La fille aux yeux rouges

Chapitre 20 : AFFECTION

Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 18:06

Je mis un temps fou à trouver une place près de Lord Hall, les dimensions de mon véhicule n’arrangeant rien. Les allées du campus étaient désertes. La neige et le froid confinaient les étudiants dans leurs résidences ou leurs confréries. Il me fallut cinq bonnes minutes de marche humaine pour rejoindre Lord Hall. Les fenêtres du bâtiment brillaient de loin. Chaque fenêtre allumée représentait un étudiant en train de travailler et l’une d’entre elle était celle de mon frère.

Je hâtais le pas. J’avais tant de choses à lui raconter.

Enfin, je pénétrais dans le bâtiment. Le contraste avec l’extérieur était incroyable. Si dehors, il régnait un calme polaire, à l’intérieur c’était l’effervescence. La plupart des portes des chambres étaient ouvertes et les étudiants avaient investis les couloirs, gobelets à la main et musique à fond.

Je me frayais un passage parmi la nuée. Je ne m’empêchais pas de respirer, au contraire, je humais à plein poumons leurs odeurs. Et ma gorge me brûlait douloureusement. J’avais changé mais, pour ça, les choses restaient les mêmes.

Enfin, j’atteignis la porte de mon frère qui était resté fermée. Lui, il travaillait, songeais-je fièrement.

Je frappais et sans attendre la réponse je rentrais. Je le trouvais en pleine conversation avec une blonde assis sur son lit. La même qu’à la soirée de Desmond.

Il se redressa vivement, très gêné par la situation.

_ « Tiens te voilà ! » balbutia-t-il.

La fille nous regardait d’un air suspicieux. Je lançais un regard interrogateur à Josh.

_ « Euh, Katie, je te présente ma sœur, Lucy. »

_ «Oh, euh, salut ! » me fit-elle visiblement rassurée par notre lien de parenté mais pas complètement convaincu par notre ressemblance physique.

_ « Je dérange peut-être ? » demandais-je.

_ « Non pas du tout ! » me dit Josh « Katie, on se voit demain ? » lui susurra-t-il d’un air niais.

_ « Bien sûr. » accepta-t-elle dans un sourire. « A bientôt. » me fit-elle en sortant de la chambre.

Greluche ! J’aurais pensé que mon frère avait meilleur goût. C’était vraiment le type de fille que je détestais. Blonde, de bonne famille, des airs angéliques qui cachent une âme démoniaque et fourbe.

_ « Donc, Katie… » fis-je une fois qu’elle eut refermé la porte derrière elle.

_ « Oui. Elle est dans ma classe. J’ai pris du retard pendant les vacances alors elle m’aide un peu. »

_ « Elle est jolie. » appréciais-je.

_ « Ah bon ? » fit-il l’air étonné.

Comme s’il ne l’avait pas remarqué.  Il me prenait vraiment pour une truffe. Je m’abstins cependant de toute réponse. S’il voulait jouer les idiots, ça le regardait.

_ « Alors quoi de neuf ? » demanda-t-il pour changer de sujet.

_ « Les Cullens m’ont installé dans une chambre, ils m’ont acheté de nouveaux vêtements et une nouvelle voiture. » dis-je en soupirant et me jetant sur le lit.

_ « C’est génial ! C’est quoi comme voiture ? »

Voilà tout ce qui intéressait les garçons.

_ « Une Mercedes. »

_ « Waouh ! ! La classe ! T’es venue avec ? »

_ « Oui, tu veux la voir ? » proposais-je.

Il se leva d’un bond et enfila sa veste.

_ « Allons-y. »

Nous repartîmes donc dans le sens inverse. Josh me pressait de questions sur ma nouvelle voiture. Mais je répondais avec le moins de détail possible. Je voulais ménager le suspense.

_ « Voilà. » lui dis-je une fois arriver devant l’engin.

_ « Quoi ? C’est ça ? » me dit-il incrédule.

_ « Oui, elle est un peu volumineuse mais sympa quand même. Je crois qu’ils ont voulu me faire une blague. Tu ne leur aurais pas raconté quelques anecdotes sur moi par hasard ? »

_ « Ben, c’est que … » hésita-t-il.

_ « C’est bien ce que je me disais. »

_ « En tout cas, elle  est carrément hors norme. »

_ « Et blindé. »

_ « Désolé. Carlisle me demandait sans cesse de lui parler de toi. »

_ « C’est pas grave.»

_ « Elle a au moins un avantage. »

_ « Lequel ? »

_ « Elle résisterait à l’attaque d’un loup garou ! »

Je pouffais.

_ « C’est peut-être pour ça qu’ils me l’ont donné. » plaisantais-je.

Nous retournâmes tranquillement vers Lord Hall en bavardant et en plaisantant. Je lui racontais tout ce que j’avais appris au cours des dernières 24 heures.

Le froid était mordant et Josh grelottait. Aussi nous décidâmes d’accélérer le pas. Une bise se  leva au moment où nous allions pénétrer dans la résidence étudiante. J’y détectais immédiatement l’odeur de Desmond.

Je m’arrêtais. Son odeur fauve et bestiale me perturbait toujours autant. Je sentais les poils de mon corps se hérisser.

_ « Je vais devoir te laisser là, mon frère. » lui dis-je.

_ « T’es sûre ? Tu ne veux pas rester un peu plus longtemps ? »

_ « J’ai quelqu’un à voir. Je repasserais demain soir. »

_ « Ok »

_ « A demain alors ! » lui lançais-je en m’éloignant.

Je suivais l’odeur vers le parc recouvert de neige. Mon regard fut automatiquement attiré par le tronc d’un vieil arbre centenaire. Je compris qu’il se cachait derrière.

_ « Bonsoir, Desmond ! »  lançais-je.

Il sortit de derrière l’arbre, l’air contrit de s’être fait repérer.

_ « Bonsoir ! »

Vétu d’une grosse parka noir, ses cheveux bruns cachés sous un bonnet en laine, il ressemblait à un trappeur du grand nord.

_ « Qu’est ce que tu fais là ? » demandais-je ne pouvant cacher mon sourire face à son embarras.

_ « Je me promenais. Et toi ?» mentit-il.

_ « Pareil »

Il n’avait pas l’air à l’aise du tout. Rien d’étonnant à ça au vu de notre dernière rencontre. J’avais envie de le rassurer, de lui montrer que je n’étais pas si monstrueuse que ça.

_ « Et si on se promenait ensemble ? » lui proposais-je.

Il accepta. Nous nous mîmes à marcher au hasard sur le campus.

_ « Comment vas-tu ? » lui demandais-je.

_ « Ca va. Et toi, comment vas-tu ? » me demanda-t-il à son tour.

Je réfléchis à la question énumérant mes sources de contrariété. Elles étaient nombreuses, toutefois je choisis la plus récente.

_ « Eh bien, mon frère a une copine. »

_ « Ah et c’est un problème ? »

_ « Non, je suppose que non. Mais elle est blonde et elle s’appelle Katiiiie. » dis-je en prenant un accent aigu.

Cela le fit rire. Je sentais qu’il commençait à se détendre un peu.

_ « C’est vrai que c’est un peu handicapant ! »

Un silence s’installa entre nous. Avant que cela ne devienne trop gênant, j’enchaînais.

_ «Ecoutes, je sais que tu traverses une période difficile. J’en ai moi-même fait l’expérience… » commençais-je.

_ « Comment ça ? » s’étonna-t-il.

_ « Eh bien, un jour, je me suis réveillée et j’étais devenue… comme ça. Sans explications ni mode d’emploi. »

_ « Ah oui, c’est vrai que c’est un peu rude. » fit-il comme s’il en avait vu d’autres.

_ « Enfin, pour te remonter le moral, tu peux dire te dire que, toi, au moins tu es encore humain. »

Il me regarda étrangement.

_ « Quoi ? » m’alarmais-je.

_ « Tes yeux… ils sont différents. » remarqua-t-il.

_ « Oui, je sais. Ma couleur naturelle est un peu voyante, alors… je la camoufle. » lui expliquais-je.

Il hocha la tête en signe de compréhension.

_ « Je me demandais… tout ce qu’on raconte sur les vampires, c’est vrai ? »

C’était donc ça, la raison de sa réserve. Hier, lorsque je lui avais appris ce que j’étais, il avait pris la nouvelle comme elle venait, sans trop songer aux conséquences que cela engendrait. Mais depuis, il avait eu le temps d’y réfléchir et de mesurer toute ma monstruosité.

_ « Eh bien, certaines choses sont vraies hélas. Mais d’autres sont complètement farfelues.»

_ « Boire du sang humain, c’est vrai ? »

_ « Oui, c’est vrai. Mais pour ma part, je me contente de sang d’animal. »

_ « On peut donc choisir ? » s’étonna-t-il.

_ « Eh bien, oui et non. C’est très dur de résister à l’attrait du sang humain. On n’est jamais à l’abri d’une faiblesse. C’est un combat perpétuel contre ma propre nature. »

Il fit une mine perplexe puis reprit.

_ « Et les pieux dans le cœur, les crucifix, l’ail ? »

_ « Farfelus. »

_ « Le soleil qui brûle, c’est donc également faux ?»

_ « Le soleil ne me brûle pas mais il dévoile ce que je suis réellement. J’évite donc le soleil en public. »

_ « Mais hier, tu es venue en plein jour ! »

_ « Hier, le soleil était caché par de gros nuages blancs. » précisais-je.

Il acquiesça.

_ « Tu es très forte aussi. Et rapide. » ajouta-t-il.

_ « Tu étais plutôt fort toi aussi à la soirée de ta confrérie. Mais maintenant, tu sembles … affaibli. » remarquais-je.

Les orbites de ses yeux étaient cerclées de noir faisant ressortir étrangement le bleu clair de ses yeux. Ses joues étaient creuses et son teint cireux. On aurait dit qu’il était malade. Mais cette impression s’évanouissait dès qu’il souriait et que son visage s’animait.

_ « Oui. Je crois que c’est cyclique. Quelques jours avant la dernière pleine lune, je me suis senti dans une forme olympique. Puis après ma transformation,  je suis devenu faible, malade. »

_ « La pleine lune aura lieu dans deux semaines. Tu vas bientôt recouvrer tes forces.» le consolais-je.

_ « Oui et si tu essaies de me frapper à nouveau, je pourrais me défendre. » rigola-t-il.

Il me jeta un coup d’œil inquiet pour vérifier si je n’avais pas mal pris sa blague. Je le rassurais en souriant.

_ « Pourquoi est-ce que je te frapperais ? » m’indignais-je.

_ « Les deux dernières fois où on s’est rencontré, tu m’as frappé, alors… »

Je ris.

_ « Si tu ne fais pas l’idiot, je ne te frapperais pas. »

Il leva les yeux au ciel de manière théâtrale. 

_ « Pour la deuxième fois, je reconnais que je l’avais mérité. Mais à la soirée, je ne t’avais rien fait. Je voulais juste t’offrir un verre pour te remercier de m’avoir sauvé ! »

Je pouffais. Il n’avait pas dû être déçu.

_ « Ne rigoles pas ! Qu’est ce que j’ai fait qui méritait une telle beigne ce soir-là ? »

_ « Tu sentais mauvais ! »

J’éclatais de rire. Desmond prit un air outré. J’en ris de plus belle.

_ « Je suis désolée. » finis-je par dire. « Je n’aurais pas dû. Je te promets que je ne te frapperais plus. »

_ « Juré craché ? » me fit-il avec un sourire espiègle.

_ « Juré craché » consentis-je.

Nous nous sourîmes mutuellement. Il était difficile de lui résister lorsqu’il souriait. Nos regards se croisèrent un instant et je ressentis comme une décharge électrique qui me fit baisser les yeux.

_ « Tu sais, j’ai le sentiment que je devrais te craindre. Mais je n’y arrive pas. » m’avoua-t-il.

_ « C’est que je ne fais pas très peur… » répondis-je déstabilisée par la tournure de la conversation.

_ « Ce n’est pas ça. Tout à l’heure, tu as parlé de combattre ton instinct. Eh bien, à ce moment même, mon instinct me dicte de prendre mes jambes à mon cou et de te fuir. Mais, je ne comprends pas pourquoi. »

_ « Ah ! » fis-je embarrassée.

Il s’était rapproché de moi. Je sentais son corps chaud irradier sous ses vêtements. Je me surpris à me demander combien de temps mon corps glacé blotti contre le sien mettrait à se réchauffer. Je secouais la tête pour faire sortir cette pensée de ma tête. On ne fantasme pas sur des loups garous, me sermonnais-je.

_ « Les loups garous et les vampires se font la guerre depuis des millénaires. C’est peut-être à cause de ça que ton instinct te met en garde. »

J’avais besoin de parler pour éviter de penser à son corps si près de moi. Mais ma remarque avait plongé Desmond dans un grand désarroi.

_ « Nous sommes en guerre ? » demanda-t-il d’une voix blanche.

_ « Non, non. En fait, je n’en sais trop rien. Je suis vampire depuis même pas un an alors je ne suis pas encore au courant de tout. »

Il me lança un regard étonné.

_ « Quoi ? Tu pensais que j’avais 200 ans ? » lui demandais-je en riant.

_ « Ben … T’avais l’air plutôt calé alors… »

Je lui donnais un coup de coude.

_ « Je vais fêter mes 19 ans dans deux semaines ! » lui annonçais-je, indignée.

_ « Alors je suis plus vieux que toi ! » fanfaronna-t-il.

Ca avait l’air de lui plaire.

_ « Quel âge as-tu ? » demandais-je.

Il n’avait pas l’air beaucoup plus âgé que moi.

_ « 20 ans. » répondit-il fièrement.

Je  haussais les épaules.

_ « Ca fait sacrément une différence ! » ironisais-je.

Notre promenade nous avait ramené près de la confrérie Alpha Delta.

_ « Tu devrais rentrer. Tu dois geler. » lui conseillais-je.

_ « Tu essaies de te débarrasser de moi ? »

_ « Mais non ! » rigolais-je en tentant de cacher ma gêne.

_ « Rentres avec moi. Je te ferais un café. » me proposa-t-il.

_ « Je ne bois pas de café. »

Il me regarda étrangement, cherchant la raison de mon ton sec.

_ « Ah, tu ne bois rien d’autre que du … » comprit-il enfin.

_ « Rien d’autre. » confirmais-je.

_ « Eh bien, rentres avec moi. Tu ne boiras rien et on continuera notre discussion. »

Je ris nerveusement en comprenant l’allusion. Tout cela commençait à ressembler à un flirt en règle.

_ « Non, je dois rentrer. »

_ « Ah » fit-il déçu « Une autre fois alors ? »

_ « D’accord. » fis-je d’une petite voix.

Il commença à s’éloigner vers la vieille bâtisse. Je le regardais marcher dans la neige, les mains enfoncées dans ses poches. Depuis combien de temps était-il dehors ? Est-ce qu’il avait attendu près du Lord Hall pour me voir ?

Est-ce que je lui plaisais ? Je souris. L’idée n’était pas pour me déplaire.

 

 

 

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