La Destiné de la Terre des Illusions (DdlTI)
Chapitre 100 : Chapitre 100 La destinée de la Terre des Illusions
4582 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 23/08/2025 11:56
Chapitre 100
La destinée de la Terre des Illusions
Le calme était revenu. La Terre des Illusions était de nouveau apaisée. L'agitation des jours passés et des fêtes successives s'étaient estompées, même si une dernière festivité était en pleine préparation. Un vent léger soufflait dans cette terre oubliée. Une terre de mythes, de mystères et de merveilles.
Dans une humble salle, une personne se releva brutalement, en sueur. Elle ne comprenait pas ce qu'il se passait, ni où il était. Il regarda autour de lui mais ne vit rien d'autre que la chambre dans laquelle il se trouvait. Cependant, une terrible douleur lui traversa le haut du corps. Il tenta alors de lever son bras gauche, enveloppé dans de lourds et épais bandages, mais n'y arrive pas. D'ailleurs, il ne ressentait plus rien de son bras qu'il parvenait avec peine à faire bouger les doigts. Il tenta alors de le soulever mais celui-ci lui sembla extrêmement lourd par rapport à ce qu'il devait être.
Avec difficulté, il se releva de son lit en tenant son membre gauche par le droit et chancela jusqu'à la paroi de la chambre. Là, il s'arrêta afin de reprendre son souffle qui vint lui manquer. De par sa forte respiration, il put sentir les odeurs de senteurs qui brûlaient un peu partout dans ce lieu. Il s'agissait d’effluves calmes et apaisants. Cependant, il refusa de se laisser embrumer l’esprit par quelques encens. Il ouvrit alors délicatement la paroi et sortit de la pièce. Il se retrouva dans un très long couloir qui ne lui semblait guère inconnu. Il marcha d'un pas hésitant, tentant de se souvenir de ce qu'il lui était arrivé avant de se retrouver ici. Après un temps de marche qui lui semblait infini, il arriva à la paroi au fond du couloir. Il l'ouvrit et se retrouva dans l'enceinte du lieu. Il quitta alors le couloir et prit appui sur l'un des piliers extérieurs, tout en essayant de calmer sa respiration. Il ferma les yeux, se remémorant tous les événements qui s'étaient produits avant d'arriver dans ce lit. Cependant, il n'y arriva pas, mais il entendit de drôles de bruits, comme si on frappait quelque chose.
Avançant d'un pas à demi-silencieux, il se tint contre l'angle du bâtiment avant de jeter un regard. Non loin de là, il vit des lapins frapper le mochis. Il n'avait plus le moindre doute sur l'endroit, Eientei, mais se demandait toujours la raison de sa présence et comment il s'était retrouvé ici. Il marcha en arrière avant de s’asseoir contre la marche du pourtour du bâtiment puis se mit à réfléchir.
Il ne fallut qu'une poignée de seconde avant qu'il ne se rende compte que quelqu'un venait de franchir la paroi et le regardait. Il se retourna lentement et vit cette personne, Eirin. La Sélénite était à la fois mécontente et rassurée. L'expression de sévérité était amoindrie par le soulagement qu'elle exprima quand il lui sourit.
– Je suis heureuse de te voir en meilleure forme et capable de marcher mais ce n'est pas une raison de partir en vadrouille comme ça, on s'est toutes inquiétées pour toi.
– Je vous remercie...
– Même elle était complètement morte inquiétude.
– Qui elle ?
– Bah, Rika. Elle est venue souvent nous voir. Elle a pris grand soin de toi. D'ailleurs, elle n'a pas été la seule.
– Que voulez-vous dire ? demanda-t-il sur un ton légèrement inquiétant et sombre avant que la paroi ne s'ouvre et que Rika et Nitori ne sortent à leur tour.
– Vous deux ! Pourquoi... Nitori ?!
– On avait... besoin de mon aide... répondit la timide kappa.
– Comment ça ?! Eirin, pourquoi mon bras est dans cette...
– Olivier, garde ton calme, on va t’expliquer, lui répondit Rika.
– C'était un sacré problème ton bras... aussi, il n'y en avait plus vraiment... répondit Nitori avec un sourire gêné.
– Quoi ?!
– Je t'en prie, garde ton sang-froid... Quand elles t'ont ramené ici en urgence... il manquait ton bras... lui répondit sa petite amie mécano tout en cherchant ses mots.
– Mais... c'est pas possible ! s'écria Olivier tout en s'arrachant l'épais bandage avant de découvrir un membre mécanique.
– Ton bras était manquant, l'épaule était infectée par une substance étrange et difficile à traiter. D'ailleurs, celle-ci se répandait lentement sur ton corps, lui répondit la médecin.
– Une substance... de la corruption ?!
– C'était ce que nous a dit Kasen. Elle a réussi à te sauver.
– Mais quand je t'ai vu dans cet état, j'étais terriblement mal. Aussi, j'ai cherché partout de l'aide pour te réparer et je me suis souvenue de cette kappa, Nitori. Je savais qu'elle était talentueuse. Aussi, j'ai parlé de mon projet te concernant et elle a accepté immédiatement. Il nous fallut des jours et des jours pour parvenir à ce résultat. Le plus dur étant de créer les réseaux électriques qui se relieraient aux nerfs, affirma Rika avec fierté et joie tout en prenant son chéri dans ses bras.
– Une fois le prototype délivré, il m'a fallu de nombreuses heures d’opération afin de lier ton nouveau bras à ce qui restait de ton épaule, continua Eirin.
Olivier se releva sans dire un mot, la tête baissée. Eirin garda le silence alors que Rika s'inquiéta de son air si ténébreux. Des larmes commencèrent à couler sur son visage avant qu'il ne se mette à courir vers la sortir. Elle s'apprêta à le poursuivre mais la main de la médecin se posa sur son épaule. Elles se regardèrent, sans dire un mot alors que celle-ci lui fit un non de la tête avant de se retourner et d'ouvrir la porte menant au couloir. La Kappa tenta alors de réconforter la jeune humaine qui fondit en larmes.
Durant de longues minutes, il courut. Il courut toujours devant lui, sans jamais changer de cap. Tous les bambous se ressemblaient et derrière certains, se cachaient des Yokais. Cependant, il courait encore et toujours, ne sachant pas où il allait. Il ne savait pas pourquoi il courait mais il courait. Les arbres succédèrent aux bambous. L’herbe succéda aux arbres. Et enfin, le vide succéda à la terre. Après une interminable course dont il ignorait la durée et la distance, il s'arrêta, obligé de s'arrêter. Il était sur le sommet d'une falaise. De là, il pouvait voir une bonne partie de Gensokyo. De l'autre côté, commençait les bordures de Gensokyo, cette zone infinie où l'espace et le temps étaient des notions floues, la zone où vivaient des reclus. Là, il tomba à genoux. S’emparant d'une pierre, il arracha ce qui restait du bandage et découvrit son bras d'acier. Celui-ci était composé de rouages légèrement orangés, de plaques de métal sombres et des pistons, certains visibles et d’autres non. Il caressa ses doigts métalliques tout en essayant de les contracter. Il se concentra et progressivement, millimètre par millimètre, ses doigts se refermèrent. Alors que la sueur commençait à perler sur son front, il parvint dans un ultime effort à contracter son poing avant de l'abattre au sol avec force tout en poussant un cri de délivrance.
Après son effort, il put sentir sa présence. Cette personne l'observait et attendait ce moment, il le savait. Il se releva difficilement puis se tourna vers celle-ci. Il n'était guère ravi de la voir. Cependant, il apprécia avoir de la compagnie au bras bandé, d'autant plus si c'était avec la personne qui l'avait sauvé.
– Je sais que cela va être difficile.
– Ce n'est pas toi qui as un bras en métal...
– C'est tout comme...
– Merci de m'avoir sauvé...
– C'était normal. Olivier... je sais que cela sera assez compliqué... répondit l’ermite cornue à un bras.
– Très…
– Très compliqué. Mais je vais t'aider à passer ce cap. D'ailleurs, tu ne le passeras pas seul, Rika, comme les autres, seront là pour t'aider.
– Où est Tom ? demanda Olivier sur un ton inquiet.
Le sanctuaire était bien calme. Après plusieurs nuits de fêtes, le lieu retrouvait son caractère sacré. Seule dans la cour, la miko du lieu balayait comme à son habitude. La fatigue se lisait sur son visage, mais ce n'était pas la seule émotion que la prêtresse ressentait en ce moment. Le vent balaya son visage. Elle leva les yeux vers le ciel, vers le ciel de Gensokyo. Il était d'un bleu infini, tâché de quelques nuages blancs. Après avoir longuement soupiré, elle se remit à la tâche.
Une forme apparut, comme sortie de nulle part. Cette personne marcha vers le miko qui n'était pas sur ses gardes. Sans se faire répéter, elle s'approcha de sa proie. Et puis, d'un geste, elle l'attrapa par les épaules et la faisant sursauter, tel un chat. Se projetant vers l'avant, elle se dégagea de l’emprise de son agresseuse. Dans le même temps, la colérique femme en rouge et blanc lui envoya d'une traite, trois longues aiguilles anti-Yokais. Cependant, celles-ci n'atteignirent jamais leur cible, disparaissant dans les brèches de l’arrivante. Quand Reimu posa pied à terre, elle rumina sa colère avant de l'exposer au grand jour alors que la personne en face d'elle se retenait de rire tout en prenant à la fois un air innocent et farceur.
– Tu vas voir ce que je vais te faire... je vais t'ex...
– On se calme Reimu.
– Et pourquoi je devrais me calmer ? On ne fait pas des coups comme ça aux gens !
– C'est ce soir.
– Ce soir pour... ah oui... Tom... dit la miko avec une voix s’éteignant.
– Oui.
– C'est pour cela que tu es venue ?
– Oui, je suis venue voir si le sanctuaire serait prêt pour la cérémonie.
– J'aurais préféré éviter ça.
– Beaucoup l'auraient voulue.
– Mais je ne pense pas que cela fasse grand-chose pour toi, rétorqua Reimu avec un air contrarié à la Yokai des brèches.
– Je ne vois pas de quoi tu veux parler.
– Tu le manipulais. C'est aussi simple que ça ! Comme tu l'as fait à nous toutes ici un jour ou l'autre. Sauf que cela l'a conduit à la mort !
– Il était destiné à sauver Gensokyo, voire à mourir pour cela. Ce n'est pas à moi d'en vouloir. Je ne fais que ce qu'il faut.
– J'ai des doutes là.
– Je l'ai envoyé à une époque où il y avait une forte connexion avec la nôtre, si tu veux savoir. De plus, deux auras opposées s'en dégageaient. Il était plus que certains que le dieu-dragon se trouvait à cette époque.
– Il faudrait que t'expliques cela à Marisa.
– En parlant d'elle...
Étonnée par la réponse de Yukari, Reimu se retourna et vit son amie Marisa. Celle-ci portait une tenue intégralement blanche, de deuil. Sur son visage, on pouvait y lire la détresse, la peine, le chagrin et une tristesse profonde. On pouvait voir les marques de journées entières de larmes. Son amie se rapprocha d'elle et lui demanda comment elle allait. Cela faisait depuis la disparition de Tom qu'elle ne l'avait plus vue et que c'étaient d'autres personnes qui lui donnaient des nouvelles sur son état. L’éplorée, d'une voix hésitante et remplie d'émotions, demanda à la miko si les préparatifs avançaient bien. La prêtresse lui répondit uniquement par l'affirmatif. Cela lui suffisait.
Après quelques instants de silence, Reimu lui demanda si elle voulait boire quelque chose. Toujours d'une voix hésitante et faible, Marisa accepta. Les deux jeunes femmes se dirigèrent alors vers le bâtiment principal du sanctuaire. Pendant ce temps-là, la Yokai prit ses aises sur l'urne à offrande dont elle y versa une poignée de pièces. Elle regarda vers le ciel, l'air sérieuse, pensive, sachant que des personnes allaient très prochainement arriver ici-même, des personnes peu susceptibles d'être attendues.
Quand Reimu revint la voir, elle vit au loin, sous le torii, cinq personnes arriver. Yukari baissa alors le regard sur le côté, semblant ne pas apprécier la venue de ces personnes. La maîtresse des lieux fut étonnée de voir Eirin, Reisen accompagnées par les deux princesses sélénites, Watatsuki no Toyohime, Watatsuki no Yorihime et leur animal de compagnie, Rei'sen.
La miko les accueillit avec scepticisme, surprise de les voir ici et se demandant la raison de leur venue en ce jour important pour de nombreuses personnes. Elle ne tarda pas à exprimer ses pensées d'une manière excessivement franche, ce qui déplut fortement aux princesses sélénites mais qui amusa Yukari en silence. Eirin expliqua alors les raisons de leur venue.
– C'est grâce à Tom que le coup d’État monté par certains proches du seigneur Tsukoyomi a été arrêté. Sans sa volonté de vouloir me sauver, moi ainsi que la princesse Houraisan, il n'aurait jamais attaqué la Capitale lunaire. Ainsi, les princesses Watatsuki souhaitent rendre hommage, en leur nom, mais également au nom de la population lunaire, une oraison funèbre.
– Et c'est tout ? demanda Yukari avec malice.
– C'est tout. Pourquoi vous posez cette étrange question ? répondit la Sage de la Lune sur un ton sévère et méfiant.
– Pour rien... répondit-elle d'un ton narquois en pensant aux événements qui s’étaient déroulés dans le futur, où elle-même, aidée par les deux sœurs sélénites durent s'en prendre à l'armée de Mima afin de laisser le champ libre pour Tom et ses amis.
– Nous assisterons à l'ensemble des cérémonies de ce soir, insista Yorihime.
– Je ne vois pas de problème à ça. Mais vous savez, il y aura beaucoup de d'Humains et même des Yokais, il y aura beaucoup d'impuretés, dit Reimu avec un ton légèrement effrayant, essayant de faire peur aux deux princesses afin de les faire partir.
– Ce n'est pas la peine d'essayer de nous faire peur ainsi, à moins que vous vouliez qu'on vous « purifie », répondit Yorihime sur un ton menaçant.
– Ça suffit ! dit Eirin avec force et autorité, faisant taire les deux personnes. Je ne souhaite pas que la soirée soit gâchée par quiconque. Nous allons rendre hommage à Tom, comme il l’a mérité.
– D'ailleurs, j'y pense, répondit la miko, il devient quoi Olivier ?
– Il s'est réveillé et s'est enfui, Kasen veille sur lui pour le moment, le temps qu'il accepte l'ensemble des événements qui se sont produits.
– Bien... Quelqu'un pourrait m'aider à préparer la soirée ?
Le soir venu, les invités se firent de plus en plus nombreux. Même s'il s'agissait d’un événement commémoratif et funéraire, la couleur blanche du deuil était loin de faire l’unanimité. Cependant, malgré l'aspect festif de l'événement, il n'eut aucun débordement, à des différences des fêtes précédentes.
À la lueur des torches, la miko accompagna sa consœur bouddhiste, Byakuren, jusqu'au bâtiment principal du Sanctuaire Hakurei, où, en lieu et place de l’urne à offrande, était disposé une table où était posé de nombreuses senteurs d'encens ainsi qu'un portrait de Tom, pris par Aya, il y avait de cela un certain temps. La moniale commença alors à réciter des sûtras dans un léger bruit de crépitements des torches. La foule, innombrable, autant composée de Yokais que d'Humains ou de divinités se massait autour de la cérémonie, autant dans la cour du sanctuaire que sur les marches menant à celui-ci. La lecture des sûtras dura longtemps, et Byakuren inséra ses impressions propres à l’intérieur. Suite à cela, les deux religieuses permirent à de nombreuses personnes de déposer des offrandes sur la table. La première vague fut celle des Humains du village, déposant de menues offrandes à une personne qu'ils pouvaient considérer, autant comme un protecteur qu'un danger, mais surtout comme une source d'inspiration philosophique sur la vie, la repentance et la barrière fragile entre le bien et le mal. La deuxième vague de personnes se composa des Sélénites. Eirin, Kaguya, les sœurs Watatsuki, leur animal de compagnie, Tewi et Reisen se présentèrent devant le portrait du jeune humain. Les princesses offrirent des biens précieux, originaires de la Lune, que Reimu observa avec insistance. Cependant, une certaine émotion naquit quand ce fut la lapine sélénite, Reisen, qui y apporta son offrande à Tom. Il s'agissait de l'arme que Kaguya lui avait offerte pour ses services rendus lors du coup d’État sur la Lune et de son enlèvement. Elle fut ramenée à Eientei par Aya qui fut rappelée de force vers Gensokyo, emportant la lame du jeune homme avec elle. De nombreuses vagues se succédèrent, rassemblant à chaque fois les individus originaires des mêmes lieux. Au groupe du Manoir du Démon carlate, succéda celui des fantômes, puis ceux de la Montagne Yokais avant que les sœurs Komeiji et leur entourage ne se recueillent à leur tour.
Cela donna un spectacle impressionnant. Tous les habitants de Gensokyo, et d'au-delà, se retrouvèrent, pacifiquement, afin de communier ensemble. Elles purent voir que le vœu de Tom, une paix entre les individus, qu'ils soient Humains, Yokais ou autres, fut en partie réalisé par sa disparition.
L'avant-dernier groupe à passer fut celui de Marisa, accompagner par ses amis, Reimu et Rinnosuke, venus lui apporter son soutien. Dans la foule, le père de l'Humaine vêtue de blanc pour l'occasion, la supportait dans l'ombre, aidé par son ami. Ceux-ci restèrent longtemps devant la table, sur laquelle était posé un long coffret en bois ouvert, symbole du cercueil de Tom qui ne faisait plus qu'un avec la barrière. Les larmes ne cessèrent de couler des yeux de la magicienne si ordinaire alors que Reimu, portant le sabre mythique entre les mains, le mit dans le coffre avant de commencer à y déposer l'ensemble des offrandes. Une fois cela fait, tous exécutèrent une dernière prière avant que les membres du groupe ne rejoignissent la foule.
Reimu tourna alors le dos au coffre. Là, une brèche s'ouvrit et le dernier groupe en sortit. Il s'agissait des Sages de Gensokyo, Yukari, Kasen et Okina. Loin dans le ciel, l'ombre du Dieu-dragon se dessina et semblait également rendre hommage à Tom. Les trois anciennes femmes rendirent également révérence à l'Humain avait sauvé leur monde. Yukari s'avança alors, posa les mains sur le coffret et le ferma avant de poser conjointement avec Reimu, un sceau, le scellant.
Suite à cela, Gensokyo fêta l'événement, de manière propre et élégante, malgré la forte consommation d'alcool. Marisa préféra s'isoler avec ses proches. De gigantesques feux crématoires se produisirent partout dans la Terre Illusoire, comme pour symboliser la crémation du corps disparu de Tom.
C'était dans cette ambiance de fêtes mortuaires que Yukari s'assit sur le toit du sanctuaire Hakurei, vidé de sa population, de même sa prêtresse. Elle semblait alors veiller sur le coffret funéraire de Tom. Arrivant presque par surprise, Okina la rejoignit. La divinité s'assit alors juste à côté de la Yokai qui n'avait pas un seul instant détourné le regard.
– Tu devrais fêter ce jour, ma chère. Après tout, la Grande Barrière a besoin de beaucoup moins d'attention de ta part. Tu vas pouvoir de reposer un peu plus.
– Gensokyo est sauvé. J'en suis soulagée.
– Alors, pourquoi ne pas davantage fêter cela ? Après tout, tu es encore une Yokai à ce que j'en sache, tu devrais aimer t'amuser.
– Je ne m'amuse que quand je le souhaite. Je n'ai guère envie de fêter ce jour.
– Je ne crois pas que la disparition de Tom t'impacte vraiment. Alors pourquoi restes-tu dans cette posture aussi peu festive ? demanda la avec un sourire intrigant.
– Tom n'était qu'un outil afin de restaurer la barrière. Néanmoins...
– Cela faisait longtemps, dit une voix derrière elles.
– Je ne m'attendais pas à ... votre venue... Seigneur... répondit la déesse secrète en se relevant et en s’inclinant de manière extrêmement respectueusement à un vieil homme qui les avait rejointes sur le toit.
– Je vois que mademoiselle Yakumo n'a pas ton respect envers moi. Cependant, je peux sentir que tu n'as pas les idées claires, ma petite. Pour toi, c'est vraiment exceptionnel et cela te trouble vraiment.
– Noble seigneur, je n'ai guère le cœur à fêter ce grand jour.
– Il est vrai qu'on honore dorénavant une personne assez particulière.
– À moitié bon, à moitié mauvais. À moitié Humain, à moitié Yokai. À moitié mortel, à moitié... divin...
– Il est vrai que pour une Yokai des frontières, il brouille considérablement les cartes. Et pourtant, toi-même tu sais que tout cela n'est que relatif.
– J'essaie de maintenir cet équilibre fragile. Et lui, il a menacé de tout détruire. En quelques mois, il a failli réduire à néant des siècles d'opérations complexes, répondit Yukari particulièrement pensive.
– Mais il n'est plus, répondit Okina.
– C'est vrai... il a encore une fois brouillé le jeu. Entre le matériel et l'immatériel...
– C'est rare de te voir dans cet état. J'espère que tu t'en remettras vite, ma petite, lui rétorqua le vieil homme.
– Pour une fois dans ma vie, j'arrive à douter.
– N'exagère pas, ma petite. Tu doutais il y a bien longtemps.
– Il y a si longtemps...
– Si peu de temps pour nous en fin de compte.
– Il est difficile d'apprécier le temps qui passe quand on côtoie autant les Humains. Dans le même temps, un siècle peut durer une éternité, comme le temps d'un battement de cils.
– C'est la force des Humains.
– Comment ça ?
– En un siècle, nous on met en place notre plan. Eux, ils conçoivent des empires.
– Qui s'effondrent presque aussitôt.
– Ou qui peuvent durer, changeant de forme, voire de nom.
– C'est bien passionnant tout ça mais on ne va quand même pas oublier de fêter cela, rétorqua Okina qui se sentait mise de côté.
– Tu sais, avec mon âge et mon rang, je ne peux pas si facilement prendre part à des fêtes humaines. Quoique. Faire la fête, prendre l'apparence d'un beau et séduisant jeune homme et séduire toute la nuit, c'est pas un programme si mal en soi. Okina, tu peux nous devancer, on arrive.
Elle s'inclina respectueusement puis disparut derrière une porte, laissant le vieil homme et Yukari seuls sur le toit du sanctuaire.
– Vous n'y allez pas mon seigneur ?
– Tu sais, prendre soin des autres est bien plus important au final. Tout le long de ma vie, j'ai été loin d'être un modèle, affirma celui qui n’était autre que le Dieu-dragon protecteur de Gensokyo.
– Vous ne pouvez pas dire ça...
– Tu connais pourtant mes légendes.
– Oui.
– On s'assagit avec le temps, même s'il faut des milliers d'années pour cela.
– Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été aussi belle la barrière, annonça Yukari en regardant par-delà le ciel.
– Depuis sa création, effectivement.
– J'étais vraiment fier de ce que j'avais réussi à faire.
– Crois-moi, vous toutes vous pouvez l'être.
– D'ailleurs... que se passe-t-il pour...
– Pour notre héros ? Il ne lui arrive rien là où il est.
– Il a évité l'Enfer ? Je savais bien que son âme allait se vaporiser et se fondre avec la barrière.
– Il est désormais près de nous, pour toujours. Et même, plus proche que jamais, affirma la divinité suprême de Gensokyo avec un ton énigmatique.
– Je ne sais pas pourquoi, j'ai du mal à penser à lui.
– Tu as trop longtemps été avec les Humains, tes émotions s'humanisent.
– C'est un point de vue intéressant mais je le réfute. Nous savions tous qu'il n'était qu'un simple outil servant à vous donner un corps et une énergie supplémentaire afin de restaurer la barrière.
– Il l'était mais pour beaucoup d'autres, il n'était pas ça.
– Le point de vue de Reimu ou de Marisa ne nous intéresse pas, rétorqua sèchement Yukari.
– Il ne s'agit pas que simplement d'Humains. Les Sélénites par exemple. Voire même des dieux, ici comme sur la Lune. Beaucoup de gens appréciaient Tom.
– Certaines trop, répondit Yukari sur un ton sombre.
– Celles-ci sont un danger pour eux comme pour nous. C'est d'ailleurs mieux qu’il ne rejoigne pas le plus profond des Enfers et qu'elles le retrouvent.
Le silence s'imposa alors sur le lieu que seuls les bruits des feux d'artifices firent gronder la terre et les cieux.
– Ils sont pas mal, tu ne trouves pas ?
– Pour des Humains, oui.
– Tu sais pourtant bien que les Humains manient bien mieux la poudre que les Yokais.
– Oui...
– Tu as une question, ma petite ?
– Maintenant, je dois changer mes prédictions pour notre avenir mais je voudrais savoir quelles sont les vôtres ?
– Les miennes ? C'est une question délicate. Mais je pense que ce sont les habitants de cette terre qui disposent de cette réponse.
– Où voulez-vous en venir ? demanda Yukaire, presque l’air incrédule.
– Tu sais bien que les habitants de cette terre peuvent surprendre.
– Je ne trouve pas.
– C'est parce que tu les connais si bien que tu sais de quelle manière, parfois mais sans qu'ils le sachent eux-mêmes, comment ils vont agir. Mais regarde Tom. Combien de fois il a échappé à tes prédictions.
– Il ne s'est jamais échappé ! Il a juste fait l'action que je jugeais la moins probable.
– Ce n'est pas forcément son caractère qui est en cause, mais celui de cette terre.
– Seigneur ?
– Gensokyo n'est pas régie par des lois purement mathématiques ou psychologiques, tu le sais plus que quiconque. Il existe une certaine dose de mystère que même les dieux, que même moi, on ne peut calculer. C'est la destinée de la Terre des Illusions.
À cet instant, le corps du vieil homme commença lentement à s'évaporer dans le ciel alors que des écailles se mirent à remplacer sa peau. Il fit ses adieux à Yukari avant de disparaître dans une pluie d'étoiles montant vers le ciel. Elle regarda les festivités se produisant aux quatre coins de ce monde puis esquissa un léger sourire.
– Autant en profiter pour s'amuser un peu, se disait-elle en esquissant un sourire amusé.