Sans retour

Chapitre 11 : Azamie et souvenirs

3662 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:13

Onzième chapitre ! Un grand merci àShuneki3 pour le commentaire ! Ça m'a fait tellement plaisir, j'en rêverai presque la nuit ! J'espère que la suite te plaira tout autant !

Encore un petit effort à faire pour le petit bloc en début de chapitre… Bonne lecture !

Je connaissais parfaitement mon contrôle de maths. Parfaitement. Mon esprit avait beau s'être tourné plusieurs fois vers des pensées plus sombres, j'étais parvenue à assimiler des connaissances plus que correctes. Il faut dire que j'avais passé pratiquement toute la nuit le nez dans mon cahier, et ce sans ressentir de fatigue. Je soupçonnai immédiatement l'expérience qui avait été menée sur moi il y a de cela trois jours. Qu'est-ce que le docteur Kano et Mlle Mukai avaient bien pu fabriquer avec mon corps ? Je l'accorde, dis comme ça, cela sonnait un peu étrange… Je montai ma main devant mes yeux, la tournai, la dirigeai face au soleil comme pour essayer de distinguer à travers ma peau. Un manteau commença à effleurer ma veste, me prenant totalement par surprise, et le temps ralentit… Je pris conscience de ce qui se déroulait autour de moi. Un homme d'un certain âge, portant des petites lunettes rondes, un chapeau melon et un long manteau noir se trouvait à ma gauche. Il lisait un journal, mais je ne m'attardai pas dessus. La partie supérieure de son bras, juste en-dessous de son épaule, m'avait touchée, et si je ne m'écartais pas à temps nous allions nous bousculer assez violemment. Je reculai d'un pas pour accompagner son mouvement, puis me tournai d'un quart sur la gauche pour le laisser passer. Le vieil homme semblait plongé dans son journal, il ne remarqua même pas ma présence, et encore moins ce qui venait de se dérouler. Je repartis d'un pas léger pour le lycée, direction la salle de maths ! J'avais beau ne pas aimer cette matière et ne pas la trouver digne d'intérêt à partir d'un certain point, mes capacités en avaient décidé autrement, et je parvenais toujours à me débrouiller.

Au bout d'une douzaine de minutes je parvins devant les grilles de la cour, et pour une des rares fois je n'eus pas à courir, n'étant pas en retard. Un rayon de soleil se déposa sur ma joue, et je fermai un instant les yeux de bien-être en sentant crépiter la douce chaleur sur mon visage. Bien ! Aujourd'hui serait une bonne journée.

Ce n'était pas une bonne journée. Vraiment pas. Absolument pas. Pour commencer j'étais arrivée devant la salle de classe, et ma très chère professeur de mathématiques était venue aux nouvelles, ensuite j'étais allée m'asseoir à ma place devant mon contrôle. Je sentais le regard de chacun de mes camarades braqué sur moi, ce qui m'empêcha de me concentrer entièrement. Je jetai un coup d'œil à l'horloge : sept minutes s'étaient écoulées. Je respirai profondément, fis abstraction de toutes les personnes qui se trouvaient autour de moi puis me plongeai dans la rédaction de mon contrôle de maths. Je terminai une dizaine de minutes avant les autres, comme souvent, et la professeur me donna le droit de sortir. Je me ruai dans la cours, passai devant les terrains de tennis et compagnie, pour aller m'asseoir derrière le local de sport.

Personne ne venait là, sans doute que les élèves ne connaissaient pas l'existence de ce lieu. Il fallait passer sous une large branche d'arbre, et cette cachette ne pouvait contenir que trois personnes assises, et encore… On ne pouvait pas me voir : le local et deux arbres me cachaient de la cour, et la haie me protégeait des regards de la rue en parallèle. Je sortis mon briquet et un paquet de Marlboro, sélectionnai une cigarette et l'allumai. Je ressentais le besoin de fumer dans mes moments d'anxiété, cela me venait de ma courte période de débauche, vers mes seize ans, lorsque j'en voulais au monde entier. A ce moment-là ma vie était en quelque sorte devenue un désastre. Je fermai les yeux et laissai doucement la fumée sortir de mon nez. Je jetai un coup d'œil à ma montre en plastique vert pomme, ça allait être l'heure de partir. Je me levai sans grande conviction et pris le chemin du retour direction le cours d'anglais. Azamie, comme pour tous les cours, serait de nouveau à la place derrière la mienne, et je serai gênée de sentir son regard et ses pensées se tourner vers moi. Je redoutai cette heure de cours, ainsi que celles de la journée entière. Tant qu'elle ne serait pas venue me parler, je n'arriverai pas à rester tranquille. Une petite voix idiote me susurra : Et pourquoi ça ne serait pas toi qui irais lui parler ? Je pris un air sérieux, et d'un pas décidé me rendis dans ma salle cours.

« Azamie !

Je posai mon sac sur son pupitre, la faisant sursauter. Elle releva ses grands yeux noisette vers moi, intimidée, me regardant de sous ses cils, et sa bouche se pinça en une fine ligne mince. Dieu, qu'elle était mignonne.

- Ou-oui ?

Je respirai un grand coup.

-Je suis vraiment désolée pour la dernière fois, je ne me sentais pas bien, je ne sais pas ce qui m'a pris.

Elle gratta le bois du bord de la table avec ses ongles et détourna les yeux.

- Ce-c'est pas grave.

Elle faisait vraiment une drôle de tête. Je me penchai vers elle, interrogatrice.

- Tu es sûre ?

Ses yeux se posèrent de nouveau sur moi, puis se détournèrent tout aussi vite.

- J'en suis sûre oui ! s'écria-t-elle, le visage écarlate et sa voix partant dans les aigües.

Je me reculai, perplexe. M'en voulait-elle encore ? Elle m'attrapa le poignet avant que je ne me retourne, et me le lâcha rapidement.

- Je… Ce week-end, samedi soir, tu veux bien sortir avec moi et des amis ?

J'allai refuser poliment, mais quelque chose me retint. Je fixai Azamie, qui se tortillait toute gênée sur sa chaise, mon regard passant de sa bouche à ses doigts entortillés, puis à sa gorge… pour mon plus grand malheur. Je contemplai la marque de rougeur sur son cou, ainsi que la pulsation effrénée de son cœur sous sa peau, impressionnée. Son parfum parvint à mes narines, un doux mélange de pêche et d'abricot, qui me donna l'eau à la bouche. En vérité, ce fut surtout sa moue suppliante et ses yeux remplis d'espoir qui finirent par me convaincre stupidement.

- D'accord, répondis-je simplement.

Elle redressa brusquement sa tête vers moi, sans voix. Il faut dire que c'était une première, je refusais toujours ses invitations habituellement.

- Quoi ? Je veux dire : vraiment ?

- Oui.

Un large sourire s'étala sur son visage, et si éblouissant que je du plisser les yeux.

- Pas de blague hein ? Tu me poseras pas de lapin !

- Je te le promets.

Son enthousiasme était contagieux, et je me surpris à être pressée de passer cette soirée en sa compagnie.

- Et on ira –

Une voix retentit dans la classe, me coupant dans ma question.

- Bonjour à tous ! Le cours va commencez, installez-vous s'il vous plaît ! » s'exclama le professeur d'anglais, un vieux bonhomme très énergique.

Je m'installai rapidement à ma place, car il n'était pas très réputé pour sa patience. Tout le long du cours je grattai soigneusement chaque mot de vocabulaire sur ma copie, que prononçait ou écrivait au tableau notre teacher. La deuxième heure se déroula de la même manière. Quand enfin midi sonna, je massai ma main endolorie puis rangeai mes affaire en prenant mon temps. Je replaçai ma chaise bien à sa place sous la table, et stoppai net devant la porte. Azamie était là, m'attendant avec ses deux amies – Honami et Sae. Elle me lança un timide :

« Tu viens ?

Je n'eus pas le courage de refuser. Après tout pourquoi pas ? Ça ne me ferait sans doute pas de mal d'élargir mon cercle social, et puis… Après cette série d'événements je préférais ne pas rester seule. En guise de réponse, j'acquiesçai.

- Seulement si je peux manger mon sandwich, c'est-à-dire sans avoir à parler sans arrêt la bouche pleine.

Elle échangea un regard entendu avec ses amies.

- Promis ! »

Ma remarque parut inutile finalement, car Azamie pouvait alimenter une conversation pour dix sans problème. Au bout d'un moment je sortis mon repas, et le reniflai discrètement à travers le papier aluminium. L'odeur était désagréable, mais supportable. Je préférai tout de même mener ma petite expérience plus tard quant au goût. J'avais regardé quelques émissions à la télévision sur les goules, et je savais qu'elles ne pouvaient pas supporter les aliments des humains. Je remis mon sandwich dans mon sac, de toute façon je n'avais pas faim – pour l'instant. Je redoutais d'ailleurs ce moment au plus haut point, me demandant ce que je ferai. J'avais bien entendu eu tout le loisir de réfléchir à la question, et j'avais eu une idée, qui n'était sans doute pas la meilleure évidemment, mais dans ce genre de situation y avait-il réellement une idée qui soit bonne ? J'en doutais.

« Quelque chose ne va pas ? me demanda Sae.

C'était une grande rousse – de teinture – avec des cheveux ondulés, un grand cœur d'après le peu que je savais d'elle, et une irrévocable timide. Tout du moins comparé à Azamie, la pipelette du siècle. Sae pointa mon sac de son doigt.

- Tu n'as pas faim ?

Prise sur le fait, j'agitai les mains en riant nerveusement.

- Oh, non non. En fait j'ai beaucoup mangé ce matin et ça m'a complètement coupé l'appétit.

Elle sourit légèrement.

- Je vois.

Les deux autres, qui n'avaient pas loupé une miette de notre petite conversation, se joignirent à nous.

- Il faut que tu manges ! s'exclama Honami, une petite brunette, et la troisième pipelette du siècle – après mon petit frère Michio.

- Elle a raison, renchérit Azamie. Tu risques d'avoir faim cette après-midi.

Elle me tendit son dessert, un joli beignet, affichant un petit sourire ainsi que toute la gentillesse du monde sur son visage. Mes yeux louchèrent sur la sucrerie : il était d'un beau doré, et saupoudré de sucre sur le dessus. Une véritable merveille. Cela me fit presque mal de refuser, et les deux mots fatidiques m'écorchèrent la bouche.

- Non merci.

Le sourire d'Azamie s'agrandit, laissant apparaître ses dents blanches et une petite fossette à laquelle je n'avais pas fait attention auparavant. C'était mignon.

- On aurait plutôt dit un 'oui', me fit-elle remarquer en rapprochant le beignet de ma bouche.

Elle devrait arrêter de parler de nourriture, car bien que je n'aie pas faim, j'étais un peu gourmande, et ça me donnait donc envie de manger. Je ne regardai pas le dessert qu'elle me mettait devant la figure, mais plutôt son visage à elle. J'eus un sourire en coin, et tendis la main vers sa joue sans la toucher.

- Je n'avais jamais remarqué que tu avais une petite fossette, c'est joli.

Je levai les sourcils innocemment et retirai ma main. Azamie, quant à elle, était devenue aussi rouge qu'une pivoine. J'eus une pensée fugace comme quoi j'aimais bien jouer avec elle, comme au chat et à la souris. Non mais qu'est-ce qui me prend ? Une prise de conscience me frappa de plein fouet : je m'amusais à faire le prédateur. Non, ce n'était pas exactement ça. J'étais le prédateur. Mon amusement disparut dès que je vis l'expression d'Azamie : elle paraissait inquiète, et elle me regardait comme si elle ne me connaissait pas. En quelque sorte c'était le cas, je n'étais pas toujours moi-même depuis ma transformation, et je pouvais avoir un comportement étranger, qui ne me correspondait pas. Une parfaite bipolaire.

- Merci. » répondit-elle.

Bien qu'elle ait toujours l'air un peu désemparée, son rouge aux joues avait disparu, et la conversation reprit son court normal. Azamie me jetait de temps à autre des coups d'œil que j'eus du mal à interpréter, mais en tout cas ils semblaient interrogatifs. Nous retournâmes ensuite en cours : sciences, puis mathématiques, qui passèrent assez rapidement. Je sortis du lycée il était quinze heures. Sans faire attention à ce que ma mère m'avait dit, je ne rentrai pas directement à la maison et me rendis à la place dans un bar du centre-ville. Quand je dis centre-ville, je parle du centre dans toute sa signification et sa splendeur : lieu où se trouvaient cafés, pubs, boîtes de nuits, restaurants et magasins imbriqués les uns contre les autres, se chevauchant même pratiquement. J'entrai dans le Redstone, un bar que je connaissais bien pour l'avoir fréquenté plusieurs fois. Je m'étais promis il y a quelques temps de ne plus y retourner, mais j'en eu subitement assez de penser au passé. De l'eau avait coulé sous les ponts depuis, et je devais cesser de me torturer avec tout ça. Je m'assis sur une chaise haute du bar, et commandai un café sous le regard surpris du serveur, que je connaissais, un grand mince à la peau matinée et aux cheveux teins en un blond très clair. Il pointa son index dans ma direction.

« Tu… tu es Toto non ?

Zut, il m'avait reconnue. Je ne me rappelai cependant plus de son prénom.

- C'est bien moi.

Il se mit à rire.

- Je reconnaitrai tes cheveux châtains-roux entre mille ! Et surtout tes yeux verts.

Il s'accouda sur le bar, l'air plus décontracté.

- Alors comme ça tu ne traînes plus avec Daisuke et les autres mmh ?

- Non en effet.

Il leva un sourcil interrogateur.

- J'ai simplement essayé de m'investir un peu plus dans ma vie 'professionnelle' et familiale.

Il eut un sourire satisfait.

- Je comprends. J'espère que tu continues à t'amuser un peu quand même, ajouta-t-il en tendant le menton vers mon café. Ça ne te ressemble pas vraiment de boire ça.

Je détournai les yeux.

- Il est trois heures de l'après-midi.

- Je ne vois pas en quoi ça pouvait t'arrêter, remarqua-t-il, dubitatif.

- Je… j'ai changé, ne sus-je pas trop quoi répondre.

Et je ne souhaitai d'ailleurs pas vraiment m'étendre sur le sujet. Il sembla le constater car il me fit un clin d'œil et dit :

- Je vais te laisser tranquille ne t'inquiète pas. Ça a été sympa de te revoir, j'espère que tu viendras plus souvent.

- Sans doute, marmonnai-je, évasive.

Je terminai mon café d'un trait et posai la tasse dans un petit claquement sonore. Mon interlocuteur avait penché la tête sur le côté, et me regardait comme s'il cherchait à me cerner.

- Je passerai peut-être samedi soir, mais ce n'est vraiment pas sûr.

Un sourire éclaira son visage.

- Avec plaisir. Il y aura pas mal de monde, mais je parviendrai sûrement à te voir.

- Ça marche.

Je me levai, farfouillai dans ma poche pour sortir de quoi payer. Il agita les deux mains.

- Non c'est bon, laisse, c'est offert par la maison.

- Vraiment ?

- Oui oui, pas de soucis. »

Je le remerciai chaleureusement en bafouillant et partis. J'avais l'étrange sensation de m'enfuir de nouveau. Je reviendrai ici, c'était certain, cet endroit m'avait manqué, même le serveur blondinet dont je ne me souvenais plus du nom. J'avais toujours trouvé ce bar d'encens attirant avec son peu de lumière, les seules étant en rouge. Contrairement aux autres, il n'y avait pas toute une palette de couleurs clignotant dans tous les sens et faisant mal au crâne, et les serveurs ici étaient plutôt sympas, un peu indiscrets parfois peut-être, je dirai même intrusifs, mais cela en rajoutait à l'ambiance chaleureuse et ne me dérangeait pas.

Je pris le chemin de la maison, le cœur plus léger, et une sensation d'excitation inconnue m'enserrant la tête. Après tout pourquoi pas ? Je pouvais bien reprendre quelques-unes de mes anciennes habitudes. La cigarette était la seule chose qui m'était restée, et encore ce n'était pas souvent. Je ne sortais plus, ne faisais plus la fête, m'étais séparée de mes anciens amis et avais même changé de lycée. Je n'avais pas, dans ma période de rébellion complète – vers mes seize ans – eu de très bonnes fréquentations. Certes mes amis étaient un peu hyperactifs, idiots, et cherchaient constamment la bagarre, mais au moins ils me faisaient oublier le reste. Ma vie dramatique et pathétique, avec ma mauvaise relation au sein de la famille, l'école, ce monde de fou dans lequel je vivais, les massacres quotidiens des goules… Oui, en effet, revenir à mon ancienne vie me paraissait parfois une idée alléchante. Cependant j'étais déconnectée de la réalité, je m'éloignais des autres, je plongeais dans un bain de médiocrité profond. Heureusement que je m'étais enfuie de tout ça, et même si il m'arrivait de regretter, je savais que ça avait été mieux pour moi de m'éloigner de mes amis.

J'arrivai à la maison. Vide. Personne n'était encore parti du travail, et les enfants étaient avec leur nourrice. Je m'enfonçai dans le canapé, la tête tournée vers le plafond et l'esprit sans pensées. Je retournais tranquillement à ma vie monotone, mais j'avais également bien envie de la booster un peu.

Fin ! Merci d'avoir lu ! Je ne devrai pas trop tarder à vous donner un chapitre sur le passé de Toto… Je ne sais pas exactement quand, je ne programme pas mes chapitres à l'avance… Disons que je ne les mène à un but final mais ils empruntent les chemins qu'ils veulent pour y parvenir ! Voilà voilà… A plus !

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