois mourir, mourront. Je savais que je me ferais mordre. Cela était inévitable. Comme ma mort. Rick et les autres veulent me sauver mais il n'y a rien à faire contre ça. Je dois mourir. Je veux mourir. Je ne veux plus voir les gens autour de moi perdre la vie. J'ai trop perdu.

- Tu as fait d'autres rêves ? lui demanda-t-elle, en lui appliquant le linge sur le front.

- Oui. Pleins d'autres. Toutes les nuits. Je sais qui survivra à tout ça. Et, je sais qui mourra. Je ne pense pas que tu veuilles le savoir. Je peux te dire que toi, tu es spéciale. J'avais rêvé de toi bien avant de te rencontrer. Tu ne devrais plus être parmi nous. Tu devrais être morte depuis un moment déjà. Rassure-toi, je n'en ai parlé à personne. J'emmènerais ton secret avec moi. Je ne sais pas comment tu as survécu et cela ne me regarde pas. C'est ton histoire pas la mienne.




Morgan avait surpris toute la conversation entre la jeune femme et Jim. Il était monté, sans faire de bruit, pour la récupérer afin qu'elle prépare ses affaires pour partir. Il était redescendu sous le choc, en s'adossant au véhicule. Il retournait les phrases dans sa tête. Elle devrait être morte depuis un moment. Mais ça voulait dire quoi au juste. Il attendit qu'elle descende et lorsqu'elle apparut, il l'attrapa par le bras. Elle essaya de se dégager mais il la maintint fermement jusqu'à la petite clairière où ils s'entraînaient.

- Morgan, lâche-moi. Tu me fais mal au bras.

- Je ne t'ai jamais posé de questions sur ce qu'il s'est passé avant notre rencontre. Jamais. J'ai entendu ta petite conversation avec Jim. Et aujourd’hui, je m'en pose. Aujourd'hui, j'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé dans ta vie. Toi, tu sais tout à mon sujet.

- Il n'y a rien à savoir sur moi. Jim a juste beaucoup de fièvre. Il délire.

- Je ne pense pas qu'il délirait. Il savait pour l'attaque de cette nuit. J'ai discuté avec Dale. Jim savait que Shane nous fausserait compagnie. Il sait beaucoup de choses sur chacun d'entre nous. Je veux que tu me racontes ce qu'il t'est arrivé. Pourquoi tu devrais être morte depuis un moment ? Parle-moi.


Ivy le regardait, les larmes aux yeux. Si elle lui racontait, tout changerait entre eux. Il la verrait autrement. Il veillerait encore plus sur elle. Il s'inquiéterait à chaque instant pour elle. Et, elle ne voulait pas de ça.

- Il n'y a rien à dire.

- Tout est à dire. Je suis là devant toi. Tu es comme ma fille.

- Je ne le suis pas. Mes parents sont morts. Mon père s'est suicidé. Ma mère s'est transformée en rôdeur. Il a dû l'abattre. C'est tout ça que tu veux savoir.


Elle se mit à hurler, en pleurs. Elle avait refoulé toutes ses émotions depuis tellement longtemps.

- Mon père m'a laissé un enregistrement en m'expliquant ce qu'il avait fait. A seize ans, je suis tombée très malade. Une dégénérescence des cellules. Mon corps s'éteignait à petit feu. Ça a commencé par mes jambes. Elles m'ont lâché un matin. Je ne pouvais plus marcher. Mes parents étaient de grands scientifiques et ils ne savaient même pas de quoi je souffrais. Personne ne le savait. La maladie progressait très vite. Ils m'ont transporté dans un laboratoire en Alabama pour lequel ils travaillaient. Ils m'ont intubé et plongé dans le coma car je ne pouvais plus respirer seule. J'avais dix-huit ans. Lorsque je me suis réveillée. J'étais comme Rick, complètement désorientée. Il y avait le corps de mon père à côté du mien. Encore chaud. Il venait de se suicider. J'ai écouté son magnétophone. J'ai pas tout compris. Je me souviens mettre dit qu'il délirait. Que les zombies n'existaient pas. Ou alors seulement dans les cauchemars les plus horribles. Je suis sortie du laboratoire et j'ai marché. Marché très longtemps. J'ai tué sur ma route. Des êtres humains devenus dingues par toute cette horreur. Des rôdeurs aussi. Et, j'ai entendu Duane. Effectivement, je devrais être morte aujourd'hui. Morte depuis mes dix-huit ans. Je veux savoir pourquoi je suis toujours vivante. Si il y a encore quelqu'un au CDC, peut-être, que cette personne aura les réponses à mes questions.




Rick avait fini de charger leur voiture. Ça avait été rapide, ils ne possédaient pas grand chose. Il vit Morgan et Ivy traverser le campement aux pas de charge. Il les suivit discrètement. Cela lui paraissait étrange de les voir se disputer l'un avec l'autre. Il y avait une telle complicité entre eux depuis qu'il les avait rencontré. Il se rapprocha le plus lentement possible et entendit les cris de Ivy. Il voulut intervenir mais une main se posa sur son épaule. Dale était près de lui. Ainsi que Glenn, Carol et T-Dog.

- Ils ont besoin de se parler tous les deux, chuchota-t-il.


Ils les entendaient se disputer. Se mettre à hurler. Morgan voulait qu'elle parle. Qu'elle lui raconte sa vie d'avant. Ils la virent pleurer et s'écrouler sur le sol, dos à lui. Elle se mit à raconter. Et plus, elle parlait, plus ils se rapprochaient de l'homme debout au milieu de la clairière. Carol glissa sa main dans la sienne, retenant ses larmes. Rick voulut s'approcher de la jeune femme mais Morgan lui fit signe d'attendre.

- Si il y a encore quelqu'un au CDC, peut-être, que cette personne aura les réponses à mes questions. Peut-être qu'il pourra m'expliquer pourquoi je marche de nouveau. Pourquoi je ne suis pas morte. J'ai besoin de comprendre pourquoi je suis là. Il y a tellement de pourquoi. J'ai besoin d'avoir des réponses.

- Les réponses ne pourraient pas te plaire, murmura Morgan. Par moment, il vaut mieux ne rien savoir. L'important est que tu sois en vie et avec nous. Sans toi, mon fils ne serait plus là. Je ne serais plus là non plus. Tu as été là pour nous.


Elle se retourna et vit tout le monde la regarder. Ils avaient tout entendu. Ils la regardaient les larmes aux yeux.

- Sans toi, je serais toujours la femme peureuse. Tu m'as redonné confiance en moi, murmura Carol. Je n'aurais jamais pu me résoudre à être autre chose qu'une femme battue par son mari.

- Sans vous trois, nous serions toujours coincé dans le magasin, intervint T-Dog. Et, nous ne serions pas là aujourd'hui au milieu de cette clairière à discuter.

- Quelques soient les réponses que tu obtiendras, je serais toujours avec toi. Nous n'avons peut-être pas la même couleur de peau mais pour moi tu es ma fille. Tu as toujours été là pour moi. Tu m'as empêché de mettre fin à mes jours. Empêché de sombrer dans la folie à la mort de Jenny. Tu as su me rappeler que Duane avait besoin de son père. Cette nuit, tu t'es battue pour sauver la vie des personnes que tu venais de rencontrer. Tu as combattu comme une guerrière. Comme tu l'avais fait au centre commercial. Tu es comme ça. Tu penses aux autres. Tu pars du principe que tu n'as plus rien qui te rattaches à la vie. Mais, tu nous as. Moi. Rick. Carol. Et tous les autres. La vie t'a offert une deuxième chance. Une chance de vivre.

- Alors arrête de te mettre systématiquement en danger, intervint Rick.




Les voitures étaient chargées. Ils avaient pompé l'essence de celles qui resteraient sur place. Ils en auraient besoin pour leur trajet. Lori et Shane étaient partis les premiers. Elle avait tenté de dire au revoir à son fils mais il était monté dans la voiture de son père sans un mot et sans un regard pour elle. Elle se doutait que Carl réagirait de cette manière. Il ressemblait tellement à son père par moment. Elle espérait avoir pris la bonne décision pour lui. Ils ne pouvaient plus rester avec le groupe. Ils n’y avaient plus leur place. Pas après leur comportement de cette nuit. Et, les choses dégénéreraient forcément entre elle et Ivy. Elle ne supportait pas que son ex-mari puisse refaire sa vie avec quelqu'un d'autre. En quittant le campement, elle avait regardé la voiture où se trouvait son fils jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus l'apercevoir. Elle se mit à pleurer doucement.

- On va s'en sortir, Lori. Fais-moi confiance. Fort Benning est la meilleure solution.




Tout le reste du groupe s'était regroupé autour de la famille de Morales. Les femmes se prirent dans leurs bras, en pleurs. La petite fille donna sa poupée à Sophia. Rick remit un pistolet avec des munitions à Morales pour protéger sa famille

- Vous êtes sûrs de vous ? Nous ne serons plus là pour veiller sur vos arrières ? Vous savez que nous sommes bien plus forts en groupe qu'individuellement.

- Nous avons discuté en famille. Nous sommes bien conscients du risque que nous prenons mais nous voulons retrouver nos proches.

- Tout le monde se branche sur les talkie-walkie. Il y en a un dans chaque voiture. Canal 40. Au moindre pépin pas de klaxon. Uniquement ce canal. Si tu changes d'avis, tu pourras nous rejoindre.


Ils se serrèrent la main et montèrent dans leurs voitures respectives. Dale lança le moment du départ et ouvrit le cortège avec son camping-car. Glenn, Jacqui et Jim se trouvaient avec lui. Elle s'occupait du malade, allongé sur la banquette. Sa fièvre empirait. Ils saluèrent Morales qui tourna au premier croisement. Dans la deuxième voiture tout terrain, Rick conduisait avec Morgan à ses côtés. Ivy serraient Duane et Carl contre elle. Dans la camionnette derrière eux se trouvait T-Dog et Andrea. Carol et Sophia, pelotonnées l'une contre l'autre, étaient allongées sur un matelas. En fin de cortège, dans une autre jeep, il y avait les frères Dixon avec leur remorque contenant leurs deux motos solidement attachées. Dans tous les véhicules, le silence régnait. Le paysage dévasté défilait devant leurs yeux. Des fermes brûlées. Des vaches ou des chevaux à moitiés dévorés.

- Je dois m'arrêter, dit Dale. De la fumée sort du capot. La durite a lâché.


Toutes les voitures s'arrêtèrent sur le bas côté. Rick descendit et alla rejoindre le camping-car.

- Tu peux réparer ?

- Je l'ai trop rafistolé et je n'ai plus de ruban adhésif.


Daryl s'approcha et indiqua une station service un peu plus loin.

- Là-bas, on va peut-être trouver de quoi réparer. Je vais aller voir.

- Jim va de plus en plus mal, annonça Jacqui. Il ne tiendra plus très longtemps.

- Daryl, je te laisse gérer. Je vais rester ici pour surveiller le convoi, dit Rick.

- Je vais avec lui, annonça Morgan. J'ai besoin de me dégourdir les jambes.


Rick monta dans le véhicule découvrant Jim, blanc comme un linge.

- Nous allons bientôt repartir.

- Non. Je n'en peux plus. J'ai tellement mal partout qu'à chaque nids de poules, j'ai l'impression que mes os se brisent en mille morceaux. Et, je peux t'assurer qu'il y en a eu beaucoup. Vous avez pris la pire route du monde. Si la fièvre n'a pas ma peau avant, ça sera ce voyage. Je suis foutu. Tu le sais. Nous le savons tous les deux. Continuez sans moi. Je veux devenir un rôdeur. Comme ma famille.

- Jim, tu ne vas pas bien du tout. La fièvre te fait délirer de plus en plus. Tu te rends compte de ce que tu dis.

- Je sais ce que je dis. Je me rends compte de ce que je te demande. Je ne délire pas. Peut-être que dans cinq minutes ça sera le cas mais pour le moment c'est ce que je veux. Laisse-moi là sous les arbres. Je serais bien. Ne vis pas ça comme un échec. C'est ma décision. Tu n'as pas à vivre avec ça sur la conscience.




Daryl et Morgan courraient le long de la route en direction de la station service. Ils ne rencontrèrent personne en chemin. Aucun rôdeurs n'ont plus. Ils trouvèrent des jerricans vides et se mirent à vider les réservoirs des véhicules stationnés. Plus, ils auraient d'essence mieux ça sera pour tout le monde. Ils démontèrent une durite sur un camion. Elle n'avait pas l'air de première fraîcheur mais elle pourrait tenir jusqu'à la fin du voyage. Ils rebroussèrent chemin et rejoignirent leurs compagnons. Ils trouvèrent Rick, assis sur les marches du camping-car.

- Jim veut qu'on le laisse ici sous les arbres.

- Il délire à cause de la fièvre ? demanda Carol.

- Non. Il me paraît très lucide. C'est ce qu'il souhaite.

- Nous ne pouvons pas aller contre ça. C'est sa vie. Il a exprimé ce qu'il voulait, dit Dale. C'est à nous de le respecter. Jim est mon ami. Ça me fait chier de le laisser au bord de la route. Mais si nous ne le faisions pas, nous perdrons un peu de notre humanité. Nous devons respecter ses dernières volontés.


Merle aida Rick à descendre Jim. Ils l'installèrent au pied d'un arbre.

- La brise est géniale à cet endroit. Je vais vivre mes derniers instants paisiblement.


Jacqui s'avança, refoulant ses larmes, et lui déposa un baiser sur le front. Ils lui firent leur adieux à tour de rôle. Rick lui tendit un revolver.

- Juste au cas où.

- Tu en auras besoin. Garde le. Je suis en paix avec moi-même. Sois en paix avec toi, tu vas devoir faire des choses pour protéger les autres. Des choses horribles mais tu n'auras pas le choix.

- Repose-toi, Jim. Garde des forces.


Il les regarda s'éloigner pour rejoindre leurs véhicules. Il entendit les portières claquer. Il leva la main faiblement pour leur dire au revoir. Il savait que plusieurs du groupe n'allaient pas survivre. Certains tiendraient plus longtemps que d'autres. Certains se sacrifieraient pour la survie du reste du groupe. D'autres abandonneraient par peur du lendemain. Il avait vu la fin de l'histoire et il n'y en avait pas. Il était content de ne pas avoir à vivre ce que tous ses compagnons allaient endurer pour survivre. Ce qu'ils seraient obligés de faire. Il regarda le ciel. Le soleil brillait au-dessus de lui. Il ferma les yeux et écouta le silence l'entourant.




Laboratoire secret, Brent, Alabama, un mois après l'épidémie


Jeff se connectait tous les jours à la même heure pour discuter avec son ami et collègue du CDC, Edwin Jenner. Ils parlaient de l'état alarmant de sa fille, Ivy. De tout ce que leurs recherches avaient occasionné de part le monde.

- Je m'en veux pour tout ce qui arrive. Sans notre travail, tout ça ne se serait pas produit. Nous n'aurions pas perdu Candace et Carry.

- Tu as fait tout ça pour sauver Ivy. Candace et moi savions ce que nous faisions. Tu ne nous as pas mis le couteau sous la gorge. On l'a fait pour ta fille, déclara Jenner. On la connaît depuis qu'elle est toute petite. Cette maladie n'aurait pas dû la frapper. Pas aussi soudainement. Pas avec une évolution aussi rapide.

- Je leur avais dit que ce n'était pas prêt. Ils ne m'ont pas écouté. Ils l'ont inoculé sur des patients dans le coma qui ont servi de cobayes humains. Ils sont tous morts. Ils ont ramené les corps des infectés. Ils m'ont demandé de continuer les recherches. Je n'aurais pas dû. Regarde aujourd'hui le résultat de ma lâcheté. Les morts se relèvent et ne pensent qu'à bouffer les humains restants. Ils sont bien plus nombreux que nous. Nous avons créé l'extinction de la race humaine.

- Arrête de penser à ça. Tu n'es pas le seul responsable. Nous ne voulions qu'une chose, sauver Ivy. Nous ne pensions pas que notre travail sur la régénération des cellules entraînerait une telle catastrophe. Nous nous sommes alliés aux mauvaises personnes.

- Il ne reste qu'une injection suite aux prélèvements effectués sur les infectés. Je vais l'inoculer à Ivy. Elle va se réveiller. Devenir comme eux. Mais, elle sera debout. Nous avons perdu le dernier espoir qui nous restait. Nous avons échoué sur toute la ligne. Nous avons perdu toutes les personnes qui comptaient à nos yeux.

- Ne fais pas ça, Jeff. Débranche-la mais ne la transforme pas en un de ses monstres.


Jeff appuya sur une touche et l'écran s'éteignit. Il ne pouvait pas se résoudre à perdre sa fille. Il avait déjà perdu l'amour de sa vie, Carry. Il ne perdrait pas son rayon de soleil. Pas sa Ivy. Il se dirigea vers l'ascenseur et appuya sur le bouton du -5. Les portes s'ouvrirent sur un complexe blanc immaculé. Il longea le couloir en examinant chacune des portes. Tous ses collègues avaient été infectés. Ils s'étaient transformés en quelque chose de monstrueux. Quelque chose de primaire. Des choses qui n'avaient qu'une envie : dévorer de la chair humaine. Des traces de sang maculait les murs des chambres. Des corps en décomposition jonchaient le sol. Il avait dû se faire une raison à un moment donné et les abattre. Il se dirigea vers la dernière porte et la poussa. Une jeune femme reposait dans un lit, reliée à des machines qui la maintenait encore en vie.

- Ivy, mon bébé. Ma petite fille adorée.


Il déposa un baiser sur son front et sortit la seringue de la poche de sa blouse. Il administra le produit et débrancha les machines. Il s'assit sur le fauteuil près du lit. Il lui prit la main, tout en pleurant doucement. Sa main était glaciale. Il sortit son magnétophone et un revolver de la poche de sa blouse. Il appuya sur le bouton d'enregistrement et posa l'arme sur la couette du lit.

- Il ne reste que toi et moi, mon cœur. Ils sont tous morts. Je n'ai pas respecté mon devoir sacré de scientifique. J'ai tué la totalité de mes collègues. Je leur ai fait des choses horribles. A toi aussi. Je t'ai injecté le virus. Je ne sais même pas pourquoi j'enregistre ma confession. A ton réveil, tu seras une de ses choses et tu dévoreras mon corps près de toi. Il y a des choses que nous ne pouvons pas guérir dans ce bas monde. Ta maladie n'a jamais eu de traitement. Nous avons essayé de te sauver. Je suis tellement désolé d'avoir échoué. Tellement désolé qu'aujourd'hui la seule chose qui te maintienne en vie ce sont toutes ces machines autour de toi. Tes organes ont lâché les uns après les autres. Je ne serais plus là pour voir ce que tu deviendras. Je n'ai plus rien. Je suis un homme brisé. Il y a d'abord eu ta mère. Dévorée vivante. J'entends encore ses cris résonner dans ma tête lorsque les deux zombies se sont emparés d'elle. J'ai été tout aussi impuissant à la sauver, elle aussi. J'ai dû abréger ses souffrances. J'ai tué ma femme. Tué ta mère. Ma vie est un colossal échec. Après ta mère, il y a eu Morrison et Garner. Ils m'ont supplié de les tuer avant d'être transformer. Je n'ai pas pu m'y résoudre. Cela a été une nouvelle erreur de ma part. Après leur transformation, ils ont tué cinq autres personnes à cause de moi. A cause de ma faiblesse. Ton père est le pire des lâches. J'ai disséqué leurs cadavres pour essayer de comprendre. Tout ce que nous savons aujourd'hui c'est qu'une morsure ou une simple griffure de la part d'un de ces monstres, nous donne une grosse fièvre qui nous terrasse rapidement. Et nous revenons en mort-vivant. La seule chose pouvant les tuer est de fracasser leurs crânes ou une balle en pleine tête. Le cerveau est la seule chose en fonctionnement chez eux. Mais un cerveau très différent du nôtre. Ils marchent mais ne pensent qu'à nous manger. Et leurs corps se décomposent assez vite si ils ne se nourrissent pas. Je vais attendre que ton corps s'éteigne et je mettrais fin à mes jours. Je ne supporterais pas de te voir devenir une de ces créatures. Je t'aime ma chérie. Ta mère t'aimait énormément aussi.


Il éteignit son magnétophone qu'il posa sur la petite table basse près du lit. Il retira la sonde buccale qui l'aidait encore à respirer. Il lui déposa un nouveau baiser sur le front et se réinstalla dans le fauteuil, en observant le rythme cardiaque de sa fille s'arrêter. Il prit son arme dans sa main et la colla dans sa bouche.

- Ivy, murmura-t-il avant de tirer.


Sa cervelle aspergea le mur derrière lui alors que son corps s'affaissa dans le siège. L'électrocardiogramme se remit en fonction quelques instants plus tard. Ivy remua légèrement dans son lit, en gémissant. Deux magnifiques yeux verts émeraude s'ouvrirent. Elle tourna doucement la tête et vit le corps sans vie de son père, posé près d'elle. Un hurlement déchirant sortit de sa bouche. Son cri se répercuta en écho le long du couloir vide.




Le lendemain à la même heure, Edwin se connecta. Il vit le laboratoire vide. Son ami n'était pas là. Il allait éteindre lorsqu'il vit les portes de l'ascenseur s'ouvrir. Il se rapprocha plus de l'écran et observa Ivy en sortir, portant le corps sans vie de son père. Elle ne vit pas l'écran allumé. Elle n'entendit pas l'homme l'appeler. Elle continua son chemin.

- Ivy, hurlait Jenner. Ivy, tu es en vie ? Tu marches de nouveau ? Oh Jeff, nous avons réussi. Nous l'avons sauvé.


Il se mit à pleurer. Son ami était mort. Il avait mis fin à ses jours avant de voir le résultat sur sa fille. Elle se déplaçait. Elle n'avait rien d'un zombie. Elle était tout ce qu'il y avait de plus humain.

- Toutes ses vies perdues n'ont pas servi à rien. Tout ce pourquoi nous avons travaillé si dur si longtemps à porter ses fruits. Elle est vivante.




CDC, Atlanta, aujourd'hui


Les véhicules se garèrent les uns derrière les autres le long du trottoir. Ils observèrent l'hécatombe. Des morts partout. L'odeur était horrible. Les mouches tournaient autour des cadavres. Rick s'approcha, son fusil à la main. Il fit signe aux autres de le suivre. Tout le monde toussait à cause de la puanteur régnant. Certains avaient mis un tissu devant leur bouche pour tenter de camoufler au maximum l'odeur de décomposition qui les entourait.

- Avancez rapidement et sans bruit, leur chuchota Rick.


Ils avancèrent en file indienne parmi les morts. Il y en avait tellement. Du sang sur le trottoir. Des morceaux de cadavres dispersés un peu partout. L'armée n'avait pas réussi à contenir tout le monde. Ils avaient tous péri. Ils atteignirent enfin le bâtiment du CDC. Les grilles métalliques étaient tous baissées. Daryl essaya d'en soulever une avec l'aide de son frère mais elles résistaient fermement.

- C'est une putain d'impasse, hurla Merle. Il n'y a personne.

- Il doit y avoir quelqu'un s'est obligé, répliqua Rick. Tout le complexe est verrouillé. Il doit forcément y avoir du monde à l'intérieur.


Il se répétait ça inlassablement. Plus pour se convaincre lui que les autres. Ils avaient fait tout le trajet jusqu'ici. Il ne pouvait pas en être autrement. Daryl tira sur un rôdeur en tenue de militaire qui se dirigeait vers eux.

- Tu nous as conduit dans un putain de cimetière, hurla-t-il. On va tous crever ici.

- Rick, on fait quoi ? demanda Dale. Nous devons partir avant que la nuit tombe. Nous pouvons rejoindre les autres à Fort Benning.

- C'est à 200 bornes d'ici. On n'y arrivera jamais, répliqua Glenn. Regardez les militaires ici, ils sont tous morts. Ils avaient des tanks. Des armes. Et ils sont morts quand même. Vous croyez vraiment que Fort Benning a été épargné. Moi, je n'y crois pas. Je n'y crois plus.

- Attendez la caméra a bougé, j'en suis sûr, dit Rick.

- C'est dans ta tête. Il n'y a personne ici, dit T-Dog.




Edwin observait les survivants à l'extérieur du bâtiment. Il passait la caméra de l'un à l'autre. Il les voyait se disputer. Il voyait les morts derrière eux se rapprocher de plus en plus nombreux.

- Réfléchis, Edwin. Tu vas les regarder mourir en ne faisant rien. Comme pour les militaires. Comme pour tous les civils qui sont venus depuis.


Il entendait l'homme le supplier de les laisser entrer. Il aperçut Ivy qui tenait la main de deux petits garçons. Elle était là, debout derrière l'homme.

- Je vous en prie, laissez-nous entrer. Il y a des enfants avec nous. Nous n'avons plus rien à manger. Je vous en supplie, implorait Rick. Vous signez notre arrêt de mort à tous si vous nous laissez dehors.


Edwin appuya sur un bouton et une des grilles métallique s'ouvrit devant les survivants. Une lumière intense blanche les aveugla un instant.

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