Le masque, l'art de cacher

Chapitre 1 : Retour à la maison

2577 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 00:57

 

C'était la dernière fois qu’elle mettait les pieds dans son café préféré, Le Malakoff.

La dernière fois qu’elle voyait ce pays, son pays, pays du Romantisme selon les clichés, de l'Art et de la Baguette.

Elle est actuellement à Paris, sa ville natale, dans le café Le Malakoff, un café assez chic dont les prix ne sont pas donnés.

 

Nous savons tout d’elle, tout de sa vie, et nous l’observons toujours. Nous la suivons peu importe où elle va.

Nous sommes quelqu’un et personne à la fois, et ainsi nous n’intervenons jamais dans sa vie.

Nous serons des êtres transparents, toujours présents tout au long de cette histoire.

Nous ne pensons pas.

Seuls nos yeux ne fonctionnent.

Nous serons de simples spectateurs incapables de changer le cours des évènements.

 

Elle se prénomme Mae Lin, française d'origine chinoise.

Cela fait deux ans déjà qu’elle avait quitté la France pour étudier au Japon. Elle ne pensait pas que ça allait être définitif jusqu'à l'arrivée d'un incident imprévisible qui changea sa vie.

Ce n’était pas le genre de jeune fille que l’on remarquait du premier coup d’œil au coin de la rue, mais elle n’était pas moche non plus.

Mais cela ne la préoccupait pas tellement, le physique, la beauté et tout ce qui obsède un tas de jeunes filles, ne serait-ce que sa taille.

En effet, avec sa taille relativement petite, elle n’attirait pas spécialement l’attention, elle se fondait souvent dans la masse.

Ce qui la différenciait des autres, ce fut bien son sourire.

Elle prévoyait d’effectuer des études supérieures littéraires, mais suite à l’incident, elle parti étudier au Japon, pays qui l'attirait depuis le plus jeune âge.

On lui disait souvent qu’elle avait du potentiel et qu’elle pouvait entrer dans l'école du Louvre.

Seulement, il aura fallu que cela arrive.

 

Cela l'avait brisé, nous l’avions vu.

Pendant des mois, elle n'avait pas pu s'en remettre.

Mais il faut aller de l'avant, c'est pourquoi elle opta pour une fac à Tokyo.

Ainsi en changeant de pays, elle vivrai une nouvelle vie.

Ce n'est pas comme si elle y allait en touriste, elle se débrouille assez bien en Japonais. C'est une langue qui à l'écrit lui est assez familière car cela s'approche du chinois, sa deuxième langue maternelle.

Elle n'eut ainsi pas de mal à intégrer une fac se nommant Kamii à Tokyo où elle s’inscrivit au département de Littérature.  

Deux ans passèrent et déjà, le pays lui vint à manquer.

 

C'est alors qu’elle est à présent ici, dans ce café au dernier jour de ses vacances.

 

En effet, elle part demain, pour une nouvelle vie, et ne compte plus jamais revenir.

Elle part vivre sa vie demain dans un pays où vivent de même qu'ici des énergumènes de la même espèce que les coupables de cet incident qui l'a marqué à jamais, des bourreaux de ses parents.

Elle en a conscience, mais s'il faut faire une croix sur le passé, ainsi faudra t-il tout d'abord surmonter ses craintes, ne le pensez-vous pas ?

 

La tasse contenant le café est à présent vide, le serveur comme à son habitude, tarde à venir apporter l'addition.

Il est toujours dans son uniforme repassé, qui sent encore la lessive, odeur qu’elle parvient à sentir lorsqu'il débarrasse la table, non loin d’elle.

 

L'addition alors payée, elle s'en va sur un pas tonique, le son de ses talons se réverbérant contre le parquet super lisse.

 

Il est tard, il est minuit passé.

Elle frissonne au dehors, prise par le vent frais des soirs d'hiver.

Tout en marchant, elle songe encore au passé, observe ce qui l'entoure et remarque à quel point ce quartier peut être beau la nuit.

Les gens ne sont pas nombreux dans les rues, ils sont tous à observer la Tour Eiffel briller la nuit.

Elle fait de même, cigarette Camel à  la main.

Deux, trois bouffées devant la Tour Eiffel.

La dernière fois qu’elle la verra, de même.

C'est ainsi que se termine sa soirée.

 

Les rayons du soleil ne traversent pas bien la seule fenêtre de sa chambre, mais suffisent à la réveiller.

Elle a dormi beaucoup trop longtemps à cause du décalage horaire.

De plus, à peine rentrée, elle doit déjà payer le loyer de son appartement. Nerima, le vingtième arrondissement de Tokyo lui avait toujours plut, et vous ne pouvez imaginer à quel niveau s’éleva sa joie lorsqu’elle put enfin se dénicher cet appartement, dans son quartier préféré.

Un quartier stable, ni chic, ni délinquant, ce qui lui convenait totalement. Même si depuis deux ans déjà, elle n’eut pas d’ami véritable, ne serait-ce que deux autres étudiants de la même fac.

Son portable, un iPhone quatre, se met alors à vibrer, semblerait-il justement être un de ses amis ?

 

Trop engourdie, elle déplie longuement le bras et tente de décrocher.

« Hideyoshi-kun », souffle-t-elle, à moitié endormie.

 

Nous écoutons : une voix masculine énergique se fait entendre à l’appareil, à la seconde où la jeune femme décroche.

Il parle trop vite, sans à peine articuler comme à son habitude :

« Maeee, ça va ? Revenue ? Pas trop crevée ? Ca te dirait qu’on se voit cet aprem ? Ahhh tu peux pas savoir comment j’ai plein de trucs à te raconter ! Kaneki sera pas là, enfin, je vais t’expliquer pourquoi, c’est long, enfin moi non plus, j’sais pas trop ce qui lui arrive, mais bon, faut qu’on se voit hein ! »

 

Elle met un temps à répondre, car elle analyse encore phrase par phrase avant de les traduire dans sa tête, surtout que le japonais d’Hide lui est difficile à comprendre, elle qui débute encore dans la langue. Et puis, vu son état…

« Oui… », finit-elle par répondre à l’aide d’un soupir, avant de poursuivre :

« Je suis rentrée avant hier dans la nuit, tard, après plus de dix heures de vol… Je crois que j’ai dormi toute la journée hier, je me sens un peu stone.

 

- Sérieux ? Oh, si tu es trop fatiguée, ça peut attendre hein, rien ne presse ! Ca fait plus d’une semaine que Kaneki ne pas donné un signe de vie alors je m’habitue maintenant, hahaha ! Répond le blondinet toujours à la même vitesse.

 

-Euh… quoi ? Attends… Qu’est-ce qui est arrivé à Ken ? Demande-t-elle alors, surprise.

 

-Ahhh ! Justement, je voulais t’en parler cet après-midi, en prenant un verre, pour que tu me donnes de tes nouvelles aussi, tout ça, tout ça… -Il soupire-

C’est compliqué, tu sais, d’en causer au téléphone, vaut mieux que je t’explique cet après-midi ! Mais euh, on se voit du coup ou pas ?

Trop fatiguée ?

 

-Non, c’est bon. Je vais me préparer illico. Rendez-vous dans le vingtième au Big Girl dans une heure !

 

-Ca marche ! Je t’attends là-bas ! A tout à l’heure ! », conclue Hide en raccrochant à la seconde où il termine sa phrase.

 

L’iPhone glisse de ses mains et rebondit sur le matelas de son lit deux places.  Mae s’étire tout en grognant, puis se redresse d’un bond. Plus une minute à perdre ! Elle n’avait pas vu Hide depuis plus d’un mois.

Mae se dédouble à présent, car habillée, elle se maquille furtivement tout en regardant les infos matinaux à la télévision. 

Encore et toujours eux, ils sont partout. Le plus effrayant est qu’il se pourrait bien que quelqu’un que vous voyez tous les jours, quelqu’un qui vous est très proche même pourrait être des leurs.

Ils se fondent si bien dans la masse, impossible de les différencier d’un humain au quotidien, ou alors, s’ils n’arrivent pas à nous imiter, ils se cachent. 

 

« Goules », « Effrayantes », « créatures », « nouveaux meurtres », « monstres », « morceaux de chair humaine », « cadavres retrouvés », tels sont les mots écorcheurs que prononce sans cesse à toute vitesse la femme des infos. Cela dégoute fort Mae, qui tente d’engloutir rapidement un sandwich lui figurant de déjeuner, une fois maquillée.

 

Elle est assise et mange, sandwich jambon en main, assiette sur la table, en face d’une télé à écran plat, dont défilent diverses images montrant la présentatrice inexpressive déblatérer des horreurs ou bien les lieux des crimes de la semaine, ainsi que les restes appétissants des victimes, à peine censurées…

Ainsi, elle se plonge au plus profond de son être, et pense.

 

Nous y pénétrons et lisons en elle.

 

Une goule ne diffère pas d’un humain, elle lui est égale en tout point, physiquement, et intérieurement à quelques détails près.

C’est ce qui fait d’une goule une autre espèce, supérieure à l’espèce humaine. La loi de la nature a fait que cette espèce ne pourrait survivre qu’en se contentant de se nourrir d’humains.

Tant d’humains, aussi près de tous les gens que Mae fréquente, détestent les goules.

Elle même ne sait pas encore, nous le lisons, elle s’interroge.

Elle est au Japon pour trouver la réponse.

Elle ne pense pas que les goules soient des toutes des monstres, mais garde cette vision malsaine des choses dans un coin bien caché de son cerveau, car elle ne peut en parler à personne qu’elle ne connaisse à ce qu’elle ne sache. Elle craint de passer pour une folle et de se faire enfermer.

 

Nous nous souvenons qu’il lui arrive de penser souvent qu’il existe des goules qui ne soient pas des monstres, elle en est convaincue.

Or elle n’en a jamais parlé à personne et n’en parlera peut-être jamais jusqu’à ce qu’elle en trouve une, en espérant de ne pas lui servir de repas juste après leur conversation monumentale.

Elle ne voudrait effectivement pas finir comme ses parents.

 

Notre regard se penche maintenant sur la pendule rose Hello Kitty fixée sur le mur de la salle à manger. Celle-ci indique deux heures dix minutes de l’après-midi.

Notre regard descend rapidement et s’arrête sur Mae qui songe toujours.

Nous voulons la réveiller, car elle est en retard. Malheureusement, nous ne pouvons agir.

Elle sort elle-même de ses pensées. Puis, comme si les notre lui étaient parvenues, elle jette un regard sur la pendule et remarque de même qu’il faudrait qu’elle se rende au Big Girl.

 

L’assiette déposée dans l’évier, la télévision éteinte, elle s’empresse d’enfiler ses bottines à talons et un blouson. Elle claque la porte et dévale les escaliers un à un.

Nous rappelons qu’elle n’habite qu’au deuxième étage et qu’emprunter l’ascenseur ne serait que perdre davantage son temps, parce qu’il faudrait attendre que celui-ci monte à sa lenteur habituelle.

Mieux vaut courir un peu.

 

Nous sommes à présent dehors, et nous la suivons.

Elle a envoyé un message depuis son iPhone à Hideyoshi pour l’avertir de son retard.

Il vient de répondre : « Ce n’est pas grave, je viens juste d’arriver moi aussi. ;) Et puis, j’ai commandé un bon hamburger ! Je suis à l’étage. »

Elle n’a pas le temps de répondre car elle court, petit sac à la main, traverse trois, quatre rues et arrive enfin devant le restaurant Big Girl, après sept minutes cinq secondes de sprint.

Elle pousse la porte, essoufflée, et cherche Hideyoshi du regard.

 

Il se trouve à une table de quatre personnes, à côté de la vitrine, donnant sur l’avenue principale et sur une belle vue d’une forêt de buildings…

Il lui fait signe en l’appelant : « Hey ! Maeeeeeeee, je suis là ! »

Et c’est ainsi que notre sujet d’observation numéro un rejoint le jeune étudiant japonais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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